HAÏTI EST À UN CARREFOUR DE DÉFIS ET D’ESPOIRS, DÉCLARE AU CONSEIL DE SÉCURITÉ LE CHEF DE LA MINUSTAH
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Conseil de sécurité
5990e séance – matin
HAÏTI EST À UN CARREFOUR DE DÉFIS ET D’ESPOIRS, DÉCLARE AU CONSEIL DE SÉCURITÉ LE CHEF DE LA MINUSTAH
Il est essentiel de ne pas travailler seulement en fonction d’un calendrier préétabli, mais plutôt en fonction de la réalisation des objectifs fixés, déclare Hédi Annabi
« Nous sommes à un carrefour de défis et d’espoirs », a déclaré ce matin devant le Conseil de sécurité M. Hédi Annabi, Représentant spécial du Secrétaire général en Haïti et Chef de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), qui présentait le dernier rapport du Secrétaire général concernant les principaux faits survenus depuis le 26 mars dernier.
Devant le Conseil de sécurité, M. Annabi a expliqué que des événements importants ont eu lieu depuis cette date. Il s’agit d’une part des « ouragans dévastateurs » qui ont frappé le pays entre la mi-août et début septembre, et d’autre part la nomination et l’investiture du nouveau gouvernement. Le Représentant spécial a rappelé que, du fait des ouragans, plus de 800 000 Haïtiens ont perdu leur maison ou ont été directement affectés; des routes et des ponts ont été détruits, ainsi qu’un grand nombre de cultures. Ces chiffres, a ajouté M. Annabi, ne peuvent refléter la souffrance des populations déjà désespérément pauvres qui ont perdu le peu qu’elles possédaient.
Au cours du mois écoulé, la MINUSTAH s’est attachée en priorité, en collaboration avec les autorités nationales et les institutions des Nations Unies, à répondre aux besoins les plus pressants après les ouragans, par des évacuations, un soutien médical d’urgence, l’acheminement de secours d’urgence, la réparation d’infrastructures menacées, a expliqué M. Annabi. Cela a permis, a-t-il dit, de gagner du temps en attendant que les mécanismes humanitaires réguliers puissent se mettre en place. Rendant hommage aux efforts du personnel, civil, policier et militaire de la Mission, M. Annabi a indiqué que les contingents de la MINUSTAH assurent soutien logistique et protection aux institutions humanitaires, notamment au Programme alimentaire mondial, qui a fourni une aide alimentaire d’urgence à 700 000 personnes.
Parallèlement à ces impressionnants défis, c’est aussi une période d’espoir fondée sur un renouveau politique, a déclaré M. Annabi. La nécessité de faire face aux énormes dégâts provoqués par les ouragans a contribué à débloquer l’impasse politique qui durait depuis cinq mois et a permis d’investir un nouveau gouvernement le 5 septembre. Depuis, le Parlement s’est montré disposé à travailler avec le Gouvernement et a adopté une législation facilitant la fourniture de secours d’urgence ainsi qu’un budget supplémentaire pour des fonds d’urgence. Le Président Préval s’est rendu jeudi dernier aux Gonaïves et les parlementaires et des ministres, ainsi que le secteur privé, ont œuvré côte à côte pour aider la population, notamment dans la région très affectée des Gonaïves, et ont adopté une politique de communication pour informer et faire participer le public.
Toutefois, cette nouvelle approche positive reste extrêmement fragile et risque dans un proche avenir, à l’occasion des futures élections d’un tiers du Sénat, de céder la place aux traditionnelles confrontations politiques, a prévenu M. Annabi. Le Représentant spécial a par ailleurs averti que la situation économique générale, encore aggravée par les ouragans, a créé « un réservoir potentiel de mécontentement qui pourrait être exploité à des fins politiques ».
Il importe avant tout que les dirigeants haïtiens fassent tout leur possible pour poursuivre leur collaboration, a estimé le Représentant spécial. En même temps, a-t-il ajouté, la communauté internationale doit apporter une contribution importante, non seulement sous la forme de soutien politique, mais aussi en aidant le Gouvernement à fournir ce dont le pays a besoin et à renforcer ainsi sa crédibilité. Cet effort conjoint est nécessaire pour s’assurer que le pays est sur la bonne voie, a poursuivi M. Annabi.
Le Représentant spécial a rappelé que le rapport du Secrétaire général présente un certain nombre de mesures nécessaires pour améliorer la situation dans divers secteurs. Sur le plan politique, la MINUSTAH aide à la préparation des élections sénatoriales partielles, qui auraient déjà dû avoir lieu depuis plusieurs mois mais qui, du fait des ouragans, ne pourront être tenues que dans quatre ou cinq mois, a estimé M. Annabi, soulignant qu’il est important que ce processus avance.
En ce qui concerne le renforcement de l’autorité de l’État, le Représentant spécial a rappelé que, depuis l’adoption de la résolution 1780, la MINUSTAH aide le Gouvernement d’Haïti à renforcer le contrôle de ses frontières. En outre, elle se concentre sur la bonne gouvernance locale et aide l’État à répondre aux besoins des régions dans ce domaine.
La MINUSTAH continue de jouer un rôle essentiel dans le domaine de la sécurité, a affirmé le Représentant spécial. Cela apparaît clairement dans le rapport, dans lequel le Secrétaire général rappelle que les composantes de sécurité de la Mission ont joué « un rôle capital » lors des émeutes d’avril. En outre, a ajouté M. Annabi, ces forces ont apporté un soutien précieux aux efforts déployés après le passage des ouragans. Le pays va continuer à être confronté à différentes formes de menaces -criminalité, enlèvements, tentatives des gangs pour se reconstituer- a estimé M. Annabi. C’est pourquoi, le Secrétaire général recommande une prorogation d’une année du mandat de la MINUSTAH, soit jusqu’au 15 octobre 2009, ainsi que le maintien à son niveau actuel de l’effectif de ses composantes militaire et de police.
Le renforcement du secteur de la sécurité doit être poursuivi, a déclaré M. Annabi, qui a cité le cas de la Police haïtienne. C’est une force de police jeune, modestement équipée et qui manque encore de professionnalisme mais qui est enthousiaste, a-t-il fait remarquer. Le renforcement de la police doit s’accompagner de celui des autres institutions devant assurer la primauté du droit, a ajouté le Représentant spécial. L’École de la magistrature fonctionne et une petite promotion a commencé une formation. Des efforts par ailleurs sont en cours pour améliorer l’état du système pénitentiaire, que M. Annabi a jugé « consternant ».
Il est vital que des progrès soient faits pour traiter de la situation sociale et économique, a affirmé M. Annabi. Les efforts de la MINUSTAH ne seront pas couronnés de succès s’il n’existe pas de perspective tangible d’amélioration dans la population haïtienne, a-t-il fait observer. Les causes des émeutes d’avril persistent, a-t-il affirmé. Il est donc essentiel que les donateurs et institutions spécialisées essaient de jeter les bases pour un redressement substantiel qui rende inutiles à l’avenir les efforts d’urgence. Sans un effort majeur, il ne sera pas possible de reconstruire Haïti, a répété M. Annabi. Tout en se disant conscient des contraintes mondiales actuelles, il a estimé que le coût d’un effort majeur pour Haïti ne serait pas gigantesque en soi, et qu’il représenterait un excellent investissement, permettant de sauvegarder les investissements faits à ce jour et d’éviter les coûts futurs qu’entrainerait une reprise de l’instabilité.
M. Annabi a jugé essentiel de ne pas travailler seulement en fonction d’un calendrier préétabli, mais plutôt en fonction de la réalisation des objectifs fixés. « Si nous nous désengageons avant l’achèvement, nous risquons de mettre en péril tout ce qui aura déjà été obtenu », a-t-il insisté. Il a par ailleurs rappelé que la stabilité dépend de trois facteurs: l’engagement du peuple et du gouvernement haïtiens, celui de la MINUSTAH et des Nations Unies, et celui de la communauté internationale dont l’assistance et les ressources sont indispensables pour concrétiser les plans.
Appelant chacun à travailler ensemble dans un partenariat étroitement coordonné, le Représentant spécial a conclu en affirmant: « Si nous gardons le cap, nous pouvons réussir et Haïti pourra sortir de ce passé trouble et entrer dans un avenir meilleur. »
La Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti a été créée par la résolution 1542 du Conseil de sécurité, adoptée le 30 avril 2004. Elle a pour mandat, notamment, de créer un climat sûr et stable, d’aider le Gouvernement à rétablir l’autorité de l’État sur toute l’étendue du territoire haïtien et favoriser la bonne gouvernance au niveau local, et de surveiller la situation des droits de l’homme. Au 18 août 2008, la Mission comptait un effectif total de 6 952 militaires et 1 925 policiers civils.
LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI
Rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (S/2008/586)
Dans ce rapport, daté du 27 août 2008 et qui porte sur les principaux faits survenus depuis le 26 mars 2008, le Secrétaire général recommande une prorogation d’une année du mandat de la MINUSTAH, jusqu’au 15 octobre 2009, ainsi que le maintien à son niveau actuel de l’effectif de ses composantes militaire et de police, « afin que la Mission puisse continuer d’appuyer le processus de stabilisation dans chacun de ces domaines ». La présence de la MINUSTAH demeure indispensable pour la stabilité du pays, estime le Secrétaire général, qui rappelle que les composantes de sécurité de la Mission ont joué « un rôle capital » lors des émeutes d’avril.
Du 3 au 9 avril se sont déroulées des manifestations de plus en plus violentes ayant pour origine la frustration de la population face à la flambée des prix des produits de base, mais qui sont aussi apparues au fil des jours comme « délibérément manipulées à diverses fins politiques, criminelles ou financières.» Le 9 avril, le Président Préval a lancé un appel au calme largement entendu et il a, trois jours plus tard, présenté un programme de subventions à court terme pour le riz importé et un plan à moyen terme pour relancer la production agricole nationale. Le 12 avril également, le Sénat a censuré lors d’un vote le gouvernement dirigé par le Premier Ministre Jacques-Édouard Alexis, mettant ainsi fin au « fragile consensus politique haïtien. Il a fallu quatre mois de négociations pour que les législateurs approuvent son successeur, Mme Michèle Duvivier Pierre-Louis, et, au moment de la rédaction du rapport, le Président et le Premier Ministre menaient encore des consultations pour former le nouveau gouvernement.
Face à ces événements, le Secrétaire général juge « essentiel que les Haïtiens et leurs partenaires tournent la page de cette période de crise et abordent avec une énergie renouvelée les tâches qui les attendent ». Il estime que l’accord du 31 juillet sur la nomination d’un nouveau Premier Ministre constitue « une avancée importante pour remettre le processus de stabilisation sur les rails » mais ajoute qu’il reste beaucoup à faire et que « de nouveaux efforts soutenus de la part des dirigeants et du peuple haïtiens, de la MINUSTAH et de l’ensemble de la communauté internationale seront nécessaires pour rattraper le temps perdu ».
Le Secrétaire général estime par ailleurs que, parallèlement à son appui à la MINUSTAH, l’ensemble de la communauté internationale devra absolument faire preuve de solidarité pour réaliser de véritables progrès en Haïti. Il ajoute que le soutien bilatéral pour la formation spécialisée et pour le financement des infrastructures nécessaires « est et demeurera capital » pour la réussite des efforts axés sur l’édification d’institutions. « En répondant généreusement à la crise d’avril, les donateurs ont apporté au peuple haïtien un encouragement dont il avait grandement besoin dans cette passe particulièrement difficile », poursuit le Secrétaire général. Mais il avertit aussi que « des difficultés considérables subsistent » et que faute d’une réaction appropriée, elles déboucheront sur une déstabilisation accrue. Le Secrétaire général ajoute qu’une assistance immédiate est « absolument nécessaire dans les semaines à venir, au cours desquelles les familles haïtiennes devront faire face aux difficultés économiques liées à la rentrée des classes dans un contexte d’augmentation du coût de la vie. »
Le Secrétaire général affirme toutefois que, si les événements des quatre derniers mois ont mis en lumière la fragilité des résultats obtenus jusqu’ici, ils ne doivent pas devenir un motif de découragement. Ils doivent au contraire être considérés comme faisant partie d’un effort à long terme de consolidation de la paix et des institutions qui exige patience et endurance et ne saurait se dérouler sans accroc. Les difficultés récentes devraient donc renforcer la détermination de tous ceux qui peuvent contribuer à ce processus en maintenant, voire en accroissant, leur participation, afin de prévenir tout nouveau revers et de faire en sorte qu’Haïti progresse sur la voie de la stabilité, conclut le Secrétaire général.
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