AG/11232

Assemblée générale: Lutter contre le trafic de drogues en Amérique centrale exige une coopération entre pays producteurs, pays consommateurs et pays de transit

16/05/2012
Assemblée généraleAG/11232
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Assemblée générale

Soixante-sixième session

Débat thématique – matin


ASSEMBLÉE GÉNÉRALE: LUTTER CONTRE LE TRAFIC DE DROGUES EN AMÉRIQUE CENTRALE EXIGE UNE COOPÉRATION

ENTRE PAYS PRODUCTEURS, PAYS CONSOMMATEURS ET PAYS DE TRANSIT


Au cours d’un débat de haut niveau sur le crime organisé, des délégations demandent

l’application de la règle de la responsabilité commune mais différenciée pour combattre ce fléau


L’Assemblée générale a organisé pour la première fois aujourd’hui, au niveau ministériel, et en présence du Secrétaire général de l’ONU, un débat thématique de haut niveau sur « la sécurité en Amérique centrale en tant que défi de dimension régionale et mondiale ».  Considérant que les pays de cette région sont pris dans l’étau formé par les pays producteurs de drogues d’une part et par ceux qui en sont consommateurs de l’autre, et alimentent la demande en stupéfiants, de nombreux intervenants ont plaidé en faveur de la reconnaissance et de l’application de la règle de la responsabilité commune mais différenciée dans les efforts de lutte contre ce fléau.


Tout en soulignant les progrès indiscutables accomplis par les pays d’Amérique centrale dans la consolidation de l’état de droit, le Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, a souligné les nombreux défis qui restent à relever dans cette région devenue une plaque tournante des trafics de stupéfiants en direction de l’Amérique du Nord et de l’Europe, et où circulent aussi illicitement des armes légères et de petit calibre en même temps qu’y fleurissent des réseaux de transit d’immigrants illégaux contrôlés par des « passeurs ».


Ces défis se posent de manière particulièrement aigüe dans le triangle formé par El Salvador, le Guatemala et le Honduras, a constaté le Secrétaire général.  Coincés entre les pays producteurs de stupéfiants d’Amérique du Sud et les pays occidentaux consommateurs, l’Amérique centrale affiche désormais les taux d’homicides les plus élevés au monde.  Trente-neuf meurtres sont commis au Guatemala pour 100 000 citoyens, 72 pour 100 000 à El Salvador, et 86 pour 100 000 au Honduras, soit 10 fois plus que la moyenne mondiale, a déploré M. Ban.


Face à cette triste réalité, l’Assemblée générale s’est donc réunie aujourd’hui sous l’égide de son Président, M. Nassir Abdulaziz Al-Nasser, du Qatar, dans un souci de promouvoir et de soutenir la mise en œuvre de la stratégie de sécurité de l’Amérique centrale, adoptée lors du Sommet des chefs d’État d’Amérique centrale qui s’est tenu en juin dernier, dans l’espoir d’en faire une « région sûre, paisible, évoluant dans un cadre de liberté, de démocratie et de développement ».


Les participants au débat thématique ont reconnu le rôle de leadership joué par le Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA), qui est présidé par M. Arturo Corrales Alvarez, Ministre des affaires étrangères du Honduras.  Au cours d’un dialogue interactif, celui-ci a expliqué que plusieurs milliards de dollars avaient déjà été engloutis à ce jour dans les programmes de répression et de lutte contre la criminalité transnationale organisée, au détriment de projets éducatifs, de la promotion d’infrastructures de santé ou du renforcement des capacités dont la région a besoin.


Tous les pays d’Amérique centrale étaient respectivement représentés à un niveau élevé à ce débat par M. Mario Zamora Cordero, Ministre de la sécurité publique du Costa Rica; M. Carlos Raùl Morales Moscoso, Vice-Ministre des affaires étrangères du Guatemala; M. Alexandro Garuz Recuero, Vice-Ministre de la sécurité du Panama; M. Brìgido Ruiz, Vice-Ministre de l’intérieur et de la police de la République dominicaine; M. Douglas Mauricio Moreno Recinos, Vice-Ministre de la justice et de la sécurité publique d’El Salvador; Mme Aminta Granera, Chef de la Police nationale du Nicaragua; et par le colonel George Lovell, Vice-Ministre de la sécurité du Belize.


Le colonel Lovell a expliqué que les efforts déployés par les pays d’Amérique centrale pour faire face à l’insécurité grandissante avaient abouti à l’établissement d’une stratégie dite du « triangle » dans laquelle sont impliqués le Guatemala, El Salvador et le Honduras, qui sont les trois pays considérés comme étant les plus directement touchés par les violences.


M. Lovell a proposé aujourd’hui que cette stratégie puisse devenir celle du « rectangle », afin de prendre en compte les besoins spécifiques du Belize, pays qui fait face à des situations comparables à celles des trois États précédemment évoqués.


Dans un souci d’aller au-delà de la coopération régionale, M. Pietro Grasso, procureur de la lutte antimafia en Italie, a cité en exemple la coopération entre l’Italie et la Colombie, dans le cadre de laquelle une opération conjointe entre les deux pays a permis de démanteler, l’an dernier, un vaste réseau de trafiquants qui dissimulaient la cocaïne dans des blocs de marbres funéraires en partance pour la Calabre.  Cette opération a permis l’arrestation de 200 personnes et la saisie de 500 kilogrammes de cocaïne, s’est félicité le procureur.


DÉBAT THÉMATIQUE SUR LE THÈME « LA SÉCURITÉ EN AMÉRIQUE CENTRALE EN TANT QUE DÉFI DE DIMENSION RÉGIONALE ET MONDIALE: COMMENT PROMOUVOIR ET METTRE EN OEUVRE LA STRATÉGIE DE SÉCURITÉ DE L’AMÉRIQUE CENTRALE »


Déclarations liminaires


M. NASSIR ABDULAZIZ AL-NASSER, Président de l’Assemblée générale, a relevé dans sa déclaration d’ouverture que les pays d’Amérique centrale font face à une vague de violence née de la criminalité transnationale organisée et du trafic de drogues.  Le trafic d’êtres humains, le trafic des migrants, et les enlèvements de personnes ont également fait leur lit dans les sociétés d’Amérique centrale, a-t-il noté.  Il a ensuite indiqué que les menaces criminelles qui affectent l’Amérique centrale sont en train de freiner le développement économique de la région, tout en corrompant aussi les processus politiques et légaux des pays touchés, y détruisant la confiance du public et sapant les avancées faites dans le domaine du développement. 


M. Al-Nasser a noté que l’Assemblée générale reconnaît que malgré les efforts permanents des États, d’organisations internationales, de la société civile et d’organisations non gouvernementales, la question de la production, du trafic et de la consommation de drogues à travers le monde continue de poser une sérieuse menace à la sécurité de la communauté internationale.  Il a également relevé que la « stratégie de sécurité régionale en Amérique centrale » représente une étape importante pour faire face à ces fléaux.  Cette stratégie, a t-il rappelé, a été adoptée au Sommet des chefs d’États de l’Amérique centrale qui s’est tenu en juin dernier, afin de créer une « région sûre, paisible, évoluant dans un cadre de liberté, de démocratie et de développement ».  M. Al-Nasser a également souhaité que l’équipe spéciale des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée et le trafic de drogues puisse permettre le renforcement de la sécurité régionale en Amérique centrale.  Le Président de l’Assemblée générale a indiqué que le débat thématique de haut niveau de ce jour se tient à un moment opportun, car la sécurité en Amérique centrale n’est pas une question qui interpelle seulement cette région, mais également de nombreux autres pays situés dans d’autres régions du monde, et qui sont affectés par l’insécurité en Amérique centrale.  Il a ensuite souligné que des solutions efficaces au problème qui se pose peuvent être trouvées à travers un partenariat entre nations.  


M. BAN KI-MOON, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, a rappelé que les Nations Unies avaient de longue date travaillé avec les pays d’Amérique centrale en vue de promouvoir la paix, la liberté et le développement dans la région.  Si les conflits armés qui ont embrasé la région par le passé ont cessé, que la violence politique y est en chute libre, et que les progrès démocratiques y sont en voie de consolidation, il n’en reste pas moins que de nombreux défis demeurent, a-t-il fait observer.  Ces défis se posent de manière particulièrement aigüe dans le triangle formé par El Salvador, le Guatemala et le Honduras, où les violences se multiplient, alimentées par la criminalité transnationale organisée et le trafic de stupéfiants, a constaté le Secrétaire général.  Coincés entre les pays producteurs de stupéfiants et certains des pays grands consommateurs de l’hémisphère Nord, leur proximité géographique a encouragé la criminalité, a noté M. Ban.  La région héberge les taux d’homicides les plus élevés du monde: 39 meurtres pour 100 000 citoyens au Guatemala, 72 pour 100 000 à El Salvador, et 86 pour 100 000 au Honduras, soit 10 fois plus que la moyenne mondiale.  Dans les pays de la région, un homme sur cinquante, âgé de 20 ans, sera assassiné avant d’atteindre l’âge de 32 ans, ce qui correspond à 400 fois le taux d’assassinat constaté dans des pays à faible taux d’homicides.  Cette crise est encore aggravée par l’émergence de crimes nouveaux, a pointé le Secrétaire général: enlèvements, trafics de migrants et traite des êtres humains, sans compter la circulation illicite d’armes à feu.


Face à un tel fléau, la Stratégie sécuritaire d’Amérique centrale –adoptée par les dirigeants en juin 2011– marque un nouveau départ, et le Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA) joue à cet égard un rôle de leadership, a rappelé M. Ban.  Quant aux Nations Unies, a assuré le Secrétaire général, elles se tiennent prêtent à assister ces pays dans leurs efforts.  « Mais la drogue et le crime ne sont pas simplement une question entre le Nord et le Sud, ils concernent également l’Est et l’Ouest.  L’Amérique centrale est une passerelle en direction de l’Amérique du Nord, mais les Amériques sont aussi une étape vers l’Europe », a relevé M. Ban.  Aujourd’hui, a-t-il rappelé, la consommation de cocaïne en Europe est à peu près comparable à celle observée en Amérique du Nord.  En outre, l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest, deux régions vulnérables, constituent désormais deux des itinéraires privilégiées des trafics de stupéfiants vers l’Europe.  Tous ces phénomènes soulignent la nécessité d’aller au-delà d’une approche régionale, a poursuivi le Secrétaire général, qui a rappelé que c’est en gardant cette exigence à l’esprit qu’il avait établi, l’an dernier, un Groupe de travail sur la criminalité transnationale organisée et le trafic de stupéfiants.  Il a affirmé que les législations et les réglementations nationales doivent être harmonisées, et qu’un accent doit être mis sur la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent.  Les efforts entrepris par la communauté internationale seront intensifiés afin de pouvoir prêter assistance aux pays d’Amérique centrale, a promis en conclusion le Secrétaire général, lançant un appel à l’unité aux États Membres.


Mme PAOLA SEVERINO, Ministre de la justice de l’Italie, a salué la création, par le Secrétaire général des Nations Unies, de l’équipe spéciale des Nations Unies de lutte contre la criminalité transnationale organisée et le trafic de drogues.  Elle a précisé que cette équipe devrait permettre de fédérer les initiatives existant dans ces domaines.  La criminalité transnationale organisée met en péril la sécurité des citoyens et freine la croissance économique, a-t-elle expliqué.  Elle a ensuite souligné que la lutte contre ce fléau ne doit pas se faire de manière isolée, car la performance économique et la sécurité, ainsi que la stabilité politique sont liées.


La Ministre a souhaité une coopération internationale solide dans ce contexte, et la mise en place d’un large éventail de mesures.  Elle a notamment évoqué le besoin pour les pays de disposer d’une justice et d’institutions de police plus fortes, de lois plus efficientes, et d’apporter ou de recevoir un soutien au développement économique et social.  Mme Severino a indiqué que l’Italie parle des questions de criminalité et de trafic de drogues avec une expérience en la matière.  Elle a souligné que les conventions des Nations Unies sur le trafic des drogues et sur la criminalité transnationale organisée, ainsi que contre la corruption, sont les meilleures armes dont dispose la communauté internationale pour lutter contre ces phénomènes.  Par la suite, elle a évoqué le juge Giovanni Falcone, dont la commémoration de l’assassinat par la mafia aura lieu la semaine prochaine.  Giovanni Falcone a combattu la criminalité transnationale organisée en Italie, a-t-elle rappelé. 


Mme Severino a réaffirmé l’engagement de l’Italie dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée, et a également rappelé que l’Italie présente chaque année une résolution sur la criminalité devant l’Assemblée générale.  La Ministre italienne de la justice a ensuite annoncé que l’Italie va organiser, l’année prochaine, une session de formation de formateurs qui accueillera 20 officiers de police du Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA), et dont certains modules seront consacrés spécifiquement aux enquêtes concernant les crimes financiers impliquant les organisations criminelles.  Elle a dans ce cadre rappelé l’une des innovations du juge Falcone, à savoir la confiscation des biens issus de la criminalité transnationale organisée.  Grâce à cette initiative du juge Falcone, 1,8 milliard d’euros illicitement acquis ont déjà été recouvrés au 15 décembre 2011.  Ces fonds sont reversés aux projets de développements mis en place par des communes et des agences gouvernementales.  Ils servent à financer des programmes sociaux, a précisé la Ministre.


M. ARTURO CORRALES ALVAREZ, Ministre des affaires étrangères du Honduras et Président pro tempore du Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA), a rappelé que le SICA était le cadre institutionnel de l’intégration économique régionale des pays d’Amérique centrale que sont le Belize, le Costa Rica, El Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua et Panama.  Il a fait observer que l’Amérique centrale, grâce à sa situation géographique privilégiée entre le Nord et le Sud, pourrait faciliter cette intégration régionale et contribuer à la réalisation du développement économique des États concernés.  Or, a regretté le Ministre, notre région est dévoyée par les réseaux de criminalité transnationale organisée qui en font la plaque tournante de leurs trafics en tout genre.  Malgré les sommes colossales englouties dans la répression et la justice, qui s’élèvent à plus de 3 000 milliards de dollars à ce jour, les violences et les trafics illicites d’armes légères et de petit calibre ou de stupéfiants se poursuivent avec insistance.  Pour M. Alvarez, la seule solution à cette crise est d’engager une lutte sans merci contre ces trafics.  « Mais nous ne pourrons pas en assumer seuls les coûts, non seulement en raison de notre petite taille, mais aussi parce que nos pays ne peuvent pas être tenus pour responsables de la demande de stupéfiants qui a son origine dans d’autres pays », a prévenu M. Alvarez.  Aussi, a-t-il lancé un appel aux États Membres en faveur d’une action concertée et collective.


Débat ministériel


M. MARIO ZAMORA CORDERO, Ministre de la sécurité publique du Costa Rica, a rappelé que le Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA) apparait comme le cadre idoine de coordination des actions lancées par les pays de la région pour faire face à la criminalité transfrontalière organisée.  Il a estimé que la faiblesse des structures sociales et la pauvreté sont les causes profondes qui ont permis à la criminalité transfrontalière organisée de s’implanter dans les pays d’Amérique centrale.  Il a relevé que la suppression des visas entre pays d’Amérique centrale a également favorisé les flux de populations, ainsi que le trafic de migrants et de stupéfiants.  Il a ensuite souligné les efforts déployés par les institutions des pays de la région pour le renforcement des institutions de police et des structures et règles pénitentiaires, avec le soutien de l’Italie.


Le Ministre de la sécurité publique du Costa Rica a rappelé que le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) estime que 40% des fonds reçus par les pays d’Amérique centrale pour les programmes de développement sont consacrés à la lutte contre la criminalité et la lutte contre les stupéfiants, ce qui sape les efforts de développement de la région.  C’est pourquoi, a-t-il expliqué, la coopération internationale est cruciale pour les pays d’Amérique centrale, a-t-il insisté.  Il a souligné que le Costa Rica a mis l’accent sur la prévention face à ces fléaux.  Il a rappelé que son pays a supprimé ses forces armées afin de reverser les ressources qui leur étaient affectées vers les secteurs de la santé et de l’éducation.  Il a en outre indiqué que le Costa Rica veut mettre l’accent sur la formation des forces de police et sur la législation ayant un rapport avec la criminalité organisée.  Il a ajouté que s’il ne parvient pas à disposer des ressources nécessaires à la lutte contre les activités criminelles, le Costa Rica ne pourra pas être efficace dans la conduite de différentes initiatives lancées à cet égard.  


M. CARLOS RAÙL MORALES MOSCOSO, Vice-Ministre des affaires étrangères du Guatemala, a déclaré que son pays se trouvait dans une région qui est un pont entre deux autres zones géographiques.  Les cadres institutionnels sont faibles en Amérique centrale, ce qui constitue un terreau favorable à la délinquance, a-t-il noté.  En Amérique centrale, a-t-il rappelé, nous ne sommes ni de grands consommateurs, ni de gros producteurs de stupéfiants, mais nous sommes en revanche des pays de transit de la drogue, ce qui suppose l’adoption d’une approche collective pour mettre fin à cette situation.  Cependant, les mécanismes actuels n’ont engendré que davantage de problèmes économiques, a estimé le Vice-Ministre, pour qui les ressources engagées dans la répression auraient du être consacrées à la santé, à l’éducation ou encore au renforcement des capacités.  Il a donc recommandé l’établissement d’une structure judiciaire ayant juridiction régionale pour traiter de toutes les affaires liées à la criminalité transnationale organisée.  Un groupe d’experts pourrait réfléchir aux options possibles à cet égard, a-t-il proposé.  Par ailleurs, il a expliqué que la stratégie sécuritaire de l’Amérique centrale, qui regroupe 22 projets régionaux, devait être soutenue financièrement afin d’atténuer les souffrances des familles d’Amérique centrale.  La coresponsabilité des pays consommateurs et producteurs de drogues est donc plus que jamais nécessaire dans ce cadre, tout comme l’est la coopération directe avec le citoyen ordinaire, pour que celui-ci comprenne que nous luttons concrètement contre ce fléau, a dit M. Morales Moscoso.


M. ALEXANDRO GARUZ RECUERO, Vice-Ministre de la sécurité du Panama, a estimé qu’il est important, dans la lutte contre la criminalité transfrontalière organisée, d’impliquer les pays qui sont principalement concernés et qui sont ceux de l’Amérique centrale.  Il a rappelé les mesures prises au niveau régional pour lutter contre les fléaux découlant de ce phénomène, notamment des actions engagées dans le cadre du Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA), et a souhaité que les États qui souhaitent soutenir ces pays puissent adhérer à la stratégie sécuritaire d’Amérique centrale.  M. Garuz Recuero a également précisé que ce sont les mesures prises et menées de manière collective qui peuvent être les plus efficaces.


M. BRÌGIDO RUIZ, Vice-Ministrede l’intérieur et de la police de la République dominicaine, a mis dans son intervention l’accent sur la coordination au niveau régional, et a indiqué que son propre pays s’était lancé dans un plaidoyer vigoureux en faveur du renforcement de la sécurité en Amérique centrale.  À l’échelle nationale, le Gouvernement de la République dominicaine est parvenu, a-t-il dit, à limiter considérablement les violations de son espace aérien par les appareils utilisés par des narcotrafiquants grâce à l’installation de radars supplémentaires et le déploiement de vols de surveillance, et ce, dans le cadre d’une assistance technique venant des États-Unis, de l’Union européenne et de la Colombie, notamment.  Enfin, la République dominicaine, a affirmé M. Ruiz, est pleinement impliquée dans la mise en œuvre du « Plan de sécurité démocratique », dont les quatre volets principaux sont: la réforme et la modernisation de la police nationale, la sécurité des quartiers, la sécurité des municipalités, et la protection des victimes.


Le colonel GEORGE LOVELL, Vice-Ministre de la sécurité du Belize, a indiqué que les efforts engagés par son pays dans le cadre de la lutte contre la criminalité transnationale organisée se font dans un cadre bien organisé.  Il a expliqué que les efforts déployés par les pays de la région d’Amérique centrale pour faire face à ce fléau avaient donné lieu à l’instauration d’une stratégie dite du « triangle » dans laquelle sont impliqués le Guatemala, El Salvador et le Honduras.  M. Lovell a proposé que cette stratégie puisse passer de l’approche dite du « triangle » à celle dite du « rectangle », afin de prendre en compte les besoins du Belize, pays qui fait face à des situations comparables à celles de ces pays déjà impliqués dans la stratégie du « triangle ».


M. DOUGLAS MAURICIO MORENO RECINOS, Vice-Ministre de la justice et de la sécurité publique d’El Salvadora rappelé que dans la mise en œuvre de tous les projets entrepris à l’échelle régionale contre le crime transnational organisé, les pays d’Amérique centrale devaient mettre l’accent sur l’évaluation constante de la mise en œuvre.  Il a également souligné que l’approche régionale du SICA avait permis de garantir l’unité entre ses États Membres, « car nous avons identifié nos problèmes communs et su formuler des solutions coordonnées » dans un cadre institutionnel commun.  Mais il faut maintenant aller au-delà de la dimension régionale pour mettre en œuvre des projets répondant à la dimension internationale du trafic de stupéfiants, a préconisé le représentant salvadorien.  Il a indiqué que, lors de la réunion du SICA en date du 30 mars dernier sur le thème du développement durable et de la sécurité, les Présidents d’El Salvador, du Honduras et du Nicaragua avaient émis des réserves sur la question de la dépénalisation des drogues.  « Cette question pourrait être examinée au niveau international, et une discussion pourrait être organisée sous l’égide des Nations Unies afin d’y réfléchir de manière concertée », a suggéré le représentant en conclusion de son intervention.


Mme SIMONE MONASBIAN a lu un message du Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), M. Yury Fedotov.  Dans ce message, M. Fedotov a rappelé que dans ses statistiques pour l’année 2010, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) établit que le tiers des 18 500 homicides ayant eu lieu en Amérique centrale était attribuable à la criminalité transnationale organisée.  Il est du devoir de la communauté internationale, y compris les Nations Unies, d’apporter une assistance aux pays de la région, a-t-il souligné dans son message.  Il a précisé que cette assistance devrait se faire dans le cadre des conventions des Nations Unies pertinentes en la matière.  Il a également précisé que malgré le fait que l’Amérique centrale soit particulièrement touchée par ces fléaux découlant du crime transnational organisé, les solutions devraient être mondiales. 


Les pays d’Amérique centrale, a noté le Directeur exécutif de l’ONUDC, sont géographiquement situés entre les pays producteurs de drogues, au Sud, et au Nord, les pays dont les populations créent la demande en drogues et en stupéfiants.  Il a rappelé qu’aucune région du monde ne vit en autarcie, et que de ce fait, la nature interconnectée des activités de trafic des stupéfiants et la criminalité qui en résulte ont besoin que des solutions interrégionales soient adoptées et mises en œuvre pour y mettre un terme.  Il a ajouté que les pays d’Afrique de l’Ouest se trouvent désormais impliqués, étant utilisés comme zone de transit entre les pays producteurs de drogues d’Amérique et les pays consommateurs d’Europe.  Il a expliqué ainsi que l’ONUDC envisage de créer un lien entre les programmes qu’elle mène en Amérique et ceux mis en place en Afrique de l’Ouest.  L’ONUDC compte aussi renforcer ses programmes régionaux intégrés.  Dans ce contexte, M. Fedotov a évoqué la création, par l’ONUDC, d’un centre régional au Panama, et la mise en place d’un centre d’excellence au Mexique et en République dominicaine.  Il a expliqué que cette approche régionale vise également l’appropriation, par les pays concernés, de la lutte contre la criminalité transnationale organisée et le trafic de drogues.  Le Directeur exécutif de l’ONUDC a enfin rappelé que pour que ces initiatives soient couronnées de succès, tous les pays, dans toutes les régions du monde, doivent participer à l’effort de lutte contre la criminalité transnationale organisée et le trafic de drogues.


Table ronde interactive


Présentations des panélistes


Mme ABIGAIL BENZADON COHEN, Secrétaire générale du Conseil de la transparence contre la corruption du Panama, a indiqué que la criminalité transnationale organisée « gangrénait » l’état de droit en s’appuyant sur une culture de corruption dans tous les secteurs d’activité.  Elle s’est donc félicitée de l’existence de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, premier instrument juridique à formaliser la volonté de la communauté internationale de lutter contre ce phénomène.  Parmi les principales mesures prises par le Panama, Mme Cohen a cité la professionnalisation du système judiciaire, la modernisation des moyens d’enquête de police et la mise en place de programmes d’assistance aux victimes de crimes.  Elle s’est dite en outre favorable à l’échange de bonnes pratiques institutionnelles et juridiques entre États, comme c’est actuellement le cas dans le cadre du SICA.


Mme AMINTA GRANERA, Chef de la Police nationale du Nicaragua, s’est dite convaincue qu’aucun pays ne pouvait être efficace tout seul et a plaidé pour que tous les pays travaillent ensemble en matière de police.  Tous les projets mis en œuvre dans le cadre du SICA devaient couvrir l’ensemble des États membres de cette organisation, a-t-elle préconisé.  Au-delà de l’approche régionale entre pays concernés, la responsable de la Police nationale du Nicaragua a aussi insisté sur la nécessité d’impliquer tous les acteurs pertinents au niveau international.  Le fait de tenir un débat comme celui de ce jour dans cette enceinte est un appel en ce sens, a-t-elle poursuivi, soulignant l’importance de traiter à pied d’égalité tous les crimes transnationaux, qu’il s’agisse du trafic de stupéfiants ou d’armes légères et de petit calibre ou encore de la traite humaine.  Sur la base de son expérience de 33 ans dans la Police nationale nicaraguayenne, Mme Granera a assuré que les « espaces de sécurité » se construisent uniquement à partir des communautés et au service de ces mêmes communautés.  Toute stratégie doit donc s’appuyer sur l’inclusion de ces communautés, a-t-elle insisté.  Le travail policier et le travail de l’État doivent donc être communautaires, a-t-elle recommandé.  Par ailleurs, a-t-elle ajouté, le principe de la responsabilité commune mais partagée doit être assumé avec plus de vigueur que jamais, en gardant à l’esprit l’importance de « permettre à l’Amérique centrale de décider par où il nous faut commencer et quelle sera la voie à suivre ».


M. PIETRO GRASSO, Procureur de la lutte antimafia en Italie, a rappelé que l’État italien, ainsi que le Bureau national pour la criminalité transnationale organisée qu’il a établi, avait accumulé une expérience judiciaire considérable dans la lutte contre ce fléau, mais que ces efforts s’étaient traduits par l’assassinat de 12 juges et procureurs.  Exprimant le sentiment de solidarité de son pays vis-à-vis de l’Amérique centrale, M. Grasso a annoncé que l’Italie était prête à signer un protocole d’accord avec le SICA.  À l’heure actuelle, notre Gouvernement, a-t-il dit, rédige, en coopération avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et Interpol, une compilation de pratiques optimales qui servira de guide pratique aux magistrats et aux services de police du monde entier.  La coopération entre les polices de différents pays ne pourra cependant pleinement fonctionner qu’à partir du moment où les législations nationales auront été harmonisées entre elles, a-t-il cependant fait observer.  Le Procureur antimafia a cité comme exemple la coopération entre l’Italie, son pays, et la Colombie.  La Colombie s’est inspirée du modèle développé par l’Italie pour renforcer sa législation pertinente, a indiqué M. Grasso.  Dans ce contexte, des enquêtes ont été menées par le biais d’agents infiltrés dans le milieu du crime entre 2007 et 2011, et une opération conjointe entre les deux pays a permis de démanteler un immense réseau de trafiquants qui dissimulaient la cocaïne dans des blocs de marbres funéraires en direction de la Calabre.  L’opération a permis l’arrestation de 200 personnes et la saisie de 500 kilogrammes de cocaïne.


M. JUAN DANIEL ALEMAN GURDIAN, Secrétaire général du Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA), a rappelé que le SICA est un cadre de coopération des pays de la région, notamment en matière sécuritaire.  Il a expliqué que grâce au SICA, les objectifs et les intérêts sécuritaires sont passés du niveau local au niveau régional afin d’améliorer l’efficacité des mesures sécuritaires prises par chacun des pays d’Amérique centrale.  Il a noté que le fléau de la criminalité transnationale organisée n’a pas pour origine la région d’Amérique centrale, et il a estimé que le principe de la responsabilité commune mais différenciée demande une implication des pays des autres régions du monde pour faire face à ce fléau.  Il a notamment évoqué le soutien financier dont a besoin l’Amérique centrale pour faire face à ces maux, et il a souhaité l’harmonisation des traités existant en la matière à l’échelle internationale.  


Pour M. OSCAR FERNANDEZ-TARANCO, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, de l’ONU, les pays de transit des stupéfiants souffrent d’un taux de violence élevé qui résulte de la tentative, par les groupes criminels, de contrôler le trafic de drogues et ses revenus.  Il a estimé que les efforts internationaux pour faire face à ces fléaux doivent être inclusifs.  Il a rappelé le travail des Nations Unies en la matière, notamment la mise en place récente d’une équipe spéciale des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée et le trafic de drogues, dont les activités relèvent du Département des affaires politiques.  Il a également souligné l’existence du programme de lutte contre l’impunité que les Nations Unies ont lancé au Guatemala, en partenariat avec les autorités du pays.  Il a ensuite rappelé que les Nations Unies appuient le SICA dans son ambition de lutter contrer la criminalité transnationale organisée et le trafic de drogues, et a souhaité que les solutions à ce fléau puissent être trouvées dans un contexte de synergie.


M. JOHN FEELEY, spécialiste des questions de sécurité au Département d’État des États-Unis, a relevé que la lutte contre les fléaux liés à la criminalité transnationale organisée et au trafic de drogues devrait s’appuyer sur le partenariat dans la confiance.  Il a estimé que les solutions à ces fléaux viendront d’abord des pays d’Amérique centrale, et il a précisé que les États-Unis étaient prêts à y apporter leur contribution.  Il a annoncé, à cet effet, que les États-Unis allaient doubler le montant de 16 millions de dollars du fonds pour l’assistance à l’Initiative de sécurité pour l’Amérique centrale(CARSI).  M. Feeley a indiqué que ces fonds devraient appuyer des programmes de prévention de la violence et permettre de mettre fin a la main mise des gangs sur les rues et autres espaces urbains.  Il a rappelé que 7,7% du produit intérieur brut (PIB) collectif de l’Amérique centrale sont perdus, car ils vont au financement des efforts de lutte contre la criminalité transnationale organisée.  Il a évoqué des solutions, comme par exemple la mise en place de forces de police professionnelle disposant de personnels recevant des rémunérations adéquates, afin, a-t-il expliqué, que les jeunes ne se tournent vers la criminalité organisée comme source de revenus.  Il a également suggéré la mise en place d’institutions fortes et de structures sociales adéquates dans le cadre de l’amélioration de la lutte contre la criminalité transnationale organisée et le trafic de drogues en Amérique centrale.


Discussion interactive


Le représentant du Honduras a jugé qu’en Amérique centrale, les sommes recouvrées dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent devaient être réaffectées, pour au moins un tiers de leur montant, au renforcement des capacités des forces de police.  Rappelant que son pays avait perdu des juges, des procureurs et des journalistes dans le cadre de ses efforts de lutte contre la criminalité transnationale organisée, il a expliqué que les lois adoptées par le Honduras « et payées au prix fort » continuaient de mettre en danger la vie de tous ceux qui sont engagés dans ce combat.  Il a indiqué qu’il insistait sur ce point dans l’espoir d’attirer l’attention de la communauté internationale sur l’importance d’aider les pays d’Amérique centrale sur la base du principe de la responsabilité commune mais différenciée.


À cet égard, le représentant de l’Australie a expliqué que son pays organisait régulièrement des ateliers de formation en vue de faciliter l’échange de pratiques exemplaires, ateliers auxquels participent de hauts fonctionnaires de la police australienne.  Il s’est toutefois demandé quel était le degré de coopération régionale entre les pays d’Amérique centrale dans la conduite des enquêtes liées à la lutte contre le crime.


De son côté, le représentant de l’Allemagne a indiqué que son pays avait contribué, entre 2011 et 2016, à hauteur de 140 millions de dollars à la lutte contre la criminalité transnationale organisée dans la région d’Amérique centrale.  Rien qu’en 2012, l’Allemagne financera à cet égard des projets à hauteur de 50 millions de dollars, s’est-il félicité.  Le représentant s’est dit convaincu que la prévention et la sensibilisation des jeunes étaient essentielles, dans la mesure où les cartels s’appuient sur des mineurs pour mener à bien leurs trafics.  Au nom de son pays, il a en outre recommandé aux pays d’Amérique centrale de coopérer davantage avec les Nations Unies dans le cadre de la lutte contre l’impunité. 


Le représentant du Pérou a quant à lui mis l’accent sur l’impact qu’ont sur la biodiversité et l’environnement les trafics de stupéfiants, en raison de l’utilisation d’engrais chimiques dans la culture des plantes à stupéfiants et de l’occupation des sols par ces cultures très souvent illicites.  Aussi, a-t-il offert l’expertise du Pérou en matière de promotion de produits agricoles de substitution, comme le cacao ou le café. 


Le représentant du Mexique a quant à lui indiqué que son gouvernement menait ses activités de coopération sur la base du principe de responsabilité commune mais partagée et en insistant sur la régionalisation des projets ayant trait à la lutte contre la criminalité transnationale organisée.


Déclaration de clôture


M. NASSIR ABDULAZIZ AL-NASSER, Président de l’Assemblée générale, a salué la reconnaissance et l’appui des initiatives adoptées par les chefs d’États d’Amérique centrale en juin dernier.  Il a relevé la nécessité de lancer une action à l’échelle mondiale contre la criminalité transnationale organisée et le trafic de drogues, fléaux dont les conséquences sont visibles en Amérique, mais également en Europe et en Afrique.  Il a souligné que les mesures prises doivent se baser sur une approche intégrée, car ces phénomènes, a-t-il expliqué, minent les activités économiques et les institutions des pays concernés.  Le Président de l’Assemblée a souhaité que cette approche puisse inclure le secteur privé et la société civile.  Il a reconnu que les pays de transit du trafic de la drogue paient un lourd tribut, car ils connaissent une hausse de la violence relative aux activités menées par les groupes criminels pour contrôler ce trafic et ses bénéfices.  Pourtant, a-t-il relevé, ces pays de transit ne sont ni producteurs ni demandeurs de stupéfiants.  Il a encouragé les États qui ne l’ont pas encore fait à adhérer aux conventions des Nations Unies pertinentes en ce qui concerne la lutte contre la criminalité transnationale organisée et le trafic de drogues.  Il a également souhaité la mise en place de mesures contre le blanchiment d’argent.  M. Al-Nasser a en outre annoncé la tenue, le 26 juin prochain, d’un débat thématique organisé au Siège des Nations Unies sur le thème: « les drogues et le crime comme menace au développement ».  Ce débat aura lieu à l’occasion de la célébration de la Journée internationale contre l’abus et le trafic illicite de drogues.  « C’est notre responsabilité commune de lutter contre ce fléau », a conclu le Président de l’Assemblée.  


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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