PRESENTATION DE RAPPORTS SUR LES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
Communiqué de presse DH/G/194 |
Commission des droits de l'homme
PRESENTATION DE RAPPORTS SUR LES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
Le deuxième Vice-Premier Ministre de Guinée équatoriale s'adresse à la Commission
GENEVE, le 4 avril -- La Commission des droits de l'homme a entendu ce matin, avant d'entamer l'examen des droits économiques, sociaux, culturels, M. Jeremia Ondo Ngomo, deuxième Vice-Premier Ministre de Guinée équatoriale, qui a rendu compte des progrès réalisés par le Gouvernement d'union nationale, du bon déroulement des dernières élections et de la conférence nationale sur la réforme de la justice. Dans ce contexte, le Vice-Premier Ministre équato-guinéen a sollicité un programme de coopération technique du Haut Commissariat aux droits de l'homme.
Les Rapporteurs spéciaux sur le droit à la santé, le droit à l'éducation, le droit à l'alimentation, et les conséquences des mouvements et déversements de produits et déchets toxiques et nocifs ont ensuite présenté leurs rapports et répondu aux questions des membres de la Commission dans le cadre de «dialogues interactifs». La Commission a également entendu la présentation des rapports de l'Expert indépendant sur la question d'un projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de l'Expert indépendant sur l'effet des politiques d'ajustement structurel et de la dette extérieure sur la jouissance effective des droits de l'homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels.
S'agissant de droit de toute personne à jouir du meilleur état de santé possible, M. Paul Hunt a fait part des priorités de ce nouveau mandat, qui a été établi lors de la dernière session de la Commission. Ainsi, il s'est proposé d'examiner les liens entre le droit à la santé et la pauvreté et l'impact de la discrimination et de la stigmatisation sur la réalisation du droit à la santé. Ces deux thèmes lui permettront d'étudier un certain nombre de questions importantes, telles que l'équité entre les sexes, les besoins des enfants, la discrimination raciale et le VIH/sida, a-t-il précisé. Au cours du dialogue interactif qui s'est engagé avec les délégations, M. Hunt a notamment attiré l'attention sur les maladies très négligées qui touchent particulièrement les populations pauvres qui vivent dans les zones rurales des pays en développement. Ces maladies, pour lesquelles il n'y a que très peu de programmes de recherche et développement, sont rarement mortelles mais créent d'immenses souffrances et souvent des incapacités à vie.
Pour sa part, Mme Katarina Tomasevski a souligné avant tout l'importance du contenu de l'éducation, soulignant qu'une étude réalisée sur le lien entre l'éducation et le racisme dans l'Union européenne a montré que la proportion des Européens qui se déclarent racistes ou très racistes a cru d'un tiers au cours de la dernière décennie. Dans la mesure où la plupart des personnes sondées ont fait état de neuf années d'études en moyenne, ces résultats montrent que l'éducation n'est pas nécessairement une arme pour la lutte contre le racisme et qu'elle peut même œuvrer dans le sens inverse, a-t-elle précisé. Pour remédier à cette tendance alarmante, elle a insisté sur la nécessité d'inclure une composante des droits de l'homme dans les programmes scolaires.
En ce qui concerne la réalisation du droit à l'alimentation, M. Jean Ziegler a fait part de ses inquiétudes devant le fait que le nombre de personnes souffrant de malnutrition a légèrement augmenté entre 2001 et 2002, alors que les ressources de la planète suffiraient à nourrir douze milliards d'êtres humains. Il a demandé que les directives volontaires sur le droit à l'alimentation soient basées sur une interprétation au moins moralement contraignante de ce droit, et qu'elles définissent les obligations des États aux niveaux national et extranational, de même que celles des acteurs non étatiques. Au cours du dialogue interactif qui s'est engagé avec les délégations, plusieurs États ont souligné l'importance également du droit à l'eau et demandé des précisions sur son lien avec le droit à l'alimentation. La situation actuelle en Iraq a été évoquée à cet égard.
S'agissant des conséquences néfastes des mouvements et déversements illicites de produits et déchets toxiques et nocifs pour la jouissance des droits de l'homme, Mme Fatma-Zohra Ouhachi-Vesely, Rapporteuse spéciale, s'est félicitée de l'adoption consensuelle d'un mécanisme de promotion de la mise en œuvre de la Convention de Bâle, lequel, malgré les insuffisances que l'on peut relever, notamment le fait que les ONG ne puissent directement saisir ce mécanisme, peut se révéler un outil efficace de surveillance de l'application des obligations contractées par les États parties. Elle a aussi salué la signature d'un accord de partenariat par lequel des entreprises privées se sont déclarées responsables des téléphones mobiles qu'elles produisent et engagées à en assurer la gestion écologique en fin de vie. Le représentant du Canada s'est exprimé en qualité de partie concernée. Un dialogue interactif avec les délégations se tiendra au début de la séance de cet après-midi.
M. Hatem Kotrane, Expert indépendant sur la question d'un projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels a recommandé à la Commission d'adopter une résolution dans laquelle elle confirmerait sa décision de mettre en place un groupe de travail à composition non limitée qui sera chargé d'élaborer un projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte.
M. Bernard Andrew Mudho, Expert indépendant sur les effets des politiques d'ajustement structurels et la dette extérieure sur la pleine jouissance des droits de l'homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, a regretté, au vu des effets négatifs des politiques d'ajustement structurel sur la jouissance des droits de l'homme, que les tentatives visant à mettre en place des filets de sécurité pour les membres les plus vulnérables de la société aient finalement échoué, comme en témoigne la persistance des troubles économiques en Argentine et en Bolivie.
La Commission entendra, cet après midi à partir de 14 heures, le Rapporteur spécial sur le droit au logement, M. Miloon Khotari. Le Haut Commissaire aux droits de l'homme présentera pour sa part son rapport sur la situation des droits de l'homme en Colombie. La Commission entendra en outre le Président du Comité des droits de l'homme, ainsi que le Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression, M. Ambeyi Ligabo.
Déclaration du deuxième Vice-Premier Ministre de la Guinée équatoriale
M. JEREMIAS ONDO NGOMO, deuxième Vice-Premier Ministre de la Guinée équatoriale, a rappelé les termes de la résolution adoptée l'année dernière par la Commission et qui a mis fin au mandat du Représentant spécial chargé d'examiner la situation des droits de l'homme dans son pays. Il a sollicité une plus grande coopération avec son pays. Dans cet esprit, la Guinée équatoriale a invité le Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression, qui a pu se rendre compte du fonctionnement des partis politiques et des associations, ce qui a permis d'attester des progrès accomplis dans ce domaine, a-t-il déclaré. S'agissant des lacunes identifiées par le Rapporteur spécial, le Vice-Premier Ministre a indiqué que le Gouvernement équato-guinéen avait convoqué une conférence nationale dans l'objectif de réviser la législation. Tous les acteurs politiques, économiques, sociaux et culturels ont été invités à y participer, a-t-il précisé. Il a également donné les détails de la réforme de la loi sur la presse, faisant valoir que de nombreux journaux indépendants circulent dans le pays et qu'il y a plusieurs chaînes de télévision privées. Il a en outre indiqué que le Gouvernement a récemment accordé un crédit public de 200 millions de Francs CFA en vue d'établir une imprimerie à Malabo.
Sur un autre plan, le Vive-Premier Ministre équato-guinéen a assuré qu'il n'y avait aucun prisonnier politique dans son pays. En outre, le Gouvernement a passé un accord avec le Comité international de la Croix-Rouge l'autorisant à visiter régulièrement les prisons du pays. M. Ngomo a insisté sur la paix qui régnait dans le pays, qui a célébré le dixième anniversaire de son Pacte national pour la consolidation de la démocratie. Pour attester du bon climat politique, il a expliqué qu'il appartenait lui-même à l'Unión Popular, principal parti d'opposition représenté au Parlement, qui s'était joint au Gouvernement d'union nationale après les dernières élections qui se sont déroulées librement sous le regard de 70 observateurs internationaux. Par ailleurs, la Guinée équatoriale vient de célébrer une conférence nationale sur la justice qui a permis d'établir un diagnostic complet des difficultés qui subsistent dans l'administration de la justice et qui proviennent, notamment, de la faiblesse des capacités nationales. Les recommandations de cette conférence ont principalement porté sur la formation des juges et le fonctionnement du barreau. Par ailleurs, le Vice-Premier Ministre a démenti l'information figurant dans le rapport du Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression selon lesquelles l'association de la presse de Guinée équatoriale (ASOPGE) aurait été interdite. En dernier lieu, au vu des obstacles structurels et économiques auxquels se heurte encore la Guinée équatoriale, il a sollicité la mise en œuvre d'un programme d'assistance technique portant sur les droits de l'homme.
Exercice du droit de réponse dans le cadre du débat sur la violation des droits de l'homme où qu'elle se produise dans le monde
Le représentant du Soudan a apporté des précisions sur la situation dans le Darfour à l'ouest du Soudan où sévissent toujours des troubles et a expliqué que son gouvernement s'efforçait de restaurer les infrastructures et de trouver une solution pacifique aux troubles entre les groupes tribaux. Il a assuré que l'esclavage n'existait pas au Soudan et que les enlèvements des femmes et d'enfants avaient cessé sous l'action du Comité pour l'éradication des enlèvements des femmes et des enfants. Il a assuré que toute affirmation de cette nature
était l'effet d'un problème de traduction où les interprètes ont volontairement effectué une traduction ambiguë à une question posée à des enfants rassemblés par l'APLS. Il a rappelé que le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Soudan n'avait relevé aucun nouveau cas d'enlèvement et que la Constitution de son pays pénalisait l'esclavage et les enlèvements.
Le représentant de l'Érythrée s'est inquiété de la gravité de la menace à la paix dans sa région et a rappelé les propos du Secrétaire général qui a enjoint les deux parties à coopérer avec les mécanismes mis en place pour trouver une solution pacifique à la situation. Il a estimé toutefois que l'Éthiopie cherchait à échapper à ses engagements. Il a demandé que la courtoisie règne au cours des débats et a demandé que l'on tienne compte de la culture et des traditions de chacun. Il a dit que sa délégation ne répondrait pas aux provocations de la délégation éthiopienne.
Le représentant de l'Iraq a salué les nombreuses manifestations de sympathie envers l'Iraq. Il a déploré les critiques contre l'Iraq provenant de certains pays arabes.. En réponse à une déclaration de l'organisation non gouvernementale Interfaith international, le représentant a déclaré que ce qui se déroule actuellement en Iraq n'est pas une guerre, mais bel et bien un scandale. Les tribus du sud de Nassiryia, auxquelles appartient pourtant le représentant d'Interfaith, ont toujours mené une lutte héroïque contre les envahisseurs. L'orateur a parlé de distribution d'armes chimiques, il s'agit là d'une pure fabrication. L'orateur n'aurait pas dû propager les mensonges de ses inspirateurs. Quant à l'association France-Libertés, elle doit être plus précise dans ses allégations.
Le représentant de l'Iraq a salué les nombreuses manifestations de sympathie envers l'Iraq. Il a déploré les critiques contre l'Iraq provenant de certains pays Arabes.. En réponse à une déclaration de l'organisation non gouvernementale Interfaith international, le représentant a déclaré que ce qui se déroule actuellement en Iraq n'est pas une guerre, mais bel et bien un scandale. Les tribus du sud de Nassiryia, auxquelles appartient pourtant le représentant d'Interfaith, ont toujours mené une lutte héroïque contre les envahisseurs. L'orateur a parlé de distribution d'armes chimiques, il s'agit là d'une pure fabrication. L'orateur n'aurait pas dû propager les mensonges de ses inspirateurs. Quant à l'association France-Libertés, elle doit être plus précise dans ses allégations.
Le représentant de l'Indonésie a répondu à la déclaration de Franciscain international en regrettant qu'une telle organisation missionnaire ait fait une déclaration au contenu si politisé. Il a rejeté toute allégation de discrimination de l'Indonésie à l'égard des Papous. Les Papous jouissent des mêmes droits que les autres Indonésiens, a-t-il insisté. Le Gouvernement indonésien prend très au sérieux son devoir de protéger son peuple et les visiteurs du pays contre toute action terroriste, a par ailleurs indiqué le représentant indonésien.
Le représentant de la Malaisie a répondu aux interventions de deux ONG (dont Rural Reconstruction Nepal) en soulignant que la loi sur la sécurité vise à assurer l'ordre public ainsi que la paix et la sécurité dans le pays. Cette loi prévoit que les autorités doivent s'acquitter de manière efficace de leur tâche en matière de sécurité et de services sociaux. Les détenus ont le droit de se
référer à l'article 151 de la Constitution et le Roi de Malaisie peut exercer son droit de grâce, a précisé le représentant. La détention sans jugement n'est possible qu'en cas de violation de l'ordre et de la sécurité de l'État, a-t-il indiqué.
Le représentant de l'Azerbaïdjan a regretté que l'Arménie poursuive la «propagande si caractéristique de ce pays» qu'il a accusé d'avoir commis un génocide. Il a appuyé ses propos en citant une déclaration de Human Rights Watch qui fait état d'un massacre d'Azerbaïdjanais dans la ville de Khojaly, dans le Haut-Karabakh, et selon lequel les forces azerbaïdjanaises n'ont en rien empêché les civils de trouver protection. Tous les meurtres de civils est le fait des forces arméniennes, a-t-il insisté. Il a estimé que ces événements étaient en tous points conformes à la définition du génocide et s'est indigné que l'Arménie soit membre de la Commission des droits de l'homme.
La représentante de Chypre a regretté que la politique étrangère de la Turquie reste dictée par les forces armées et qu'après de faibles lueurs d'espoir, le rejet des propositions des Nations Unies démontre que la position turque reste aussi rigide que toujours. Elle a dénoncé cette attitude de la Turquie. Elle a aussi dénoncé le rejet de la mission de bons offices du Secrétaire général par la partie turque et a estimé que les allégations de la délégation turque ne méritait aucune réponse.
Le représentant de Singapour, en réponse à l'organisation non gouvernementale Aliran Kesedaran Negara, a rejeté l'allégation selon laquelle la loi sur la sécurité interne serait utilisée pour réprimer l'opposition politique : cette loi ne concerne que les actes de subversion ou de trahison. Il s'agit d'un instrument de dernier recours, et il n'est pas utilisé pour empêcher les activités des partis politiques. Quant aux séances à huis-clos, elles ne servent qu'à protéger les sources des informations ayant amené les interventions de la police. La stabilité et la paix ne sont pas l'ordre naturel des choses pour un petit État multiracial et multireligieux comme l'est Singapour; il appartient aux autorités de prendre des mesures responsables pour garantir la sécurité des citoyens.
Le représentant de la Grèce, en réponse à la Turquie, a déclaré qu'il fallait regarder vers l'avenir en ce qui concerne la question de Chypre. La Grèce soutient ferment la mission de bons offices du Secrétaire général, car c'est l'amélioration du bien-être de tous les citoyens de Chypre qui est en jeu, et notamment des Chypriotes turcs, dont les droits fondamentaux doivent être respectés.
Le représentant de la Turquie a déclaré que dire que la politique étrangère turque est gérée par l'armée est une insulte. Le rejet par M. Papadopoulos des propositions de M. Denktash suffit à voir quelle est la partie qui est intransigeante dans cette affaire. La Turquie est favorable à la poursuite de la mission de bons offices du Secrétaire général des Nations Unies. La proposition de M. Denktash ne vise d'ailleurs rien d'autre.
La représentante du Venezuela a répondu aux déclarations faites par la Commission andine des juristes et par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) en affirmant que ce qu'a dit la première de ces organisations non gouvernementales relève d'une intention de politiser les droits de l'homme. Elle a rappelé que pour la première fois dans son pays, une Constitution a été adoptée par référendum populaire. Au Venezuela, certains se servent du pouvoir médiatique et d'autres entreprises pour critiquer le Gouvernement, a-t-elle ajouté. Or, le régime constitutionnel vénézuélien est un modèle pour ce qui est de la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les pouvoirs exécutif et judiciaire sont clairement séparés, a-t-elle insisté. Elle a affirmé que la situation négative due à la grève pétrolière du début de l'année, déclenchée hors de tout cadre juridique interne, entravait la jouissance de nombreux droits économiques, sociaux et culturels de la population, y compris le droit à l'alimentation. Il existe sans aucun doute des différences politiques internes, mais cela est inhérent à toute démocratie, a souligné la représentante.
Présentation de rapports au titre des droits économiques, sociaux et culturels
Présentation du rapport sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d'être atteint
M. PAUL HUNT, Rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d'être atteint, a expliqué que la mise en œuvre du droit à la santé doit répondre à trois objectifs principaux : la promotion de ce droit comme partie intégrante de traités internationaux contraignants, tels que la Charte de l'Organisation mondiale de la santé et les résolutions de la Commission des droits de l'homme; la clarification de la portée juridique du droit à la santé; enfin l'identification des bonnes pratiques en matière d'application du droit à la santé.
Le Rapporteur spécial a souligné que ces trois objectifs doivent en outre être abordés en tenant compte de deux facteurs importants en ce qui concerne le droit à la santé : pauvreté et stigmatisation. La pauvreté est un phénomène mondial que tous les pays connaissent à des degrés divers, et son éradication est l'un des objectifs majeurs de notre époque. Ce thème servira de fil conducteur dans l'étude des objectifs de développement du millénaire, dont quatre sur huit ont trait à la santé. Mais comment identifier la contribution spécifique du droit à la santé à la réduction de la santé? Autrement dit, à quoi ressemblerait une politique nationale en matière de santé des pauvres? La vérité, a dit le Rapporteur, est que personne n'a encore de réponse complète à cette question, et sa mission est justement d'en apporter une. De même que le droit à un jugement impartial dépend de l'indépendance et de l'intégrité des avocats, a expliqué M. Hunt, le droit à la santé dépend à son tour de l'indépendance et de l'intégrité des travailleurs de la santé. Ces travailleurs, à cause de leurs activités professionnelles, sont victimes dans certains pays de discriminations, de détentions et d'exécutions arbitraires, de tortures, leur liberté de mouvement et leur liberté d'expression sont entravées. Dans ces circonstances, le Rapporteur spécial propose que le rôle spécial de ces professionnels en rapport avec le droit à la santé soit surveillé et mieux défini.
Dans son rapport sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d'être atteint (E/C.N.4/2003/58), le Rapporteur spécial, nommé en août 2002 pour une période de trois ans, définit les trois grands objectifs de son mandat : promouvoir - et encourager les autres à promouvoir - le droit à la santé en tant que droit fondamental de la personne ; préciser les contours et le contenu du droit à la santé ; et identifier les bonnes pratiques pour la mise en œuvre du droit à la santé au niveau de la communauté et aux niveaux national et international. Il se propose d'examiner ces trois objectifs en traitant deux thèmes interdépendants : le droit à la santé et la pauvreté ; et le droit à la santé, la discrimination et la stigmatisation. Ces deux thèmes lui permettent d'étudier un certain nombre de questions importantes, telles que l'équité entre les sexes, les besoins des enfants, la discrimination raciale et le VIH/sida. M. Hunt évoque six questions types que le Rapporteur spécial, si les ressources le permettent, souhaiterait examiner à travers le prisme du droit à la santé : les stratégies de réduction de la pauvreté; les «maladies négligées»; les évaluations de l'impact; les accords pertinents de l'Organisation mondiale du commerce; la santé mentale; le rôle des professionnels de la santé.
En conclusion, le Rapporteur spécial souligne que, pour ceux qui sont attachés au droit à la santé, la principale difficulté est sans doute de saisir dans leur complexité ces multiples problèmes d'une importance cruciale et de parvenir à des recommandations pratiques et réalisables. Pour cette raison, le Rapporteur spécial attache une importance particulière à son troisième objectif : identifier les bonnes pratiques pour la mise en œuvre du droit à la santé au niveau des communautés et aux niveaux national et international. Avec l'aide d'autres, il espère pouvoir décrire quelques-unes de ces bonnes pratiques dans ses prochains rapports.
Dialogue interactif avec le Rapporteur spécial sur le droit à la santé
Au cours du dialogue qui s'est engagé avec M. Hunt, le représentant de la Norvège, prenant note de l'impact de la discrimination sur la santé, a demandé si le Rapporteur spécial s'était penché sur la situation des réfugiés. Le représentant de la Chine, s'appuyant sur les conclusions du rapport, a demandé que le Rapporteur spécial recense les bonnes pratiques de promotion du droit à la santé pour la majorité de la population mondiale, notamment en ce qui concerne les questions spécifiques aux communautés, et formule des recommandations pratiques sur les actions qui peuvent être entreprises par la communauté internationale. Le représentant chinois a ensuite mis l'accent sur le fait que les médicaments qui permettraient de soigner les populations des pays en développement sont souvent confinés aux pays développés du fait des brevets de propriété intellectuelle. Dans le même ordre d'idée, le représentant de l'Argentine a demandé comment le Rapporteur spécial envisageait la question de l'attitude des industries pharmaceutiques.
Pour sa part, le représentant du Brésil a voulu savoir comment le Rapporteur spécial entendait mener son examen des maladies très négligées (Type III) et quelles recommandations il pouvait faire. Le représentant du Cuba a demandé comment le Rapporteur spécial comptait identifier les bonnes pratiques concernant la réalisation du droit à la santé. Il a également voulu savoir si le Rapporteur spécial entendait examiner l'impact des sanctions et des blocus sur la réalisation du droit à la santé des populations des pays visés par ces mesures coercitives.
Répondant à ces interventions, le Rapporteur spécial, M. HUNT, a déclaré qu'il ne ferait qu'une réponse brève mais souhaitait vivement poursuivre cette discussion avec les délégations qui le souhaiteraient. S'agissant des groupes vulnérables, notamment les réfugiés, M. Hunt a expliqué que c'était l'une des raisons pour lesquelles il avait décidé d'examiner les liens entre la santé et la pauvreté, ce qui engloberait les réfugiés. Toutefois, il a expliqué que les limites de son mandat ne lui permettraient pas d'examiner tous les aspects du droit à la santé sans risquer de faire des commentaires superficiels sur de nombreux points et qu'il serait préférable d'établir des priorités et de les traiter en profondeur.
Aux questions de la Chine concernant les bonnes pratiques mises en œuvre au plan international, il a mis l'accent sur la nécessité de mener une évaluation des politiques sur la jouissance du droit à la santé des pauvres avant de mettre en œuvre des politiques générales aux plans national et régional. Il a ajouté, à cet égard, que la Banque mondiale commençait à prendre ce facteur en considération. Aux diverses questions portant sur l'accès aux médicaments et les droits de propriété intellectuelle, il a déclaré qu'il était prématuré de se prononcer de manière définitive avant d'avoir examiné cette question plus avant. Toutefois, il a reconnu que c'était une question fondamentale et a suggéré, en attendant de mener une enquête approfondie, que l'on intègre une perspective de droits de l'homme dans toutes ces considérations.
S'agissant des maladies très négligées, il a expliqué que ces maladies touchaient principalement des groupes vulnérables dans des pays en développement. Ces maladies affectent des millions de pauvres vivant dans les zones rurales des pays en développement et n'entrent pas dans les statistiques de mortalité, alors qu'elles causent d'immenses souffrances et des incapacités à vie, comme par exemple la cécité des rivières. Pourtant il existe peu de programmes de recherche et développement sur ces maladies de Type III car le retour sur investissement n'est pas très important. En outre, ces maladies sont absentes des pays développés et ne touchent pas les segments privilégiés de la population des pays dans lesquelles elles sévissent. Il a attiré l'attention sur un rapport pour 2002 de l'Organisation mondiale de la santé qui traite de cette question.
Présentation du rapport sur le droit à l'éducation
Présentant son rapport sur le droit à l'éducation, MME KATARINA TOMASEVSKI, Rapporteuse spéciale sur la question, a souligné qu'il est nécessaire de tenir compte avant tout du contenu de l'éducation. Elle a indiqué qu'il ressort d'une étude réalisée sur le lien entre l'éducation et le racisme dans l'Union européenne que la proportion des Européens qui se déclarent racistes ou très racistes a cru d'un tiers au cours de la décennie écoulée et devrait continuer à augmenter; étant donné que la plupart des personnes sondées ont suivi en moyenne neuf années d'études, ces résultats montrent que l'éducation n'est pas nécessairement une arme pour la lutte contre le racisme et qu'elle peut même œuvrer dans le sens inverse. Il est donc essentiel de se pencher sur le contenu et les méthodes de l'enseignement et de l'apprentissage, qu'il convient d'adapter à tous les droits de l'homme, a expliqué la Rapporteuse spéciale.
La Rapporteuse spéciale a qualifié de crime le fait d'introduire certains textes dans les manuels scolaires. Elle a indiqué qu'il arrive que des petites filles en Irlande du Nord soient soumises à des enseignements sectaires. Il existe néanmoins en Irlande du Nord un potentiel d'éducation pour la paix. Il faut donner les moyens aux professeurs et aux enfants de s'impliquer totalement dans le processus d'éducation, a déclaré Mme Tomasevski. Elle s'est en outre dite très choquée par les cas, dans plusieurs pays, d'enfants qui sont morts du fait de châtiments corporels infligés à l'école. Elle s'est néanmoins réjouie qu'un nombre croissant de pays, 45 à ce jour, interdisent strictement les châtiments corporels à l'école.
La Rapporteuse spéciale a indiqué qu'elle avait demandé à la Banque mondiale de mener une enquête sur les frais de scolarité imposés en milieu scolaire à travers le monde. Il ressort de l'enquête que, dans 97% des pays étudiés, des écoles demandent des frais scolaires, même si la plupart du temps, un tiers de ces prélèvements sont illégaux. Mme Tomasevski a précisé qu'elle a attiré l'attention de la Banque mondiale, avec laquelle elle maintient un dialogue continu, sur la nécessité de conserver la règle de droit international selon laquelle l'âge de fin de scolarité (obligatoire) doit correspondre à l'âge minimum d'accès à l'emploi. Mme Tomasevski a souligné que son rapport annuel met en outre l'accent sur l'urgence qu'il y a à traiter le conflit entre le droit international relatif aux droits de l'homme et le droit commercial international. Elle a exprimé l'espoir que puisse être traitée, au cours de la présence session de la Commission, l'urgence qu'il y a à apporter une réponse axée sur les droits de l'homme aux négociations en cours, au sein de l'Organisation mondiale du commerce, sur le commerce des services éducatifs. À ce jour, quarante pays ont pris des engagements dans le domaine de l'éducation en vertu de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), a précisé la Rapporteuse spéciale. Elle a indiqué que ses prochaines missions s'effectueront en Chine et en Colombie.
Dans son rapport sur le droit à l'éducation (E/CN.4/2003/9), la Rapporteuse spéciale relève que divers acteurs contribuent de plus en plus au triomphe du droit à l'éducation, ce qui démontre une visibilité accrue. Le rapport retrace l'évolution de la situation en ce qui concerne la consécration de l'éducation comme droit économique, social, culturel et politique. Mme Tomasevski rappelle les difficultés qu'elle a rencontrées s'agissant de l'Éthiopie et de la Turquie et relève que l'accent mis sur la qualité de l'éducation donne plus d'importance encore au renforcement des garanties des droits de l'homme dans ce domaine. Pour déplacer le centre de l'intérêt des moyens de l'éducation vers ses fins, il y a lieu de se poser les questions suivantes : à quoi sert l'éducation? Qui décide et comment? Comment faire jouer au mieux les garanties des droits de l'homme dans les méthodes d'enseignement et d'apprentissage?
Dans son rapport sur sa mission en Indonésie (E/CN.4/2003/9/Add.1), la Rapporteuse spéciale suggère le développement participatif d'une stratégie de l'éducation fondée sur les droits afin d'associer lutte contre la pauvreté, rétablissement de la paix et prise en compte systématique de l'égalité des sexes. La Rapporteuse spéciale recommande l'élaboration immédiate d'un plan permettant de spécifier les objectifs clefs de l'éducation, de définir les sources d'action et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs, d'identifier les priorités, notamment l'élimination des obstacles financiers, d'attribuer les responsabilités et d'indiquer les institutions à désigner et les procédures à appliquer pour assurer le suivi et l'application du droit à l'éducation.
La mission de la Rapporteuse spéciale en Irlande du Nord (E/CN.4/2003/9/Add.2) fait ressortir l'importance de l'éducation comme moyen de briser la transmission d'une génération à l'autre des facteurs déterminants qui créent des sociétés prédisposées aux conflits, d'où la nécessité accrue de méthodes d'enseignement fondées sur les droits.
Interventions des États concernés par le rapport sur le droit à l'éducation
MMEAUDREY GLOVER (Royaume-Uni) a remercié la Rapporteuse spéciale pour son rapport et déclaré que le Royaume-Uni avait préparé ses observations en tant que document officiel qui serait distribué aux membres de la Commission.
M. DJISMUN KASRI (Indonésie) a regretté que le rapport de la Rapporteuse spéciale ne reflète pas les commentaires communiqués par écrit par son gouvernement à Mme Tomasevski. L'Indonésie considère en effet que l'éducation est une priorité stratégique pour le pays, un investissement capital dans le cadre de son programme de développement. Cependant, le pays est actuellement affaibli par la crise économique depuis 1998, ce qui nuit à sa capacité de répondre aux besoins de chaque citoyen en matière d'éducation. Mais la population place de très grands espoirs dans les bienfaits de l'éducation et la Constitution impose le respect de ses obligations par l'État en matière de réalisation du droit à l'éducation de base et de responsabilité financière. L'ancien système est ainsi modifié de manière très sensible pour répondre aux nouveaux défis.
D'importants progrès ont en outre eu lieu depuis la visite de la Rapporteuse spéciale. Le Gouvernement souhaite en effet mettre en œuvre son nouveau programme afin que le droit à l'éducation soit appliqué de manière plus efficace. Le principe de non-discrimination a ainsi été réaffirmé, une mesure très importante a été prise d'introduction de la scolarité obligatoire et gratuite pendant neuf ans. On a aussi introduit des normes qualitatives minimales, et établi un conseil communautaire pour l'éducation, qui assure la transparence dans les services. Des mesures d'encouragement aux autorités régionales ont été prises afin qu'elles introduisent leurs propres programmes scolaires adaptés. Le Ministère veille en outre à ce qu'il n'y ait pas une marginalisation des filles : elles constituent en effet 48% des élèves, du primaire à l'Université. La situation est vigoureusement prise en main par les autorités en vue de la mise à disposition de chacun des bienfaits de l'éducation obligatoire.
Dialogue interactif avec la Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation
Au cours du débat interactif qui s'est engagé avec Mme Tomasevski, le représentant de la Norvège a demandé comment la Rapporteuse spéciale se proposait d'examiner l'impact négatif que pourrait avoir la libéralisation de l'éducation comme dans le commerce international sur la réalisation du droit à l'éducation. La représentante du Cuba a demandé quelles recommandations la Rapporteuse spéciale pouvait faire aux États dans lesquels la discrimination affectait la réalisation du droit à l'éducation. Elle a demandé aussi quel était l'impact d'une mauvaise réalisation du droit à l'éducation sur la jouissance des droits civils et politiques. Pour sa part, le représentant de l'Allemagne s'est déclaré alarmé par l'augmentation du nombre de personnes qui admettent être racistes et a voulu savoir si cette augmentation serait liée à une meilleure prise conscience du problème.
Le représentant de l'Algérie s'est déclaré choqué que le Rapporteur spécial se soit vu obligé d'utiliser ses fonds personnels pour s'acquitter de son mandat. Il a demandé comment la communauté internationale pouvait admettre que la Rapporteuse spéciale dépense 15 000 dollars de ses fonds personnels et a estimé que cela reflétait le problème posé par les fonds préaffectés et le peu d'importance que certains États accordaient à la réalisation de certains droits.
Répondant à ces questions, la Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation, Mme Tomasevski, a annoncé qu'elle pourrait donner de plus grands détails lors de la réunion d'information qu'elle tiendrait lundi 7 avril en salle XXI, entre 13 heures et 14 heures. À la question de la Norvège, elle a répondu que cette tendance à la privatisation de l'éducation avait des effets particulièrement défavorables dans les pays en transition et dans les pays africains. Cette tendance reflète d'ailleurs plutôt un manque de ressources publiques qu'un choix politique, a-t-elle souligné. En conséquence, le taux
d'analphabétisme a augmenté en Europe orientale et en Afrique. Ainsi, la Rapporteuse spéciale a expliqué que le choix d'une éducation privée plutôt que publique n'était pas non plus un libre choix des familles, mais provenait du fait que l'éducation publique n'était plus disponible ou n'était plus d'un niveau suffisant.
À la question de Cuba sur la discrimination, Mme Tomasevski a répondu que dans les pays où les enfants étaient maintenus dans l'ignorance des situations des autres pays et secteurs de la population, les enfants montraient une plus grande tendance au racisme et à la xénophobie. Elle a mis l'accent sur la nécessité d'incorporer une composante droits de l'homme dans les programmes. Par ailleurs, elle a insisté aussi sur le fait que la composante droits de l'homme devait aussi avoir pour vocation de favoriser l'emploi.
À la question de l'Allemagne, la Rapporteuse spéciale a convenu que l'attention portée par les instances européennes aux phénomènes du racisme et de la xénophobie en Europe avait eu un effet très positif car cela permettait aux gens d'en prendre conscience. Les faits ont prouvé que le meilleur allié du racisme était le silence. Elle a d'ailleurs salué le travail de l'Union européenne dans ce sens. Toutefois, elle a estimé que l'accroissement des migrations et l'aggravation de l'insécurité nés de la mondialisation avaient aussi eu pour conséquence une montée réelle de la xénophobie.
Au commentaire de l'Algérie, Mme Tomasevski a déclaré qu'elle ne souhaitait par faire perdre son temps à la Commission avec des doléances. Toutefois, elle a reconnu qu'elle avait manqué de ressources pour l'exécution de son mandat. Par ailleurs, elle a fait part de son intention de consacrer l'année prochaine aux questions relatives à la parité et de s'intégrer aux travaux du système des Nations Unies sur cette question.
À la suite de ce commentaire M. BERTRAND RAMCHARAN, Haut-Commissaire adjoint aux droits de l'homme, a fait part son vif désaccord avec certains éléments du rapport (paragraphe 1) et a affirmé que le Haut Commissariat assurait les frais de mission des Rapporteurs spéciaux et de leurs déplacements à Genève. Toutefois, il a déclaré que le Haut Commissariat ne pouvait pas donner ce qu'il n'avait pas et a rappelé que les fonds du Haut Commissariat dépendait des États. Cela étant, il a estimé que ce genre de remarques n'avait pas lieu de figurer dans un rapport à la Commission.
Présentation du rapport sur le droits à l'alimentation
M. JEAN ZIEGLER, Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, a rappelé que toutes les sept secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim ou de ses conséquences. La malnutrition des enfants entraîne également des handicaps à vie : cécité, malformations, atrophie du cerveau. Les affamés sont condamnés à une marginalisation et à une pauvreté qui se transmettront de génération en génération. Or, la faim n'est pas une fatalité, mais bien la conséquence des actions des hommes. M. Ziegler se déclare inquiet de constater que les efforts pour la réduction de la faim n'ont pas abouti, le nombre de personnes souffrant de malnutrition ayant légèrement augmenté entre 2001 et 2002, alors que les ressources de la planète suffiraient à nourrir douze milliards d'êtres humains. Des mesures doivent être donc prises pour mettre en application le droit affirmé à l'alimentation. C'est ainsi que le Rapporteur demande que les Directives volontaires sur le droit à l'alimentation soient basées sur une interprétation au moins moralement contraignante de ce droit, et qu'elles définissent les obligations des États aux niveaux national et extranational, de même que celles des acteurs non étatiques. Des mesures particulières devraient être prises en direction du secteur privé, et tout particulièrement des sociétés multinationales du secteur agroalimentaire, véritable nouveau pouvoir dont l'emprise sur la vie économique, à travers le processus de mondialisation, rivalise avec celle des États. Ces derniers disposent d'une maîtrise réduite des facteurs économiques, sociaux et politiques et ne disposent par contrecoup plus toujours des capacités de garantir le droit à l'alimentation de leurs populations.
M. Ziegler a aussi évoqué sa visite au Brésil, dont la situation est paradoxale puisque vingt-deux millions de Brésiliens souffrent de la faim alors que le pays est la dixième puissance économique mondiale. M. Ziegler a estimé que l'élection d'un nouveau Président devrait permettre de renverser cet état de fait. À cet égard, le «Programme zéro faim» du Gouvernement du Brésil, qui vise l'élimination de la faim dans un délai de quatre ans, devrait servir de modèle aux États du monde entier.
Concernant enfin l'Iraq, M. Ziegler a indiqué qu'il avait reçu des informations concernant de possibles violations du droit à l'alimentation par les parties au conflit. Les faits portés à la connaissance du Rapporteur par des organisations non gouvernementales des États-Unis, d'Allemagne, de France et d'autres pays.
Dans son rapport sur le droit à l'alimentation (E/CN.4/2003/54), M. Ziegler rappelle que la faim est un phénomène causé par l'homme, résultat soit de l'inaction soit de mesures négatives qui violent le droit à l'alimentation. Un petit pas a été franchi lors du «Sommet mondial de l'alimentation : cinq ans après» avec la reconnaissance par les gouvernements du «droit à l'alimentation»; un autre progrès a été accompli par la protection juridique du droit à l'eau. Des directives facultatives devraient être développées pour promouvoir la mise en œuvre du droit à l'alimentation fondée sur l'Observation n° 12 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, interprétation juridique qui fait autorité en cette matière. Ces directives devraient définir les obligations des États aux niveaux national et extranational, ainsi que les obligations des autres protagonistes, et tenir compte du large éventail de questions qui relèvent du droit à l'alimentation, notamment nourriture suffisante, accès à l'eau, problématique hommes-femmes, etc. L'Observation générale n° 15 du Comité, sur le droit à l'eau, devrait être largement diffusée et débattue pour assurer la compréhension de ce droit. Les violations du droit à l'alimentation ne devraient plus être tolérées et les gouvernements prendre des mesures pour s'acquitter de leurs obligations au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Enfin, les gouvernements devraient consacrer le droit à l'alimentation dans la législation nationale afin de s'acquitter de leurs obligations internationales, élaborer une stratégie nationale pour donner effet au droit à l'alimentation et prendre toutes les mesures nécessaires, notamment en garantissant la bonne gestion des affaires publiques, pour contribuer à la lutte contre la faim sur leurs territoires.
L'additif au rapport concernant la mission du Rapporteur spécial au Brésil (E/CN.4/2003/54/Add.1, à paraître) constate que davantage de ressources devraient être allouées à la lutte contre la faim dans ce pays, met l'accent sur certains des problèmes rencontrés dans la mise en œuvre des programmes, dresse une liste de violations que le Rapporteur a observées et souligne les obstacles auxquels se heurte la réalisation du droit à l'alimentation.
Interventions des États concernés par le rapport sur le droit à l'alimentation
M. HILDEBRANDO TADEU VALADARES (Brésil), en tant que pays concerné par l'additif au rapport de M. Ziegler, a remercié le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation pour la visite qu'il a effectuée dans le pays en mars 2002 et pour le rapport qu'il a préparé. M. Ziegler s'est rendu au cours de sa visite dans le district fédéral ainsi que dans quatre des 26 États du pays. Il a eu accès sans aucune entrave à tous les lieux où il souhaitait se rendre et a rencontré le Président Cardoso ainsi que d'autres hauts fonctionnaires, représentants de l'Exécutif, représentants des États et représentants d'organisations non gouvernementales. La manière dont M. Ziegler a été reçu au Brésil reflète une réalité profonde, à savoir que les droits de l'homme sont au centre des politiques brésiliennes depuis 1985. Au Brésil, le débat public concerne surtout l'accès à l'alimentation pour tous les Brésiliens. La lutte contre la faim constitue une priorité pour le Gouvernement brésilien et pour le Président Ignacio Lula da Silva, l'objectif étant que tous les Brésiliens puissent manger trois repas par jour d'ici la fin du mandat du Président Lula da Silva (2006). Le Brésil soutient la coopération et le dialogue des instances des droits de l'homme avec de nombreux pays, a précisé le représentant brésilien. Il a rappelé que depuis 2001, le Gouvernement brésilien a adressé une invitation ouverte et permanente à tous les mécanismes des Nations Unies qui souhaitent se rendre dans le pays.
Dialogue interactif avec le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation
Au cours du dialogue qui s'est engagé avec le Rapporteur spécial, le représentant de l'Iraq a regretté que M. Ziegler, à l'instar de la plupart des rapporteurs thématiques, n'ait pas visité l'Iraq. Il a demandé si le droit international humanitaire autorisait une partie à un conflit à couper l'accès d'une population à l'eau, comme l'ont fait les forces armées des États-Unis et du Royaume-Uni qui ont détruit les stations d'épuration de Bassora. Il a également voulu savoir si le droit international humanitaire autorisait les États-Unis à geler les avoirs iraquiens dans les banques. Il a estimé que les quelques distributions auxquelles s'étaient livrées ces forces armées ne remplaçaient en rien une véritable assistance humanitaire. À ce propos, le représentant de la Syrie a demandé au Rapporteur spécial de commenter les informations qui sont diffusées par les grands médias sur la situation à Bassora et a demandé des précisions aussi sur la situation en Palestine. Pour sa part le représentant de la Palestine a dénoncé les pratiques menées par les forces d'occupation étrangères sur la réalisation du droit à l'alimentation des populations, comme cela se passe en Palestine et en Iraq, notamment à Bassora où les populations sont réduites à consommer une eau polluée.
La représentante du Bangladesh a mis l'accent sur l'importance de l'eau potable pour la réalisation du droit à l'alimentation. Par ailleurs, reconnaissant la responsabilité première des États dans ce domaine, elle a demandé dans quelle mesure le droit à l'alimentation était effectivement protégé par les instruments internationaux existants. Soulignant l'importance du droit à l'eau, le représentant de Cuba a demandé des précisions sur ses liens avec le droit à l'alimentation.
Au nom de l'Union européenne, le représentant de la Grèce a reconnu que de grands efforts restaient à faire pour vaincre la faim d'ici à 2015 et a demandé quelles recommandations le Rapporteur spécial pouvait faire pour y parvenir. Il a également demandé quels étaient les éléments clé qui devaient être introduits dans les stratégies nationales pour favoriser la réalisation du droit à l'alimentation. Dans un même ordre d'idées, il a demandé quel impact aurait l'émancipation des femmes et le renforcement de leurs capacités sur la réalisation du droit à l'alimentation.
Le représentant de la République démocratique du Congo a demandé que le temps que la Commission consacre à l'examen des soit-disant violations des droits civils et politiques commises par les pays du Sud soit plutôt dévolu à l'examen de la réalisation des droits économiques et sociaux.
Répondant à ces questions, le Rapporteur spécial, M. ZIEGLER a remercié le Brésil pour la chaleur et la qualité de l'accueil que son Gouvernement lui a témoigné. Il a loué cette nouvelle pratique mise en place au Brésil et qui consiste à nommer des rapporteurs spéciaux nationaux qui sont des relais efficaces des rapporteurs thématiques de la Commission. Il s'est aussi félicité du commentaire de la République démocratique du Congo qu'il a trouvé judicieux.
Aux questions de l'Iraq, M. Ziegler a répondu qu'il se contentait de faire part de ses inquiétudes au vu des informations relayées par les organisations non gouvernementales. Il a déclaré que les États-Unis n'étaient pas partie au Protocole de la Convention de Genève, mais que celui-ci était devenu droit coutumier.
Le Rapporteur spécial a été interrompu par une motion d'ordre des États-Unis estimant que le droit international humanitaire ne figure pas dans le mandat du Rapporteur spécial. La Présidente a expliqué qu'il ne saurait y avoir aucune limite de ce type sur les mandats des Rapporteurs spéciaux et que ceux-ci pouvaient parfaitement se référer au droit international humanitaire.
M. Ziegler a exprimé des préoccupations au vu des informations faisant état de la destruction de la station de pompage de Bassora et des constatations du Fonds des Nations unies pour l'enfance, selon lesquels 1, 2 millions de personnes sont maintenant contraintes de consommer de l'eau polluée. Il a déclaré qu'en aucun cas les infrastructures vitales d'un pays ne devaient être attaquées et a rappelé, par ailleurs, qu'une résolution du Conseil de sécurité interdisait que des hommes en armes distribuent de l'aide humanitaire.
Répondant à la question du Bangladesh, M. Ziegler a expliqué que les démarches concernant la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels étaient consignées dans une observation générale du Comité des droits économiques, sociaux et culturels. À la question de la Grèce concernant l'objectif de réduction de la faim d'ici à 2015, il a cité l'exemple du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, qui institue de réels partenariats entre les pays développés et les pays en développement. Il a également fait état des bonnes intentions émises lors de la dernière réunion du G-8 pour la réalisation de ces partenariats. Aux questions concernant les liens entre le droit à l'eau et le droit à l'alimentation, le Rapporteur spécial a répondu que le cadre conceptuel sur ce point était en cours d'élaboration.
À la question de la Syrie concernant la situation alimentaire terrible en Palestine, il a dit que selon ses informations, plus de 25 % des enfants sont maintenant sous alimentés, une proportion qu'il a rapprochée de celle du Tchad.
Présentation du rapport sur l'élaboration éventuelle d'un mécanisme de plaintes pour les violations des droits économiques, sociaux et culturels
M. HATEM KOTRANE, Expert indépendant sur la question d'un projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, a indiqué que son rapport est principalement axé sur les trois questions que la Commission lui a demandé d'étudier. La première question concerne la nature et la portée des obligations contractées par les États en vertu du Pacte. À cet égard, l'Expert exprime l'avis que le respect par les États de leurs obligations ne devrait en aucun cas être interprété comme impliquant le droit de retarder indéfiniment les mesures à prendre pour assurer la pleine réalisation des droits reconnus dans le Pacte. Ces obligations comportent pour chaque État le devoir de respecter, de protéger et de réaliser activement les droits énoncés dans le Pacte. Sur la deuxième question relative à la possibilité d'invoquer en justice les droits économiques, sociaux et culturels, M. Kotrane a estimé qu'il ne subsiste désormais aucun doute sur le caractère justiciable de l'ensemble des droits garantis par le Pacte.
S'agissant de la troisième question qui portait sur l'utilité et la possibilité concrète de mettre en place un mécanisme de plaintes en vertu du Pacte et à la complémentarité des différents mécanismes, l'Expert s'est dit d'avis que la procédure envisagée est utile dans la mesure où elle permettra de garantir la mise en œuvre du droit de chacun à un recours et de contribuer au développement du droit international par l'élaboration d'un corps cohérent de principes couvrant l'ensemble des droits énoncés dans le Pacte. Une telle mesure serait en outre possible, dans la mesure où la nouvelle procédure arrive à réaliser un bon rapport coût-efficacité et à assurer la complémentarité et la coordination avec les autres mécanismes. L'Expert indépendant recommande en conclusion à la Commission d'adopter une résolution dans laquelle elle confirmerait sa décision de mettre en place un groupe de travail à composition non limitée qui sera chargé d'élaborer un projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux économiques, sociaux et culturels.
Dans son rapport la question d'un projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.N.4/2003/53), M. Kotrane estime que l'adoption d'un projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels permettra, sans doute, de contribuer aux efforts visant à promouvoir, conformément aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, «la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables [qui] constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde». Ainsi, Expert indépendant recommande l'adoption par la Commission des droits de l'homme d'une résolution dans laquelle elle confirmerait la décision contenue dans sa résolution 2002/24, etlui recommande d'instituer, dès la présente session, un groupe de travail à composition non limitée qui sera chargé d'élaborer un projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, à la lumière du rapport du Comité des droits économiques, sociaux et culturels à la Commission concernant un projet de protocole facultatif, des observations des États, des organisations intergouvernementales et non gouvernementales, ainsi que du rapport de l'Expert indépendant.
M. BERNARD ANDREW MUDHO, Expert indépendant sur les effets des politiques d'ajustement structurel et de la dette extérieure sur la pleine jouissance des droits de l'homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, a exprimé sa sympathie au gouvernement et au peuple de la Bolivie pour les tragiques pertes de vies humaines causées par l'accident intervenu cette semaine dans une mine de ce pays. Il a par ailleurs déclaré que la plupart des politiques adoptées par les pays en développement pour surmonter le problème de la dette extérieure ont eu un impact négatif sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels des populations de ces pays. Les tentatives visant à mettre en place des filets de sécurité pour les membres les plus vulnérables de la société ont finalement échoué, comme en témoigne la persistance des troubles économiques en Argentine et en Bolivie. S'agissant des mesures prises par les gouvernements, les entreprises privées et les institutions financières internationales pour atténuer les effets des politiques d'ajustement structurel et de la dette, M. Mudho a déclaré que l'analyse des efforts déployés par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ne suscite guère d'optimisme. Néanmoins, les plans ambitieux envisagés dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique laissent place à quelques espoirs de voir, avec le temps, les droits économiques, sociaux et culturels se réaliser dans les pays les plus pauvres et les plus lourdement endettés. L'Expert indépendant a souligné l'importance que revêtent les négociations de Doha s'agissant de l'accès de tous aux médicaments visant à lutter contre la pandémie du VIH/sida. Les politiques adoptées par les institutions internationales n'ont pas pu stopper la détérioration de la situation dans les pays en développement.
Dans son rapport sur les effets des politiques d'ajustement structure et d la dette extérieure sur la jouissance effective de tous les droits de l'homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels (E/CN.4/2003/10), l'Expert indépendant indique que ces effets sont maintenant bien connus et bien documentés. Ils sont plus ou moins importants et graves selon les pays très endettés (PTTE) et les pays les moins avancés (PMA). Toutefois, il précise que les emprunteurs et les prêteurs se partagent la responsabilité du niveau insoutenable de la dette extérieure de PTTE et des PMA. Au titre de ses recommandations, il demande à la Commission de s'intéresser à la violation des droits économiques, sociaux et culturels fondamentaux et d'examiner la répression par les gouvernements des droits de ceux qui s'opposent et résistent aux mesures d'ajustement structurel imposées comme la libéralisation du commerce, la privatisation des services publics, la suppression des subventions aux denrées alimentaires et à d'autres services essentiels et la déréglementation des investissements miniers. Il lui recommande d'œuvrer en sorte que les prêteurs et les emprunteurs reconnaissent qu'ils ont une responsabilité partagée, quoique différente, dans l'apparition du fardeau de la dette extérieure, qui a rendu nécessaire l'adoption des programmes d'ajustement structurel. La Commission devrait aller au-delà de l'adoption de résolutions et prendre davantage d'initiatives en élaborant des cadres et des mécanismes novateurs pour favoriser la reconnaissance de cette responsabilité partagée.
L'Expert indépendant recommande aussi à la Commission de proposer au Conseil économique et social et à l'Assemblée générale d'appeler les États Membres, les institutions financières internationales et toutes les autres parties prenantes à prendre les mesures voulues pour résorber ou atténuer la pauvreté et les conditions favorisant l'endettement ainsi que les effets néfastes des mesures adoptées pour se conformer aux programmes d'ajustement structurel. La Commission devrait en outre demander à ce que les outils tels que l'initiative PPTE, les Documents de stratégie de réduction de la pauvreté et la Facilité pour la réduction de la pauvreté soient étayés par le principe susmentionné d'une responsabilité partagée et mis en œuvre dans un esprit de transparence et de responsabilité. Elle pourrait en outre mettre en place un mécanisme rendant compte des progrès réalisés, des problèmes posés et des renseignements tirés en matière de promotion et de protection des droits de l'homme dans la perspective de la réalisation des objectifs de développement du millénaire.
Dialogue interactif avec l'Expert indépendant
Le représentant de l'Ouganda a voulu savoir si de nouvelles initiatives avaient été prises par les institutions financières internationales ou la communauté des donateurs concernant la question de la dette des PMA et les conséquences des politiques d'ajustement structurel.
L'Expert indépendant a expliqué que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, au titre des Stratégies de réduction de la pauvreté ont adopté une nouvelle démarche et demandent aux pays qui font une demande d'aide auprès de ces institutions de fournir des informations concernant leur population et la manière dont elle est affectée par la pauvreté.
Le représentant de Cuba a voulu savoir si les mesures actuelles étaient suffisantes pour avoir un impact sur la dette et pour avoir un effet durable sur la réalisation du droit au développement.
À cet égard, l'Expert indépendant a déclaré qu'il avait besoin d'un dialogue plus approfondi avec les institutions financières internationales.
Rapport sur les conséquences néfastes des mouvements et déversements illicites de produits et déchets toxiques et nocifs
Présentant son rapport, MME FATMA-ZOHRA OUHACHI-VESELY, Rapporteuse spéciale sur les conséquences néfastes des mouvements et déversements illicites de produits et déchets toxiques et nocifs pour la jouissance des droits de l'homme, a indiqué que pour la première fois, et grâce à la contribution volontaire du Gouvernement canadien, elle a eu la possibilité de participer à une réunion des États parties à la Convention de Bâle, à savoir la Sixième Conférence, ce qui lui a permis non seulement d'avoir des consultations importantes avec les représentants de gouvernements et d'organisations non gouvernementales, mais aussi de prendre la mesure des problèmes et des efforts entrepris dans le cadre de la Convention de Bâle pour lutter contre le trafic illicite de produits toxiques et nocifs. Les contributions soumises dans ce cadre par les représentants des pays touchés ont été révélatrices de l'ampleur des problèmes posés en terme de survie humaine, de santé, d'établissements humains et d'environnement, a souligné la Rapporteuse spéciale. Elle a ajouté que deux éléments positifs survenus au cours de cette Sixième Conférence méritent d'être signalés. Il s'agit en premier lieu de l'adoption consensuelle d'un mécanisme de promotion de la mise en œuvre de la Convention de Bâle, lequel, malgré les insuffisances que l'on peut relever, notamment le fait que les ONG ne puissent directement saisir ce mécanisme, peut se révéler un outil efficace de surveillance de l'application des obligations contractées par les États parties. En second lieu, il s'agit de la signature d'un accord de partenariat par lequel des entreprises privées se sont déclarées responsables des téléphones mobiles qu'elles produisent et se sont engagées à en assurer la gestion écologique en fin de vie.
Parmi les autres faits saillants de son rapport, la Rapporteuse spéciale a signalé la réticence de gouvernements à accepter des missions sur le terrain, certains s'abstenant ou tardant à répondre aux demandes de visites, d'autres comme l'Australie jugeant une telle mission inopportune. Elle a également indiqué que son rapport traite de six nouveaux cas concernant le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni en tant que pays présumés d'origine des déchets, la Chine, la Colombie, le Chili, l'Inde, le Mexique, le Pakistan et le Pérou en tant que pays touchés. Mme Ouhachi-Vesely a en outre signalé la persistance de l'acuité des problèmes liés aux POPs [polluants organiques persistants] et à l'usage intensif et incontrôlé des pesticides. Une seule satisfaction à cet égard, a-t-elle néanmoins indiqué: la décision du Mexique d'interdire l'usage du DDT. La Rapporteuse spéciale a par ailleurs noté le développement d'un phénomène très préoccupant, à savoir l'exportation de déchets et de produits électroniques réformés des pays développés vers les pays en voie de développement.
Mme Ouhachi-Vesely a d'autre part indiqué que ses missions aux États-Unis et au Canada se sont déroulées dans de bonnes conditions (voir ci-dessous le résumé des additifs au rapport rendant compte de ces missions). En conclusion, elle a souligné les efforts considérables entrepris au plan national par les pays visités, souvent sous la pression d'un public averti et d'organisations non gouvernementales sensibilisées aux problèmes environnementaux. Ces efforts restent toutefois cantonnés dans les limites nationales, parfois régionales, mais sans projections réelles des effets de leurs politiques sur le reste du monde, en particulier les pays plus défavorisés qui restent sans protection face aux politiques commerciales agressives des entreprises transnationales qui tirent profit de toute lacune réglementaire et de toute brèche dans l'édifice de protection des consommateurs qui se met peu à peu en place.
Pour conclure, la Rapporteuse spéciale a déclaré que les pénibles événements qui se déroulent en Iraq ne sauraient laisser indifférent. Les instances onusiennes et la Commission en particulier se doivent de prendre en charge les prolongements humanitaires de la guerre ainsi que les effets néfastes sur les populations civiles et l'environnement qu'elle ne manquera pas de générer, a dit la Rapporteuse spéciale.
Le rapport de la Rapporteuse spéciale sur les conséquences néfastes des mouvements et déversements illicites de produits et déchets toxiques et nocifs pour la jouissance des droits de l'homme (E/CN.4/2003/56 et add.1 et 2) contient notamment un chapitre qui résume les communications sur six nouveaux cas portés à l'attention de la Rapporteuse spéciale concernant onze pays. Une communication adressée à la Rapporteuse par une organisation non gouvernementale allègue que, dans le cadre des efforts que déploie le Chili pour augmenter ses exportations annuelles de fruits, des pressions de plus en plus fortes s'exercent en faveur d'une utilisation accrue de substances chimiques comme le Dormex, les risques de maladie de la peau, de fausses couches, de stérilité et de cancer parmi les travailleurs agricoles augmentant d'autant. Selon des agents sanitaires, la clinique de Los Loros (un petit village de la vallée de Copiapó) a accueilli cinq travailleurs agricoles par semaine pendant les mois de forte utilisation des pesticides. La plupart d'entre eux souffraient de graves problèmes de peau dus à une surexposition au Dormex. En 2000, selon cette communication, le Chili a importé plus de 15 000 tonnes de pesticides, soit près du double du volume importé
en 1990. Dans sa réponse à la lettre que lui a adressée la Rapporteuse en décembre 2001, le Gouvernement chilien a souligné qu'il était désireux de coopérer avec elle sur ce point. Selon le Gouvernement des États-Unis, l'ingrédient actif du Dormex (cyanamide hydrogène) est un herbicide dont l'usage est autorisé aux États-Unis. Ce Gouvernement a demandé à la Rapporteuse de lui fournir des renseignements plus détaillés sur les problèmes de santé des travailleurs chiliens.
Un autre cas nouveau a trait à une communication reçue par la Rapporteuse spéciale en octobre 2001 concernant le déversement illégal allégué de mercure et de déchets dans les forêts du district de Kodaikanal Dindigual, au Tamil Nadu, en Inde. L'auteur présumé du déversement était une usine de fabrication de thermomètres, propriété de Hindustan Lever Ltd, filiale indienne de la multinationale anglo-néerlandaise Unilever. La Rapporteuse n'a reçu aucune réponse du Gouvernement indien à la lettre qu'elle lui a envoyée sollicitant ses observations concernant ces allégations. Dans sa réponse, le Gouvernement du Royaume-Uni a informé la Rapporteuse que des sociétés multinationales britanniques étaient censées se conformer aux normes énoncées dans les Principes directeurs à l'intention des entreprises multinationales de l'OCDE, bien qu'ils n'aient pas force obligatoire pour ces entreprises.
La Rapporteuse spéciale a par ailleurs reçu une communication concernant la pollution de la New River au Mexique. Les trois sources primaires de la pollution seraient, selon cette communication: les maquiladoras de Mexicali; les effluents agricoles dans la vallée de Mexicali et le ruissellement des eaux dans l'Imperial Valley. Les déchets finissent par aboutir dans la Salton Sea. Aux termes de la loi mexicaine, les déchets dangereux générés dans les maquiladoras à partir de matières brutes en provenance des États-Unis doivent être renvoyés à ce pays. Les risques sanitaires entraînés par la pollution dans la rivière sont extrêmement graves: on aurait trouvé dans l'eau des traces de 28 virus, dont celui de la typhoïde, de la salmonellose et de la polio, ainsi que des substances chimiques comme le DDT et d'autres pesticides. Le Gouvernement des États-Unis a répondu que la présence dans la New River de DDT, dont l'usage n'est plus autorisé ni aux États-Unis ni au Mexique, pourrait résulter soit de sa rémanence dans l'environnement, soit d'une utilisation illégale. Le Gouvernement mexicain a répondu que les États-Unis projetaient depuis au moins cinq ans d'assainir la Salton Sea. Le Gouvernement mexicain s'oppose à ce projet, car la preuve n'a pas été apportée que le Mexique contribue de façon significative à la pollution de la Salton Sea.
Un autre rapport reçu par la Rapporteuse spéciale allègue que la fumigation des récoltes de coca et de pavot par les Gouvernements de la Colombie et des États-Unis constitue un risque pour les communautés autochtones et paysannes des départements de Cauca et de Narino, dans le sud-est de la Colombie. La Rapporteuse spéciale a en outre reçu un rapport détaillé du Basel Action Network alléguant que des quantités importantes de déchets électroniques dangereux sont exportées des États-Unis vers des pays d'Asie tels que la Chine, l'Inde et le Pakistan pour y être recyclés; des déchets électroniques dangereux en provenance du Canada seraient également exportés en Asie pour y être recyclés. Enfin, la Rapporteuse spéciale a reçu des informations selon lesquelles un projet d'exploitation minière serait prévu dans la ville de Tambo Grande, dans le nord du
Pérou, une entreprise minière canadienne (Manhattan Minerals) s'étant vu accorder une concession en vue de l'exploitation d'un gisement de métaux précieux. L'exploitation à ciel ouvert qui est envisagée pourrait entraîner le déplacement d'une population estimée à 8 000 personnes et, selon certaines informations, la pollution des terres agricoles et de l'eau.
L'additif 1 au rapport rend compte de la mission aux États-Unis que la Rapporteuse spéciale a effectuée du 3 au 14 décembre 2001. La Rapporteuse spéciale a constaté avec satisfaction le haut niveau de perfectionnement de la législation fédérale et des législations des États en matière de produits et déchets toxiques et nocifs, mais elle a fait part au Gouvernement de six sujets de préoccupations que lui a inspiré sa visite : la ratification des instruments internationaux pertinents; la démolition de navires; l'exportation de pesticides interdits d'utilisation aux États-Unis; l'exportation de déchets toxiques vers les maquiladoras; l'exportation d'accumulateurs au plomb usagés et les effets des efforts régionaux de libéralisation du commerce. Trois autres problèmes ont été portés à son attention pendant la mission: les questions relatives aux travailleurs immigrés, les allégations de racisme idéologique et la vulnérabilité particulière des populations autochtones.
L'additif 2 au rapport rend compte de la mission au Canada que la Rapporteuse a effectuée du 17 au 30 octobre 2002. Il est mentionné que différentes questions ont été portées à l'attention de la Rapporteuse au cours de cette mission, à savoir: l'exportation de déchets électroniques dangereux en Asie; un projet d'incinérateur dans le nord de l'Ontario; la pollution transfrontière des territoires des Premières Nations; le recyclage des navires; les effets de la libéralisation du commerce extérieur; les polluants organiques persistants; les pesticides et leur exportation; la transparence et la participation des populations en ce qui concerne les décisions en matière d'environnement; et la responsabilité des entreprises vis-à-vis de la société.
Déclaration d'une délégation concernée
M. Christopher WESTDAL (Canada) a remercié la Rapporteuse spéciale pour le dialogue très constructif qu'elle a eu avec les autorités canadiennes et estimé que son rapport est équilibré. Concernant les allégations selon lesquels le Canada aurait exporté des déchets électroniques vers la Chine, le représentant a indiqué que le Canada s'est renseigné auprès du Secrétariat de la Conférence de Bâle. Il apparaît que la Chine a interdit l'importation de ces éléments et en conséquence le Gouvernement canadien en a informé immédiatement les entreprises. Des critères sont mis au point concernant l'exportation et l'importation de déchets dangereux. Le Québec et l'Ontario notamment, qui sont les provinces ayant reçu la visite de la Rapporteuse, ont pris des mesures pour renforcer les normes en ce qui concerne les produits dangereux et mettre en place des mécanismes de traçage. Le Canada a été depuis longtemps à la pointe de la lutte contre les déchets dangereux qui est une question très complexe, a rappelé le représentant qui a estimé que le travail de la Rapporteuse spéciale a beaucoup de valeur ajoutée en particulier dans le cadre du débat sur l'environnement.
Autres rapports au titre des droits économiques, sociaux et culturels
Au titre des droits économiques, sociaux et culturels, la Commission est également saisie du rapport du Secrétaire général sur l'accès aux médicaments dans le contexte des pandémies telles que celle de VIH/sida (E/CN.4/2003/48). Ce rapport rappelle que le monde compte aujourd'hui quelque 42 millions de personnes vivant avec le VIH/sida. Il souligne que des progrès importants ont été accomplis en ce qui concerne la disponibilité des tests de diagnostic et de traitements efficaces qui aident à prévenir l'apparition du sida, ou à la retarder sensiblement ainsi qu'à améliorer la qualité de vie des personnes concernées. Depuis 1996, les traitements antirétroviraux, en particulier, ont considérablement réduit les taux de mortalité dus au sida dans les pays à revenus élevés. Toutefois, en dépit d'avancées récentes, notamment de grosses diminutions des prix des médicaments antirétroviraux, la grande majorité des personnes vivant avec le VIH/sida dans les pays à faible revenu ou à revenu moyen n'ont pas accès aux médicaments de base qui combattent les maladies associées au VIH.
La Commission est également saisie d'une note du Secrétariat (E/CN.4/2003/57) qui indique que la quatrième session du Groupe de travail chargé d'élaborer des directives sur les programmes d'ajustement structurel, qui devait se tenir à Genève en novembre 2002, a été reportée dans l'attente des consultations et une nouvelle date sera fixée pour la reprise des délibérations, indique la note du Secrétariat.
La Commission est en outre saisie d'une note du Secrétariat (E/CN.4/2003/47) qui indique que, conformément à la résolution 2002/22 de la Commission, une note verbale a été adressée le 1er août 2002 à toutes les missions permanentes auprès de l'Office des Nations Unies à Genève en vue de solliciter les vues de leurs gouvernements sur les incidences des mesures coercitives et unilatérales. Au 10 décembre 2002, aucune réponse n'avait été reçue, souligne la note du Secrétariat.
La Commission est également saisie du rapport du Secrétaire général établi conformément à la résolution 2002/24 de la Commission relative à la question de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels et études des problèmes particuliers que rencontrent les pays en développement dans leurs efforts tendant à la réalisation de ces droits de l'homme (E/CN.4/2003/46). Ce rapport conclut notamment que des initiatives visant à promouvoir les droits économiques, sociaux et culturels se développent à tous les niveaux (notamment au sein du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, de la Commission, du Haut Commissaire aux droits de l'homme et des institutions spécialisées). Toutefois, l'élaboration de méthodes concrètes axées sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels en est encore à un stade préliminaire et de nouvelles mesures doivent être prises pour en assurer l'application et l'intégration effectives dans les stratégies nationales de développement, affirme le rapport.
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