LA SOUS-COMMISSION TIENT UN ECHANGE DE VUES AVEC L'EXPERT INDEPENDANT SUR LE DROIT AU DEVELOPPEMENT
Communiqué de presse DH/G/256 |
DH/G/256
8 août 2003
LA SOUS-COMMISSION tient un echange de vues avec l'Expert independant sur le droit au developpement
GENEVE, 8 août -- La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a poursuivi, ce matin, l'examen des questions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels en entendant notamment une déclaration de l'Expert indépendant de la Commission des droits de l'homme sur le droit au développement, M. Arjun Sengupta, qui a suggéré que soient élaborées des directives pour la réalisation de ce droit et a rappelé que la Commission a demandé à l'Expert indépendant de collaborer activement avec la Sous-Commission. Plusieurs experts ont fait des déclarations suite à cette présentation.
La Sous-Commission a par ailleurs entendu les interventions de plusieurs de ses membres qui ont réagi aux rapports présentés hier s'agissant des effets de la mondialisation, du droit à l'eau potable, des activités des sociétés transnationales, de l'extrême pauvreté, de la corruption, de la restitution des logements et des biens dans le cadre du retour des réfugiés et autres personnes déplacées. Nombre d'experts ont exprimé l'espoir que la Sous-Commission serait en mesure, à la présente session, d'adopter le projet de normes sur la responsabilité en matière de droits de l'homme des sociétés transnationales et autres entreprises.
Au cours de cette séance, les experts suivants ont fait des déclarations: M. Asbjørn Eide, M. Emmanuel Decaux, M. El Hadji Guissé, M. Yozo Yokota, M. Manuel Rodríguez Cuadros, M. Soo Gil Park, M. Fisseha Yimer, Mme Leïla Zerrougui, M. José Bengoa, M. David Weissbrodt, Mme Florizelle O'Connor, Mme Françoise Jane Hampson, Mme Antoanella-Iulia Motoc, M. Paulo Sérgio Pinheiro et Mme Christy Ezim Mbonu. M. Joseph Oloka-Onyango, Rapporteur spécial sur les effets de la mondialisation sur la pleine jouissance des droits de l'homme, a fait des remarques de conclusion suite aux nombreux commentaires apportés par les experts au sujet du rapport qu'il a préparé avec Mme Deepika Udagama.
Les organisations non gouvernementales suivantes ont participé au débat : Congrès juif mondial (CJM), au nom également de l'Association internationale des avocats et juristes juifs; Fédération internationale des femmes diplômées des universités au nom également de plusieurs organisations non gouvernementales*; Lawyers Committee for Human Right, également au nom desAvocats du Minnesota pour les droits de l'homme; Dominicains pour justice et paix, également au nom de Dominican Leadership Conference; Human Rights Watch; Conseil international de traités indiens; et Organisation mondiale contre la torture (OMCT).
M. José Bengoa a pour sa part présenté un rapport sur le Forum social en indiquant que le premier Forum social intersession de la Sous-Commission devrait s'ouvrir le 20 mai 2004 avec pour thème central: «Pauvreté rurale, développement et droits des paysans et autres communautés rurales».
La Sous-Commission poursuivra cet après-midi, à 15 heures, l'examen des questions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels.
Échange de vues avec l'Expert indépendant sur le droit au développement
M. ARJUN SENGUPTA, Expert indépendant de la Commission des droits de l'homme sur le droit au développement, a rappelé que la Commission des droits de l'homme a demandé à la Sous-Commission de préparer un document conceptuel présentant notamment des directives pour la réalisation du droit au développement et les principes des partenariats pour le développement. Il a réaffirmé que le droit au développement est un droit fondamental, qui doit être réalisé de manière progressive, et qui comprend tous les autres droits, et exige le développement des ressources humaines et financières et un renforcement des institutions fondé sur les droits de l'homme. Au titre de ce droit, les États ont l'obligation d'élaborer des programmes de développement qui coordonnent les politiques sectorielles pour la réalisation progressive des droits fondamentaux avec la participation active de la société civile, en s'appuyant sur une croissance économique indispensable à la réalisation des droits individuels. La communauté internationale, pour sa part, a l'obligation d'établir une coopération internationale par l'aide publique au développement, le transfert de ressources et le service de la dette.
M. Sengupta a suggéré qu'il serait peut-être utile d'établir, en premier lieu, des directives pour la réalisation du droit au développement, s'appuyant sur les actions nationales et internationales qu'il a déjà décrites dans ses rapports précédents. Ainsi, en se fondant sur des indicateurs de la réalisation des droits fondamentaux, il sera possible de proposer des éléments s'intégrant aux politiques de développement et des mesures permettant de dégager des ressources pour la réalisation du droit au développement. S'agissant de la coopération internationale pour le développement, elle doit porter, entre autres, sur le transfert de ressources, la coopération technique, les droits de propriété intellectuelle, le service de la dette. M. Sengupta a estimé que les directives pour la réalisation du droit au développement déterminent des méthodes en vue d'assurer que les acteurs internationaux s'acquittent de ces obligations. Il a précisé qu'il a présenté un modèle de coopération internationale dans le Pacte pour le développement, qui analyse aussi les divers modèles de coopération qui se pratiquent actuellement. Il a insisté sur le fait que la coopération internationale doit obéir au principe de réciprocité, c'est-à-dire que, si un pays en développement adopte une politique en vue de réaliser le droit au développement et les autres droits fondamentaux, la communauté internationale doit s'engager à lui accorder une coopération pleine et entière. Une telle pratique, a-t-il suggéré, pourrait être intégrée à la méthode de travail des institutions spécialisées chargées du développement.
M. Sengupta a déclaré qu'il lui semblait possible d'examiner les différentes options en vue de la mise en œuvre du droit au développement, y compris la faisabilité de normes contraignantes. Il a estimé qu'un accord sur les directives permettrait de préciser la notion même de droit au développement. Il convient donc, a-t-il réitéré, de donner la priorité à l'élaboration de ces directives. À cet égard, il a rappelé que la Commission des droits de l'homme a demandé à l'expert indépendant de collaborer activement avec la Sous-Commission et a demandé à la Sous-Commission de déterminer les termes de cette coopération et de s'acquitter de son mandat dans les deux ans. Dans ce contexte, il conviendra sans doute de se doter d'un programme de travail bisannuel afin que des études puissent être menées, a-t-il préconisé.
M. ASBJØRN EIDE, expert de la Sous-Commission, a rappelé que la Sous-Commission dispose de deux ans pour donner une réponse définitive à la Commission concernant la question soulevée par M. Sengupta en ce qui concerne un cadre conceptuel relatif à la mise en œuvre du droit au développement. Il faudrait que la Sous-Commission dispose d'un petit groupe de travail pour répondre à cette demande, a estimé M. Eide qui s'est proposé pour en faire partie.
M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, a notamment rappelé que l'approche originale de M. Sengupta a été décisive pour relancer au sein des Nations Unies la réflexion sur le droit au développement.
M. EL HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, a rappelé que lorsque le droit au développement a été mis en avant pour la première fois, beaucoup affirmaient que c'était un fait qui ne saurait faire l'objet d'un droit. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Il n'en demeure pas moins que si l'on veut que le droit au développement devienne une réalité, il faut faire en sorte que tous les droits de l'homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels, soient une réalité dans nos sociétés, ce qui est encore loin d'être le cas. Il convient donc de créer une synergie entre tous ceux qui, au sein de la Sous-Commission, travaillent sur les questions de droits de l'homme.
M. YOZO YOKOTA, expert de la Sous-Commission, a relevé que l'Expert indépendant de la Commission sur le droit au développement est disposé à coopérer avec la Sous-Commission. Il a assuré que la Sous-Commission entend discuter de manière plus approfondie de cette importante question du droit au développement. Il convient d'ailleurs de répondre rapidement à la Commission des droits de l'homme s'agissant de cette question. Il existe d'une part un droit collectif au développement, qui est un droit des nations, et un droit individuel au développement qui est un droit de l'homme, a rappelé M. Yokota.
M. MANUEL RODRÍGUEZ CUADROS, expert de la Sous-Commission, s'est accordé à reconnaître la validité de la proposition de M. Eide de créer un groupe de travail chargé des relations de la Sous-Commission avec l'expert indépendant et a fait part de son intention d'y participer.
M. SOO GIL PARK, expert de la Sous-Commission, a estimé qu'il convenait d'examiner la mise en œuvre de droit au développement et s'est demandé comment la notion de droit au développement pouvait devenir contraignante.
Présentation du rapport sur le Forum social
Présentant le rapport sur le Forum social (E/CN.4/Sub.2/2003/16, à paraître), M. JOSÉ BENGOA a indiqué que maintenant que le budget pour 2004 a été approuvé, il est proposé que le premier Forum social intersession débute le 20 mai 2004 avec pour thème central: «Pauvreté rurale, développement et droits des paysans et autres communautés rurales». Trois réunions-débats se dérouleront alors qui seront respectivement consacrées aux questions suivantes: pauvreté rurale et mondialisation; développement rural; et droits des paysans, pêcheurs et autres communautés rurales. Quant à la participation, le projet de résolution qui va être présenté à la Sous-Commission concernant cette question demande au Secrétariat de promouvoir la plus large participation possible, en particulier de la part des gouvernements - auxquels il est demandé d'envoyer des spécialistes des questions examinées.
Suite du débat sur les droits économiques, sociaux et culturels
M. SOO GIL PARK, expert de la Sous-Commission, a félicité les Rapporteurs spéciaux sur les effets de la mondialisation sur la jouissance des droits de l'homme pour leurs travaux, en rappelant que les événements du 11 septembre 2001 ont montré comment la mondialisation pouvait aller à l'encontre des intérêts de l'humanité. Dans ce contexte, les moyens de communication, qui ont contribué à la promotion des droits de l'homme, sont devenus une nouvelle menace pour l'humanité. M. Park a appelé chacun à réfléchir aux moyens de promouvoir les investissements et le commerce d'une manière qui soit conforme aux normes internationales en matière de droits de l'homme. Il faut garder à l'esprit la nécessité qu'il y a désormais à modifier l'image négative qui accompagne à maints égards la mondialisation. Il faut espérer qu'un esprit de compromis règnera lors de la réunion ministérielle de Cancún, dans trois semaines, afin de faire en sorte que les besoins fondamentaux en matière de santé soient satisfaits.
En ce qui concerne le rapport du Groupe de travail sur la responsabilité des sociétés transnationales en matière de droits de l'homme, il est heureux de voir que le projet de règles dans ce domaine est désormais disponible pour adoption par la Commission. M. Park a également commenté le rapport de M. Guissé sur le droit à l'eau potable en soulignant qu'il faut s'abstenir d'imposer des prix trop élevés pour l'eau, ce qui constituerait en fait un déni du droit à l'eau. Il convient donc de s'assurer que les ressources en eau sont gérées de manière efficace sans recourir à la privatisation. M. Park a par ailleurs jugé excellent le rapport de M. Bengoa sur l'application des normes et critères relatifs aux droits de l'homme dans le contexte de la lutte contre l'extrême pauvreté.
M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, s'est félicité, entre autres, des progrès de la réflexion de la Sous-Commission sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme au sein du Groupe de travail animé par M. Bengoa. Il a également salué l'initiative importante de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) dans la prise en compte de l'élimination de la pauvreté. Il a rappelé que la pauvreté est la négation de l'être humain et a insisté sur le fait que la lutte contre la pauvreté doit être placée au cœur de l'agenda des droits de l'homme. Il a jugé particulièrement regrettable que la société d'abondance n'ait pas permis d'éradiquer la grande pauvreté, rendue encore plus injuste, alors que les États se trouvent aujourd'hui concernés par les nouvelles formes de misère. Il a estimé qu'il suffisait de partir des droits inhérents de tout homme pour mettre fin à ces situations où la dignité d'être homme est mise en cause, où l'ensemble des droits de l'homme sont violés. À cet égard, il a rappelé que si la problématique du développement doit prendre en compte les éléments quantitatifs d'une véritable planification sociale, avec ses objectifs et indicateurs, l'approche des droits de l'homme doit rester qualitative. C'est dire toute la difficulté du défi, a-t-il convenu, car il s'agit de mettre en marche tous les droits de l'homme. Dans ce cadre, il a signalé trois priorités et a rappelé les propos de Mme Anne-Marie Lizin, experte de la Commission des droits de l'homme sur l'extrême pauvreté, qui a insisté sur le fait que le droit à un état civil est un préalable à l'exercice des droits politique et le bénéfice des droits de solidarité. Il a également rappelé que l'association ATD-Quart-Monde a toujours insisté sur la dimension culturelle de l'identité, qui est au cœur de l'exigence de dignité et de respect. Là aussi, l'éducation, notamment celle des fillettes, est le premier pas vers le droit à la santé, la première étape pour échapper au cercle vicieux de la misère héritée de génération en génération.
M. Decaux a enfin soulevé la question cruciale de la justiciabilité des droits économiques et sociaux. Le droit à la santé, le droit à un logement approprié comme le droit à la justice ou à l'éducation réclament la mobilisation de moyens de la part des pouvoirs publics, sur le plan interne, et le jeu de la solidarité des États, à l'échelle internationale, a-t-il poursuivi. Il a estimé que le respect effectif des droits de l'homme implique des obligations de moyens tout autant que des obligations de résultats.
M. FISSEHA YIMER, expert de la Sous-Commission, a commenté le document de travail sur la corruption présenté hier par Mme Christy Ezim Mbonu en soulignant que la corruption affecte de toute évidence les droits économiques, sociaux et culturels. M. Yimer a dit partager l'avis de Mme Mbonu selon lequel il n'est pas nécessaire de perdre du temps à tenter de définir la corruption. Le détournement de fonds publics constitue de toute évidence un déni des droits économiques, a également souligné M. Yimer. Le népotisme ne saurait être approuvé en quelque circonstance que ce soit et il est donc étonnant d'utiliser le terme «même» dans la phrase du document de travail de Mme Mbonu qui affirme que «même le népotisme peut être considéré comme une corruption». En ce qui concerne le rapport sur les effets de la mondialisation, M. Yimer a notamment souligné que les processus et conséquences de la mondialisation sont de plus en plus complexes. Il a souligné que, de toute évidence, la mondialisation a des conséquences sur les pouvoirs réglementaires des États. Il a remercié les deux Rapporteurs spéciaux sur la question de la mondialisation pour leur travail extrêmement riche.
MME LEÏLA ZERROUGUI, experte de la Sous-Commission, s'est félicitée du rapport présenté sur la mondialisation et ses effets sur la jouissance des droits de l'homme, notamment du fait que les auteurs ont insisté sur la responsabilité des acteurs non gouvernementaux, à l'heure où l'on observe que ces acteurs interfèrent même avec la souveraineté des États. Elle a estimé que la Sous-Commission devrait rester saisie de la question.
S'agissant des autres rapports présentés, elle a demandé à M. Guissé comment, dans l'évolution de son travail sur le droit à l'eau et à l'assainissement et à la lueur de l'observation générale du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, il envisage la contribution de la Sous-Commission pour renforcer la prise de conscience du droit à l'eau et assurer sa mise en œuvre. En ce qui concerne la corruption, elle s'est félicitée des travaux en cours en vue de l'élaboration d'un instrument international contre la corruption. Par ailleurs, s'agissant de la restitution des biens des personnes déplacées dans leur propre pays, elle a demandé à M. Pinheiro s'il estime que les solutions qu'il propose pour l'application du droit à restitution peuvent s'appliquer également aux personnes déplacées du fait d'une occupation étrangère.
M. MANUEL RODRÍGUEZ CUADROS, expert de la Sous-Commission, a commenté le rapport de M. Guissé sur le droit à l'eau potable en indiquant avoir l'impression qu'il s'agit là d'un travail d'une importance exceptionnelle. Depuis sept ou huit ans, a relevé M. Rodriguez Cuadros, davantage d'études touchant au problème de l'eau ont été menées sous l'angle des possibilités de conflits liés à l'eau que du point de vue des droits de l'homme comme le fait M. Guissé. M. Rodríguez Cuadros a mis l'accent sur l'importance qu'il y a à interdire l'interruption des services d'approvisionnement en eau car une telle interruption se répercute indéniablement sur la jouissance de nombreux droits de l'homme.
Commentant par ailleurs le rapport de M. Bengoa sur la perspective des droits de l'homme dans l'approche de l'extrême pauvreté, M. Rodríguez Cuadros a souligné que la pauvreté ne saurait être combattue par une politique d'assistanat telle que celle qui a inspiré les politiques d'ajustement structurel de ces vingt dernières années.
M. YOZO YOKOTA, expert de la Sous-Commission, s'agissant de la mondialisation et ses effets sur les droits de l'homme, est revenu sur le débat au sein de la Banque mondiale qui oppose les anciens, pour lesquels les droits de l'homme ne sont pas du ressort de la Banque, et les modernes, favorables à une approche fondée sur les droits de l'homme. Il a simplement rappelé qu'en tant qu'institution membre du système des Nations Unies, la Banque mondiale a une obligation statutaire à l'égard des droits de l'homme et se doit donc de tenir compte de l'impact de ses politiques sur l'exercice et la jouissance des droits de l'homme.
M. JOSÉ BENGOA, expert de la Sous-Commission, a jugé regrettable que la Sous-Commission n'ait pas le temps de débattre de manière plus approfondie des questions inscrites à l'ordre du jour au titre des droits économiques, sociaux et culturels. S'agissant des activités et de la responsabilité des sociétés transnationales, M. Bengoa a notamment indiqué qu'il est d'accord pour dire que le projet de normes sur la responsabilité des sociétés transnationales du point de vue des droits de l'homme constitue un point de départ. Néanmoins, afin de progresser dans ce domaine, il faudrait établir les mécanismes de surveillance et de vérification. Il est à cet égard fondamental que les mécanismes de vérification se penchent également sur les activités des filiales, a souligné l'expert.
M. DAVID WEISBRODT, expert de la Sous-Commission, a estimé que plus d'attention qu'il n'était nécessaire a été accordée aux effets des attaques du 11 septembre dans le rapport sur la mondialisation. Il a toutefois estimé que le rapport contenait des observations utiles. Il a souligné l'importance d'une nouvelle approche de la mondialisation et de ses effets sur les droits de l'homme, notamment en vue de mesurer cet impact, et s'est dit particulièrement intéressé par la question de l'élaboration d'un projet de normes sur la responsabilité des sociétés transnationales. Sur la question de la surveillance des activités des transnationales, M. Weisbrodt a estimé que les propositions du Groupe de travail sur la création d'un mécanisme de plaintes constituent un premier pas dans la bonne direction. Il s'est accordé avec M. Bengoa pour reconnaître que la question de la surveillance est primordiale. Il a souligné que, si de nombreuses entreprises ont accepté leurs obligations en matière de droits de l'homme, il est indispensable de leur faire comprendre comment les droits de l'homme s0inscrivent dans leurs activités.
MME FLORIZELLE O'CONNOR, experte de la Sous-Commission, a indiqué que les documents qui ont été présentés hier à la Sous-Commission au titre des droits économiques, sociaux et culturels ont mis en évidence certaines contradictions auxquelles on est confronté lorsque l'on s'efforce de faire des droits de l'homme une réalité. Le libre-échange oui, mais à quel prix, a demandé l'experte? Le commerce, d'accord, mais sur la base d'un respect mutuel et non sur la base de l'imposition d'idées, de valeurs ou de besoins, a-t-elle insisté. Ne serait-il pas possible de parvenir à des accords sur la base d'une bonne compréhension du principe de l'égalité entre tous les êtres humains et sur la base du respect mutuel, a-t-elle demandé?
MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a espéré que la Commission pourra accepter les directives à l'égard des sociétés transnationales et que les organisations non gouvernementales en feront bon usage, notamment pour faire valoir la justiciabilité des droits économiques et sociaux ou pour sensibiliser les gouvernements à ces directives et les moyens de contrôle qu'elles leur donnent sur les activités des sociétés transnationales. S'agissant de la question de la corruption, elle a souligné les différentes formes de corruption, allant de la corruption quotidienne sous forme de prévarication des fonctionnaires et des pots-de-vin distribués à la police par les criminels, à la corruption à grande échelle touchant des sommes importantes. Quelle qu'en soit l'échelle, la corruption porte atteinte à la primauté du droit et à la démocratie. En effet, quand la police est corrompue, il n'y a plus d'état de droit. Elle a aussi appelé l'attention sur certaines formes de corruption courantes dans les pays développés, notamment dans l'attribution des marchés publics ou le financement des campagnes électorales. Elle a espéré que Mme Mbonu prendra ces éléments en compte dans son prochain document de travail.
MME ANTOANELLA-IULIA MOTOC, experte de la Sous-Commission, s'est félicitée de l'élaboration des directives à l'intention des sociétés transnationales, mais a estimé qu'il pêchait en ce qui concerne les mécanismes de contrôle. Elle a également émis des doutes quant à son applicabilité dans les pays en développement. S'agissant des effets de la mondialisation sur les droits de l'homme, elle a regretté que le document présenté soit plus politique que juridique et a demandé aux auteurs de se concentrer sur le droit.
M. PAULO SÉRGIO PINHEIRO, expert de la Sous-Commission, a estimé que si la Sous-Commission doit se transformer en boîte à idées de la Commission, il serait utile que les gouvernements envoient des experts participer au Forum social et aux travaux de la Sous-Commission.
M. JOSEPH OLOKA-ONYANGO, Rapporteur spécial sur les effets de la mondialisation sur l'exercice des droits de l'homme, a répondu aux divers commentaires qu'il avait pris en considération le contexte qui s'est établi après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 et qui atteste d'une tendance vers l'unilatéralisme au détriment du multilatéralisme, ce qu'il a jugé préoccupant. Il a estimé qu'il est possible de dissocier les développements économiques de ce qui se passe au plan politique, comme le démontre les accords qui régissent l'ordre commercial international. Dans ce contexte, la résurgence de l'unilatéralisme menace l'élan de solidarité en faveur du développement. Le Rapporteur spécial s'est ensuite félicité que M. Yokota ait rappelé que les institutions financières internationales ont des responsabilités au regard des droits de l'homme du fait même de leur appartenance au système des Nations Unies. Sur les questions de la transparence et de la responsabilité, il a reconnu que les États devaient répondre à ces principes, mais a insisté sur le fait que ces principes de transparence et de responsabilité devaient s'appliquer aussi aux institutions spécialisées et aux partenaires du développement.
MME CHRISTY EZIM MBONU, experte de la Sous-Commission, a déploré que la Sous-Commission ne dispose même pas du temps nécessaire pour discuter des questions, ô combien importantes pour les gens, inscrites au titre des droits économiques, sociaux et culturels.
MME MAYA BEN-HAIM ROSEN (Congrès juif mondial - CJM, au nom également de l'Association internationale des avocats et juristes juifs) a présenté le cas des réfugiés juifs qui ne reçoivent aucune attention de la part de la communauté internationale et a estimé qu'il importait de bien comprendre les raisons qui ont poussé cette population à quitter le Moyen-Orient, car c'est une condition préalable à un dialogue sincère en faveur de la paix. Elle a retracé l'historique de ces départs des Juifs des pays arabes depuis les années 1940. Elle a expliqué que ces Juifs se sont naturellement tournés vers Israël, alors naissant, qui les a acceptés sans recevoir aucune aide internationale. Elle a ensuite appelé l'attention sur les camps de réfugiés arabes qui existent depuis la tentative d'invasion d'Israël en 1948 et qui sont devenus depuis un terrain fertile pour le recrutement de terroristes. Elle a lié ces deux problèmes et a mentionné qu'une solution constructive avait été proposée dans la Recommandation 1612 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui appelle à la compensation des réfugiés palestiniens qui choisissent de rester dans les pays d'accueil et demande la création d'un fonds des Nations Unies en vue de financer ces réinstallations. Elle a ajouté que les réfugiés juifs, en revanche, attendait toujours une compensation pour la violation de leur droits et la spoliation de leurs biens.
MME CONCHITA PONCINI (Fédération internationale des femmes diplômées des universités au nom également de plusieurs organisations non gouvernementales*) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur le rôle des hommes et des jeunes garçons pour ce qui est de la réalisation de l'égalité entre les sexes et a rappelé qu'il s'agit là d'une question qui sera au cœur de la session de 2004 de la Commission de la condition de la femme. Elle a affirmé que lorsqu'on parle de perspective sexospécifique, le propos n'est pas avant tout d'attirer l'attention sur les femmes mais plutôt de mettre souligner les processus essentiels permettant de mettre en lumière les déséquilibres existants. La représentante a souligné que la culture et la religion sont dominées par des cadres comportementaux et des attitudes mentales qui sont eux-même exacerbés par la tendance à caricaturer les rôles économiques et sociaux des femmes et des hommes, alimentant ainsi un cercle vicieux de pratiques discriminatoires qui favorisent la domination de l'homme. À cet égard, elle a dénoncé la pratique consistant à priver les femmes de leurs droits à la terre, à la propriété et à l'héritage. Les politiques macroéconomiques sont censées être neutres du point de vue de la sexospécificité, mais sont en fait, généralement, aveugles dans ce domaine et renforcent l'exclusion des femmes du processus de développement économique. Maintenir un équilibre entre travail et vie de famille constitue pour les femmes le plus grand défi en termes d'inégalités et de discriminations auxquelles elles sont confrontées.
M. CHIP PITTS (Lawyers Committee for Human Right, également au nom desAvocats du Minnesota pour les droits de l'homme) a rendu compte de la participation de son organisation au groupe de travail chargé d'élaborer un projet de normes à l'intention des sociétés transnationales. Il a appelé l'attention sur la vulnérabilité des travailleurs et s'est félicité des mesures concrètes proposées dans le projet de nomes. Il a insisté sur la nécessité d'un cadre juridique fort et a précisé que les normes seront particulièrement utiles dans les industries qui utilisent une large main d'œuvre telles que le textile ou les jouets. Elles s'appliqueront à tous les niveaux de la chaîne de production, y compris aux entreprises sous-traitantes des grandes compagnies qui ne sont guère plus que des marques ne possédant en propre que très peu d'unités de production. Il a appelé l'attention sur le commentaire général qui accompagne le projet de normes et s'est félicité qu'elles soient plus détaillées que le Pacte mondial, proposé initialement par les Nations Unies. Par ailleurs, le représentant a expliqué que les abus des droits des travailleurs continuaient à se perpétuer du fait de l'impunité que les gouvernements accordent aux grandes corporations, du manque de lois nationales de protection des travailleurs, de la faible application de lois qui peuvent être bonnes, et des tentatives visant à bafouer le droit à l'association et le droit de former des syndicats. Si les normes ont le mérite de clarifier la législation internationale et peuvent être utiles pour contrôler les activités des sociétés transnationales, il incombera aux gouvernements et aux mécanismes de surveillance de veiller à leur application.
M. PHILIPPE LEBLANC (Dominicains pour justice et paix, également au nom de Dominican Leadership Conference) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur les conséquences que les guerres ont sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels des populations, en particulier les segments les plus démunis que sont les femmes et les enfants. À cet égard, il a dénoncé la situation qui prévaut en Iraq où les segments les plus vulnérables de la population subiront de plein fouet les conséquences durables et préjudiciables de la pollution de l'environnement due aux bombardements par les bombes à fragmentation et à l'uranium appauvri. Du fait des sanctions, une génération entière d'enfants iraquiens nés après 1991 a été privée de son droit à une alimentation adéquate et à l'eau potable, a par ailleurs rappelé le représentant. Il a rappelé que c'est à l'autorité provisoire de la coalition qu'incombe la responsabilité première du bien-être du peuple iraquien. Il a notamment encouragé la Sous-Commission à envisager la possibilité d'un document de travail sur la promotion et la protection des droits de l'homme dans le contexte des sanctions économiques et de la reconstruction après-guerre.
MME RAHEEK RINAWI (Human Rights Watch) a relevé qu'en ces temps où de plus en plus d'entreprises font des affaires en dehors de leur pays d'origine, un grand nombre d'entre elles continuent de prétendre qu'elles n'ont aucune responsabilité en matière de droits de l'homme dans les endroits où elles commercent et investissent. C'est pourquoi Human Rights Watch considère comme une première étape d'importance, afin de traiter cette question, l'élaboration de normes sur la responsabilité en matière de droits de l'homme des sociétés transnationales. La représentante a précisé que son organisation juge nécessaire de disposer de normes contraignantes visant à empêcher les entreprises d'avoir un impact négatif sur la jouissance des droits de l'homme. De telles normes ne devraient pas se limiter aux sociétés transnationales mais être applicables également aux sociétés locales et nationales. Il serait judicieux de consolider ce processus en créant un forum chargé de recevoir et d'évaluer l'information concernant les entreprises et l'impact de leurs activités sur la jouissance des droits de l'homme. Le Groupe de travail sur les méthodes de travail et les activités des sociétés transnationales pourrait faciliter la création d'un tel forum, a estimé la représentante.
M. MARCELINO DIAZ DE JESÚS (Conseil international de traités indiens) a dénoncé les nouvelles offensives contre les territoires, les ressources et les traditions des populations autochtones, dont les droits sociaux, économiques et culturels ne sont pas respectés. Il a pris l'exemple du Chili et a observé que les indicateurs de développement social des populations autochtones sont bien inférieurs à ceux du reste de la population. Il a ensuite exprimé ses préoccupations à l'égard du plan dit Puebla-Panama, qui, sur l’initiative des sociétés transnationales, prévoit de construire un paradis touristique dans l'état de Puebla du Mexique et au Panama et qui touchera quelque 200 peuples autochtones. Il a précisé que ce plan prévoit l'exploitation d'un territoire d'une superficie d'un million de mètres carrés et s'est indigné du modèle de développement véhiculé par cette initiative, qui implique l'expulsion de communautés zapotèques contre une compensation dérisoire. Il a également rendu compte de l'opposition des communautés autochtones au Plan Puebla-Panama et dénoncé les arrestations qui ont été menées dans ce cadre.
M. SYLVAIN DE PURY (Organisation mondiale contre la torture - OMCT) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la situation de la communauté rom vivant dans la zone Nea Zoi d'Aspropyrgos en Grèce. Cette communauté est souvent exposée à des menaces d'expulsion et vit dans des conditions terribles; les services de base, notamment l'eau, faisant cruellement défaut. En Inde, a poursuivi le représentant, une force d'action rapide armée composée d'environ 500 policiers a expulsé en février dernier plus de 7 000 dalits de leurs habitations situées dans le parc Belilious à Calcutta. Les familles expulsées vivent désormais dans des conditions horribles sur le site de la décharge publique de Belgachia. Le représentant de l'OMCT a par ailleurs indiqué que ces deux derniers mois, son organisation a lancé deux appels urgents, l'un pour le Cambodge et l'autre pour l'Égypte, concernant des entreprises impliquées dans des violations des droits de l'homme. En Égypte, à la fin de ce printemps, l'usine de construction automobile Daewoo a exercé des pressions afin que 125 de ses travailleurs démissionnent, ce qu'elle a obtenu de 112 d'entre eux, huit autres ayant été licenciés. Au Cambodge, le 13 juin dernier, la police a tué un ouvrier de l'usine Terratex Knitting and Garment lors d'une manifestation pacifique de travailleurs qui souhaitaient obtenir la réintégration d'un dirigeant syndical licencié. L'OMCT soutient l'adoption du projet de normes sur la responsabilité en matière de droits de l'homme des sociétés transnationales.
* Déclaration conjointe: Fédération internationale des femmes diplômées des universités; Conseil international des infirmières; Conseil international des femmes; Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté; Conseil international des femmes juives; Union mondiale des organisations féminines catholiques; Conférence des femmes de toute l'Inde; Femmes Africa Solidarité; Zonta international; Comité inter-africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants en Afrique; Institut international de la paix; et Communauté internationale baha'ie.
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