Investir dans les PMA, réservoirs de potentiel inexploité, n’est pas de la charité mais de l’intelligence financière, estime Ban Ki-moon
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INVESTIR DANS LES PMA, RÉSERVOIRS DE POTENTIEL INEXPLOITÉ, N’EST PAS DE LA CHARITÉ MAIS DE L’INTELLIGENCE FINANCIÈRE, ESTIME BAN KI-MOON
On trouvera ci-après le texte de la déclaration du Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, à l’ouverture de la quatrième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés (PMA), le 9 mai, à Istanbul:
Je tiens tout d’abord à remercier M. Gül de sa déclaration liminaire, de son hospitalité et de l’intérêt qu’il attache à notre conférence.
Rares sont les lieux qui se prêtent aussi bien à la tenue de la première grande conférence de la décennie, consacrée au développement. Istanbul est le point de convergence des cultures, la croisée des continents. Vous êtes un pont entre le nord et le sud, l’est et l’ouest. Nous sommes ici pour continuer de bâtir le pont dont nous avions entamé la construction, il y a 40 ans.
En 1971 en effet, la communauté internationale recensait 25 « PMA », c’est-à-dire les membres les plus pauvres et les plus faibles de la famille des nations, ceux qui ont besoin d’une attention et d’une assistance particulières. Il existe aujourd’hui 48 PMA. Ils comptent environ 900 millions d’habitants, soit 12% de la population mondiale, dont la moitié vit avec moins de 2 dollars par jour.
Ils souffrent en proportion anormale de maladies pour la plupart faciles à éviter. Ils sont les plus vulnérables aux catastrophes naturelles, à l’évolution de l’environnement et aux crises économiques. Ils sont ceux où la sécurité est la plus incertaine. Huit des 15 opérations de maintien de la paix des Nations Unies ont pour théâtre un PMA. Ces 10 dernières années, les pays les moins avancés ont été à l’origine d’environ 60% des réfugiés dans le monde.
Les faits sont incontournables. Nous vivons dans un monde déséquilibré et injuste. Les pays les moins avancés comptent 12% de la population mondiale, alors qu’ils ne représentent que 1% des exportations et moins de 2% de l’investissement direct dans le monde. Le paysage économique mondial s’est métamorphosé ces dernières années.
Depuis l’adoption du Programme d’action de Bruxelles de 2001, beaucoup de PMA ont tiré profit de cette évolution. Mais d’autres ont connu peu de progrès et ont même régressé. Nous courons le risque d’avoir une économie mondiale fracturée avec un fossé croissant entre les riches et les pauvres entre ceux qui ont de l’espoir et ceux qui n’en ont pas. Cela ne peut pas continuer.
J’ai brossé un bien sombre tableau. Mais il en existe un autre, fait d’occasions et de promesses. C’est cette façon de voir que j’aimerais vous présenter aujourd’hui. Il est temps de changer de mentalité. Au lieu de voir les 48 pays les moins avancés comme des pays pauvres et faibles, considérons-les plutôt comme de vastes réservoirs de potentiel inexploité. Investir dans les PMA offre des possibilités à tout le monde.
Premièrement, nous avons la possibilité de libérer les habitants les plus vulnérables de la planète des fléaux que sont la pauvreté, la faim et les maladies évitables. C’est une obligation morale. Deuxièmement, investir dans les PMA peut lancer le mouvement qui contribuera à la relance et à la stabilité de l’économie mondiale. Il ne s’agit pas de charité mais d’intelligence financière. Troisièmement, ces investissements offrent aussi d’énormes possibilités sur le plan de la coopération et de l’investissement Sud-Sud. Les économies émergentes en croissance rapide ont besoin à la fois de ressources et de débouchés. Les pays les moins avancés peuvent fournir les deux, ce qu’ils font d’ailleurs de plus en plus. Quatrièmement, les pays les moins avancés offrent à l’esprit d’entreprise un vaste domaine encore pratiquement vierge.
Nous disposons cette semaine de tous les ingrédients du succès pour forger un véritable partenariat au service du développement. Vous avez accompli un travail considérable de préparation. Vous avez étudié les retombées du Programme d’action de Bruxelles et vous savez ce qui a été fructueux, ce qui n’a pas fonctionné, ce qu’il aurait fallu faire et ce qui reste encore à accomplir.
Les négociations portant sur un nouveau programme sont en cours. Les questions traitées sont complexes, certaines font débat mais toutes sont étroitement liées. Je vous demande d’être ambitieux et de regarder vers l’avenir. Concevez un programme qui aidera le plus grand nombre possible de PMA à sortir rapidement de cette catégorie.
Pour terminer, je voudrais mettre l’accent sur certains secteurs dont les pays les moins avancés et l’économie mondiale peuvent tirer de grands avantages.
Tout d’abord, les capacités de production. La plupart des pays les moins avancés regorgent de ressources et tous ont des populations jeunes et dynamiques. Il faut donner à ces hommes et à ces femmes de vrais emplois et la possibilité d’étudier et de se former afin qu’ils soient en mesure d’exploiter au mieux les atouts que recèle leur pays, comme les minerais, les matières premières, les terres arables, les réserves de biodiversité et le patrimoine touristique.
Il ne sera toutefois pas possible de renforcer les capacités de production sans l’appui d’un secteur privé dynamique et prospère. Or, notre conférence se caractérise en particulier par l’enthousiasme des entreprises. Assurons-nous qu’elles bénéficient d’un environnement favorable à leur expansion. Ce n’est pas un hasard si les trois pays qui viennent de sortir de la catégorie des pays les moins avancés obtiennent également de bons résultats en matière de gouvernance et des principes démocratiques.
Je souhaiterais maintenant évoquer la question de l’aide. Si l’aide publique au développement accordée aux pays les moins avancés a quasiment triplé ces 10 dernières années, elle reste inférieure aux objectifs convenus. Je sais, nous traversons une période difficile. Mais, comme je l’ai déjà dit, l’aide aux pays les moins avancés n’est pas un acte de charité, c’est un investissement avisé. Beaucoup soutiennent également que l’aide actuelle ne porte pas suffisamment sur l’infrastructure économique et les secteurs productifs. De plus de nombreux PMA plient sous le poids d’une dette qui les dépasse. Je prie instamment les créanciers de reconsidérer la situation.
Évoquons maintenant l’agriculture. Ce secteur, qui emploie 70% des travailleurs des PMA, est certainement celui où les investissements sont le plus nécessaires. Nous devons accroître les investissements destinés aux petits exploitants et aux équipements collectifs dont ils ont besoin, c’est-à-dire transférer des technologies adaptées, appuyer l’adaptation aux changements climatiques et protéger les écosystèmes. Nous devons également investir dans des dispositifs de protection sociale et de sécurité.
Au niveau mondial, les prix des denrées alimentaires ont atteint de nouveaux records et les pays les moins avancés pourraient bien se trouver face à une nouvelle crise vivrière et nutritionnelle. Dans beaucoup d’entre eux, les pauvres dépensent plus de la moitié de leur revenu pour s’alimenter. Plus de 40% des enfants ne peuvent grandir et se développer normalement parce qu’ils sont mal nourris. Or, un pays qui ne peut nourrir ses enfants ne peut pas non plus prospérer.
Je terminerai par le commerce. La communauté internationale n’a pas été capable de remplir les engagements du Consensus de Monterrey et de la Déclaration de Doha sur le financement du développement. J’appelle de nouveau à conclure les négociations commerciales multilatérales du Cycle de négociations de Doha pour le développement. Il serait vain d’aider les pays les moins avancés à cultiver des denrées et des autres produits de base, à produire des marchandises et à développer des services s’ils ne peuvent les vendre sur le marché mondial dans des conditions
Le système des Nations Unies continuera de placer la problématique des pays les moins avancés en tête de ses priorités dans l’ensemble de ses programmes. Nous nous appliquerons à travailler avec tous nos partenaires à la mise en œuvre du nouveau programme d’action.
La qualité d’une société se mesure à la manière dont elle traite ses déshérités. C’est vrai aussi pour la communauté internationale. Ce n’est pas le moment de nous détourner, c’est celui de renforcer notre soutien.
Ces 20 dernières années, les économies émergentes ont connu des progrès spectaculaires et les pays les moins avancés formeront vraisemblablement la prochaine vague de succès dans le domaine du développement. Je vous le répète encore: je ne vous demande pas d’agir par charité mais d’investir. Les bénéfices peuvent être importants, non seulement pour les habitants des pays les moins avancés mais aussi pour l’économie mondiale. Chaque succès remporté par les pays les moins avancés est un succès pour nous tous.
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