AG/10705

LE PAPE BENOÎT XVI RAPPELLE LES ÉTATS MEMBRES À LEUR DEVOIR DE PROTÉGER LEURS CITOYENS CONTRE LES VIOLATIONS GRAVES DES DROITS DE L’HOMME

18/4/2008
Assemblée généraleAG/10705
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Assemblée générale

Soixante-deuxième session

95e séance - matin


LE PAPE BENOÎT XVI RAPPELLE LES ÉTATS MEMBRES À LEUR DEVOIR DE PROTÉGER LEURS CITOYENS CONTRE LES VIOLATIONS GRAVES DES DROITS DE L’HOMME


Il déclare devant l’Assemblée générale que la promotion des droits de l’homme est la meilleure stratégie pour combler les inégalités et renforcer la sécurité


Le pape Benoît XVI a mis l’accent, ce matin devant l’Assemblée générale des Nations Unies, sur le respect par les États Membres du principe de la « responsabilité de protéger » leurs populations face aux « violations graves et répétées des droits de l’homme ».  Il a également estimé que la promotion des droits de l’homme constituait « la stratégie la plus efficace pour combler les inégalités » et « renforcer la sécurité ». 


« Tout État a le devoir primordial de protéger sa population contre les violations graves et répétées des droits de l’homme de même que des conséquences de crises humanitaires liées à des causes naturelles ou provoquées par l’action de l’homme », a déclaré le pape Benoît XVI, dans son discours à la tribune de l’Assemblée générale, le quatrième d’un chef de l’Église catholique après ceux de Paul VI, en 1965, et de Jean-Paul II, à deux reprises, en 1979 et 1995.  Dans le cas contraire, « il revient à la communauté internationale d’intervenir avec les moyens juridiques prévus par la Charte des Nations Unies et par d’autres instruments internationaux », a affirmé le pape. 


Dans son allocution, d’une durée d’environ une demi-heure, prononcée en français, puis en anglais, le pape Benoît XVI a également jugé que la promotion des droits de l’homme demeurait « la stratégie la plus efficace pour combler les inégalités entre les pays et les groupes sociaux, et pour renforcer la sécurité ».  Il a ainsi appelé à redoubler d’efforts pour faire face aux pressions visant à réinterpréter les fondations de la Déclaration universelle des droits de l’homme. 


Le pape Benoît XVI a souligné l’importance pour l’Organisation de « répondre aux exigences de la famille humaine, grâce à des règles internationales efficaces ».  Il a ainsi fait état de la crise du multilatéralisme qui, selon lui, continue d’être « subordonné aux décisions d’un petit nombre, alors que les problèmes du monde exigent, de la part de la communauté internationale, des interventions sous forme d’actions communes ».


Le pape a de même observé que les principes fondateurs de l’Organisation, à savoir « le désir de paix, le sens de la justice, le respect de la dignité de la personne, la coopération et l’assistance humanitaires », représentaient « l’expression de justes aspirations de l’esprit humain » et constituaient « les idéaux qui devraient sous-tendre les relations internationales ». 


Le pape Benoît XVI avait auparavant été accompagné jusqu’à la tribune de l’Assemblée générale par son Président, M. Srgjan Kerim, et le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon.  Dans son discours d’accueil, le Président de l’Assemblée générale a souligné que la visite du pape Benoît XVI offrait « une occasion unique de se rappeler la noble mission des Nations Unies ».  L’Organisation peut compter sur le plein appui du pape pour la promotion d’un dialogue entre les cultures, les peuples, les nations et les religions, a assuré M. Kerim.


De son côté, le Secrétaire général a insisté sur l’engagement du pape Benoît XVI à lutter contre le terrible défi de la pauvreté ou encore à encourager la non-prolifération.  Le Secrétaire général a également expliqué que les Nations Unies accomplissaient « une mission, qui est, par de nombreux aspects, liée à celle du pape ». 


Mot de bienvenue du Président de l’Assemblée générale


M. SRGJAN KERIM, Président de la soixante-deuxième session de l’Assemblée générale, a souligné l’importance du mois d’avril pour Sa Sainteté le pape Benoît XVI, rappelant qu’il était né un 16 avril, avait été nommé cardinal évêque de Velletri-Segni le 5 avril 1993, élu évêque de Rome le 19 avril 2005 et que son pontificat avait débuté le 24 avril 2005.  Il a estimé que la présence du pape aux Nations Unies, aujourd’hui, constituait une reconnaissance puissante de la valeur et de l’importance des institutions internationales.  Affirmant qu’il n’y avait pas d’alternative au rôle de ces institutions, il a déclaré que le multilatéralisme visait à parvenir à la paix et la stabilité sur Terre.  Il s’est dit profondément convaincu que les Nations Unies pouvaient compter sur le plein appui du pape pour la promotion d’un dialogue entre les cultures, les peuples, les nations et les religions. 


Le Président de l’Assemblée générale a affirmé que cette visite de Sa Sainteté le pape Benoît XVI nous donnait une occasion unique de se rappeler la noble mission des Nations Unies.  Il a souligné que le développement pour tous, sur la base de l’égalité et d’un partenariat mondial, était l’essence de l’ordre du jour des Nations Unies.  Il a aussi indiqué que cette année marquait le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, texte qui engage à passer des intentions de principes à l’action en faveur des droits de l’homme, de la sécurité humaine, de la responsabilité de protéger et d’un développement plus durable.  « Je suis convaincu que ce sont là les piliers d’un multilatéralisme plus juste –une nouvelle culture des relations internationales– basé sur la paix et la tolérance avec les Nations Unies à leur cœur », a-t-il poursuivi.  M. Kerim a déclaré que le principe de la responsabilité de tous les États, les institutions internationales et transnationales, la société civile et les organisations non gouvernementales, œuvrant de concert pour fournir à chaque individu un accès égal aux droits et aux opportunités, devrait être au centre de cette nouvelle culture des relations internationales.  Notre obligation morale et institutionnelle est de refondre les organisations internationales pour faciliter ces opportunités, a-t-il souligné.  M. Kerim s’est félicité, dans ce contexte, de la contribution du Saint-Siège au travail de l’Assemblée générale, et particulièrement pour promouvoir la justice sociale, offrir l’éducation et alléger la pauvreté et la faim dans le monde. 


Mot de bienvenue du Secrétaire général


M. BAN KI-MOON, Secrétaire général de l’ONU, a exprimé sa gratitude au Saint-Père d’avoir accepté l’invitation de se rendre aux Nations Unies.  Il a rappelé que les Nations Unies étaient une institution séculaire regroupant 192 États.  Nous avons six langues officielles mais pas de religion officielle.  Nous n’avons pas de chapelle – bien que nous ayons une salle de méditation, a-t-il indiqué.  Mais si vous nous posez la question de savoir ce qui nous motive, nous répondrions pour la plupart avec un langage de foi, a-t-il ajouté.  Le Secrétaire général a affirmé que les Nations Unies n’accomplissaient pas uniquement un travail mais une mission, qui est, par de nombreux aspects, liée à celle du pape. 


Ainsi, le Secrétaire général a insisté sur l’engagement de Sa Sainteté le pape Benoît XVI, à lutter contre le terrible défi de la pauvreté ou encore à encourager la non-prolifération.  Il a aussi souligné que le pape avait rappelé que ceux qui possèdent plus de puissance ne devaient pas s’en servir pour violer les droits des autres, qu’il avait évoqué les ressources en eau et les changements climatiques comme des questions prioritaires pour la planète et qu’il avait lancé un appel pour un dialogue entre religions et cultures pour le bien de l’humanité. 


M. Ban a aussi noté que le pape Benoît XVI avait appelé à l’engagement et à la confiance envers les Nations Unies lorsqu’il avait affirmé que l’Organisation était capable de nourrir un véritable dialogue, de réconcilier des vues divergentes et de développer des politiques et stratégies multilatérales visant à répondre aux défis d’un monde en pleine évolution. 


Ce sont là des objectifs fondamentaux que nous partageons, a déclaré le Secrétaire général.  Que l’on vénère un dieu, plusieurs ou aucun, nous, aux Nations Unies devons chaque jour maintenir et renforcer notre foi, a-t-il poursuivi.  M. Ban a estimé que face à la multiplication des demandes auxquelles doit répondre l’Organisation, la foi constituait un bien précieux, de plus en plus précieux.  Le Secrétaire général a remercié Sa Sainteté le pape Benoît XVI de la foi qu’il offre aux Nations Unies et de la confiance qu’il lui accorde et a espéré qu’elles seraient renforcées par sa visite aujourd’hui.  


Allocution de Sa Sainteté le pape Benoît XVI


SA SAINTETÉ LE PAPE BENOÎT XVI, après avoir remercié le Président de l’Assemblée générale et le Secrétaire général, a salué les ambassadeurs et les diplomates dont les peuples qu’ils représentent attendent de l’ONU, a-t-il dit, qu’elle mette en œuvre son inspiration fondatrice, à savoir constituer un « centre pour la coordination de l’activité des Nations Unies en vue de parvenir à la réalisation des fins communes » de paix et de développement.  Rappelant les propos de son prédécesseur, le pape Jean-Paul II, dans son message à l’Assemblée générale pour le cinquantième anniversaire de l’ONU, et selon lequel l’Organisation devrait être un « centre moral, où toutes les nations du monde se sentent chez elles, développant la conscience commune d’être, pour ainsi dire, une famille de nations », le pape Benoît XVI a souligné qu’à travers les Nations Unies, les États avaient établi des objectifs universels qui, même s’ils ne coïncident pas avec la totalité du bien commun de la famille humaine, n’en représentent pas moins une part fondamentale.  Les principes fondateurs de l’Organisation, à savoir le désir de paix, le sens de la justice, le respect de la dignité de la personne, la coopération et l’assistance humanitaires, sont, a-t-il ajouté, l’expression des justes aspirations de l’esprit humain et constituent les idéaux qui devraient sous-tendre les relations internationales.  Selon le pape Benoît XVI, citant à nouveau le pape Jean-Paul II dans son encyclique « Sollicitudo rei socialis », les Nations Unies concrétisent l’aspiration à « un degré supérieur d’organisation à l’échelle internationale », qui doit être inspirée et guidée par le principe de subsidiarité et donc être capable de répondre aux exigences de la famille humaine, grâce à des règles internationales efficaces et à la mise en place de structures aptes à assurer le déroulement harmonieux de la vie quotidienne des peuples.  Cela, a-t-il dit, est d’autant plus nécessaire dans le contexte actuel où l’on fait l’expérience du paradoxe évident d’un consensus multilatéral qui continue à être en crise parce qu’il est encore subordonné aux décisions d’un petit nombre, alors que les problèmes du monde exigent, de la part de la communauté internationale, des interventions sous forme d’actions communes.


Les questions de sécurité, les objectifs de développement, la réduction des inégalités aux niveaux local et mondial, la protection de l’environnement, des ressources et du climat, exigent que tous les responsables de la vie internationale agissent de concert et soient prêts à travailler en toute bonne foi, dans le respect du droit, pour promouvoir la solidarité dans les zones les plus fragiles de la planète, a-t-il déclaré, en faisant référence en particulier à certains pays d’Afrique et d’autres continents qui restent encore en marge d’un authentique développement intégral, et qui risquent ainsi de ne faire l’expérience que des effets négatifs de la mondialisation.  Le pape Benoît XVI a souligné le rôle primordial, dans les relations internationales, des règles et des structures qui, non seulement ne limitent pas la liberté, mais la promeuvent quand elles interdisent des comportements et des actions qui vont à l’encontre du bien commun, qui entravent son exercice effectif et qui compromettent donc la dignité de toute personne humaine.  Au nom de la liberté, il doit y avoir, a-t-il estimé, une corrélation entre droits et devoirs, en fonction desquels toute personne est appelée à prendre ses responsabilités dans les choix qu’elle opère, en tenant compte des relations tissées avec les autres, a-t-il affirmé, faisant référence à la manière dont les résultats de la recherche scientifique et des avancées technologiques sont parfois utilisés.  Pour le pape Benoît XVI, certaines de leurs applications représentent en effet une violation évidente de l’ordre de la création, au point non seulement d’être en contradiction avec le caractère sacré de la vie, mais d’arriver à priver la personne humaine et la famille de leur identité naturelle.  De la même manière, l’action internationale visant à préserver l’environnement et à protéger les différentes formes de vie sur la terre doit non seulement garantir un usage rationnel de la technologie et de la science, mais doit aussi redécouvrir l’authentique image de la création.  Ainsi, il ne s’agira jamais de devoir choisir entre science et éthique, mais bien plutôt d’adopter une méthode scientifique qui soit véritablement respectueuse des impératifs éthiques.


Le pape Benoît XVI a ensuite mis l’accent sur le principe de la responsabilité de protéger.  Tout État a le devoir primordial de protéger sa population contre les violations graves et répétées des droits de l’homme, de même que des conséquences de crises humanitaires liées à des causes naturelles ou provoquées par l’action de l’homme.  S’il arrive que les États ne soient pas en mesure d’assurer une telle protection, il revient à la communauté internationale d’intervenir avec les moyens juridiques prévus par la Charte des Nations Unies et par d’autres instruments internationaux, a-t-il assuré.  L’action de la communauté internationale et de ses institutions, dans la mesure où elle est respectueuse des principes qui fondent l’ordre international, ne devrait jamais être interprétée comme une coercition injustifiée ou comme une limitation de la souveraineté, a-t-il ajouté, observant qu’à l’inverse, c’est l’indifférence ou la non-intervention qui causent de réels dommages.  Il faut réaliser une étude approfondie des modalités pour prévenir et gérer les conflits, en utilisant tous les moyens dont dispose l’action diplomatique et en accordant attention et soutien même au plus léger signe de dialogue et de volonté de réconciliation, a-t-il expliqué.  Face à des défis nouveaux répétés, c’est une erreur, a estimé le pape Benoît XVI, de se retrancher derrière une approche pragmatique, limitée à mettre en place des « bases communes », dont le contenu est minimal et dont l’efficacité est faible.


Le pape Benoît XVI a, de même, évoqué le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Ces droits, a-t-il précisé, s’appliquent à tout homme, en vertu de l’origine commune des personnes, qui demeure le point central du dessein créateur de Dieu pour le monde et pour l’histoire.  Ces droits trouvent leur fondement dans la loi naturelle inscrite au cœur de l’homme et présente dans les diverses cultures et civilisations, a-t-il dit, estimant que la grande variété des points de vue ne pouvait pas être un motif pour oublier que ce ne sont pas les droits seulement qui sont universels, mais également la personne humaine, sujet de ces droits. 


Poursuivant en anglais son allocution débutée en français, le pape Benoît XVI a souligné que la promotion des droits de l’homme demeurait la stratégie la plus efficace pour combler les inégalités entre les pays et les groupes sociaux et pour renforcer la sécurité.  Les victimes des privations et de la détresse, dont la dignité humaine est violée avec impunité, deviennent effectivement des proies faciles de l’appel à la violence et peuvent dès lors devenir des auteurs des violations de la paix, a-t-il poursuivi.  Aujourd’hui, il faut redoubler d’efforts pour faire face à la pression visant à réinterpréter les fondations de la Déclaration universelle des droits de l’homme et à compromettre son unité interne pour favoriser un éloignement de la protection de la dignité humaine en vue de la satisfaction d’intérêts simples, souvent particuliers.  La Déclaration universelle a été adoptée comme un idéal commun à atteindre et ne peut être appliquée partiellement, selon des tendances ou des choix sélectifs qui menacent de contredire l’unité de la personne humaine et donc l’indivisibilité des droits de l’homme, a-t-il affirmé. 


Le pape Benoît XVI a également insisté sur le fait que, lorsqu’ils ne sont présentés qu’en termes de légalité, les droits de l’homme risquent d’être affaiblis et séparés de la dimension éthique et rationnelle qui constitue leur fondement et leur objectif.  Les droits de l’homme, a-t-il ajouté, doivent être respectés comme une expression de justice et pas simplement en raison de la force coercitive liée à la volonté des législateurs.  Le discernement, c’est-à-dire la capacité de distinguer entre le bien et le mal, a-t-il expliqué, devient plus essentiel encore quand sont en jeu la vie et la conduite des personnes, des communautés et des peuples.  Le discernement est une vertu indispensable et féconde lorsque l’on traite des droits, dans des situations importantes et où des réalités profondes sont impliquées, a-t-il assuré.  Le pape Benoît VXI a estimé que le discernement montre que lorsque l’on laisse aux seuls États, avec leurs lois et leurs institutions, la responsabilité finale de répondre aux aspirations des personnes, des communautés et des populations entières, cela peut entraîner parfois des conséquences rendant impossible un ordre social respectueux de la dignité et des droits de la personne.  De même, une vision de la vie fermement ancrée dans la dimension religieuse peut permettre d’y parvenir car, a-t-il dit, la valeur transcendante de tout homme et de toute femme favorise la conversion du cœur, menant ainsi à s’engager à résister à la violence, au terrorisme et à la guerre, et à promouvoir la justice et la paix.  Cela favorise aussi un milieu propice au dialogue interreligieux que les Nations Unies sont appelées à soutenir, comme elles soutiennent le dialogue dans d’autres domaines de l’activité humaine.


Les Nations Unies peuvent compter sur les résultats du dialogue entre les religions et peuvent tirer des bénéfices de la volonté des croyants de mettre leur expérience au service du bien commun, a ajouté le pape Benoît XVI.  Les droits de l’homme doivent évidemment inclure, a-t-il dit, le droit à la liberté religieuse, comprise comme expression individuelle et communautaire, une vision qui révèle l’unité de la personne, tout en distinguant clairement entre la dimension du citoyen et celle du croyant.  Il n’est pas imaginable que des croyants doivent se priver d’une partie d’eux-mêmes, de leur foi, afin de devenir des citoyens actifs, a-t-il soutenu.  Il ne devrait jamais être nécessaire de nier Dieu pour jouir de ses propres droits, a-t-il ajouté.


Le pape Benoît XVI a indiqué que sa présence à l’Assemblée générale représentait un signe d’estime envers les Nations Unies et visait à exprimer l’espoir que l’Organisation soit de plus en plus un symbole d’unité entre les États et un instrument au service de toute la famille humaine.  Elle démontre en outre la volonté du catholicisme d’apporter sa propre contribution aux relations internationales d’une manière qui permette à chaque personne et à chaque peuple de sentir son importance.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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