LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DOIT ÊTRE PRÊT POUR UNE « ACTION UNIE ET FERME » EN CAS DE POURSUITES CONTRE LE PRÉSIDENT DU SOUDAN, DÉCLARE LE PROCUREUR DE LA CPI
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Conseil de sécurité
6028e séance – matin
LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DOIT ÊTRE PRÊT POUR UNE « ACTION UNIE ET FERME » EN CAS DE POURSUITES
CONTRE LE PRÉSIDENT DU SOUDAN, DÉCLARE LE PROCUREUR DE LA CPI
Des membres du Conseil refusent une éventuelle inculpation qui poserait une menace à toute paix
au Darfour, tandis que d’autres voient dans cet argument un « chantage »
« Le Conseil de sécurité doit être prêt pour l’éventualité où les juges de la Cour pénale internationale (CPI) décideraient de poursuivre le Président Omar Al-Bashir du Soudan pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre », comme il lui a été demandé, a déclaré ce matin le Procureur de la Cour pénale internationale. Dans ce cas, a ajouté Luis Moreno-Ocampo, il faudra, pour exécuter la décision de la Cour, « une action unie et ferme » de la part du Conseil. Lors du débat qui a suivi, les membres du Conseil ont toutefois exprimé des positions divergentes. Ainsi, la France, l’Italie, la Belgique ou encore le Costa Rica ont défendu des positions très fermes face au Soudan, alors que des États comme la Fédération de Russie, la Chine, la Jamahiriya arabe libyenne ou l’Indonésie estimaient qu’il fallait continuer de discuter avec le Soudan et l’encourager dans ses efforts de paix, qu’une inculpation du Président Al-Bashir aurait des chances de compromettre, ont-ils prévenu.
Le Procureur de la CPI, M. Moreno-Ocampo, qui a demandé le 14 juillet dernier à la CPI de lancer des poursuites contre le Président Al-Bashir, a averti les membres du Conseil que, si la Cour satisfait à sa demande, le Président Al-Bashir « niera les crimes » et « insistera pour obtenir la protection » du Conseil, en faisant allusion à l’utilisation éventuelle de l’article 16 du Statut de Rome de la Cour. Cet article, relatif au sursis à enquêter ou à poursuivre, dispose qu’« aucune enquête ni aucune poursuite ne peuvent être engagées ni menées pendant les 12 mois qui suivent la date à laquelle le Conseil de sécurité a fait une demande en ce sens à la Cour, dans une résolution adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies ». De fait, des organisations internationales et régionales ont émis le souhait que le Conseil utilise cet article, et le représentant de la Jamahiriya arabe libyenne s’était déjà prononcé en ce sens, lors d’une précédente réunion du Conseil, le 5 novembre.
Dans son exposé devant le Conseil, M. Moreno-Ocampo s’est attaché à démontrer que les autorités soudanaises font fi des décisions du Conseil de sécurité, et notamment de la résolution 1593 (2005) par laquelle le Conseil a décidé de déférer au Procureur de la CPI la situation au Darfour depuis le 1er juillet 2002 et a également décidé que le Gouvernement soudanais, entre autres, doit « coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur ». Ainsi, a-t-il rappelé, les deux personnes officiellement poursuivies par la Cour continuent d’exercer des responsabilités officielles au Soudan. « Rien n’a été fait par le Soudan pour les interpeller », a-t-il insisté. Le Procureur de la CPI a en outre vu, dans certaines déclarations du Président Al-Bashir, « un message direct adressé à tous ceux qui commettent des crimes au Darfour que le Président les protégera quand ils appliquent ses ordres ». De même, il a demandé au Conseil de considérer des propos tenus par le Conseiller du Président soudanais, Bona Malwal, « pour ce qu’ils sont: une confirmation d’intentions criminelles ». Le 25 juillet, M. Malwal avait en effet laissé planer des menaces ouvertes contre le personnel des Nations Unies déployé au Darfour en cas d’inculpation du Président Al-Bashir.
Lors du débat qui a suivi et auquel les 15 membres du Conseil ont pris part, se sont exprimées deux grandes tendances, résumées par les propos du représentant de l’Afrique du Sud. Ce dernier a fait observer que la demande du Procureur visant la délivrance d’un mandat d’arrêt contre le Président soudanais nourrit le débat sur la relation entre la paix et la justice et la question de l’équilibre délicat entre, d’une part, la lutte contre l’impunité qui doit se faire en traduisant les coupables de crimes condamnés par le droit international devant la justice et, d’autre part, la nécessité de mettre un terme à un conflit en suivant un processus de paix complexe et minutieux. Lors d’un échange de vues avec le Procureur en fin de séance, le représentant de l’Afrique du Sud a rappelé que le Conseil devait veiller à la fois au maintien de la paix et de la sécurité internationales et à la lutte contre l’impunité. « Les gens ne devraient pas croire que nous tolérons ces choses horribles qui ont été rapportées ce matin », a dit M. Dumisani Kumalo. « Bien sûr, nous les combattons, mais nous devons voir le problème dans son ensemble », a ajouté l’Ambassadeur.
Le représentant de la France a, quant à lui, rappelé que la déclaration présidentielle adoptée le 16 juin dernier par le Conseil de sécurité, « notre Conseil », exhorte le Gouvernement soudanais et toutes les parties au conflit à coopérer pleinement avec la Cour. « Cette déclaration présidentielle garde toute sa valeur. La contestation, par le Gouvernement du Soudan, à la fois de l’autorité du Conseil de sécurité et de la compétence de la Cour, n’est pas admissible. Nous devons rappeler le Soudan à ses obligations », a-t-il affirmé.
En revanche, le représentant de la Chine a parlé des « inquiétudes suscitées dans le monde par la demande du Procureur de la CPI » et a rappelé que l’Union africaine et la Ligue des États arabes avaient exprimé leurs préoccupations face à la demande exprimée par M. Moreno-Ocampo. Ajoutant que le Gouvernement du Soudan « fait de grands efforts » pour faire en sorte que la justice soudanaise poursuive les auteurs des crimes, et qu’il a en outre annoncé un cessez-le-feu au Darfour, il a estimé que ces efforts devraient « être pris en compte » et a demandé à la CPI, « dans un esprit de coopération » de « permettre que soit créé un climat » dans lequel ces efforts démontraient leur utilité. L’Ambassadeur de la Fédération de Russie a lui aussi souhaité « un équilibre entre les accusations visant des particuliers pour leurs responsabilités éventuelles dans les exactions, et l’intérêt du processus de paix lui-même ». De son côté, la représentante du Royaume-Uni a estimé que « rien ne justifie » que le Conseil de sécurité suspende les activités de la CPI concernant le Darfour en ayant recours à l’article 16 du Statut de Rome, et elle a ajouté que le Gouvernement du Royaume-Uni s’opposait à cette idée.
Déclarant qu’un « ordre international incapable de sanctionner les crimes les plus graves est un ordre international incapable de garantir la protection de millions d’êtres humains victimes de violences barbares », le représentant du Costa Rica a jugé le moment venu d’accroître la pression sur le Soudan. Dans sa déclaration, le représentant de la Belgique a estimé que le Conseil de sécurité se déconsidérerait s’il se laissait manipuler par « le chantage que veut faire le Soudan » en faisant planer des menaces sur tout le processus de paix, si Al-Bashir était poursuivi.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN
Documentation
Huitième rapport du Procureur de la Cour pénale internationale au Conseil de sécurité des Nations Unies en application de la résolution 1593 (2005)
Dans son huitièmerapport au Conseil de sécurité, le Procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, fait le point sur les activités de coopération, d’enquêtes et de suivi entreprises depuis le rapport précédent, soumis au Conseil en juin 2008. Il précise que deux mandats d’arrêt –à l’encontre d’Ahmad Harun et d’Ali Kushayb- sont toujours en attente d’exécution dans l’affaire relative au Darfour et que « les juges prendront bientôt une décision » sur l’émission d’un troisième mandat à l’encontre du Président du Soudan, Omar Al-Bashir. Par ailleurs, l’accusation a aussi présenté à la Chambre préliminaire une affaire concernant trois commandants rebelles présumés responsables de l’attaque de Haskanita et qui sont soupçonnés de crimes de guerre. Par sa résolution 1593, le Conseil a référé la situation au Darfour au Procureur et l’a invité à le tenir informé, tous les six mois, sur les actions prises en rapport avec cette résolution. Le document contenant le rapport du Procureur a été distribué à la fin de la réunion du Conseil. Ce document, qui n’est pas un rapport du Conseil´de sécurité, est publié sans cote.
Déclarations
M. LUIS MORENO-OCAMPO, Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a rappelé qu’il y a un an, il avait informé le Conseil de sécurité de son intention de poursuivre les personnes responsables d’attaques et de meurtres contre les populations civiles au Darfour, et d’enquêter sur une nouvelle affaire, celle portant sur une attaque contre des membres de la mission de l’Union africaine. Il a rappelé que, six mois plus tard, le 5 juin 2008, il avait rappelé devant le Conseil les attaques commises depuis cinq ans contre les populations du Darfour. Ces attaques ont nécessité l’implication de l’appareil d’État, a-t-il affirmé. Le Gouvernement soudanais n’a pris aucune mesure pour remettre les personnes poursuivies à la Cour pénale internationale, a ajouté le Procureur, qui a rappelé qu’il avait alors demandé au Conseil de sécurité d’adresser un « message vigoureux » au Soudan. La déclaration présidentielle du Conseil de sécurité, en date du 16 juin 2008, a envoyé ce message vigoureux et uni, a estimé M. Moreno-Ocampo. Il a vu dans cette déclaration une confirmation de l’appui du Conseil de sécurité à la Cour pénale internationale.
M. Moreno-Ocampo a rappelé que le 14 juillet dernier, il avait demandé la mise en accusation du Président soudanais Omar Al-Bashir pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, notamment sur la base d’un ordre donné par M. Al-Bashir en mars 2003, concernant des attaques contre les peuples Fur, Masalit et Zaghawa. Cet ordre précisait, selon les propres mots du Président soudanais: « Je ne veux pas de prisonniers, ni de blessés, je ne veux que de la terre brûlée », a dit M. Moreno-Ocampo. Le Procureur a également rappelé les propos du Conseiller présidentiel Bona Malwal du 25 juillet, dans lesquels il a vu une menace ouverte contre le personnel des Nations Unies déployé au Darfour. Il a demandé au Conseil de sécurité de voir dans ces propos « ce qu’ils sont: une confirmation d’intentions criminelles ».
Le Gouvernement soudanais n’a pas respecté la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité de juillet, a affirmé M. Moreno-Ocampo. « Le génocide se poursuit, les viols continuent, l’assistance humanitaire continue de faire l’objet d’obstructions, et plus de 5 000 personnes meurent chaque mois », a-t-il affirmé. Et pourtant, a poursuivi le Procureur, le Président Al-Bashir a encore affirmé le 7 octobre en public que les viols à grande échelle n’existent pas au Darfour, et il a déclaré que les femmes qui affirmaient en être victimes étaient en fait des parentes de rebelles. M. Moreno-Ocampo a encore dit que 300 000 personnes supplémentaires ont été déplacées cette année.
Le principe de complémentarité est une pierre angulaire du Statut de Rome de la CPI, a rappelé M. Moreno-Ocampo. Dans le cas actuel, il est très facile d’appliquer cette complémentarité de la Cour pénale internationale puisqu’il n’y a pas de poursuites nationales soudanaises contre les crimes à grande échelle dont la Cour fait état, et le rapport du Gouvernement soudanais présenté à l’Union africaine comme aux Nations Unies le 17 septembre le confirme officiellement, a ajouté le Procureur. « Rien n’a été fait », a regretté M. Moreno-Ocampo.
M. Moreno-Ocampo a rappelé que le Président Al-Bashir a dit ouvertement qu’il ne remettrait pas son Ministre Ahmad Harun à la justice parce que ce dernier mettait en œuvre ses propres instructions. L’impunité accordée à M. Harun est « un message direct à tous les auteurs de crimes au Darfour que le Président protégera ceux qui appliquent ses ordres », a ajouté le Procureur.
M. Moreno-Ocampo a affirmé que le Président soudanais a créé une « illusion d’autonomie » des milices janjaouites et a pu ainsi poursuivre son génocide. Rappelant que le Conseil de sécurité a, à plusieurs reprises, pris des décisions clefs, il a estimé que la réponse du Soudan a toujours consisté en promesses vides contredites par les actes sur le terrain, et il a cité une longue liste de faits allant dans ce sens, y compris les arrestations de Soudanais suspectés par les autorités de fournir des informations à la CPI.
M. Al-Bashir aurait pu désarmer les milices, faire cesser les attaques contre les civils, et arrêter et remettre à la CPI Ahmed Harun et Ali Kushayb, a affirmé M. Moreno-Ocampo, qui a accusé le Président soudanais de « comportement criminel et d’utilisation de l’appareil diplomatique pour sa propre protection ». « La Communauté internationale ne peut pas participer à une telle couverture », a déclaré le Procureur de la CPI. « Face au génocide et aux crimes contre l’humanité, l’inaction et le « business as usual » font partie des crimes, a-t-il affirmé, ajoutant que « les victimes n’ont pas peur de la justice ».
Le Conseil de sécurité a identifié quatre pistes -paix, sécurité, aide humanitaire et justice- pour ramener la paix au Darfour, a rappelé M. Moreno-Ocampo. Aucune de ces quatre pistes ne peut réussir de manière isolée, a-t-il ajouté. Tant que ce sont ceux qui allument les incendies qui sont en place, il n’y aura jamais assez de pompiers, a-t-il affirmé. Le Procureur de la CPI a rappelé que toutes les demandes de mise en accusation concernant des personnes au Darfour sont publiques.
Une décision concernant la demande de poursuite contre le Président Al-Bashir est désormais entre les mains des juges, a déclaré M. Moreno-Ocampo. « Le Conseil de sécurité doit être prêt », a-t-il affirmé. Si les juges décident de lancer un mandat d’arrêt contre le Président Al-Bashir, il faudra, pour assurer son exécution « une action unie et ferme », a-t-il ajouté. « Le Président Al-Bashir niera les crimes qui lui sont reprochés et dira quelques mots. Il insistera pour obtenir votre protection », a déclaré le Procureur aux membres du Conseil. Les actes criminels du Président Al-Bashir ne doivent pas être ignorés, a poursuivi le Procureur de la CPI. « La communauté internationale ne peut pas participer à une couverture quelconque de génocide ou de crimes contre l’humanité », a-t-il ajouté.
« Tout ce dont nous avons besoin, c’est que les États membres du Conseil de sécurité trouvent la volonté politique nécessaire pour imposer la mise en œuvre totale de la résolution 1593 (2005) par les autorités de Khartoum. Il y a eu assez d’apaisement. Le moment n’est plus de continuer à accommoder le mal », a conclu M. Moreno-Ocampo, en reprenant les termes utilisés au mois de juin devant le Conseil par le Ministre des affaires étrangères du Costa-Rica.
M. GIADALLA A. ETTALHI (Jamahiriya arabe libyenne) a remercié M. Luis Moreno-Ocampo pour son exposé, « même si nous avons certaines critiques », a-t-il ajouté. La paix et la sécurité sont les conditions nécessaires pour que justice soit faite, a dit le représentant. C’est la raison pour laquelle nous essayons toujours d’éviter toute mesure qui pourrait avoir un impact négatif sur le retour à la paix civile, a-t-il expliqué. Malheureusement, les dernières mesures prises par le Procureur viennent à un moment où le déploiement de la l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) a été activé et où des efforts internationaux et régionaux sont déployés pour faire avancer le processus politique, a-t-il constaté. Le représentant libyen a émis l’espoir que la mise en œuvre du mandat de la CPI soit effectuée de manière professionnelle, constatant que de nombreuses accusations avaient été lancées, et rappelant en particulier que le Chef de l’État soudanais lui-même avait été mis en cause. À la lecture du rapport, on a l’impression que la préoccupation principale du Gouvernement soudanais est d’éliminer son peuple et de détruire son tissu social, a-t-il commenté.
Alors que le rapport indique que le Procureur a été impliqué de façon active avec les activités menées par l’ONU, l’Union africaine et d’autres organisations, cela n’a pas éliminé les préoccupations de ces entités quant aux initiatives du Procureur, a-t-il constaté. Celles-ci sont susceptibles d’avoir des retombées très graves et de grande portée, a prévenu le représentant. Il a rappelé que l’Union africaine avait suggéré au Conseil de sécurité de reporter les mises en causes visant les dirigeants soudanais. Or, l’Union africaine est le principal partenaire des Nations Unies dans ce dossier, a-t-il constaté. En outre, celle-ci n’est pas la seule institution à s’être inquiétée des conséquences des inculpations émises par la CPI, a-t-il rappelé. La question du maintien de la justice, de la lutte contre l’impunité doit certes rester au premier plan, a-t-il ajouté, assurant que son pays était disposé à participer à toutes les tentatives visant à trouver un règlement au conflit, et qui permettrait au bout du compte à la justice de triompher.
M. JAN GRAULS (Belgique) a déclaré que sa délégation était profondément perturbée, à la lecture du rapport, par l’implication systématique de l’appareil d’État soudanais dans un plan de destruction de groupes ethniques. Les allégations de viols systématiques et les politiques visant à affamer méthodiquement les populations doivent être établies au terme du processus judiciaire, a-t-il affirmé. Les personnes faisant l’objet d’enquête de la Cour pénale internationale, et le Gouvernement soudanais devraient répondre sérieusement à ces accusations plutôt que d’utiliser un discours négatif envers la CPI et son Procureur, a dit M. Grauls. Le représentant de la Belgique a également estimé que les attaques intentionnelles contre le personnel et le matériel de maintien de la paix devaient être poursuivies conformément au Statut de Rome.
M. Grauls a ensuite insisté sur la nécessité de laisser la CPI faire son travail en toute indépendance et de s’opposer à toute interférence politique. Il a engagé le Gouvernement du Soudan à coopérer avec la Cour et le Procureur, et à arrêter et livrer les deux individus qui font l’objet d’un mandat d’arrêt. M. Grauls a également exhorté toutes les parties au conflit à s’abstenir de toute violation du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Le représentant a ensuite demandé au Conseil de sécurité de tenir les autorités soudanaises responsables de toutes menaces ou représailles à l’encontre des forces de maintien de la paix, des travailleurs humanitaires ou des civils au Darfour, attaques qui pourraient être organisées suite à l’émission d’un mandat d’arrêt contre le Président du Soudan. Le Conseil de sécurité se déconsidérerait s’il se laissait manipuler par le chantage, a-t-il notamment déclaré. Enfin, le représentant belge a signalé que sa délégation soutient l’appel du Procureur à considérer d’imposer des sanctions à l’encontre des personnes ou groupes protégeant des personnes visées par des mandats d’arrêt.
M. JEAN-MAURICE RIPERT (France) a souligné que la saisine de la Cour restait « pleinement justifiée ». Il a rappelé que le Statut de Rome reconnaissait que des crimes aussi graves que ceux commis au Darfour menaçaient la paix, la sécurité et le bien-être du monde et qu’il affirmait que les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis. « On trouve dans ces mots toute l’explication de l’action du Conseil de sécurité », a commenté M. Ripert. « Si nous avons adopté la résolution 1593, c’est parce que la lutte contre l’impunité est un élément inséparable du rétablissement de la paix et de la sécurité au Darfour », a-t-il ajouté. Le représentant de la France a ensuite évoqué les trois enquêtes sur les crimes commis au Darfour ouvertes par la CPI. Il a constaté que dans la première enquête le Gouvernement du Soudan ne « coopérait toujours pas » et que dans les deux autres affaires, « nous attendons les décisions de la Cour qui se prononcera en toute indépendance sur les mérites des dossiers d’accusation ». Mais, en tout état de cause, « aucune procédure n’est actuellement engagée devant les juridictions soudanaises, s’agissant des affaires actuellement soumises à la CPI ». La France rappelle que « les autorités soudanaises ont l’obligation de coopérer avec la CPI ». Et elles pourraient par exemple « entreprendre de poursuivre elles-mêmes les deux inculpés devant des juridictions nationales », a-t-il dit, en rappelant les articles 17 à 19 du Statut de Rome.
« En outre, les autorités soudanaises ont une lourde part de responsabilité dans les entraves au déploiement international au Darfour ou dans les blocages posés à l’action des opérateurs humanitaires, ainsi que dans l’activité transfrontalière de groupes armés visant à déstabiliser le Tchad voisin ou encore dans l’absence, jusqu’à présent, d’une perspective de solution politique à la crise », a-t-il souligné. Malgré de récentes avancées dans le déploiement de la MINUAD ou dans la reprise de relations diplomatiques avec le Tchad, « pour autant cela ne constitue pas un changement radical de la politique menée par les autorités soudanaises au Darfour », a estimé M. Ripert. Les attaques se poursuivent en effet en dépit de la proclamation d’un cessez-le-feu unilatéral, a-t-il rappelé. Les milices ne sont pas inquiétées et la situation humanitaire va en se détériorant. « De leur côté, les rebelles doivent prendre toute leur part dans la recherche d’une baisse des violences, le respect du droit international et la relance active du processus politique ». M. Ripert a rappelé la déclaration présidentielle adoptée le 16 juin dernier par le Conseil de sécurité, « notre Conseil » a-t-il souligné, est un texte qui exhortait le Gouvernement soudanais et toutes les parties au conflit à coopérer pleinement avec la Cour. « Cette déclaration présidentielle garde toute sa valeur. La contestation, par le Gouvernement du Soudan, à la fois de l’autorité du Conseil de sécurité et de la compétence de la Cour, n’est pas admissible. Nous devons rappeler le Soudan à ses obligations », a-t-il conclu
M. ZHANG YESUI (Chine) a estimé que la question de la situation au Soudan pouvait se diviser en deux parties: la question nord-Sud et la question du Darfour. Cette dernière est complexe et très difficile, a-t-il ajouté. Il faut maintenir la paix au Soudan et trouver un équilibre d’ensemble pour y réaliser la paix et la justice, a-t-il poursuivi, en constatant que les conflits régionaux conduisent généralement à des crimes contre l’humanité. C’est pourquoi on a mis l’accent, durant les dernières années, sur la lutte contre l’impunité. Néanmoins, il faut aussi agir pour mettre fin aux conflits, a ajouté le représentant.
Durant les dernières années, les pratiques internationales de lutte contre l’impunité ont toutes été réalisées dans des pays où la paix était revenue, a affirmé le représentant. Dans le cas contraire, si on commence des processus juridiques à la hâte alors qu’un processus politique se poursuit, des ingérences politiques dans ce processus sont inévitables, a-t-il estimé.
Les accusations lancées cet été par le Procureur de la CPI ont suscité de nombreuses inquiétudes dans le monde, a déclaré le représentant de la Chine qui a rappelé que l’Union africaine et la Ligue des États arabes avaient exprimé leur préoccupation. Il a ajouté que le Gouvernement du Soudan fait de grands efforts pour faire en sorte que la justice soudanaise poursuive les auteurs de crimes, et que ce Gouvernement avait annoncé un cessez-le-feu au Darfour. Ces efforts doivent être pris en compte, a-t-il affirmé. Il a demandé à la CPI, « dans un esprit de coopération » de « permettre que soit créé un climat » dans lequel tous ces efforts démontraient leur utilité.
M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a remercié M. Moreno-Ocampo pour son rapport, tout en soulignant toutefois que celui-ci contenait des considérations politiques n’entrant pas dans ses compétences. Il a indiqué que sa délégation accueillait avec un « profond regret et une profonde inquiétude » la poursuite des violences au Darfour. M. Churkin a reconnu que la responsabilité du Conseil de sécurité était très grande à cet égard. Mais il convient de trouver un équilibre entre les accusations visant des particuliers pour leurs responsabilités éventuelles dans les exactions et l’intérêt du processus de paix lui-même, a estimé le représentant de la Fédération de Russie. Par ailleurs, la Russie estime tout aussi important d’accélérer les travaux d’enquête sur les activités des groupes rebelles. L’inculpation du Président du Soudan, M. Al-Bashir, a entraîné des réactions qui ne sont pas unanimes, a rappelé M. Churkin, certaines institutions régionales s’inquiétant des retombées sur le processus de paix, ce que la Russie comprend parfaitement. On ne peut pas ignorer, en outre, les mesures prises par la partie soudanaise pour ouvrir ses propres enquêtes de justice sur les allégations d’exactions, et il faut encourager ces mesures, a-t-il dit. La Fédération de Russie continuera de faire tout son possible pour rétablir la paix au Darfour, a-t-il conclu.
M. GIULIO TERZI DI SANT’AGATA (Italie) a déclaré que sa délégation soutenait le Procureur et a ajouté que le Conseil de sécurité devrait lui témoigner son soutien. Une fois de plus, on nous dit que des crimes effroyables continuent d’être commis au Darfour dans un climat d’impunité et on nous dit que les institutions soudanaises continuent de ne pas coopérer avec la CPI, alors que se multiplient les indications inquiétantes concernant le soutien de l’appareil d’État aux milices janjaouites, a déclaré le représentant.
Il faut traduire en justice les responsables des crimes graves si l’on veut contribuer à la paix au Darfour et au Soudan, a déclaré M. Terzi di Sant’Agata. L’Italie se félicite des mesures prises par le Procureur dans l’affaire des attaques contre les Forces de l’Union africaine, a-t-il ajouté. Il a condamné toutes les attaques lancées contre les civils et les organisations humanitaires. Le représentant a demandé que la résolution 1593 soit appliquée dans son intégralité, et donc que le Gouvernement du Soudan coopère pleinement avec la CPI et son Procureur. L’Union européenne a demandé à maintes reprises au Gouvernement du Soudan de coopérer avec la CPI et de lui remettre les deux personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt, a-t-il rappelé. Il a estimé que le Conseil de sécurité devrait rapidement examiner la possibilité d’adopter des sanctions individuelles contre les personnes qui font l’objet d’un mandat d’arrêt.
M. MICHEL KAFANDO (Burkina Faso) a tout d’abord réaffirmé l’attachement de son pays à la lutte contre l’impunité et à la promotion d’une justice égale pour tous au Soudan, en particulier au Darfour. La recherche d’une solution politique et l’administration de la justice ne sont guère contradictoires, à condition, a-t-il précisé, que l’intégrité de chaque processus soit préservée. Il a recommandé que les activités de la CPI au Darfour soient empreintes de la « plus grande prudence » et qu’elles s’inscrivent dans une démarche strictement judiciaire, conformément à l’esprit et à la lettre de la résolution 1593. M. Kafando a estimé qu’il importe d’éviter toute action qui pourrait éroder la confiance des populations en la communauté internationale, miner les efforts en cours, ou saborder le processus politique. M. Kafando a également engagé le Gouvernement soudanais à prendre toutes les dispositions nécessaires pour coopérer à la poursuite des personnes reconnues coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité et à lutter contre l’impunité.
Le représentant burkinabè a ensuite estimé que le Conseil de sécurité devait continuer à suivre de près le développement des poursuites engagées. Il ne doit écarter aucune solution, ni épargner aucun effort, a-t-il notamment dit. L’Union africaine insiste sur la nécessité de préserver l’intégrité des processus politique et judiciaire, a souligné le représentant. M. Kafando a exhorté le Gouvernement du Soudan, la CPI, le Conseil de sécurité et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine à améliorer et à renforcer leurs relations de travail. Il a également engagé les protagonistes à respecter les vies des populations civiles et des forces de la paix et à assurer la liberté de mouvement des travailleurs humanitaires.
M. JORGE URBINA (Costa Rica) a déclaré que certains membres de la communauté internationale ne semblent pas encore avoir pris conscience de la signification profonde de la création de la Cour pénale internationale. Celle-ci, a-t-il affirmé, représente un pas important, et le Costa Rica entend s’attacher à défendre les intérêts des petits États dont l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale dépendent du strict respect du droit international. Un ordre international incapable de sanctionner les crimes les plus graves est un ordre international incapable de garantir la protection de millions d’êtres humains victimes de violences barbares, a-t-il affirmé.
Le représentant a rappelé qu’en 2005, au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1593 qui, a-t-il ajouté, a mis à l’épreuve les capacités de la jeune CPI. Je suis certain que le Conseil, quand il a adopté la résolution, était aussi conscient de son propre engagement en faveur de la mise en œuvre des décisions de la Cour, a ajouté M. Urbina. Il s’est dit préoccupé à l’idée que les mandats d’arrêt envisagés aillent seulement s’ajouter à ceux qui sont en attente d’exécution car, a-t-il rappelé, depuis 2007, les personnes qui font l’objet d’un mandat d’arrêt continuent d’exercer leurs fonctions officielles. Le représentant a dit regretter les « pressions exercées sur le Conseil » pour qu’il suspende les décisions de la Cour, et a estimé que de telles pressions devraient plutôt être exercées sur le Soudan pour qu’il se conforme aux résolutions du Conseil. Nous ne pouvons pas aujourd’hui échanger les facilités que donne le Gouvernement du Soudan pour le déploiement de la MINUAD avec une autorisation pour de nouveaux crimes et une nouvelle dégradation humanitaire au Soudan, a-t-il affirmé. Nous ne pouvons pas non plus nous limiter à une nouvelle demande au Gouvernement soudanais pour qu’il collabore avec la Cour, cette collaboration étant « nulle », a-t-il affirmé.
Par sa nature, la CPI n’est pas habilité à arrêter les personnes mises en cause, a rappelé le représentant. Cette compétence échoit aux États, et la communauté internationale doit y veiller. Le moment est venu d’accroître la pression sur le Soudan afin d’obtenir enfin sa coopération avec la Cour, a-t-il affirmé. On nous parle de possibles représailles et d’une dégradation de la situation en cas de poursuites, a encore observé le représentant. Mais, a-t-il ajouté, la vraie paix en serait plus proche. « La nuit n’est jamais plus noire que juste avant l’aube », a-t-il rappelé. Nous sommes en présence d’un État qui ne veut pas, ou ne peut pas protéger sa population victime de crimes contre l’humanité, de génocide et de nettoyage ethnique, a observé M. Urbina, qui s’est demandé si la communauté internationale n’était pas en fait confrontée ici au premier cas de mise en œuvre de la « responsabilité de protéger », telle que définie à la réunion de haut niveau de 2005. Il a par ailleurs condamné par avance toutes représailles à l’encontre des fonctionnaires internationaux ou travailleurs humanitaires.
M. HASAN KLEIB (Indonésie) a exprimé l’inquiétude de sa délégation quant à la situation sécuritaire et humanitaire au Darfour. Il faut aborder le problème dans la perspective de la recherche d’une solution, a-t-il ajouté, ce qui suppose une approche dont les actions se complètent et se renforcent mutuellement. L’Indonésie est aussi d’avis qu’il est important de trouver un équilibre et une synergie entre la recherche de la justice et le maintien de la paix et de la sécurité. « L’Indonésie appelle le Gouvernement du Soudan à prendre, de manière urgente, des mesures concrètes pour traduire en justice les auteurs de graves violations des droits de l’homme au Darfour », a poursuivi M. Kleib. L’État soudanais doit aussi s’assurer que sa législation n’exempte personne de ses responsabilités, a-t-il ajouté. Et l’Indonésie est convaincue que le Soudan se montrera à la hauteur de ses responsabilités. En conclusion, M. Kleib a dit l’appréciation de sa délégation quant à l’indépendance de la Cour et quant aux efforts du Procureur pour mettre en œuvre la résolution 1593.
Mme ROSEMARY DI CARLO (États-Unis) a exprimé la vive inquiétude de son pays face à la poursuite des exactions au Darfour. Elle a dit que les États-Unis soutenaient le processus de paix au Darfour mais demandaient à y voir des « améliorations mesurables et pas de simples promesses ». Mme Di Carlo a noté avec intérêt l’annonce du cessez-le-feu par le Gouvernement soudanais mais s’est dite profondément déçue par la poursuite des attaques lancées par des rebelles et par les Forces armées soudanaises. Elle a rappelé l’attachement des États-Unis à la primauté du droit et a demandé une intensification des efforts qui doivent être déployés pour traduire en justice toute personne ayant commis des exactions contre le peuple soudanais.
La communauté internationale ne saurait ignorer les souffrances humaines indicibles qui sont occasionnées par le conflit du Darfour, a dit Mme Di Carlo. Elle a rappelé que les États-Unis avaient qualifié le conflit de « génocide » et pris des mesures individuelles contre sept personnes responsables d’exactions massives au Darfour. Elle a demandé au Comité des sanctions d’« utiliser avec responsabilité » les outils dont il dispose.
M. DUMISANI KUMALO (Afrique du Sud) a fait remarquer que la demande du Procureur de la Cour pénale internationale de délivrer un mandat d’arrêt contre le Président soudanais a nourri le débat sur la relation entre la paix et la justice. Ce débat, a-t-il précisé, soulève la question de l’équilibre délicat entre, d’une part, la lutte contre l’impunité qui doit se faire en traduisant les coupables de crimes condamnés par le droit international devant la justice et, d’autre part, la nécessité de mettre un terme à un conflit en suivant un processus de paix complexe et minutieux. M. Kumalo a indiqué que les concepteurs du Statut de Rome étaient conscients de cet équilibre délicat à respecter entre considérations politiques et juridiques. C’est pour cette raison que l’article 16 du Statut de Rome accorde au Conseil de sécurité des pouvoirs sur ce genre de questions, a-t-il poursuivi. Tout en reconnaissant et respectant la responsabilité du Procureur de faire appliquer la loi sans crainte et de manière impartiale, le représentant de l’Afrique du Sud a dit que sa délégation reconnaissait aussi que le Conseil de sécurité a la responsabilité de prendre en considération les impératifs politiques qui entrent en jeu dans de telles situations.
M. Kumalo a rappelé que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a enjoint le Conseil à considérer la possibilité de demander à la CPI le report d’un éventuel procès contre le Président Al-Bashir. En effet, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a estimé qu’une approbation de la requête du Procureur par la Chambre d’instruction préliminaire pourrait saper les efforts déployés pour faciliter la résolution du conflit au Darfour et le processus, plus large, de réconciliation au Soudan, a-t-il expliqué. M. Kumalo a tenu à souligner que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine ne souhaitait en aucun cas favoriser l’impunité. Il a, à cet égard, souligné qu’il a invité la Commission de l’Union africaine à mettre en place un panel indépendant de haut niveau chargé d’examiner la situation en profondeur et de formuler des recommandations sur les moyens d’assurer la responsabilité de la lutte contre l’impunité, tout en veillant à la réconciliation et à la paix au Soudan. Ainsi, compte tenu des démarches entreprises par l’Union africaine pour faire en sorte que la paix et la justice se renforcent au Darfour, M. Kumalo a souhaité que le Conseil de sécurité de l’ONU prenne le temps de discuter pour décider d’un sursis à poursuivre, conformément aux termes de l’article 16 du Statut de Rome.
M. RICARDO ALBERTO ARIAS (Panama) a souligné que l’impunité ne pouvait ni ne devait être une option. Il est préoccupant de constater par conséquent « l’absence de réponses constructives » aux inculpations émises par la CPI depuis 20 mois contre deux responsables soudanais. Le Panama, en tant que membre du Conseil et partie au Statut de Rome, se voit donc dans l’obligation de renouveler un appel au Gouvernement du Soudan pour qu’il « assume ses responsabilités face à la communauté internationale en arrêtant et en mettant immédiatement les individus inculpés à la disposition de la Cour ». L’orateur a rappelé que la CPI représentait « la volonté de 108 pays qui ont décidé de remplacer l’arbitraire du passé par un système de justice transnationale ». Et c’est la même volonté de changement qui a incité le Conseil à adopter la résolution 1593. « Nous sommes conscients du défi que cela présente », a-t-il commenté. Le Conseil de sécurité, tout comme les États Membres des Nations Unies doivent se tenir prêts à prendre les mesures qui s’imposent, même lorsque celles-ci mettent en cause les plus hautes autorités d’un pays, a-t-il souligné. Car l’impression d’impunité ne peut qu’encourager la violence au Darfour.
La délégation panaméenne a souligné que le Conseil de sécurité devait poursuivre ses efforts pour que les 17 000 personnels qui portent secours aux 2,7 millions de victimes du conflit puissent remplir leur noble mission. « Nous ne pouvons accepter que le personnel humanitaire continue d’être la cible d’attaques aveugles », a poursuivi l’intervenant. Il a conclu en appelant à la poursuite de la coopération des États Membres de l’ONU, en particulier des pays arabes et des membres de l’Union africaine. À cet égard, il a estimé que la médiation proposée par le Qatar est un pas dans la bonne direction et doit être appuyée par le Conseil.
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a déclaré que son pays soutient fermement les actions indépendantes de la Cour pénale internationale au Darfour ainsi que celles de son Procureur. La poursuite des auteurs d’exactions contre des populations innocentes est nécessaire à l’établissement d’une paix durable partout dans le monde et donc aussi au Darfour, a-t-elle ajouté. Elle s’est dite profondément préoccupée par les informations faisant état de la poursuite des exactions au Darfour, et a condamné les attaques lancées contre les civils ainsi que contre les travailleurs humanitaires.
Mme Pierce a également fait part de la préoccupation de sa délégation au sujet des déclarations faites par de hauts responsables soudanais qui ont émis des doutes sur la sécurité des agents des Nations Unies, du fait que le Procureur de la CPI poursuit ses enquêtes. Elle a rappelé au Gouvernement du Soudan son devoir de protéger le personnel des Nations Unies. Elle lui a demandé de coopérer pleinement avec la Cour, y compris dans l’exécution des mandats d’arrêt déjà émis. Elle a estimé que rien ne justifie que le Conseil de sécurité suspende les activités de la CPI concernant le Darfour et a ajouté que le Gouvernement du Royaume-Uni s’opposait à cette idée.
M. HOANG CHI TRUNG (Viet Nam) a condamné les attaques commises au Darfour contre la population civile et le personnel humanitaire. Il faut appliquer la résolution 1593 dans son intégralité, a-t-il dit, en prenant note que le Soudan avait annoncé l’ouverture d’enquêtes de justice. Le Viet Nam lui demande de poursuivre ses efforts, a dit le représentant. Nous croyons que ce type de démarche est susceptible de recevoir le soutien de la communauté internationale et de la CPI, a-t-il ajouté, d’autant que cela va dans le sens de la paix et de la réconciliation nationale au Soudan. Le Viet Nam appuie par ailleurs les initiatives de l’Union africaine et de la Ligue des États arabes. Il se félicite de la proclamation d’un cessez-le-feu unilatéral par le Gouvernement du Soudan, et appelle les autres parties prenantes à le respecter. Le Viet Nam est opposé à l’imposition de mesures coercitives contre le Soudan, qui ne feraient que compliquer la situation, a conclu le représentant.
M. NEVEN JURICA (Croatie) a constaté que des « crimes odieux » continuent d’être commis au Darfour et que les auteurs de ces crimes ne sont pas poursuivis en justice. Il a jugé « regrettable » que le Gouvernement du Soudan continue de refuser de coopérer avec la Cour pénale internationale, rappelant qu’en vertu du Statut de Rome, le fonctionnement de la CPI repose sur le principe de complémentarité. Il a souligné que le Soudan ne respecte pas la résolution 1593 du Conseil de sécurité. Il a réaffirmé le « message clair » envoyé par le Conseil de sécurité dans sa déclaration présidentielle du 16 juin.
M. Moreno-Ocampo a dit à la fin de la réunion qu’il tenait à clarifier certains points. « Je suis le Procureur de la Cour, j’ai mes responsabilités, vous avez les vôtres, et je n’empièterai pas sur elles », a-t-il assuré, en s’adressant plus particulièrement à la délégation de l’Afrique du Sud, pays dont il a reconnu l’engagement en faveur de la justice. Mais, les crimes commis au Darfour, a-t-il poursuivi, ont une particularité: ils sont commis par les membres du Gouvernement soudanais lui-même. Comment celui-ci pourrait-il respecter la loi, puisque c’est lui qui donne les ordres, a demandé M. Moreno-Ocampo. Il mute les responsables qui refusent de suivre ses instructions, a-t-il ajouté, citant l’exemple du Gouverneur du Darfour qui refusait de faire appel aux milices janjaouites. Citant le cas de M. Harun, nommé aux affaires humanitaires, M. Moreno-Ocampo a estimé qu’il s’agissait simplement, dans ce cas, de trouver une voie permettant au Gouvernement de continuer à mener des attaques contre la population civile. C’est la raison pour laquelle ils utilisent le viol et la faim, ne pouvant pas attaquer les camps de front, ce qui soulèverait la réprobation internationale, a estimé le Procureur de la CPI. C’est aussi la raison pour laquelle le personnel humanitaire dépêché par l’ONU, par le Conseil de sécurité, est soumis à une telle pression, a encore expliqué le Procureur. Le Gouvernement du Soudan couvre les crimes commis sur ses ordres, tout en niant le fait même qu’ils se produisent. Ils disent que les femmes qui sont violées sont des parentes des rebelles, par exemple, afin de disqualifier la sincérité de leur témoignage. Ils m’accusent, a expliqué M. Moreno-Ocampo, de n’avoir aucune preuve, en attaquant mes témoins, et ils protègent des personnes recherchées par la Cour. Ils ne veulent pas remettre Harun à la Cour, car ils veulent que les gens continuent à obéir à leurs ordres. Quant aux procédures nationales, je n’y suis pas du tout opposé, a-t-il indiqué, avant de se demander comment il pourrait y avoir des poursuites judiciaires nationales au Soudan lorsque les témoins sont eux-mêmes menacés.
Le représentant de l’Afrique du Sud a exercé son droit de réponse et a déclaré en réponse à M. Moreno-Ocampo: « Nous, nous sommes le Conseil de sécurité, nous ne sommes pas des juristes ou des procureurs. Nous devons prendre des dispositions », a-t-il ajouté, en rappelant que le Statut de Rome prévoyait la possibilité de suspendre des poursuites lancées par la CPI. Le Conseil doit veiller à la fois au maintien de la paix et de la sécurité internationales et à la lutte contre l’impunité, a-t-il rappelé. Les gens ne devraient pas nous voir comme débattant de la question, ou croire que nous tolérons ces choses horribles qui ont été rapportées ce matin, a souligné M. Kumalo. Bien sûr, que nous les combattons; mais nous devons voir le problème dans son ensemble, a ajouté le représentant. Ceux qui nous regardent, a-t-il dit, doivent comprendre que le fait que nous posions la question ne signifie pas que nous ayons pris parti. Poursuivez vos activités; vous avez un mandat, mais nous aussi en avons un, a-t-il lancé à l’intention du Procureur de la CPI.
Reprenant la parole, le représentant du Costa Rica a déclaré: « Tout le monde n’est pas juriste, mais moi, je le suis ». Le Procureur s’est acquitté de sa tâche en présentant aux juges de la Cour ce qu’il a trouvé, ses preuves, a-t-il noté. Il ne s’agit pas de mettre en œuvre les vœux du Procureur, cela appartient aux juges auxquels revient éventuellement cette décision. Il ne faut pas confondre le rôle du Procureur et celui de la Cour, a rappelé le représentant du Costa Rica. Des mandats d’arrêt ont été demandés, et c’est au Conseil de mesurer les conséquences possibles de telle ou telle décision qu’il sera amené à prendre, a-t-il conclu.
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