CONFÉRENCE DE PRESSE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU, M. BAN KI-MOON, AU SIÈGE DES NATIONS UNIES, À NEW YORK, LE 7 OCTOBRE 2008
| |||
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York |
CONFÉRENCE DE PRESSE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU, M. BAN KI-MOON, AU SIÈGE DES NATIONS UNIES, À NEW YORK, LE 7 OCTOBRE 2008
M. Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations Unies: Bonjour, mesdames et messieurs.
Avant de répondre à vos questions, permettez-moi de faire une brève présentation.
Tout d’abord, dans le contexte de la crise financière mondiale, je souhaiterais attirer votre attention sur la clôture du débat général et le succès remarquable de nos deux Réunions de haut niveau sur les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et les besoins de développement de l’Afrique.
Le séisme à Wall Street a été ressenti par chacun. Mais il n’a pas fait trembler notre détermination.
Des banques connaissent peut-être des difficultés. Mais le milliard de personnes les plus défavorisées dans le monde peuvent compter sur nous.
Nous l’avons montré la semaine dernière.
La crise financière a peut-être éclipsé notre travail, mais elle ne l’a pas dominé.
Malgré les difficultés sur les marchés, nous avons réuni 16 milliards de dollars.
La générosité de ces engagements est très encourageante, étant donné le climat économique.
Elle signifie que le monde n’oublie pas les besoins des populations les plus pauvres, et ce, malgré la perspective de moments encore plus difficiles.
Elle signifie que, malgré tous les obstacles, nous avons de bonnes chances d’atteindre nos Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) d’ici à 2015.
J’exhorte les dirigeants mondiaux à honorer ces engagements.
Nous avons véritablement vu de nouveaux modes de pensée et de nouvelles approches. Notre nouvelle initiative sur la malaria, soutenue par un large éventail de partenaires publics et privés, est un exemple de la manière dont on peut vaincre un problème avec lequel nous avons dû vivre pendant trop longtemps.
J’attire également votre attention sur le programme pilote véritablement innovant du Programme alimentaire mondial (PAM) pour inciter au développement agricole en Afrique.
Je vous exhorte à garder cela à l’esprit lorsque vous écrirez sur ces sujets dans les mois à venir. Comme vous le savez, ils seront au cœur de la Conférence de Doha sur le financement du développement, le mois prochain.
Deuxièmement, quelques mots sur les questions de paix et de sécurité:
La semaine prochaine, je me rendrai à Genève pour des discussions avec l’Union européenne et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sur la situation en Géorgie et le rôle futur de l’ONU.
Comme vous le savez, j’ai appelé à une prorogation de quatre mois, sur une base technique, du mandat de la Mission d’observation des Nations Unies en Géorgie (MONUG), qui va expirer le 15 octobre, la semaine prochaine. Cela devrait nous donner le temps d’établir un cadre solide pour la coopération future entre toutes les parties. Mon Envoyé spécial, M. Johan Verbeke, vient de rentrer de ses visites à Tbilissi et en Abkhazie, et restera totalement et profondément engagé.
La situation au Darfour se détériore. Nous assistons à une augmentation des attaques contre le personnel de l’ONU et le personnel international.
L’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) est sérieusement mise à contribution.
Rien qu’hier, un soldat de la paix nigérian a été tué dans une embuscade. C’est le 9e soldat de l’ONU qui meurt au Darfour au cours des trois derniers mois.
C’est la raison pour laquelle j’ai envoyé notre nouveau Chef des opérations de maintien de la paix, M. Alain Le Roy, au Soudan cette semaine. La Responsable du Département d’appui aux missions des Nations Unies, Mme Susana Malcorra, se trouve également actuellement à Khartoum. Le but de leurs visites est d’accélérer notre déploiement et d’appuyer le processus politique, sans lequel il ne peut y avoir de paix.
Les premiers bataillons égyptiens et éthiopiens seront déployés d’ici à la fin du mois d’octobre.
Hier, j’ai parlé au Premier Ministre de la Thaïlande afin d’obtenir le déploiement d’un bataillon thaïlandais au Darfour. J’ai également discuté de cette question avec le Premier Ministre du Népal lors du débat général. Comme vous le savez, le Gouvernement du Soudan a donné son accord au déploiement des unités militaires népalaises et thaïlandaises. Ces conversations ont été positives et on m’a assuré que les Gouvernements thaïlandais et népalais agiront dès que possible.
Pendant le débat général, le Président Viktor Iouchtchenko et moi-même avons évoqué la possibilité d’un déploiement d’hélicoptères et de personnel militaires ukrainiens au Darfour. Nous avons eu des discussions ultérieures avec le Ministre ukrainien de la défense à New York la semaine dernière. Ces efforts se poursuivent.
La situation politique et militaire en Afghanistan est, au mieux, précaire. La force multinationale est mise à contribution jusqu’aux limites de ses ressources actuelles. Dans ce contexte, je remercie le Gouvernement japonais pour ses contributions, dont la plus récente est la décision de prolonger sa mission navale dans l’océan Indien.
En Somalie, 3 millions de personnes risquent de souffrir de famine. Près de 90% de leur nourriture arrivent par la mer à bord de navires du PAM.
Comme vous le savez, des actes de piraterie sont commis contre des bateaux au large des côtes somaliennes. Des navires de la Marine des Pays-Bas, de la France, du Danemark et du Canada assurent la sécurité de nos bateaux jusqu’aux ports.
Le tour de garde du Canada prend fin le 23 octobre. Jusqu’ici, aucun pays ne s’est porté volontaire pour prendre le relais du Canada.
Sans escorte, ces bateaux n’arriveront pas à destination. Sans cette aide, d’autres personnes vont mourir.
L’Union européenne et d’autres pays discutent actuellement de solutions. Je vais m’entretenir de cette question avec M. Javier Solana lors de ma visite à Genève. Je les exhorte à garder à l’esprit la date-butoir du 23 octobre dans leur réflexion sur des solutions à long terme pour faire face à la piraterie dans la corne de l’Afrique.
L’avenir politique de la Somalie est de nouveau incertain. Nous devons pourtant travailler à un projet de déploiement d’une force multinationale viable afin d’aider à installer la paix, ou tout au moins soutenir la population. Je m’entretiens de cette question avec plusieurs dirigeants de pays qui pourraient fournir des troupes.
Dans le contexte de crises actuelles, nous ne devons pas oublier la détresse des autres.
Pour terminer, un mot sur les changements climatiques.
Cela reste le défi qui définit notre ère. Le danger est que, comme pour les OMD, la magnitude de la menace soit obscurcie par des problèmes à plus court terme, et en particulier l’aggravement de la crise financière.
Si c’était le cas, cela serait une tragédie. Nous n’avons pas de temps à perdre.
En décembre, les négociateurs se retrouveront à Poznań, en Pologne. À cette date, ils auront moins d’un an pour parvenir à conclure avec succès, à Copenhague, un accord sur les changements climatiques.
Nous devons pouvoir quitter Poznań avec une vision partagée pour une coopération internationale, un plan de travail clair avec des objectifs précis, un engagement sérieux en faveur d’un Fonds mondial d’adaptation et, par-dessus tout, la ferme volonté de la part des pays développés et des pays en développement de montrer l’exemple sur une question dont tout le monde s’accorde pour dire qu’elle représente une menace pour l’existence de notre planète.
Face aux problèmes économiques actuels, il serait normal que les gouvernements et les populations, partout dans le monde, perdent ce fait de vue.
Notre travail est de faire en sorte que cela ne se produise pas.
Notre travail est de maintenir la science au premier plan. De maintenir l’attention du public sur cette question. Et, par-dessus tout, de continuer à faire des progrès.
Car, en vérité, aucun défi n’est plus important que celui-là.
Aussi grave qu’elle puisse être, la crise financière actuelle sera surmontée. Nous devons insister sur la nécessité que les grandes priorités des Nations Unies soient « étanches » par rapport aux turbulences financières internationales.
Merci beaucoup. Je serais heureux de répondre à vos questions
Question: Hier, le Président de la Banque mondiale, M. Robert Zoellick, s’est prononcé en faveur d’un doublement du nombre des pays du G-7 pour lutter contre la crise financière mondiale. Quelle est votre position sur un renforcement des mécanismes multilatéraux face à la crise économique, et pour sauver les programmes tels que les OMD?
Le Secrétaire général: Comme tout le monde, je suis très préoccupé par cette crise financière en cours. Le Gouvernement des États-Unis s’est entendu sur un programme de rachat d’un montant de 700 milliards de dollars, les dirigeants européens prennent les mesures nécessaires, et j’ai cru comprendre que les ministres des finances de pays importants se rassembleront ce week-end dans le cadre des réunions des Institutions de Bretton Woods. J’espère qu’ils pourront progresser sur cette crise, et avant tout la contenir, et étudier des mesures à long terme pour traiter cette question. En tant que Secrétaire général, je suis très préoccupé par l’impact que cette crise pourrait avoir sur les gouvernements du monde, et particulièrement les pays développés, les pays donateurs, dont les ressources et capacités sont consacrées à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), et pour faire face aux changements climatiques et à la crise alimentaire mondiale, pourraient être réduites. C’est la raison pour laquelle j’insiste sur le fait que les principales priorités de l’ONU doivent être « étanches » aux crises. « Nous sommes confrontés à des crises multiples. À ce titre, je suis d’accord avec ce qu’a souligné le Président de la Banque mondiale, M. Robert Zoellick. Les dirigeants du G-8 se sont engagés à fournir 50 millions de dollars par an pour aider les pays en développement, en 2005 lors du Sommet de Gleneagles. Aujourd’hui, en raison de l’évolution des prix, ce montant s’élève à au moins 62 milliards de dollars. Les pays du G-8 doivent d’abord mettre en œuvre leurs engagements. Tout en traitant la crise financière, ils ne doivent pas oublier de mettre au premier plan les défis des pays les plus vulnérables, les pays plus pauvres du monde.
Question: Pensez-vous qu’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU suspendant la procédure de la Cour pénale internationale (CPI) concernant le Président Al-Bashir aiderait le processus de paix au Darfour?
Le Secrétaire général: C’est une question très importante. C’est une question qui traite des principes fondamentaux de paix et de justice. Je pense que la paix et la justice sont deux piliers très importants que nous devons soutenir. Tout d’abord, je suis très conscient des préoccupations exprimées, particulièrement par l’Union africaine, la Ligue des États arabes, et les États membres de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI), et même le Mouvement des pays non alignés, sur la question de la CPI. En tant que Secrétaire général, j’ai la grande responsabilité de promouvoir, protéger et soutenir ces deux principes importants. Je pense que ces deux principes importants vont de pair. Sur cette question, le Gouvernement soudanais devrait pleinement coopérer pour faire en sorte que ce processus de paix, ainsi que la sûreté et la sécurité, et le déploiement de l’opération hybride progressent de manière aussi douce et efficace que possible, tout en prenant des mesures judiciaires véritablement crédibles pour satisfaire les attentes et les exigences de la CPI. La Cour pénale internationale est une organisation judiciaire indépendante dont les décisions et les jugements doivent être respectés et protégés. C’est ce que je vais faire. Un équilibre harmonieux est nécessaire pour faire avancer ce processus et ces deux piliers en parallèle.
Question: Quelles sont, selon vous, les perspectives politiques en Somalie?
Le Secrétaire général: Un accord très important a été signé entre le Gouvernement et l’ARS (Alliance pour une nouvelle libération de la Somalie) au début du mois de juin. Il y a eu un accord très important parmi les dirigeants politiques de Somalie et d’Éthiopie au cours du mois d’août. Ce sont des développements très encourageants, d’un point de vue politique, en Somalie. Nous soutenons fortement ce dialogue de réconciliation, qui doit se poursuivre. La communauté internationale doit soutenir ce processus. Dans le même temps, j’exhorterais les dirigeants somaliens à faire plus pour parvenir à un dialogue politique complet, comprenant tous les facteurs, tous les groupes ethniques, tous les dirigeants religieux, tout le spectre de la société. Comme je viens de le dire dans mes remarques liminaires, la communauté internationale réfléchit actuellement à la manière d’aider le Conseil de sécurité dans le déploiement de forces internationales de stabilisation, dans le processus d’identification de pays qui pourraient fournir des troupes, des ressources et d’autres éléments. C’est un effort en cours. Je pense qu’il faut une approche approfondie de cette question.
Question: Quelle est votre opinion sur la question controversée des attaques de l’armée américaine au Pakistan?
Le Secrétaire général: J’ai cru comprendre que les Gouvernements des États-Unis et du Pakistan ont eu des discussions pour trouver une résolution très harmonieuse de cette question. J’ai cru comprendre qu’il y a eu des cas où la lutte contre le terrorisme a créé des controverses politiques entre les deux pays. À ce point, en tant que (Secrétaire général des) Nations Unies, j’espère seulement et j’exhorte les parties concernées à résoudre cette question en se respectant et en respectant la souveraineté et l’intégrité territoriale.
Question: Qu’entendent faire les Nations Unies en Afghanistan, alors que l’Ambassadeur britannique a déclaré que la coalition conduite par les États-Unis est en train d’échouer contre les Taliban, et que votre Représentant spécial a déclaré qu’il n’y aurait pas de solution militaire?
Le Secrétaire général: Je pense que, là encore, il nous faut aborder cette question de manière approfondie. Je pense qu’il n’existe pas d’option militaire parfaite. Je pense qu’il devrait y avoir un dialogue politique plus important pour résoudre cette question au sein de la communauté politique. C’est souhaitable. Mais, en même temps, il faut également comprendre les préoccupations réalistes et pratiques, les défis de la lutte contre le terrorisme. C’est pour cela que nous avons besoin des opérations militaires. En conséquence, les opérations militaires, le dialogue politique et les solutions politiques doivent être équilibrés de manière harmonieuse. C’est ce sur quoi nous travaillons, et j’ai été encouragé, lors de la Conférence internationale sur l’Afghanistan qui s’est tenue en Roumanie, par le fort soutien de la communauté internationale à la paix, la stabilité et l’aide humanitaire en Afghanistan. La communauté internationale a confié au Représentant spécial des Nations Unies, M. Kai Eide, un rôle unique de coordination renforcée, en sa qualité de Représentant spécial du Secrétaire général, entre tous les principaux acteurs en Afghanistan. Nous espérons que, sur la base de ce soutien de la communauté internationale, le Gouvernement de l’Afghanistan jouera son rôle dans le renforcement et la promotion d’un dialogue politique élargi à tout le spectre de l’Afghanistan, une bonne gouvernance, l’éradication des pratiques de corruption et du trafic d’opium. C’est ce que la communauté internationale et les dirigeants afghans doivent faire. Lors de chacune de mes réunions avec le Président Karzaï, d’Afghanistan, nous avons mis ces points en avant: d’abord renforcer un dialogue politique élargi, une bonne gouvernance, et puis renforcer également les relations avec les pays voisins, particulièrement le Pakistan. Quand j’ai rencontré le Président Zardari, du Pakistan, j’ai également insisté sur ce point. J’ai été très encouragé par la présence du Président Karzaï à la cérémonie d’investiture du Président Zardari, au Pakistan. Ils ont tenu une conférence de presse commune au cours de laquelle ils se sont engagés en faveur de la paix et de la stabilité.
Question: Quelles conséquences peut avoir l’assassinat de Benazir Bhutto sur la stabilité de la région, selon vous?
Le Secrétaire général: Je me suis entretenu de cette question avant même l’élection du Président Zardari, et lors du débat général. Nous sommes parvenus à un accord prévoyant la création d’une sorte de commission, sous les auspices des Nations Unies. Mais nous sommes toujours en discussion avec le Gouvernement pakistanais en ce qui concerne les détails techniques, tels que la désignation des membres de la commission, la manière dont elle sera financée et la définition de son mandat. Ce ne sera pas une enquête.
Question: Quel est votre point de vue sur la situation entre la Syrie et le Liban, alors que certaines informations font état d’un renforcement des forces syriennes à la frontière avec le Liban et d’une possible interférence des autorités syriennes dans les affaires du Liban?
Le Secrétaire général: Tout d’abord, les dirigeants de la Syrie et du Liban ne doivent pas abandonner la dynamique qui s’est installée récemment entre les deux pays, par le biais de la formation d’un gouvernement d’unité nationale et l’élection d’un Président au Liban, ni leur volonté d’établir des relations diplomatiques par le biais de l’envoi d’ambassadeurs respectifs. Il y a eu des développements encourageants qui ont vu la Syrie accueillir des réunions internationales à Damas. Il s’agit de développements très encourageants que nous devons toujours encourager. J’exhorterais donc les dirigeants des deux Gouvernements à s’abstenir tout d’abord d’action unilatérale qui pourrait nuire à ce processus, et à coopérer pleinement. Lors de mes réunions avec le Président Suleiman, du Liban, et le Président Al-Assad, de la Syrie, ils se sont tous les deux engagés, et ils étaient également encouragés par l’atmosphère actuelle. Il y a une atmosphère très encourageante entre les deux pays, et ils se sont engagés à tout faire pour améliorer leurs relations, ce qui sera favorable à la paix et la sécurité pour l’ensemble de la région.
Question: Quelle est votre position sur les informations du Département d’État américain selon lesquelles les forces syriennes sont en état d’alerte?
Le Secrétaire général: Je viens de dire qu’ils devraient s’abstenir de toute mesure unilatérale qui pourrait nuire à ce processus en cours.
Question: Quel est votre point de vue sur les propos de votre Coordonnateur spécial, M. Michael Williams, qui a minimisé la gravité des informations sur une éventuelle intervention syrienne au Liban?
Le Secrétaire général: Je soutiendrais tout ce qu’a dit M. Michael Williams en sa qualité de Représentant spécial au Liban. Tout d’abord, nous ne traitons pas seulement de la question du Liban, mais de l’ensemble de la région. Nous avons vu beaucoup d’initiatives et de développements encourageants, dont nous prenons vraiment soin à ce stade, pour la paix et la stabilité dans la région. C’est ce que je souhaite voir et c’est ce sur quoi je vais travailler encore plus dur avec l’arrivée du Représentant spécial du Secrétaire général au Liban.
Question: Pensez-vous que la contribution du Japon à la mission de paix dans le Sud-Soudan soit suffisante?
Le Secrétaire général: J’ai été informé par l’Ambassadeur Takasu, il y a quelques jours, de la contribution du Gouvernement japonais. J’ai apprécié une telle volonté du Gouvernement japonais de contribuer à la MINUS. Bien sûr, en tant que Secrétaire général, j’aurais aimé avoir autant de contributions que possible des États Membres, Japon inclus. Mais même des contributions de petit montant feront la différence. Voilà ce que je peux dire en ce moment.
Question: Une question sur la crise financière. Le Secrétaire général peut-il faire quelque chose? Si ce n’est pas le cas, avez-vous des idées que vous pourriez avancer sur la manière dont les gouvernements vont résoudre cette crise? Parallèlement, êtes-vous d’accord avec la proposition du Président de l’Assemblée générale, M. d’Escoto, de réviser le système d’élection au Conseil d’administration de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI) pour qu’il reflète plus le monde en développement?
Le Secrétaire général: Vous devriez savoir que j’ai maintenu, même si cela n’a pas été annoncé ou publié, de nombreuses rencontres bilatérales avec les dirigeants mondiaux pendant la semaine du débat général. Je crois que j’ai eu 125 réunions bilatérales. La crise financière figurait parmi les plus importantes questions de l’ordre du jour dont nous avons parlé, en particulier avec les dirigeants de pays industrialisés. J’ai exprimé ma préoccupation, mais exprimer sa préoccupation peut ne pas être suffisant en ce moment. Voilà pourquoi je vais à nouveau parler de cette question, le 24 octobre prochain, lorsque je vais réunir le Conseil des chefs des secrétariats des organismes des Nations Unies pour la coordination (CEB), auquel participeront tout les chefs des institutions de l’ONU, parmi elles la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). Nous allons nous retrouver ce jour-là et le lendemain. Ce sujet sera discuté avec beaucoup d’emphase. J’ai accordé une section spéciale consacrée à cette crise financière. Je salue également l’initiative du Président de l’Assemblée de maintenir un débat thématique, le 24 octobre, pour parler de cette question de la crise financière.
Question: Et la proposition du Président de l’Assemblée de réviser le système d’élection des membres du Conseil d’administration de la Banque mondiale et du FMI?
Le Secrétaire général: Il s’agit d’une initiative qu’il a annoncée, qui fait partie de son initiative comme Président de l’Assemblée générale de parler de la question de la démocratisation des institutions de Bretton Woods. Nous verrons comment les États Membres en parleront. Cela dépend des États Membres, ainsi que du Conseil d’administration des institutions de Bretton Woods.
Question: Quand il s’est réuni avec nous, le Ministre français des affaires étrangères a dit que si des pays du G-8 disent qu’ils vont tenir leurs engagements, c’est qu’ils mentent, compte tenu de la crise financière. Quelqu’un vous a-t-il remis un chèque qui vous rende optimiste sur la possibilité d’obtenir les 16 milliards?
Le Secrétaire général: Les 16 milliards de dollars ont été promis pendant le débat général, alors que les dirigeants du monde parlaient des mesures pour traiter la crise financière mondiale. Tout d’abord, j’ai été très encouragé, même pendant la crise financière, de voir les dirigeants engagés à voir les OMD atteints. Il s’agit d’un engagement très important, démontré par les dirigeants. C’est une démonstration de leur leadership. J’espère que ceci va être appliqué.
Question: Êtes-vous sûr que ce sera appliqué? Il y a eu tant de promesses qui n’ont pas été tenues.
Le Secrétaire général: (Il y a) beaucoup de mécanismes de surveillance, quand les États Membres s’engagent. (Il est vrai qu’il y a toujours des)
Question: Dans vos remarques, vous avez passé en revue les différentes crises politiques dans le monde, comme ce qui se passe en Somalie, en Afghanistan, en Géorgie. Pourquoi ne pas avoir dit un mot sur le processus de paix au Moyen-Orient et le conflit entre Israël et les Palestiniens? Est-ce que cela signifie que vous allez laisser cette question de côté pendant deux ans?
Le Secrétaire général: Il ne doit pas y avoir de malentendu. Vous ne pouvez pas parler de tous les problèmes du monde en une seule fois. Le Moyen-Orient est une question qui a une priorité très importante pour la paix et stabilité du monde. Comme vous le savez, j’ai convoqué une réunion très importante du Quatuor, ainsi que du Quatuor plus, invitant 13 dirigeants arabes pour l’Iftar le 26 septembre. Nous avons eu de bonnes conversations. Tout d’abord, nous sommes d’accord que le processus de paix d’Annapolis pour le Moyen-Orient doit continuer. Il devrait s’obtenir un dividende de ce processus de paix d’Annapolis. Il est encourageant que les dirigeants d’Israël et de l’Autorité palestinienne se soient réunis régulièrement. Je suis pratiquement convaincu que ces réunions vont continuer, même avec un changement de dirigeants en Israël. Il peut y avoir un certain scepticisme sur la concrétisation de ce processus de paix d’Annapolis comme l’a promis le Président des États-Unis (d’Amérique). Mais notre devoir, notre rôle et notre engagement doivent continuer jusqu’à la dernière minute de la présidence de M. Bush. Si ce n’est pas atteint d’ici là, il devrait être prolongé, comme une question prioritaire pour l’administration suivante des États-Unis (d’Amérique). Beaucoup de pays arabes ont aussi de l’espoir sur les perspectives. Nous devrions donc ne pas être complètement pessimistes, même si nous n’avons pas vus de résultats vraiment positifs et tangibles. Vous avez mon engagement complet. Il y a eu un accord sur une réunion du Quatuor dans la région, avec les parties concernées. Cela signifie que les dirigeants israéliens et palestiniens vont participer au Quatuor et informer sur l’évolution des pourparlers de paix.
Question: Allez-vous vous rendre à un Annapolis-II en novembre?
Le Secrétaire général: S’il y a une réunion importante sur le Moyen-Orient, j’y participerai.
Question: Hier, à l’Assemblée générale, l’Ambassadeur indien a fait une critique de votre rapport annuel sur le travail de l’ONU. Il a parlé d’un manque de vision, et estimé que le rapport ne parlait pas assez de la crise financière, et il s’en est pris particulièrement à cette idée que vous avez articulée selon laquelle les États Membres devraient rendre des comptes à l’ONU. Il a notamment dit que beaucoup de vos conseillers les plus importants n’ont pas dévoilé leurs biens. Quels comptes faudra-t-il rendre? Enfin, certains de vos conseillers de plus haut rang estiment que votre idée d’avoir une mobilité forcée pourrait ne pas être une bonne idée, car vous pourriez perdre de l’expertise.
Le Secrétaire général: Je suis heureux que vous ayez mentionné cette réforme très importante de la gestion à l’ordre du jour. Tout le monde a l’air très intéressé et se concentre sur les affaires de conflits régionaux. Rendre des comptes constitue une priorité très importante pour moi en tant que Secrétaire général. Je pense que toute cette Organisation, le Secrétariat inclus, les États Membres et les organisations qui sont en relation, la famille de l’ONU, devraient être strictes sur ces principes-là. Vous vous rappelez sans doute que j’en ai parlé publiquement. Quand on pense à rendre des comptes, il existe une tendance qui consiste à en demander au Secrétaire général ou au Secrétariat. Mais je pense, comme je l’ai dit dans mon rapport à la 63e session de l’Assemblée générale le 23 septembre, que le Secrétariat et le Secrétaire général rendent toujours des comptes aux États Membres. En même temps, les États Membres devraient aussi rendre des comptes à l’Organisation, comme l’indique la Charte des Nations Unies. J’ai continué en disant plus spécifiquement que les États Membres ne pouvaient continuer à adopter des résolutions et donner des mandats constamment au Secrétaire général sans fournir le financement nécessaire, les troupes et les ressources. Dans ce cas, ce serait une mission impossible. C’est pourquoi les États Membres devraient rendre des comptes à l’Organisation. Pas au Secrétariat, mais à l’Organisation. Les États Membres devraient rendre des comptes entre eux. Quels que soient leurs engagements, ils devraient tenir leurs promesses.
En revenant sur la question des comptes que doit rendre le Secrétariat, je crois que j’ai fait de grands progrès dans ce domaine pour les conseillers de plus haut rang. Pour la première fois dans l’histoire des Nations Unies, le Secrétaire général a dévoilé ses avoirs, en espérant que les conseillers de plus haut rang allaient suivre. Au début de ma gestion, les progrès n’étaient pas impressionnants, mais à la fin de l’année dernière vous pouvez voir les registres. La plupart des conseillers de haut rang, je crois que pratiquement tous, ont dévoilé leur fortune. Cela est en train de s’étendre même aux conseillers de rang inférieur. Cela va continuer. Mais rendre des comptes ne se limite pas à soumettre des déclarations financières. Ce n’est qu’une petite partie. Tout ce qui a été dit et promis doit être tenu. C’est aussi cela, rendre des comptes.
En ce qui concerne la mobilité, quand j’ai dit que j’aimerais avoir 20% comme une initiative pilote, je l’ai dit comme un exemple. J’ai demandé au Département de gestion de me soumettre quelques projets pilotes afin de faciliter la mobilité au sein des employés. Je sais qu’il y a une certaine résistance et de la réticence parmi le personnel. Ceci est nouveau, mais sans cette mobilité, vous ne pouvez pas attendre que notre personnel soit multifonctionnel, avec de nombreuses qualifications. Vous ne pouvez pas attendre qu’une personne qui a travaillé à la même place pendant 10 ou 15 ans, parfois même 20, fasse preuve de créativité ou de motivation. Ils font leur travail comme une routine quotidienne. Nous avons vraiment besoin de fraîcheur, de l’impact sur la motivation, pour que notre personnel soit plus motivé. Avec de la motivation, vous avez de la créativité. Je commence tous les matins comme si c’était mon premier jour en tant que Secrétaire général. J’espère que notre personnel va vraiment faire son travail comme au premier jour. Quand ils arrivent au bureau, ils doivent avoir beaucoup d’attentes et d’engagement. Ce n’est pas un horaire 9 heures-17 heures. Ce n’est pas ce qu’attend de nous la communauté internationale. Je dois répondre aux attentes de la communauté internationale et des États Membres. Vous avez mon engagement. Ensuite, comment promouvoir la mobilité? C’est un travail difficile. Je le sais, en raison des différentes conditions des services. Voilà pourquoi j’ai proposé à l’Assemblée générale d’harmoniser les conditions des services. Elles sont différentes, du Secrétariat à l’UNICEF, en passant par le PNUD et les institutions spécialisées. J’en ai parlé aux États Membres. Laissez-moi harmoniser les contrats des services. Nous avons tous des contrats différents. Il est dès lors très difficile d’avoir une mobilité entre une quinzaine de contrats différents. Je ne sais pas comment ce système s’est développé de cette manière. C’est ce que je veux réellement changer.
Question: S’agissant du Myanmar, y a-t-il quelque chose que vous puissiez faire pour sortir le processus politique de l’impasse? Prévoyez-vous une visite au Myanmar avant la fin de l’année?
Le Secrétaire général: Sur ce sujet, vous avez mon ferme engagement et l’assurance que je serai constamment et personnellement engagé, à mon niveau et par le biais de l’engagement de mon Conseiller spécial, M. (Ibrahim) Gambari, avec les autorités du Myanmar. J’ai convoqué, pour la première fois, cette Réunion de haut niveau où beaucoup de pays étaient représentés au niveau des ministres des affaires étrangères. Cela a été très encourageant. Il y a eu un soutien ferme à la poursuite de la mission de bons offices du Secrétaire général et à l’engagement de M. Gambari. Nous poursuivrons dans cette voie. Il y a eu également un engagement fort du Groupe des amis du Secrétaire général pour fournir l’assistance et la coopération nécessaires. Les États Membres ont fortement exhorté le Gouvernement du Myanmar à mettre pleinement en œuvre le processus de démocratisation et à libérer les prisonniers politiques, parmi lesquels Aung San Suu Kyi. Quand je dis que je serai assurément engagé, cela signifie que je serais prêt à retourner au Myanmar au moment approprié. Mais il faut également savoir que, sans résultat favorable ou tangible, je ne serais peut-être pas en position de me rendre au Myanmar.
Question: Abandonnez-vous tout espoir sur les négociations en cours?
Le Secrétaire général: Je suis dans un processus de travail sur le terrain qui pourrait me permettre d’envisager ma propre visite. Mais j’ai encore besoin de temps. Je devrais réfléchir à toutes les circonstances, au moment approprié pour m’y rendre.
Question: Nous connaissons votre méthode politique –la recherche de dialogue, d’harmonie, de réconciliation dans la résolution des conflits- mais nous ne connaissons pas vraiment vos goûts personnels. Quel est votre hobby? Quel livre lisez-vous actuellement? Et à quoi passez-vous vos dimanche après-midi?
Le Secrétaire général: C’est une question assez personnelle. Peut-être qu’une prochaine fois, je parlerais plus de mon hobby, et de ce que j’aime faire le dimanche et le week-end. Peut-être la prochaine fois.
Question: Qu’en est-il de l’Envoyé spécial des Nations Unies au Sahara occidental?
Le Secrétaire général: Ce sera ma dernière réponse. Je suis engagé dans un processus de sélection d’un Envoyé personnel qui travaillera sur cette question du Sahara occidental. J’ai entamé des consultations avec les parties concernées au sujet de la personne que j’ai l’intention de nommer. Consulter les parties concernées pourrait me prendre un peu plus de temps. Mais je suis très engagé sur cette question du Sahara occidental qui dure depuis longtemps, afin d’achever le processus de négociation lorsque cet Envoyé spécial sera nommé. Dans le même temps, j’ai parlé aux parties concernées, en conformité avec tous les engagements respectifs visant à poursuivre la négociation pour savoir si nous pouvons promouvoir des mesures pour améliorer les aspects humanitaires. Il y a eu des accords permettant aux familles séparées de rendre visite par avion aux membres de leurs familles, mais pas encore par la route. C’est ce qui a été débattu dans le passé, et je poursuis l’examen de ce dossier. Là encore, vous avez mon engagement sur la question du Sahara occidental qui est une de mes priorités.
Merci beaucoup.
* *** *
À l’intention des organes d’information • Document non officiel