SG/SM/10636

LA MISSION COLLECTIVE DU MOUVEMENT DES NON-ALIGNÉS EST PLUS QUE JAMAIS D’ACTUALITÉ, DÉCLARE KOFI ANNAN À CUBA

15/09/2006
Secrétaire généralSG/SM/10636
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LA MISSION COLLECTIVE DU MOUVEMENT DES NON-ALIGNÉS EST PLUS QUE JAMAIS D’ACTUALITÉ, DÉCLARE KOFI ANNAN À CUBA


Vous trouverez ci-après le texte intégral de la déclaration du Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, à la XIVe Conférence des chefs d’État et de gouvernement du Mouvement des non-alignés, à La Havane, le 15 septembre:


C’est un honneur pour moi de prendre aujourd’hui la parole devant vous. Permettez-moi tout d’abord de remercier nos hôtes, le Président Castro ainsi que le Gouvernement et le peuple cubains pour leur accueil chaleureux et leur aimable hospitalité.


Permettez-moi aussi de rendre hommage au Président sortant du Mouvement des pays non alignés, M. Abdullah Badawi, qui a dirigé votre Mouvement avec dynamisme et clairvoyance pendant toutes ces années décisives et difficiles.


Je suis moi-même fier d’avoir vu le jour dans un de vos pays fondateurs. Kwame Nkrumah et ses pairs lorsqu’ils ont jeté les fondements de ce Mouvement, il y a 50 ans, n’auraient jamais pu imaginer les bouleversements et les progrès qu’allait connaître notre planète, ni le rôle crucial que nos pays allaient y jouer.


Lorsque vous, Monsieur le Président, avez accueilli le sixième Sommet des pays non alignés à la fin des années 70, ni vous ni les autres dirigeants n’auriez pu prévoir l’époque que nous vivons aujourd’hui.


S’il fût un temps où le Mouvement des pays non alignés s’efforçait de s’opposer aux affrontements de la guerre froide, ces pays aujourd’hui élaborent des stratégies en vue d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement et luttent pour combler la fracture Nord-Sud.


S’il fût un temps où la productivité économique mondiale était concentrée dans quelques pays, la participation économique du Sud permet aujourd’hui de redistribuer la production partout dans le monde.


S’il fût un temps où plus du quart de la population mondiale était concentrée dans le monde industrialisé, aujourd’hui plus de 80% des habitants de notre planète vivent dans les pays en développement, faisant ainsi du Mouvement des non-alignés le symbole d’un Sud nouveau et puissant; d’un lien entre les pays, les cultures et les continents; et d’un monde en développement rapide.


La mission collective du Mouvement est plus que jamais d’actualité.


On constate, aujourd’hui, des disparités de revenus grandissantes et alarmantes entre les pays les plus pauvres et les pays les plus riches de la planète.  Il faut s’attaquer résolument à ce problème, par la voie de nouvelles formes de gouvernance internationale qui permettent de réduire ces écarts et d’aider les pays en développement à sortir de la pauvreté.


D’un autre côté, les rôles des pays développés et des pays en développement, dans tous les aspects des relations internationales, ont changé au point d’être méconnaissables.  Le monde doit en tenir compte et les institutions mondiales doivent être adaptées en conséquence.


C’est dans le domaine du commerce et des investissements que les changements ont été les plus spectaculaires.


Depuis le dernier sommet du Mouvement des pays non alignés tenu à La Havane il y a plus de 25 ans, le commerce Sud-Sud s’est développé à un rythme deux fois plus rapide que le commerce mondial.


Au cours des cinq dernières années, les investissements étrangers directs des pays en développement ont connu une croissance plus rapide que ceux des pays développés.  L’an dernier, ils ont représenté plus du dixième du volume total des investissements mondiaux.


Pour payables que soient les progrès économiques, le problème que pose la transformation des modes de gouvernance est encore plus important et les interactions entre ces deux éléments sont incontournables.


Dans de nombreux pays en développement, on a assisté à l’émergence d’une société civile dynamique tandis que la participation à la vie publique se développait et qu’une presse libre et fort active voyait le jour.  Les ventes de quotidiens ont plus que doublé au cours des 30 dernières années; des satellites retransmettent des images télévisées d’un pays en développement à l’autre; et les nouvelles formes de médias se multiplient.


Dans de nombreux États, d’intenses consultations sur les réformes constitutionnelles sont en cours.  Des institutions démocratiques sont mises en place et renforcées.  Le nombre de pays qui organisent régulièrement des élections n’a jamais été aussi élevé.


En outre, un grand nombre de nos pays font des progrès dans le domaine des droits de l’homme.  Le nombre de pays en développement ayant ratifié les six principaux pactes et conventions relatifs aux droits de l’homme a augmenté de 50% depuis 1990.


Sans la participation active des femmes, ces progrès n’auraient pas été possibles ou auraient eu un impact beaucoup moins important.  Dans cinq des pays membres du Mouvement, des femmes ont été élues à la magistrature suprême – c’est notamment le cas des présidentes du Chili et du Libéria qui ont accédé au pouvoir l’an dernier.  Dans plus de 50 pays en développement, le pourcentage de femmes parlementaires est supérieur à la moyenne mondiale.  En outre, plus de 100 pays en développement sont sur le point d’atteindre l’objectif du Millénaire pour le développement consistant à éliminer l’écart entre le nombre de filles et le nombre de garçons scolarisés dans l’enseignement primaire ou l’ont déjà atteint.


Chers amis, nos pays ont fait des progrès qui devraient impressionner le monde et dont nous devrions être fiers.


Ces progrès devraient s’accompagner d’une présence grandissante sur la scène internationale et ce, dans tous les domaines.


Néanmoins, la voix des pays du Sud ne se fait pas toujours entendre comme elle le devrait.


C’est malheureusement le cas dans les négociations commerciales, où les pays en développement ont tant contribué à l’établissement des questions à examiner. Suite aux échecs lamentables des négociations commerciales de Doha, d’aucuns envisageraient d’accepter autre chose des négociations commerciales véritablement axées sur le développement ou d’abandonner les négociations.  Il faut s’y opposer.


Il faudrait que les marchandises et les services des pays à revenu intermédiaire puissent bénéficier de réels débouchés pour les biens et services.  Il faudrait que les franchises de droits et de quotas promises aux pays les moins avancés deviennent réalité.  Il est grand temps d’éliminer toutes les subventions qui exposent les pays pauvres à la concurrence injuste des pays riches.  Nos pays et nos peuples en ont besoin et ne méritent pas moins pour sortir de la pauvreté.


En outre, ils ont besoin et méritent d’être justement représentés au sein de toutes les institutions mondiales, que celles-ci soient financières ou politiques.


Prenons le Fonds monétaire international.  Le Fonds est une institution mondiale, dont la légitimité devrait reposer sur la représentation équitable de tous ceux qui en sont membres.  Les quotas en vigueur ne permettent pas qu’il en soit ainsi.


Le Fonds a admis qu’en raison de l’émergence de nouvelles puissances économiques et du fait que des pays en développement de premier plan ont réglé leur dette, il est d’autant plus important de faire progresser la réforme et d’y adhérer.  Je suis heureux de constater que son Directeur général, Rodrigo de Rato, ait pris l’initiative de rééquilibrer les quotas de manière à tenir compte de l’évolution de ces réalités économiques, tout en s’attachant à ce que les pays à faible revenu continuent de pouvoir s’exprimer et d’être représentés.  Maintenant que le Conseil d’administration du FMI a arrêté des propositions concrètes, j’espère qu’elles remporteront rapidement l’adhésion de tous les membres du Fonds.


Prenons encore le Conseil de sécurité.  Comme vous le savez, j’ai noté avec consternation que les efforts déployés l’année dernière pour élargir sa composition avaient échoué.  Le Conseil de sécurité doit être réformé – aussi bien dans l’intérêt du monde en développement que dans celui de l’Organisation des Nations Unies elle-même.  Si le pouvoir semble ne reposer qu’entre quelques mains, l’autorité et la légitimité de l’ONU, voire même, diraient certains, sa neutralité et son indépendance, risquent d’être battues en brèche.  J’ai déjà qualifié cet état de fait de déficit démocratique.


N’oublions pas par ailleurs que le Sud a besoin de faire entendre sa voix au sujet d’une question qui doit impérativement faire l’objet d’un débat mondial, à savoir celle des migrations internationales.  À l’heure actuelle, ce phénomène touche plus de pays qu’à n’importe quelle autre période de l’histoire, et il a de profondes répercussions sur les pays en développement.  Je me félicite que vous ayez été si nombreux à souscrire à ma proposition de créer un forum mondial sur les migrations et le développement et à me demander de contribuer à sa mise en place. Une telle tribune peut favoriser entre les gouvernements une coopération pratique, reposant sur des données probantes.  Elle peut vous offrir l’occasion d’aborder les problèmes de manière à parvenir à aller de l’avant de concert.


L’ampleur même de ce Mouvement ne garantit pas la réussite de ses entreprises.  Un pouvoir d’intervention plus important implique des responsabilités accrues, à l’échelon tant international que national.


La responsabilité d’œuvrer de manière résolue et constructive à la mise en place d’un système multilatéral – et d’une Organisation des Nations Unies – en mesure de relever efficacement les défis d’aujourd’hui.


La responsabilité de rechercher des moyens de mieux coopérer, de définir des positions cohérentes et souples qui permettront aux pays du Sud de jouer un rôle plus efficace au sein de la communauté internationale.


La responsabilité de mettre en œuvre le principe auquel ont souscrit tous les gouvernements, selon lequel les États, à titre tant individuel que collectif, ont le devoir de protéger les populations des génocides, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité.


Il s’agit notamment de protéger les populations du carnage en permettant à la communauté internationale de contribuer de façon positive au changement.  Les règles à suivre pour ce faire ont été acceptées par tous les États Membres dans le Document final du Sommet mondial adopté l’an dernier.  L’un de vos États membres a bénéficié de ces règles et accédé à l’indépendance il y a cinq ans de cela: il s’agit du Timor-Leste.  Lesdites règles ont également porté leurs fruits au Libéria, en Sierra Leone et en République démocratique du Congo.  Il faudra y faire appel de nouveau si l’on veut éviter une crise majeure au Darfour.


Nous avons aussi le devoir d’œuvrer en faveur de progrès véritables dans l’ensemble du Moyen-Orient.  Les violences qui se produisent quotidiennement en Iraq et en Afghanistan nous rappellent de façon éloquente que sans une intervention judicieuse sur le plan politique, la dérive vers l’anarchie et la guerre civile devient inexorable.  La guerre au Liban a été un rappel à la réalité pour de nombreux gouvernements de par le monde, qui sont de plus en plus convaincus de la nécessité de s’attaquer aux causes profondes du problème.


Nous devons résoudre la question du conflit israélo-palestinien.  Il nous faut œuvrer avec une énergie renouvelée en faveur d’une paix globale dans la région, fondée sur les résolutions de l’ONU et le principe de l’échange de territoires contre la paix.  Nous devons faire de la résolution 1701 un tournant dans l’histoire.


Il faut aussi, bien évidemment, que les gouvernements des pays du Sud s’acquittent de leurs obligations envers leurs propres populations.  Luttent contre la misère et la propagation du VIH/sida, tout en s’attaquant au fléau du chômage chez les jeunes.  Mettent fin à la répression des groupes d’opposition et des médias.  Prennent des mesures sérieuses et sincères contre la corruption.  Protègent l’environnement.  Et veillent à ce que l’exploitation de nos précieuses ressources naturelles profite à tous nos enfants, et pas seulement à quelques nantis.


J’estime que pour renforcer les progrès que nous avons accomplis jusqu’ici, il nous faut adopter pour l’avenir une démarche globale, accordant le même poids et la même importance aux trois piliers fondamentaux que sont le développement, la sécurité et les droits de l’homme.


Une démarche en vertu de laquelle ces trois piliers ne constituent pas seulement une fin en soi, mais sont les conditions préalables à notre bien-être collectif.


Comme nous l’avons tous appris au fil de ces années, ils se renforcent mutuellement; ils dépendent les uns des autres.


Je crois que lorsqu’ils ont fondé ce Mouvement, nos prédécesseurs étaient bien conscients de cette vérité capitale.  Elle transparaît dans les principes fondateurs de cette organisation.  Et je suis convaincu que dans les années à venir, vous saurez agir avec sagesse et discernement.


Je remercie chacun d’entre vous pour le travail remarquable que nous avons mené en partenariat au cours des 10 années pendant lesquelles j’ai occupé le poste de Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.  Je n’aurais pu m’acquitter de mes fonctions sans votre soutien.  Je vous souhaite de poursuivre avec succès vos entreprises.


Merci beaucoup.  Muchas gracias.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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