AG/EF/3285

Une table ronde de la Deuxième Commission met en lumière la nécessité de réévaluer les critères de radiation de la liste des pays les moins avancés

15/10/2010
Assemblée généraleAG/EF/3285
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Deuxième Commission

Table ronde – matin


UNE TABLE RONDE DE LA DEUXIÈME COMMISSION MET EN LUMIÈRE LA NÉCESSITÉ DE RÉÉVALUER LES CRITÈRES DE RADIATION

DE LA LISTE DES PAYS LES MOINS AVANCÉS


La révision devrait prendre en compte ce que plusieurs intervenants

ont appelé le « paradoxe insulaire », qui affecte les Maldives, pays néanmoins radié de la liste des PMA


La Commission économique et financière (Deuxième Commission) a entamé ce matin la série de manifestations spéciales inscrite à l’ordre du jour de ses travaux pour cette soixante-cinquième session de l’Assemblée générale en organisant une table ronde qui s’inscrivait dans la préparation de la quatrième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés (PMA), qui se tiendra à la fin du mois de mai 2011 à Istanbul, en Turquie.


Les PMA sont une catégorie de pays créée en 1971 par les Nations Unies, au sein de laquelle sont regroupés les pays les moins développés au plan socioéconomique.  Ils présentent les indices de développement humain (IDH) les plus faibles et doivent à ce titre faire l’objet d’une attention particulière de la part de la communauté internationale.


Organisée sur le thème: « Un appui international renforcé et une transition sans heurt pour les pays les moins avancés sur la voie de leur radiation de la liste », la table ronde d’aujourd’hui était présidée par Mme Enkhsetseg Ochir, Présidente de la Deuxième Commission, et modérée par Cheick Sidi Diarra, Secrétaire général adjoint, Conseiller spécial du Secrétaire général pour l’Afrique et Haut-Représentant pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement.


Un des principaux intervenants à la table ronde, le Ministre des finances du Bangladesh a proposé la création d’une nouvelle catégorisation des pays qui regrouperait les trois précédemment adoptées et citées ci-dessus.  Selon cette proposition, les PMA, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement feraient désormais partie du « Groupe des pays vulnérables et fragiles ».  D’autres intervenants à la table ronde ont plaidé pour une prise en compte du « paradoxe insulaire », qui traduit la vision selon laquelle des petits États insulaires en développement (PEID) seraient radiés de la liste des PMA sans qu’aucune considération ne soit accordée à leur vulnérabilité aux effets des changements climatiques.


Table ronde sur le thème «  Quatrième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés: Un appui international renforcé et une transition sans heurt pour les pays les moins avancés sur la voie de leur radiation de la liste »


Déclarations liminaires


M. ABUL MAAL ABDUL MUHITH, Ministre des finances du Bangladesh, a relevé que les pays en développement étaient confrontés à de nombreux obstacles tels que la crise alimentaire, la crise énergétique et la crise financière.  Rappelant qu’en 1971 le monde ne comptait que 25 pays dans la catégorie des pays les moins avancés (PMA), il a regretté que de nos jours ce nombre soit passé à 49.  Les PMA comptent 12% de la population mondiale, mais ne participent qu’à hauteur de 1% au commerce international, a-t-il fait observer.  M. Abdul Muhith a suggéré le renforcement du rôle du commerce, et la mobilisation de ressources financières substantielles et adéquates comme voies de relance des économies des PMA.  Il faut développer une vision nouvelle dans l’approche du développement, a-t-il recommandé.  À ce propos, il a suggéré la mise en place d’une nouvelle catégorie de pays, qu’il a désigné comme étant « les pays vulnérables et fragiles », et qui seront recensés sur la base de critères tels que l’absence de littoral dont souffre un État, l’étroitesse de son marché intérieur, ou encore son statut insulaire et l’étroitesse de son territoire.  Il a rappelé qu’un pays comme les Maldives pourrait disparaître d’ici 50 ans du fait des conséquences des effets des changements climatiques, dont la montée du niveau des océans, et son propre pays, le Bangladesh, pourrait perdre 20% de ses terres d’ici 40 ans pour les mêmes raisons.  Il faut réviser le plan d’action de développement des PMA en prenant en compte ce nouveau facteur climatique, a suggéré le Ministre des finances du Bangladesh.  Il a estimé que les réformes de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international ne vont pas résoudre tous les problèmes des pays en développement et a plutôt exhorté la communauté internationale à examiner des mesures concrètes comme la facilitation de l’accès des produits des pays en développement aux marchés des pays riches.


M. PATRICK GUILLAUMONT, Professeur émérite de l’Université d’Auvergne (France), a évoqué la question de la transition de « l’inclusion, vers la graduation » d’un pays de la liste des PMA.  Par définition, a souligné M. Guillaumont, « le but final est, pour les États de la catégorie des PMA, de voir le nombre de membres de cette liste diminué de manière progressive, et de parvenir finalement à sa disparition ».  Or, cette catégorie de pays, qui regroupait lors de sa création en 1971, 25 pays, a pratiquement vu sa composante doubler puisqu’elle en inclut 49 en 2010 ».  « Pourquoi donc un taux de graduation si faible? », s’est demandé l’expert.


Tout d’abord, a-t-il expliqué, il existe une asymétrie entre les critères d’inclusion et ceux de radiation de la liste, a-t-il constaté.  Il a rappelé que l’inclusion des pays sur la liste des PMA s’appuyait sur trois critères: le revenu par habitant; le retard dans le développement humain basé sur un indice composite incluant des indicateurs de santé, de nutrition et de scolarisation et la vulnérabilité économique du pays concerné.  La radiation, ou graduation, répond, quant à elle, à quatre critères: tout d’abord, l’incapacité d’un pays à répondre à  deux des critères d’inclusion, et non pas seulement à un seul.  Ensuite les seuils de graduation, contrairement à ceux d’inclusion, bénéficient d’une marge de tolérance.  En outre, pour être recommandé pour sa graduation et sa sortie de la liste des PMA, un pays doit être approuvé comme étant éligible à son exclusion de cette liste lors de deux examens triennaux consécutifs.  Enfin, la graduation effective a lieu seulement trois ans après la décision prise par l’Assemblée générale, a indiqué l’expert.


En raison de cette asymétrie, 18 pays en développement sont aujourd’hui dans une situation intermédiaire, a-t-il poursuivi: d’un côté, ils ne sont pas considérés comme éligibles à la graduation.  Mais de l’autre, s’ils s’apprêtaient à rejoindre la liste des PMA, ils ne pourraient pas y être inclus.  Cinq autres pays à faible revenu, qui ne sont pas considérés comme éligibles sur la liste, ne pourraient pas en être radiés s’ils y figuraient, a poursuivi M. Guillaumont.  Quant aux pays qui contestent leur graduation, ils ont tous en commun le fait d’être des petits États insulaires en développement (PEID), comme c’est le cas des Maldives, qui craignent de perdre les avantages liés à leur statut de PMA, dans un contexte où ils estiment que leur existence même est menacée par les effets des changements climatiques, a relevé M. Guillaumont.  Aussi l’expert a-t-il souligné la nécessité pour la communauté internationale d’assouplir la transition, en se dotant notamment d’un bon indicateur de vulnérabilité aux changements climatiques pour déterminer le niveau des fonds concessionnels qui doivent être attribués à ces États insulaires pour mettre en œuvre leurs stratégies d’adaptation et d’atténuation aux conséquences du réchauffement du climat mondial.


M. PIERRE ENCONTRE, Chef des programmes spéciaux à la Division de l’Afrique, des pays les moins avancés et des programmes spéciaux de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a affirmé que la CNUCED accompagne les pays vers la voie de sortie de la catégorie des pays les moins avancés (PMA).  Il a décrit le chemin et la transition par lesquels passent ces pays.  La sortie d’un pays de la catégorie des PMA, a-t-il relevé, se désigne par le terme graduation.  Tout d’abord, le Comité pour les politiques de développement constate que le pays en question est éligible à la graduation, a-t-il noté.  Ensuite, le Comité vérifie, trois ans plus tard, que le pays remplit effectivement les critères qui ont été relevés trois ans auparavant avant de proposer alors sa graduation.  Cette graduation est entérinée par le Conseil économique et social d’abord, puis par l’Assemblée générale des Nations Unies.  Après cette étape, le pays entre dans la période dite de transition douce qui dure trois ans et, au cours de laquelle, il doit se préparer structurellement à quitter le statut de PMA.  Rappelant qu’à la fin de cette période de transition douce, le pays perd tous les avantages relatifs au statut de PMA, M. Encontre a souligné que des négociations bilatérales ou multilatérales peuvent tout de même permettre à cet État de garder un certain nombre d’avantages de PMA pour une période de temps déterminée, de commun accord avec ses partenaires.  L’Union européenne a accordé ce genre de dérogation en 2008.


Certains pays, comme les Maldives, peuvent cesser d’être dans la catégorie des PMA mais, rester tout de même très vulnérables du fait de leur situation de petit État insulaire en développement, a-t-il expliqué.  Exhortant la communauté internationale, notamment les pays développés, à tenir compte de la vulnérabilité particulière de certains pays, comme le Botswana, qui n’est plus un PMA, mais souffre tout de même de son enclavement, il a suggéré que les pays développés adoptent des positions souples face à ces pays qui ne constituent pas pour eux des concurrents commerciaux sérieux.


M. AHMED NASEEM, Ministre d’État chargé des affaires étrangères des Maldives, a évoqué la situation de son pays, qui est un petit État insulaire en développement, et a été radié de la liste des PMA, cette décision prenant effet à compter du 1er janvier 2011.  Il a expliqué que le développement constant des Maldives au cours des 40 dernières années était lié à l’expansion de l’entreprenariat et de l’industrie touristique locale.  Toutefois, a-t-il précisé, cette croissance économique réelle s’est traduite par de graves disparités au sein de la population, en raison d’un déficit de bonne gouvernance et d’une corruption endémique.  Le Ministre a ensuite contesté la pertinence des critères d’évaluation qui président à la graduation des PMA, soulignant que les coûts de l’adaptation aux changements climatiques devraient être pris en compte par les indicateurs de bien-être et de vulnérabilité.  M. Naseem a affirmé que les Maldives n’avaient jamais été en mesure de respecter le critère de vulnérabilité économique fixé par le Comité des politiques de développement des Nations Unies.  Il est donc indispensable pour la communauté internationale de reconsidérer les limites imposées actuellement aux États bénéficiant du concept de « traitement spécial et différencié », a-t-il préconisé.  La situation des petits États insulaires en développement met cruellement en lumière ce besoin, a dit le Ministre, avant de qualifier la situation actuelle des Maldives de « paradoxe insulaire ».


M. PETER THOMPSON, Directeur pour les accords de partenariat économique et de développement à la Direction générale du commerce de la Commission européenne, a souligné les efforts déployés par l’Union européenne pour mettre en œuvre le Plan d’action de Bali.  Évoquant la question de l’accès au marché, il a déclaré que l’Union européenne avait tenu ses engagements de fournir un accès total et libre de droits de douanes à toutes les importations en provenance des pays les moins avancés (PMA), en dehors des armes.  Il a souligné que l’aide publique au développement (APD) devait être liée à d’autres sources de financement, conformément au Consensus de Monterrey et à la Déclaration de Doha.  S’agissant des PMA, l’Union européenne a porté son aide, qui était de 7,5 milliards d’euros en 2000, à 13,5 milliards en 2009.  Une telle aide, a-t-il dit cependant, sera insuffisante pour leur permettre de réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).  Il a appelé d’autres donateurs et puissances émergentes à contribuer plus substantiellement à l’APD.


Discussion interactive


Le représentant du Népal a estimé que les PMA étaient extrêmement marginalisés dans l’économie mondialisée, que ce soit sur les plans logistique, de l’accès au commerce ou de la vulnérabilité aux changements climatiques.  L’appui réclamé par ces pays est donc parfaitement justifié au vu des difficultés qu’ils rencontrent par rapport à d’autres pays en développement, a-t-il estimé.  À cet égard, il s’est dit satisfait de l’assouplissement en cours des critères d’inclusion à la liste des PMA.  Mais le rapport sur les investissements au niveau mondial indique que les flux financiers en direction des PMA ont baissé en 2010, ce qui est source de pessimisme, dans un contexte de crises où les prix des denrées alimentaires ont doublé en l’espace de quelques années et où presque tous les PMA sont des importateurs nets de produits de base.


Son homologue de l’Ouganda a indiqué que des PMA sans littoral, comme son propre pays, devaient consentir des investissements pour renforcer leur infrastructure et leurs réseaux logistiques.  Les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), créent des obligations fiscales sans générer de base saine pour permettre de trouver les ressources fiscales nécessaires à la promotion de ces infrastructures, a-t-il fait observer.  Le représentant de l’Éthiopie, pays qui est également un PMA, a recommandé pour sa part de mettre l’accent sur le développement agricole, facteur de croissance économique.  Le représentant de l’Australie a indiqué de son côté, que son pays contribuait à hauteur d’un milliard de dollars par an à l’aide en faveur du développement des PMA, mais qu’il comptait dès l’an prochain doubler le montant de cette assistance.


Reprenant la parole à l’issue de ces commentaires, M. Thompson a reconnu que le « paradoxe insulaire » était une réalité.  Il est en effet souvent facile de considérer les petits États insulaires en développement (PEID) comme prospères, alors qu’ils ont des problèmes spécifiques, a-t-il indiqué.  « Il est temps de transformer la générosité purement verbale vis-à-vis des PEID en actes concrets à leur endroit », a ajouté M. Thompson, avant de proposer l’organisation, à l’issue de la prochaine Conférence d’Istanbul sur les PMA, d’une rencontre internationale portant sur la différenciation entre catégories de pays en développement, ceci afin de pouvoir réévaluer et ajuster le type de réponse à apporter à chacune de ces catégories de pays.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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