AG/PAL/1085

CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES RÉFUGIÉS DE PALESTINE

29/04/2008
Assemblée généraleAG/PAL/1085
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES RÉFUGIÉS DE PALESTINE


Historiens et juristes exposent la genèse de la question palestinienne et affirment la validité juridique du droit au retour des réfugiés


(Publié tel que reçu)


Paris, le 29 avril -- La non-prise en compte du problème des réfugiés palestiniens constitue un obstacle absolu à toute solution durable du conflit arabo-israélien, ont estimé les experts entendus ce mardi après-midi dans le cadre de la Conférence internationale sur les réfugiés de Palestine qui se tient à l’UNESCO à Paris. Cette première séance plénière était consacrée aux aspects juridiques du droit au retour des réfugiés.


Lors des allocutions et des diverses interventions de la séance inaugurale du matin, les intervenants avaient estimé urgent de trouver une issue à la question des réfugiés de Palestine, 60 ans après leur exode.  La réunion avait été ouverte par Angela Kane, Sous-Secrétaire aux affaires politiques des Nations Unies s’exprimant au nom du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon.  Elle avait souligné que le Proche-Orient ne connaîtrait de paix durable tant que la question des réfugiés ne serait pas réglée.  Elias Sanbar, Observateur permanent de la Palestine à l’UNESCO, avait rappelé au nom du Président palestinien Mahmoud Abbas que trois générations vivaient toujours dans l’attente du retour.


Parmi les six experts invités, Susan Akram, professeur à la faculté de droit de l’Université de Boston, a examiné en détail les arguments juridiques mis en avant par certains Israéliens pour justifier l’absence de droit au retour des Palestiniens, alors que les juifs du monde entier bénéficient quant à eux d’un tel droit.  Les opposants au droit au retour des Palestiniens expliquent par exemple que ceux-ci ont été déplacés au cours d’une guerre défensive et qu’aucun droit de l’homme ne prévoit de droit au retour automatique des réfugiés.  Et si un tel droit existe, il ne s’appliquerait qu’aux individus et pas à une population entière.  Mme Akram a souligné à l’inverse que le droit humanitaire ne distinguait pas les déplacements forcés ou volontaires de populations. Selon elle, les provisions concernant le droit au retour concernent toutes les catégories de personnes, qu’elles soient civiles ou combattantes.  Elle a dénoncé l’utilisation « hypocrite » du droit pour justifier les droits des uns contre celui des autres.


Pour sa part, l’historien américain Michael Fischbach du collège Randolph-Macon à Ashland en Virginie s’est penché sur la période clé 1948-1951.  Il a estimé que l’exode de 1948 qui a vu le déplacement de la moitié de la population arabe de Palestine avait entraîné « l’effondrement de la société palestinienne ».  Wajih Ahmad Atallah, Secrétaire de l’Union des centres d’activité pour la jeunesse de Cisjordanie et de Gaza dans le camp de réfugiés de Qalandia, a rappelé pour sa part que 80% des Palestiniens étaient alors agriculteurs et que les réfugiés avaient perdu leurs repères essentiels, ce qui a bouleversé le tissu social.


Salman Abu-Sitta, chercheur et ancien membre du Conseil national palestinien, a constaté que bien que le territoire palestinien ait été conquis, sa population a été multipliée par 15 en six décennies, 50% vivant encore sur le territoire de la Palestine historique.  Il a dénoncé « une mythologie fabriquée » selon laquelle le retour des réfugiés serait impossible.  Il s’est dit convaincu que ceux-ci ne renonceraient jamais à leur droit de récupérer leurs biens.  M. Fischbach est allé dans le même sens en soulignant que s’ils ne voulaient pas voir leurs efforts voués à l’échec, les négociateurs seraient avisés d’envisager toutes les facettes de la question lorsqu’ils élaborent des propositions de paix.


Plénière 1


MICHAEL FISCHBACH, Professeur d’histoire, Randolph-Macon College, Ashland, Virginie, a brossé un tableau historique complet de la période allant de 1948 à 1951, des années qui ont vu la genèse du problème non résolu à ce jour des réfugiés palestiniens.  Il a rappelé que quelque 750.000 Palestiniens avaient fui ou été expulsés lors de la première guerre israélo-arabe de 1948 (soit la moitié de la population arabe de Palestine et 80% de celle installée dans ce qui devait être le futur territoire israélien), exode qui a entraîné « l’effondrement de la société palestinienne ».  M. Fischbach a rappelé que les Nations Unies avaient joué un rôle important dans les tentatives de mettre un terme aux combats et de trouver une solution au problème des réfugiés mais que depuis 1951 celui-ci avait perduré sans amélioration notable.


Après avoir rappelé l’immigration juive en Palestine et l’acquisition de terres par le mouvement sioniste avec l’appui de la puissance mandataire britannique sur la région, le Pr Fischbach a souligné qu’en 1947, les juifs constituaient le tiers de la population totale et qu’ils possédaient 20% des terres.  Lors de l’armistice de 1949, les forces israéliennes contrôlaient 77% de la Palestine mandataire, territoire qui est devenu le nouvel Etat juif.  Aucun Etat arabe palestinien comparable n’a été créé dans le même temps et la guerre a été pleurée comme la plus terrible des catastrophes (la Naqba) par les Palestiniens, a encore rappelé l’orateur.


Les Palestiniens ayant fui la guerre étaient majoritairement des paysans, ils ont tout perdu, se trouvant totalement démunis sur le plan économique pour refaire leur vie dans les camps.  A l’inverse, pour les dirigeants sionistes, cet exode massif a permis de résoudre un problème a priori insurmontable qui était de créer un Etat juif alors que la majorité de la population était arabe, a noté l’orateur.  Le maintien de la nouvelle composition ethnique d’Israël est rapidement devenu l’un des principaux objectifs statégiques du nouvel État, a-t-il souligné, ce qui a été fait par la confiscation des biens des réfugiés et par l’interdiction de leur retour.


L’historien a ensuite procédé à un développement détaillé sur la question des compensations et par conséquent sur l’évaluation des biens abandonnés.  Il a souligné le caractère d’autant plus ardu de la tâche qu’une grande partie des bâtiments ont été détruits au fil du temps et remplacés par d’autres.


En conclusion, M. Fischbach a reconnu que son exposé n’avait pas pour objectif de fournir des solutions pratiques au problème mais qu’il constituait une mise en garde : ne pas tenir pleinement compte des diverses dimensions du problème des réfugiés fera obstacle à toute solution durable du conflit arabo-israélien, selon lui.  En dépit du passage du temps, le problème des réfugiés tel qu’il a pris corps en 1951 reste essentiellement le même.  Selon l’orateur, s’ils ne veulent pas voir leurs efforts voués à l’échec les négociateurs seraient bien avisés d’envisager toutes les ramifications du problème lorsqu’ils font des propositions de paix.


SALMAN ABU-SITTA, chercheur, ancien membre du Conseil national de Palestine Safat (Koweït), Président de la Palestinian Land Society, a estimé qu’il s’agissait de la plus longue guerre de l’histoire contre un peuple.  Cela fait 90 ans, selon lui, que les puissances coloniales, sionisme inclus, ont conspiré pour démembrer la Palestine.  Bien que le territoire palestinien ait été conquis et occupé, sa population a été multipliée par 15, passant de 700.000 Arabes à plus de dix millions de Palestiniens aujourd’hui, la moitié vivant en Palestine, l’autre moitié étant dispersée dans le monde, a-t-il souligné.


M. Abu-Sitta a noté que les 28 années de mandat britannique avaient complètement changé le visage d’un territoire qui ne comptait pas plus de 9% de juifs en 1917 contre 30% en 1947.  Pour l’orateur, une nouvelle injustice a été commise par la toute nouvelle ONU lorsque celle-ci a recommandé la partition du territoire dont plus de 55% était offert aux juifs, soit dix fois plus que la superficie qu’ils avaient détenue au maximum pendant le mandat britannique.


Aujourd’hui, selon l’orateur, le nombre total de réfugiés est beaucoup plus important que ne le dit l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés dans le Proche-Orient (UNRWA), 1,5 million de personnes n’étant pas inscrites.  De fait, les réfugiés représentent entre les deux tiers et les trois quarts de la population palestinienne.  Pourtant, 88% des Palestiniens vivent toujours dans la Palestine historique et ses alentours immédiats.  Selon M. Abu-Sitta, 6% des Palestiniens seulement vivent dans les autres pays arabes et six autres pour cent dans d’autres pays étrangers.


L’orateur a dénoncé enfin « une mythologie fabriquée » selon laquelle le retour ders réfugiés serait impossible.  Pour lui, « il est clair que la majorité sera toujours palestinienne » et que les réfugiés ne renonceront jamais à leur droit de récupérer leurs biens.


SUSAN AKRAM, professeur à la Boston University School of Law, s’est interrogée sur le rôle du droit dans le problème palestinien.  Certains Israéliens m’ont expliqué, a dit l’oratrice, que leurs compatriotes ne s’intéressaient pas au droit. Je ne suis pas d’accord, a-t-elle ajouté  selon elle, les juifs israéliens sont très attentifs au droit et aux questions juridiques.  Car les objections soulevées face aux droits des Palestiniens par de nombreux militants israéliens sont d’ordre juridique.  Les arguments selon lesquels les principes et droits universels ne s’appliquent pas aux Palestiniens sont en effet basés sur des arguments juridiques très précis.

Et dans le même temps, nombre d’entre eux s’appuient sur les mêmes principes juridiques pour justifier leurs propres revendications en faveur d’un Etat juif, selon Mme Akram.


Car du même souffle, les opposants au droit au retour des Palestiniens expliquent que ceux-ci ont été déplacés au cours d’une guerre défensive et que par conséquent Israël n’avait aucune obligation de les laisser revenir puisqu’ils sont partis volontairement.  Selon eux, aucun droit de l’homme ne prévoit un droit au retour automatique des réfugiés.  Et si un tel droit existe, il ne s’applique qu’aux individus et pas à une population entière, en vertu du même raisonnement.  Et Israël, en tant qu’Etat ayant succédé au mandat britannique, aurait le droit de définir qui sont ses citoyens en en excluant toute catégorie éventuelle de la population d’origine.  Toujours selon les mêmes tenants d’une absence de droit au retour pour les Palestiniens, les résolutions de l’ONU telles que la 194 sont non-contraignantes; par conséquent elles n’impliquent pas de droit au retour.


Mme Akram a rétorqué que le droit humanitaire ne distinguait pas les déplacements forcés ou volontaires de populations pour garantir ou pas un droit au retour.  Les provisions concernant ce droit concernent toutes les catégories de personnes, qu’elles soient civiles ou combattantes, selon elle.  En outre, Israël a ratifié ou déclaré applicables les provisions clés de la quatrième Convention de Genève, ainsi que dans la Convention de La Haye.  Celles-ci interdisent les transferts forcés depuis des territoires conquis militairement et elles requièrent le rapatriement des populations déplacées dès la fin des hostilités, a rappelé l’oratrice.  Celle-ci a ensuite contesté qu’il y ait eu des « transferts » ou des « échanges de population » négociés par les individus ou les Etats concernés en 1948 ou en 1967.


Susan Akram a aussi longuement analysé les conséquences juridiques de la Résolution 194 et le fait qu’elle s’inscrivait, a-t-elle assuré, dans la lignée du droit international des réfugiés.  Il est clair par ailleurs, selon elle, que la résolution instaurant la partition de la Palestine ne prévoit nullement la création d’un Etat exclusivement juif pratiquant la discrimination envers les non-juifs.  Ce texte, a-t-elle souligné, ne prévoit pas de transfert de populations et exige que les deux Etats prévus incluent les citoyens de toutes confessions sur un pied d’égalité.  Elle a dénoncé l’utilisation « hypocrite » du droit pour justifier les droits des uns contre celui des autres.


DAUD ABDULLAH, chercheur au Palestine Return Center, a estimé qu’il ne fallait pas confondre la question du droit au retour des réfugiés chez eux et la souveraineté d’un éventuel Etat de Palestine.  La souveraineté est un acte politique par lequel un Etat étend son autorité reconnue sur un territoire alors que le droit au retour est un droit inaliénable applicable à l’homme et son domicile quel que soit le lieu où celui-ci se situe.  Ainsi la Résolution 3236 est particulièrement explicite sur le plan géographique.  Lorsque celle-ci appelle à un retour, cela implique à la fois des zones se trouvant aujourd’hui en Israël tel qu’il est défini par la résolution sur la partition de 1947 et les frontières de facto d’Israël obtenues par la guerre de 1967 ou par la suite.


Par conséquent, la Résolution 3236 est considérée comme l’un des textes les plus fondamentaux concernant le droit au retour des réfugiés, a indiqué l’orateur.  Pourtant, selon lui, aucun des accords de paix signés à ce jour ne reconnaît et ne garantit les droits des Palestiniens.  Ainsi l’Accord de Camp David, signé en 1978, généralement considéré comme l’un des plus réussis, prévoit que le sort des réfugiés de la guerre de 1967 sera réglé par consensus entre les Etats concernés.  Cela revient, selon l’orateur, à donner un droit de veto à Israël.  En raison de cette aberration, une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU du 29 novembre 1978 a invalidé les accords de Camp David.  L’ONU a en effet estimé qu’aucun Etat n’avait le droit de déterminer l’avenir du peuple palestinien et de ses droits inaliénables.


Aucune des initiatives de paix passées n’a tenté, selon l’orateur, de résoudre la question des réfugiés.  Quant à la question de savoir pourquoi et comment les Palestiniens sont partis n’est absolument pas pertinente sur le plan juridique eu égard à la question d’un droit au retour, selon M. Abdullah.  Les Palestiniens considèrent pour leur part que ni le temps ni l’espace ne sont un obstacle à leur retour alors que les Israéliens de leur côté mettent en avant un droit au retour vieux de 2 000 ans pour les juifs du monde entier qui ne s’embarrasse pas de question de superficies du territoire.  On n’a rien à gagner à chercher les causes de l’exil des Palestiniens si l’on refuse de prendre en compte leur désir de revenir, a conclu l’orateur.


SOUHEIL EL-NATOUR, Responsable du Centre de développement humanitaire pour les Palestiniens à Beyrouth, a estimé que l’on pouvait convenir que le nettoyage ethnique entrepris en 1948 n’était pas achevé et qu’il se poursuivait à ce jour.  A titre d’exemple, l’orateur a cité la pratique israélienne consistant à supprimer le titre de séjour de tout habitant de Jérusalem quittant la ville quelle qu’en soit la raison.  En outre, les Palestiniens de Gaza, voire ceux d’Egypte, ayant provisoirement émigré au Koweït par exemple, ne peuvent plus rentrer ni dans le territoire, ni en Egypte.  Ils se retrouvent sans papiers, la Jordanie étant le seul pays à délivrer des passeports à des Palestiniens de la diaspora mais cela concerne un nombre limité de bénéficiaires.


Par ailleurs, les réfugiés palestiniens dans des pays comme la Syrie sont souvent considérés comme ne posant pas de problème car ils disposent d’un certain nombre de droits dans ce pays.  Toutefois, la Syrie a accepté d’accueillir les réfugiés en attendant qu’ils puissent rentrer chez eux, ce qui exclut toute naturalisation – comme c’est le cas au Liban plus particulièrement, a noté l’orateur.  Celui-ci a dénoncé par ailleurs le fait que les Palestiniens ne soient plus que « des chiffres », que l’on parle des réfugiés ou des victimes des opérations israéliennes.  La question est de savoir si la communauté internationale est disposée à considérer Israël comme un pays comme un autre, soumis au droit international, et si elle est prête à sortir du deux poids deux mesures, a souligné M. El-Natour.


Évoquant la situation des Palestiniens au Liban, il a évoqué l’absence de droits frappant cette communauté qui n’a uniquement eu le droit que de résider temporairement.  Cela s’est tragiquement illustré avec le camp de Nahr El-Bared qui a été totalement détruit sans qu’aucune reconstruction n’ait encore été entreprise.  En conclusion, l’orateur a toutefois souligné que les Palestiniens avaient fait mentir l’opinion israélienne selon laquelle la première génération de réfugiés disparaîtrait peu à peu et que ses descendants oublieraient ses origines. 


WAJIH AHMAD ATALLAH, Secrétaire de l’Union des centres d’activité pour la jeunesse de Cisjordanie et de Gaza (Qalandia), a noté que le temps passant, tout espoir de parvenir à une solution semblait avoir disparu.  Il a rappelé que 80% des Palestiniens étaient agriculteurs à l’origine et que les réfugiés avaient perdu leurs repères essentiels en devant chercher d’autres métiers, ce qui a porté atteinte au tissu social et souvent fait exploser les familles.


De par l’occupation et les diverses limitations draconiennes qu’elle impose, l’orateur a constaté que 90% de la population arabe des territoires occupés n’étaient jamais allés à Jérusalem et que 60% n’avaient jamais vu la Méditerranée ou même la Mer morte.  M. Atallah a estimé par ailleurs que la relation entre les réfugiés et l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés dans le Proche-Orient (UNRWA) n’était « pas fondée sur la confiance mutuelle ».  L’UNRWA réduit en effet continuellement ses services alors que le nombre de réfugiés n’a cessé d’augmenter.  « Ce que cette situation a d’effrayant, c’est la façon dont elle est pérennisée », a souligné l’orateur.


Celui-ci a évoqué la détérioration du niveau de vie des réfugiés en raison de l’inflation des produits mondiaux, ce qui a contraint plus du tiers des étudiants vivant dans les camps à interrompre leurs études en 2006.  La disparition des installations institutionnelles civiles et gouvernementales visant à permettre aux enfants et aux jeunes de se détendre durant leur temps libre dans le cadre d’activités périscolaires, qui, lorsqu’elles existaient, ne couvraient que 20 % des utilisateurs au maximum, a créé une dure réalité et une crise sensible dans leur vie.  Il suffit d’indiquer la disparation des terrains et salles de sport et des différents équipements connexes malgré le désir de la plupart des enfants et jeunes réfugiés de pratiquer différents sports, ce qui les aiderait grandement à occuper leur temps libre.  En conclusion, l’orateur a estimé que seule la fin de l’occupation et le retour des réfugiés dans leurs foyers pouvaient permettre de régler le problème.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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