LE COMITE DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DE L'ALLEMAGNE
Communiqué de presse DH/G/304 |
LE COMITE DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DE L'ALLEMAGNE
GENEVE, le 16 janvier -- Le Comité des droits de l'enfant a examiné aujourd'hui le deuxième rapport périodique de l'Allemagne sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant. Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales qui seront rendues publiques à la fin de la session, le 30 janvier.
Présentant en fin de journée des observations préliminaires sur le rapport de l'Allemagne, Mme Lucy Smith, membre du Comité chargée de l'examen du rapport, a notamment déclaré que le pays est à l'avant-garde s'agissant de la promotion des droits de l'enfant et que le Comité attend beaucoup de cet Etat partie. Des changements et des progrès ont été accomplis en Allemagne, même si des efforts doivent encore être consentis, notamment pour ce qui est des mécanismes de mise en œuvre et de suivi de la Convention, a ajouté Mme Smith. Elle a notamment recommandé, dans sa présentation, que les dispositions de la loi allemande sur la sécurité sociale s'appliquent aussi pleinement aux enfants réfugiés afin de garantir leur accès à l'éducation et aux services sociaux.
M. Peter Ruhenstroth-Bauer, Secrétaire d'Etat au Ministère de la famille, des personnes âgées, de la femme et de la jeunesse a présenté le rapport de son pays en soulignant que le fait que, dans de nombreux domaines, le Gouvernement fédéral ne soit pas considéré comme compétent pour l'action en faveur de l'enfance, du fait précisément du caractère fédéral du pays, ne signifie pas qu'il reste inactif. En effet, le Gouvernement fédéral a prévu de débourser des milliards d'euros pour les crèches et les garderies, qui étaient peu nombreuses en Allemagne, a-t-il précisé. À partir de 2005, a-t-il ajouté, 1,5 milliard d'euros seront consacrés chaque année aux services et installations destinés aux enfants de moins de trois ans.
La délégation allemande était également composée de représentants du Ministère de la famille; des personnes âgées, de la femme et de la jeunesse; du Ministère de la santé; du Ministère de l'intérieur; du Ministère de la justice; du Ministère des affaires étrangères; et de la Mission permanente de l'Allemagne auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, les congés maternité, la situation des enfants roms, les enlèvements d'enfants et les adoptions, les questions de santé, ainsi que les mesures prises pour lutter contre l'extrême droite.
Le Comité entamera lundi matin, à 10 heures, l'examen du deuxième rapport périodique des Pays-Bas (CRC/C/117/Add.1) et du rapport initial des Pays-Bas concernant Aruba (CRC/C/117/Add.2).
Présentation du rapport de l'Allemagne
Présentant le rapport de son pays, M. PETER RUHENSTROTH-BAUER, Secrétaire d'État au Ministère fédéral de la famille, des personnes âgées, de la femme et de la jeunesse, a indiqué que le Gouvernement fédéral allemand accorde une importance toute particulière à la promotion de la protection des enfants. Les dispositions de la Convention sont considérées comme prioritaires à cet égard, non seulement par le Gouvernement mais aussi par les municipalités et les Länder, qui jouent un rôle essentiel dans ce domaine du fait du caractère fédéral du pays.
M. Ruhenstroth-Bauer a souligné que la Coalition nationale pour la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant reçoit un appui financier du Gouvernement fédéral. Il a précisé que le fait que, dans de nombreux domaines, le Gouvernement fédéral ne soit pas considéré comme compétent pour l'action en faveur de l'enfance, du fait précisément du caractère fédéral du pays, ne signifie pas qu'il reste inactif. Le Gouvernement fédéral a en effet prévu de débourser des milliards d'euros pour les crèches et les garderies, qui étaient peu nombreuses en Allemagne, a notamment indiqué le Ministre. À partir de 2005, a-t-il ajouté, 1,5 milliard d'euros seront consacrés chaque année aux services et installations destinés aux enfants de moins de trois ans.
Le deuxième rapport périodique de l'Allemagne (CRC/C/83/Add.7) indique qu'au niveau du Gouvernement fédéral, la réalisation des droits de l'enfant et les politiques relatives à l'enfance relèvent essentiellement du Ministère fédéral de la famille, des personnes âgées, de la femme et de la jeunesse. Au niveau du Parlement, l'organe le plus important est la Commission pour la protection des intérêts des enfants du Bundestag. Au niveau des Länder, les politiques relatives à l'enfance relèvent essentiellement de la responsabilité des autorités chargées de la jeunesse, qui appartiennent toutes à l'Association des autorités pour la jeunesse des Länder, qui se réunit deux fois par an à des fins de consultation. Les autorités municipales, locales et de district revêtent une importance particulière pour les politiques en faveur de l'enfance, ajoute le rapport. Enfin, la Coalition nationale pour la mise en œuvre en Allemagne de la Convention relative aux droits de l'enfant joue un rôle clé dans la sensibilisation aux droits de l'enfant dans le pays.
Le rapport affirme que la plupart des enfants en Allemagne vivent dans de bonnes conditions. Il y a néanmoins des enfants affectés par la pauvreté, par des maladies chroniques, par des mauvais traitements et par des sévices, des enfants négligés et des enfants, bien que vivant dans de bonnes conditions matérielles, souffrent de troubles émotifs. La reconnaissance par la loi du droit à une place dans un jardin d'enfants est une réalisation historique dans le domaine des politiques en faveur de l'enfance, souligne par ailleurs le rapport. Les dépenses correspondantes ont cependant entraîné des compressions budgétaires dans d'autres domaines de la protection des enfants et de la jeunesse ainsi que, d'une manière générale, une baisse de la qualité des services assurés par les garderies d'enfants dans les Länder de l'Ouest
Le rapport affirme que le pays a connu une progression sur la voie de l'amélioration des droits de l'enfant. Parmi les principales mesures adoptées à cette fin, figurent notamment la réforme de la loi relative aux relations entre parents et enfants; la reconnaissance par la loi du droit à une place dans un jardin d'enfants; le relèvement des allocations familiales; la réforme de la loi sur la santé et la sécurité des jeunes au travail; l'incorporation dans la loi fondamentale d'une interdiction expresse de la discrimination à l'égard des handicapés; le Programme de travail pour la lutte contre les mauvais traitements des enfants, la pornographie mettant en scène des enfants et le tourisme sexuel. Le rapport rappelle en outre que la Commission de l'enfance du Bundestag, entre autres, préconise une reconnaissance des droits des enfants dans la Constitution. Le Gouvernement actuel partage l'avis de celui qui l'a précédé, à savoir qu'une telle mesure n'est pas nécessaire. Rappelant que le Comité avait noté avec inquiétude, dans ses observations finales concernant le rapport initial, que plusieurs articles de la Convention concernant les enfants étrangers ne paraissaient pas être respectés en Allemagne, le présent rapport indique que le Gouvernement fédéral ne pense pas que ces allégations soient fondées.
Examen du rapport
Mme LUCY SMITH, membre du Comité et rapporteur pour l'examen du rapport allemand, a relevé que l'Allemagne connaît actuellement des problèmes économiques, le taux de chômage y étant particulièrement élevé, ce qui ne manque pas d'avoir des répercussions sur les enfants. Elle a félicité l'Allemagne pour l'adoption de la loi de 1999 sur la nationalité et la citoyenneté, qui permet une meilleure intégration des enfants étrangers, ainsi que pour l'adoption de la nouvelle législation sur les questions familiales, qui abolit toute discrimination entre enfants légitimes et enfants nés hors mariage s'agissant du droit de garde et du droit de visite.
Mme Smith a demandé dans quelle mesure les dispositions de la Convention sont mises en œuvre par le biais de lois internes, étant donné que les conventions internationales en Allemagne ne font pas automatiquement partie du droit interne.
Mme Smith a par ailleurs attiré l'attention sur la situation des enfants réfugiés âgés de 16 à 18 ans, lesquels sont désormais traités comme des adultes, ce qui est de toute évidence incompatible avec l'article 2 de la Convention qui énonce le principe de non-discrimination. Elle a recommandé que les dispositions de la loi allemande sur la sécurité sociale s'appliquent aussi pleinement à ces enfants afin de garantir leur accès à l'éducation, aux services sociaux de conseil et aux services de tutorat et de représentation légale prévus pour les jeunes allemands. Elle a souhaité en savoir davantage sur la situation des enfants et des jeunes qui rentent dans le pays non accompagnés.
Mme Smith a par ailleurs exprimé l'espoir que de nouveaux efforts seront déployés afin d'assurer la mise en œuvre du principe de respect de l'opinion de l'enfant.
Un autre membre du Comité s'est félicité des changements intervenus dans le pays et qui sont traités dans le deuxième rapport périodique allemand.
Un expert s'est inquiété de l'existence d'attitudes xénophobes chez les jeunes et a demandé quelles mesures sont prises pour prévenir de tels phénomènes. Les tensions augmentent et il convient de faire un véritable effort dans ce domaine, a insisté cet expert.
L'attention a également été attirée par certains membres du Comité sur la situation alarmante de certaines personnes ayant fui le Kosovo, ainsi que sur la situation d'enfants roms provenant du Kosovo, mais aussi de Roumanie, qui font l'objet de comportements très inamicaux. Les expulsions forcées de ces personnes semblent être devenues une pratique habituelle à travers le pays, a affirmé un expert.
La délégation allemande a indiqué qu'en 2002, un mémorandum d'accord a été signé pour le rapatriement de personnes appartenant à la minorité rom, vers le Kosovo notamment. Ce mémorandum ne fait pas explicitement référence à la Convention relative aux droits de l'enfant, mais cela n'est pas indispensable car tous les acteurs intervenant dans le processus de rapatriement, en particulier les gardes-frontières, se doivent de tenir compte du bien-être de l'enfant.
S'agissant de l'ordre juridique interne, la délégation allemande a expliqué que la loi fédérale a préséance sur la législation des Länder. Toutefois, dans certains domaines, notamment dans celui de l'éducation, le Gouvernement fédéral ne dispose d'aucun pouvoir. La Convention fait partie du droit interne et ses dispositions sont prises en compte; il n'est pas nécessaire de disposer d'une loi spécifique, a expliqué la délégation.
La délégation a en outre indiqué que le Gouvernement fédéral s'efforce de faire en sorte que les deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention soient ratifiés. Il s'efforce également de faire en sorte que les déclarations que le pays a émises à l'égard de la Convention soient retirées mais, à ce jour, bien que le Gouvernement fédéral soit totalement favorable, la majorité des Länder continue de s'y opposer.
En ce qui concerne les congés maternité, la délégation a indiqué que la durée des congés maternité payés en Allemagne est de six semaines avant et huit semaines après l'accouchement. Pour ce qui est de la période post-natale, la délégation a affirmé que, depuis 2001, les conditions générales se sont améliorées dans ce domaine puisque les deux parents peuvent désormais travailler à temps partiel durant cette période, de sorte qu'ils ne sont pas coupés de la vie active. Les dispositions spéciales visant à permettre aux parents d'éduquer leur enfant s'appliquent aux trois premières années suivant la naissance et il n'est pas envisagé d'étendre cette durée pour l'instant, a précisé la délégation.
Un membre du Comité a relevé que 90% des personnes qui travaillent à temps partiel en Allemagne sont des femmes; ainsi, si la loi n'est pas discriminatoire, il semble que ses effets ne soient pas neutres.
En ce qui concerne la question des enlèvements d'enfants, la délégation a reconnu qu'afin de ne pas avoir à conclure d'accords bilatéraux, il serait souhaitable que l'Allemagne ratifie la Convention de La Haye sur la question.
S'agissant des adoptions, dont certains semblent craindre qu'elles soient pratiquées à l'égard d'enfants introduits illégalement en Allemagne, la délégation a assuré que tout est fait pour éviter qu'il soit procédé à des adoptions sans le consentement des parents biologiques de l'enfant. Des dispositions pénales existent à cet égard, a ajouté la délégation. L'enlèvement est inacceptable, quel que soient les circonstances, a-t-elle affirmé.
La délégation a par ailleurs reconnu que certains cas de violence contre enfant peuvent ne pas être décelés par les autorités.
Des membres du Comité ayant demandé des précisions sur les mesures prises pour lutter contre l'extrémisme de droite, la délégation a indiqué qu'une initiative contre l'extrême droite avait été lancée, dans les nouveaux Länder en particulier, même si ce courant touche l'ensemble de la société allemande. Des raisons diverses expliquent que les jeunes soient attirés par les thèses de l'extrême droite, a poursuivi la délégation. Mais il en va de même dans bon nombre d'autres pays. Les questions de travail et d'éducation intéressent particulièrement les jeunes, qui sont à la recherche de perspectives d'avenir, a expliqué la délégation. Or, lorsqu'ils estiment que leurs perspectives d'avenir sont inexistantes, les jeunes sont plus enclins à se tourner vers des réactions xénophobes.
Interrogée sur la question du port du foulard islamique à l'école, la délégation a expliqué que les autorités souhaiteraient parvenir à une loi nationale sur la question. Le tribunal constitutionnel a recommandé aux Länder de réglementer cette question dans le cadre de leurs propres compétences, a précisé la délégation. Le Land de Bavière a opté pour l'interdiction.
En ce qui concerne les questions de santé, la délégation a notamment fait valoir que davantage d'argent a été consacré à ce secteur en 2003 que les années précédentes, ce qui est sans aucun doute encourageant.
Pour ce qui est des maladies sexuellement transmissibles (MST), les autorités allemandes ont opté pour une politique mettant l'accent sur la prévention, a par ailleurs indiqué la délégation.
Un membre du Comité a jugé alarmant le taux de suicide chez les jeunes. Un autre expert s'est inquiété de la forte incidence du syndrome d'alcoolisme fœtal, qui concerne 2000 naissances par an.
Les mutilations génitales féminines sont interdites en Allemagne, a par ailleurs indiqué la délégation en réponse à une question d'un expert.
En ce qui concerne l'administration de la justice pour mineurs, un membre du Comité s'est inquiété d'informations laissant apparaître que des mineurs seraient placés en détention dans des prisons avec des adultes.
La délégation a souligné que la législation pénale pour les jeunes est appliquée avec une très grande souplesse. On ne peut interjeter appel d'une condamnation spécifique mais on peut en revanche contester l'intégralité du procès, pour déterminer par exemple s'il a été mené de façon équitable, a indiqué la délégation.
En ce qui concerne la maltraitance des enfants, la violence sexuelle et la violence familiale, la délégation a expliqué qu'en cas de violence contre un enfant, le procureur procède à une enquête. La victime peut aussi s'adresser à la police, au Ministre de la justice ou à un juge, a ajouté la délégation.
S'agissant des délits commis par des Allemands à l'étranger, toute une série de mesures ont été prises pour lutter contre de tels actes, notamment en ce qui concerne les délits sexuels, a par ailleurs indiqué la délégation.
À l'instar de la formation et de la recherche, par exemple, la culture est de la compétence exclusive des Länder, a par ailleurs affirmé la délégation.
Observations préliminaires
Présentant des observations préliminaires sur ce rapport, Mme Lucy Smith, membre du Comité chargé de l'examen de la situation des droits de l'enfant en Allemagne, a relevé qu'il est intéressant de constater que les questions que les experts ont posées à l'Allemagne différaient de celles qu'ils posent généralement aux États parties. L'Allemagne est à l'avant-garde et le Comité attend beaucoup d'elle, a-t-elle ajouté. Il y a eu beaucoup moins de questions sur l'éducation, la santé et l'administration de la justice pour mineurs que cela n'est généralement le cas pour les autres pays et cela est un signe positif, a estimé Mme Smith. Elle s'est toutefois déclarée surprise que certaines personnes à l'origine de la préparation du rapport semblent nourrir des réserves à l'égard de certaines dispositions de la Convention. Mme Smith a invité ces personnes à se défaire de leurs appréhensions, les assurant que la Convention est une bonne convention. Des changements et des progrès ont été accomplis en Allemagne, même si des efforts doivent encore être consentis, notamment s'agissant des mécanismes de mise en œuvre et de suivi de la Convention et l'approche globale qui caractérise cet instrument, a ajouté Mme Smith.
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