CONFÉRENCE DE PRESSE D’ADIEU DE LA SOUS-SECRÉTAIRE GÉNÉRALE CHARGÉE DU BUREAU D’APPUI À LA CONSOLIDATION DE LA PAIX, CAROLYN MCASKIE
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CONFÉRENCE DE PRESSE D’ADIEU DE LA SOUS-SECRÉTAIRE GÉNÉRALE CHARGÉE DU BUREAU D’APPUI À LA CONSOLIDATION DE LA PAIX, CAROLYN MCASKIE
Le « timing » des interventions politiques et économiques est un élément essentiel pour pérenniser la stabilité dans un pays sortant d’un conflit. C’est la première leçon qu’a tirée Carolyn McAskie de ses deux années d’expérience à la tête du Bureau d’appui à la consolidation de la paix.
Après le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, hier, c’était aujourd’hui la Sous-Secrétaire générale et Chef du Bureau d’appui, qui faisait ses adieux aux correspondants de presse accrédités auprès de l’ONU après une carrière de 30 ans « vouée à la cause du développement », dont une dizaine d’années passées à l’ONU.
Maniant d’ores et déjà « une parole plus libre », Carolyn McAskie a expliqué le « formidable défi » que doit relever une Commission de consolidation de la paix face « à des questions certes moins controversées mais non moins importantes ».
Saisie des situations du Burundi, de la Sierra Leone, de la Guinée-Bissau et de la République centrafricaine, la Commission, a estimé Carolyn McAskie, est un organe « révolutionnaire » en ce qu’elle a pour rôle « de rassembler toutes les pièces du puzzle » dans lequel vit chacun de ces pays sortant de conflits. La fragmentation des efforts politiques, humanitaires, de développement, ou encore de ceux menés en matière de droits de l’homme empêche que l’on ait une vision d’ensemble non seulement des actions à entreprendre mais aussi des progrès enregistrés, a-t-elle expliqué.
Aujourd’hui, grâce à la Commission de consolidation de la paix, le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale, le Conseil économique et social (ECOSOC), les pays donateurs, les États contributeurs de troupes et les bailleurs de fonds institutionnels se mettent ensemble pour proposer des stratégies intégrées et définir les meilleures pratiques connues dans les domaines de la politique, de la sécurité, des activités humanitaires et du développement*.
D’abord et avant tout, il faut répondre aux besoins des populations, a insisté la Sous-Secrétaire générale, en parlant à cet égard de la Commission comme étant un « véhicule conduit par les gouvernements et les populations concernées elles-mêmes ».
Nous savons, a-t-elle dit, que la résurgence des conflits est très souvent attribuable au fait que l’on concentre généralement trop d’efforts aux aspects politiques, tout en laissant de côté les impératifs de la relance économique, qui est pourtant essentielle à la normalisation d’une situation. Les aspects politiques sont importants, a-t-elle concédé, mais les efforts en la matière doivent aussi viser à aider les gouvernements et les populations à mettre en place un cadre stratégique de développement.
Pour illustrer ses propos, Carolyn McAskie a cité le cas du Mozambique, où, dès sa prise de pouvoir en 1986, Joachim Chissano, aujourd’hui lauréat du premier prix de la meilleure gouvernance africaine**, a travaillé à l’établissement d’un tel cadre permettant d’orienter les efforts de développement, dans un environnement certes rendu plus favorable par la disparition du régime de l’Apartheid en Afrique du Sud. La Commission de consolidation de la paix a d’ailleurs demandé que le document stratégique du Mozambique lui soit transmis pour s’en inspirer, a-t-elle dit.
Le génie du Président mozambicain, a poursuivi la Sous-Secrétaire générale, a été de faire du secteur privé national le fer de lance de la relance économique du pays. On parle beaucoup des investissements étrangers directs (IED), a-t-elle constaté de manière dubitative. Mais ils ne se manifestent et n’entrent en jeu qu’après un savant calcul des risques encourus. Les pays sortant d’un conflit ont besoin de réhabiliter leurs infrastructures, domaine dans lequel le secteur privé ne s’implique pas, et secteur vers lequel on voit encore moins s’orienter les IED.
« Donc », a poursuivi la Sous-Secrétaire générale, « je ne serai pas de ceux qui dénigrent l’aide ». Mais, a-t-elle souligné, dans les années 90, l’erreur qui a été faite a été de conditionner cette aide à l’atteinte d’un certain niveau de performances en matière de bonne gouvernance, de gestion financière ou de promotion et de protection des droits de l’homme.
Mais alors, quid des pays qui n’en sont pas encore là? s’est-elle interrogée, en parlant des États « à croissance négative et déchus de l’Agenda international ». Se remémorant son expérience de Chef de l’Opération de maintien de la paix des Nations Unies au Burundi, Carolyn McAskie a indiqué que lorsqu’elle est arrivée dans ce pays, en 2004, une conférence de promesses de contributions venait juste d’être convoquée à Bruxelles. Nous avons attendu longtemps le milliard de dollars qui aurait permis de rétablir les infrastructures de base et de réhabiliter les capacités institutionnelles du Burundi, a-t-elle dit, en rappelant la « frilosité » des donateurs face au fait qu’alors que le pays était globalement en paix, un seul parti, les Forces nationales de libération (FNL), dirigé par Agathon Rwasa, refusait de se joindre au processus de paix.
Il faut donc réfléchir aux moyens d’acheminer les fonds, tout en protégeant les acteurs opérant sur le terrain, a-t-elle suggéré. Quels sont les instruments à mettre en place? s’est-elle interrogée. La Commission y travaille, a indiqué la Sous-Secrétaire générale.
Contrairement au Fonds de consolidation de la paix, la Commission n’est pas un organe opérationnel, mais un organe consultatif auprès du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, qui réunit des entités opérationnelles, a tenu à souligner la Sous-Secrétaire générale. Carolyn McAskie a avoué que la Commission n’a pas établi de critères pour se saisir de situations qui mériteraient son attention. « Je crois que le moment est venu de le faire », a-t-elle dit.
Lors des négociations sur la résolution relative à sa création, a-t-elle encore confié, il était question que la Commission s’occupe de la prévention des conflits. Mais les États membres de l’Assemblée générale s’y sont opposés, en arguant de la nécessité de respecter le principe de souveraineté nationale. Comme elle fonde son travail sur le concept d’« appropriation nationale », la Commission n’intervient donc que lorsqu’elle est saisie par un pays, a indiqué Mme McAskie.
Répondant à une question, elle a donc jugé hautement improbable qu’une puissance politique et économique comme le Nigéria saisisse la Commission des troubles que le pays connaît en ce moment dans une partie de son territoire. Mais, a tempéré la Sous-Secrétaire générale, la Commission, qui essaie d’empêcher la résurgence des conflits, fait cependant, et d’une certaine manière, de la prévention.
La République centrafricaine, qui a des « éléments de conflit », est un cas où sont menées des actions de prévention dans un pays « enclavé et entouré de mauvais voisins ». Ce n’est pas le cas de la Guinée-Bissau qui s’est servie de la Commission comme une plate-forme pour faire entendre sa voix, laquelle est d’ailleurs très écoutée, notamment depuis que 30% de la production mondiale de cocaïne en provenance d’Amérique latine transitent par le territoire du pays, avant d’atteindre leur destination finale en Europe.
En ce qui concerne la Somalie, a conclu Carolyn McAskie, même en l’absence de critères, il est évident qu’il faudra qu’on y soit confronté à une autre situation sécuritaire et politique pour que la Commission s’en saisisse. Mais les cas dont elle se saisit ne sont pas forcément liés à la présence d’une opération de maintien de la paix, a-t-elle précisé.
Satisfaite de « l’expérience merveilleuse » qu’elle a vécue dans l’accomplissement des tâches qui lui ont été assignées, la Sous-Secrétaire générale a dit, non sans humour, « vouloir désormais profiter de sa véranda, des livres et de la télévision ».
Avant d’être nommée en 2006 au Bureau d’appui à la consolidation de la paix, Carolyn McAskie, qui a passé la plus grande partie de sa carrière à l’Agence canadienne pour le développement international (ACDI), était Chef de l’Opération de maintien de la paix des Nations Unies au Burundi, après avoir été Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence et Envoyée humanitaire du Secrétaire général pour la crise en Côte d’Ivoire.
* Résolution 60/180 et 1645 (2005)
** Prix Mo Ibrahim 2007
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