COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME : L'EXPERT INDEPENDANT SUR LE DROIT AU DEVELOPPEMENT PRECONISE LA RESPONSABILITE PARTAGEE
Communiqué de presse DH/G/182 |
Commission des droits de l'homme
COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME : L'EXPERT INDEPENDANT SUR LE DROIT AU DEVELOPPEMENT PRECONISE LA RESPONSABILITE PARTAGEE
La Commission mène des consultations sur la possibilité de tenir
une séance extraordinaire consacrée à la situation humanitaire en Iraq
GENÈVE, 26 mars -- La Commission des droits de l'homme a abordé, ce matin, l'examen de la question du droit au développement. Elle a entendu dans ce cadre M. Arjun Sengupta, Expert indépendant sur le droit au développement, et M. Bonaventure Bowa, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement.
Reconnaissant la responsabilité première des États en matière de stratégie de développement, l'Expert indépendant s'est déclaré d'avis que la mondialisation ouvrait des possibilités aux États tandis que les institutions financières internationales et les règles du commerce international entravaient leur potentiel. Il a particulièrement regretté que certains membres de la communauté internationale ne soient pas prêts, politiquement, à accepter le principe de leurs obligations concernant le droit au développement. Les efforts consentis par les États doivent être appuyés par tous les acteurs impliqués dans le développement, a insisté M. Sengupta, qui a apporté des précisions sur ce principe de responsabilité partagée et a proposé un modèle de développement fondé sur un système d'obligations réciproques. Suite à cette présentation, les délégations ont tenu un dialogue «interactif» avec l'Expert indépendant.
Pour sa part, M. Bowa s'est déclaré favorable à ce que le Haut Commissariat aux droits de l'homme recueille les bonnes pratiques en matière de mise en œuvre du droit au développement et convoque un séminaire sur cette question qui rassemblerait tous les acteurs du droit au développement. Dans la mesure où le Groupe de travail n'est toujours pas parvenu à un accord, il a demandé à la Commission, au vu des avancées enregistrées lors de la quatrième session, de proroger d'un an le mandat du Groupe de travail sur le droit au développement.
Au cours du débat général qui a suivi, plusieurs délégations, dont le Paraguay, s'exprimant au nom du Mercosur, ont appelé l'attention sur les inégalités qui continuent de régir le commerce international. Le représentant sud-américain a dénoncé en particulier les fortes subventions que les pays développés accordent à leur agriculture, secteur particulièrement important pour les pays en développement. Il a souligné qu'un tel protectionnisme entravait la capacité des pays en développement à générer les ressources nécessaires à la mise ne œuvre d'une stratégie économique de croissance et à la réalisation des droits fondamentaux de leur population, notamment le droit à l'éducation, à la santé, et à un niveau de vie décent.
Dans l'ensemble, les délégations ont appelé les pays du Nord à faire preuve d'une plus grande volonté politique en vue de réformer l'ordre économique international vers une plus grande équité. Pour sa part, le représentant de la Grèce a présenté la réponse de l'Union européenne aux conférences sur le développement durable et sur le financement du développement qui se sont tenues l'année dernière à Monterrey et à Johannesburg, respectivement. Il a assuré que des efforts seraient consentis en vue d'améliorer le fonctionnement du commerce international.
Les représentants des pays suivants se sont exprimés sur les questions relatives au droit au développement : Malaisie (au nom du Mouvement des pays non alignés), Afrique du Sud (au nom du Groupe africain), Costa Rica (au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes), Paraguay (au nom du Mercosur), Grèce (au nom de l'Union européenne), République arabe syrienne, Chine, Mexique et Kenya.
À l'ouverture de la séance ce matin, les États-Unis, la République arabe syrienne et la Suisse ont exercé leur droit de réponse dans le cadre du débat général sur l'élimination du racisme et de toutes les formes de discrimination.
Avant d'entamer l'examen du droit au développement, la Présidente de la Commission, Mme Najat El Mehdi Al-Hajjaji, a fait part d'une demande de convocation d'une séance extraordinaire de la Commission des droits de l'homme consacrée à la situation en Iraq, émanant de neuf membres de la Commission (République arabe syrienne, Soudan, Malaisie, Jamahiriya arabe libyenne, Burkina Faso, Zimbabwe, Fédération de Russie et République démocratique du Congo). Cette réunion spéciale aurait pour objectif d'examiner les conséquences de la guerre sur le peuple iraquien et la situation humanitaire, et de réaffirmer l'applicabilité de la Quatrième Convention de Genève par les belligérants. À l'issue d'un bref échange de vues entre l'Afrique du Sud (au nom du Groupe africain), l'Algérie, et l'Allemagne (au nom du Groupe occidental) qui estimait qu'il fallait attendre la fin de la réunion du Conseil de sécurité qui se tiendra cet après-midi à New York, la Commission a décidé de reporter sa décision de vingt-quatre heures. En fin de séance, le représentant de la République arabe syrienne a proposé l'intitulé suivant : «séance extraordinaire sur les droits de l'homme et la situation humanitaire en Iraq en conséquence de la guerre». Cette réunion spéciale pourrait avoir lieu dès le 26 mars prochain.
La Commission poursuivra, cet après-midi, à partir de 15 heures, son débat général sur le droit au développement.
Présentation du rapport sur le droit au développement
M. ARJUN SENGUPTA, Expert indépendant sur le droit au développement, a souligné que la réalisation du droit au développement demande, en premier lieu, que les États concernés prennent des mesures adéquates destinées à instaurer un climat propice à la croissance économique. En deuxième lieu, ces États doivent également mettre en œuvre des politiques sectorielles en vue d'assurer la réalisation des autres droits fondamentaux et, en troisième lieu, ces politiques doivent respecter les principes de non-discrimination, de transparence et de responsabilité. Toutefois, les efforts consentis par les États doivent être appuyés par tous les acteurs impliqués dans le développement, qui ont également une obligation de respecter les droits fondamentaux. L'expert indépendant a apporté des précisions sur ce principe de responsabilité partagée et a proposé un modèle de développement fondé sur un système d'obligations réciproques. Il a insisté sur le fait que la communauté internationale devait respecter ses obligations en matière de coopération, dans un cadre bilatéral et multilatéral.
M. Sengupta a déclaré que le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) s'approche du modèle de développement qu'il préconise. En effet, les pays africains se sont engagés à mettre en œuvre un programme en vue d'assurer le développement économique dans un contexte de respect des droits de l'homme. Ils ont également identifié la nature de la coopération internationale dont ils ont besoin pour la mise en œuvre de ce programme et se sont efforcés de construire des partenariats avec les donateurs bilatéraux et les institutions multilatérales. Toutefois, il a regretté que les droits de l'homme ne soient pas complètement intégrés au NEPAD, qui ne propose pas de cadre suffisant pour assurer le respect de l'obligation redditionnelle. En outre, a-t-il poursuivi, les accords de partenariats ne sont pas fondés sur la reconnaissance des obligations contraignantes qui pèsent sur la communauté internationale.
L'Expert indépendant a également proposé un cadre en vue d'analyser le processus de mondialisation et le fonctionnement du système international, et leurs conséquences sur la capacité des pays en développement d'assurer la réalisation du droit au développement. Il a expliqué que la mondialisation ouvre des possibilités aux États mais que les institutions financières internationales et les règles qui régissent les transactions entravent leur potentiel. Par ailleurs, il a fait valoir qu'il y a aussi des raisons de se féliciter. Ainsi, on remarque, d'une part, que le droit au développement et ce qu'il implique est mieux compris et, d'autre part, que les pays en développement sont prêts à accepter qu'il leur appartient d'élaborer et de mettre en œuvre une stratégie générale de développement. Il s'est félicité que les pays en développement ont également une meilleure conscience de l'interdépendance et de l'indivisibilité de tous les droits de l'homme, notamment du fait que la réalisation des droits économiques et sociaux est liée au respect des droits civils et politiques. Il a souligné l'avantage de la reconnaissance de ces approches du développement fondées sur le respect des droits de l'homme, ce qui permet d'identifier les obligations et responsabilités tant des États que de la communauté internationale. Il a regretté qu'en dépit des progrès enregistrés, certains membres de la communauté internationale ne soient pas prêts, politiquement, à accepter le principe de leurs obligations concernant le droit au développement.
En conclusion, M. Sengupta a souligné la nécessité de poursuivre l'étude de faisabilité de ce pacte en faveur du développement en consultation avec les donateurs et les institutions multilatérales et d'explorer les possibilités d'incorporer les mécanismes de cette stratégie de développement dans les mécanismes nationaux et internationaux existants. Il a appuyé l'avis du Haut Commissaire aux droits de l'homme selon lequel le Groupe de travail sur le droit au développement est la seule instance internationale qui traite de la question du développement dans le cadre des droits de l'homme. Il a conclu en se félicitant de sa récente visite en Argentine où il a bénéficié d'une pleine coopération des autorités.
Dialogue interactif avec l'Expert indépendant
Le représentant de la Grèce a demandé à l'Expert indépendant s'il était nécessaire de reprendre les questions des droits de l'homme au cœur des activités de la Banque mondiale et s'il avait procédé à une analyse de la mise en œuvre du droit au développement au plan national.
Le représentant de Cuba a demandé si l'Organisation mondiale du commerce était vraiment favorable au développement des pays du Sud. Comment favoriser le développement économique de ces pays? Existe-t-il des voies ou modes de résolution des déséquilibres du monde économique actuel?
Pour le représentant de la Norvège, les instruments des droits de l'homme entraînent des obligations particulières pour les États, premiers responsables de l'établissement de politiques devant assurer le développement. Avec son concept d'obligations mutuelles, M. Sengupta semble dédouaner les États de leurs responsabilités, a observé le représentant.
Le représentant de l'Argentine a commenté le rapport du Groupe de travail sur le droit au développement en relevant qu'il semble qu'il ait été difficile de déterminer l'impact de la dimension internationale des problèmes, notamment du point de vue des politiques financières internationales, sur la réalisation du droit au développement. L'Argentine aimerait savoir s'il est prévu d'examiner plus avant cette question.
L'Expert indépendant, M. Sengupta a affirmé que les droits de l'homme doivent effectivement être intégrés dans les pratiques de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, qui d'ailleurs, à maints égards, les ont déjà pris en compte. Certes, ces institutions financières internationales ne vont pas jusqu'à utiliser des notions de droits de l'homme telles que l'équité dans la participation, a-t-il toutefois admis. En outre, seuls quelques rares gouvernements ont intégré le droit au développement dans leur politique, a fait observer l'Expert indépendant. À cet égard, le Népal fournit probablement l'un des meilleurs exemples, quoique inachevé, d'une telle prise en compte. L'État est certes le premier mais pas le seul responsable de la réalisation du droit au développement; a par ailleurs rappelé l'Expert indépendant.
Présentation du rapport du Groupe de travail sur le droit au développement
M. BONAVENTURE M. BOWA, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement, a présenté son rapport (E/CN.4/2003/26, à paraître) en rappelant que lorsqu'il avait été élu à la présidence de ce Groupe, il avait mis l'accent sur l'importance que revêt la progression des débats au sein du Groupe pour la vie de millions d'individus vivant dans la pauvreté. Or, M. Bowa a affirmé qu'il y a eu certains progrès même s'ils n'ont pas eu l'ampleur qu'il aurait souhaitée. Le Président-Rapporteur s'est dit encouragé de constater combien étaient proches les positions des diverses délégations s'agissant des principales questions discutées. Le Groupe de travail s'est réuni le 24 mars pour adopter le résumé de ses débats et a pris note des points de vue et recommandations de son Président-Rapporteur tels que contenus dans l'annexe I du rapport.
Présentant ses observations et recommandations fondées sur les discussions qui se sont tenues au cours de la quatrième session du Groupe, M. Bowa a indiqué qu'il recommande que le Haut Commissariat aux droits de l'homme recueille les bonnes pratiques en matière de mise en œuvre du droit au développement. M. Bowa recommande en outre que l'Expert indépendant poursuive l'étude de la faisabilité d'une application du pacte de développement proposé, en consultation avec les donateurs bilatéraux, les institutions multilatérales et les autres parties prenantes. M. Bowa a indiqué qu'un point de vue dominant exprimé au sein du Groupe de travail consistait à souhaiter que l'Expert indépendant fournisse à la prochaine session du Groupe une analyse plus détaillée de l'impact, sur le droit au développement, de questions telles que le commerce international, l'accès aux technologies, la bonne gouvernance et l'équité au niveau international, sans oublier le fardeau de la dette. Il a également été souligné que si le processus de mondialisation et la libération des forces du marché qui l'accompagne, ainsi que les flux commerciaux et d'investissements, offrent de nouvelles opportunités, ils ne sauraient par eux-mêmes aboutir à la réalisation du droit au développement ou à la réduction de la pauvreté. Se fait également sentir un besoin urgent de mesures visant à promouvoir la bonne gouvernance, tant au niveau national qu'au niveau international. Dans ce contexte, le Président-Rapporteur s'est dit d'avis que les États devraient, entre autres mesures, s'engager à éliminer les barrières protectionnistes opposées aux exportations des pays en développement et supprimer les subventions accordées à certains secteurs économiques qui affectent négativement les exportations des pays en développement.
Le Groupe de travail a par ailleurs débattu de la question de la tenue d'un séminaire d'experts sur les aspects essentiels du droit au développement. Les délégations avaient différentes positions sur cette question, a indiqué le Président-Rapporteur. M. Bowa s'est dit favorable à ce que la Commission facilite la tenue d'un tel séminaire. Il a en outre indiqué que la question d'un mécanisme permanent adéquat serait réexaminée de manière plus approfondie par le Groupe de travail lors de sa prochaine session afin de clarifier les options qui s'offrent en la matière. M. Bowa a enfin recommandé que le mandat du Groupe de travail soit prorogé d'un an.
Autres rapports sur le droit au développement
Pour l'examen de cette question, la Commission est également saisie d'un rapport du Haut Commissaire sur le droit au développement (E/C.N.4/2003/7) qui présente, entre autres, les activités du Haut Commissariat aux droits de l'homme relatives à l'application du droit au développement et dresse le bilan de l'application des résolutions de la Commission des droits de l'homme et de l'Assemblée générale ayant trait au droit au développement.
La Commission est également saisie d'un rapport du Haut Commissaire aux droits de l'homme sur le principe d'équité: son importance et son application aux niveaux national et international (E/CN.4/2003/25). Sont présentés dans ce rapport les divers emplois et diverses occurrences du terme «équité» dans les contextes dans lesquels il apparaît et les observations faites à ce sujet par différentes sources. Les réponses reçues de plusieurs États Membres, de la CNUCED, de l'OMC et des autres organisations et institutions internationales compétentes sont également présentées dans ce rapport. Au titre de ses conclusions, le Haut Commissaire observe qu'aucun des instruments relatifs aux droits de l'homme adoptés sous les auspices des Nations Unies ne donne de définition de l'«équité». Pourtant, le terme apparaît parfois dans les textes ainsi que dans les recommandations ou les observations générales adoptées par les organes de contrôle de l'application des traités. Il revient plus fréquemment dans les décisions des grands organes délibérants des Nations Unies qui s'occupent des droits de l'homme et dans les rapports de certains experts mandatés par la Commission des droits de l'homme ou la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme. L'équité est aussi souvent évoqué lors des conférences mondiales. La Déclaration du Millénaire, en particulier, reconnaît qu'il existe, en plus des responsabilités distinctes de chaque société, une responsabilité collective en ce qui concerne le respect des principes de la dignité humaine, de l'égalité et de l'équité au niveau mondial.
Débat sur le droit au développement
Mme HUSSAIN RAJMAH (Malaisie, au nom du Mouvement des pays non alignés) a déclaré que le mouvement des non alignés est très inquiet de ce que, dix ans après la déclaration de Vienne, aussi peu de progrès aient pu être réalisés en faveur de la réalisation du droit au développement. Les comportements de certains membres du Groupe de travail sur le droit au développement affaiblissent le mandat du Groupe, comme il est apparu clairement lors de sa quatrième session. Le résultat de ces menées est que la réalisation du droit au développement est maintenant reléguée au rang d'obligation nationale et de coopération bilatérale, alors qu'il faudrait bien plutôt promouvoir une approche internationale. Ces appréhensions sont confirmées par une déclaration de la délégation des États-Unis du 21 mars dernier, où il est dit que «la Commission des droits de l'homme est la seule institution créée pour traiter exclusivement des questions des droits civils et politiques», interprétation très restrictive des activités de la Commission. Son mandat couvre en fait tous les droits de l'homme, y compris les dimensions économique, sociale, culturelle et relative au développement. Les droits de l'homme sont universels, indivisibles et interdépendants.
M. SIPHO GEORGE NENE (Afrique du Sud s'exprimant au nom du Groupe africain) a dénoncé le climat de pauvreté endémique et d'instabilité que le colonialisme et l'esclavage ont laissé derrière eux et qui méritent toute l'attention de la communauté internationale. Il a rappelé que Durban avait été l'occasion de s'accorder sur des mesures réparatrices dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, qui prévoit un renforcement de la coopération en vue de favoriser l'accès aux marchés, la libéralisation du commerce, les transferts de technologie, l'accroissement de l'investissement étranger direct. Dans ce contexte, il a exprimé son plein appui à la proposition du Haut Commissaire de réunir un séminaire qui rassemblerait les principaux acteurs dans le domaine des droits de l'homme, du commerce et du développement en vue d'élaborer des stratégies novatrices permettant d'intégrer le développement dans les programmes des institutions financières internationales et des organisations chargées du développement.
Le représentant sud-africain a ensuite réaffirmé que les deux Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques, d'une part, et, aux droits économiques, sociaux et culturels d'autre part, doivent être traités sur un pied d'égalité. À cet égard, il s'est dit déçu que le Groupe de travail n'ait pas réussi à se prononcer. Il a déploré le manque de volonté politique dont font preuve certains partenaires des pays développés et a appelé les membres du Groupe occidental, notamment, à démontrer leur engagement en faveur de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. En dernier lieu, il a expliqué qu'il serait trop simple de réduire le droit au développement à l'aide publique au développement. Le droit au développement doit se fonder sur des partenariats durables et fiables, a-t-il déclaré.
M. MANUEL A. GONZÁLEZ-SANZ (Costa Rica, au nom du Groupe des pays d'Amérique latine et des Caraïbes - GRULAC) a affirmé que la conscience et la volonté politique des différents acteurs ont toujours constitué la véritable clef permettant d'expliquer les avancées ou les régressions enregistrées dans la mise en marche du droit au développement. Personne ne conteste qu'il existe une responsabilité première incombant à chaque État pour ce qui est d'assurer la jouissance du droit au développement. Mais si les conditions internationales ne sont pas équitables, les efforts nationaux déployés par les différents pays afin d'améliorer les niveaux de développement et de bien-être de leurs populations se verront hypothéqués. L'indifférence face à cette dimension internationale de l'équité et face au rôle que le droit au développement peut jouer en matière de prévention des conflits ne peut qu'exacerber les tensions et creuser les différences entre pays développés et pays en développement. Aussi, le GRULAC déplore-t-il profondément l'affaiblissement du climat d'entente au sein du Groupe de travail. Le GRULAC invite tous les acteurs de la communauté internationale à cultiver le dialogue, la confiance et la solidarité permettant de réaliser le droit au développement.
Mme CLAUDIA PÉREZ ÁLVAREZ (Cuba) a déclaré que l'ordre économique mondial actuel constitue un système d'exploitation comme l'histoire n'en a jamais vu, l'économie ressemblant à un casino, la spéculation sur les devises atteignant des sommes astronomiques. Les réformes économiques demandées aux pays en voie de développement par les agences financières internationales empêchent ces États de remplir leurs obligations en matière de droit au développement. Tandis que le service de la dette étrangle les pays du Sud, les pays développés n'ont pas atteint le but fixé voici trente ans de porter à 0,7% de leur PNB leur part d'aide au développement (ce taux n'atteint que 0,22% en moyenne, le pire étant les États-Unis, avec 0,11%).
Les responsabilités nationales et internationales quant à la réalisation du droit au développement sont d'importance égale et indissolublement liées. Il faut adopter de nouveaux moyens et des politiques d'action applicables au niveau mondial et favorables aux intérêts des pays en voie de développement. Enfin, le peuple cubain exige que l'on mette un terme à la violation de ses droits humains et que soit levé l'embargo imposé par les États-Unis contre son territoire.
M. RUBÉN RAMÍREZ LEZCANO (Paraguay, au nom du MERCOSUR) a insisté sur le fait que la réalisation effective du droit au développement pave la voie vers la réalisation de tous les droits de l'homme. Il a rendu compte de l'Accord d'Asunción par lequel les pays du Mercosur se sont engagés à réaliser le droit au développement par des efforts nationaux et internationaux. Il a insisté sur le fait que les mesures nationales doivent être mises en œuvre dans un climat international propice à la réalisation du droit au développement. Dans ce contexte, il a appelé l'attention sur l'un des obstacles majeurs à la réalisation de ce droit que constituent les subventions que les pays développés accordent à leur agriculture, secteur fondamental pour une grande partie du monde en développement, notamment en vue d'assurer sa sécurité alimentaire et de créer des emplois. Il a dénoncé le déséquilibre qui s'ensuit au plan international et qui a des conséquences négatives sur la capacité de la majeure partie des pays en développement de créer des ressources nécessaires à la promotion des droits de l'homme et particulièrement des droits à la vie, à l'alimentation, à l'éducation, à la santé, au logement et à un niveau de vie décent. Le représentant paraguayen a condamné ce protectionnisme des pays développés qui grèvent ainsi les processus de financement du développement. Pour toutes ces raisons, il a souligné l'importance de mettre définitivement fin à la discrimination et aux inégalités dans le commerce international et a demandé qu'on entame un processus de négociations en vue de définir les règles qui doivent régir le commerce international.
M. TASSOS KRIEKOUKIS (Grèce, au nom de l'Union européenne, des pays accédant à l'Union et des pays associés) a indiqué que l'Union européenne croit fermement que la promotion et la protection des droits de l'homme, y compris pour ce qui est du droit au développement, relèvent de la responsabilité et du privilège de chaque État. Les autres États et la communauté internationale peuvent et devraient coopérer aux fins de la réalisation de ces objectifs, a-t-il ajouté. Reconnaissant que la pauvreté, en particulier sous ses formes extrêmes, a un grave impact négatif sur le processus de développement et sur la capacité des individus à jouir pleinement de tous leurs droits de l'homme, le représentant grec a souligné que l'Union européenne participe activement aux efforts de la communauté internationale visant à réduire de moitié d'ici 2015 le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté à travers le monde.
Le représentant de l'Union européenne a indiqué que la Communication sur le commerce et le développement adoptée par la Commission européenne le 18 septembre dernier et les conclusions sur la même question adoptées par le Conseil des ministres des affaires étrangères le 19 novembre suivant, ainsi que le document intitulé «Commission européenne: le commerce au service du développement» présenté le 10 février dernier par le Commissaire européen sur le commerce et par son homologue en charge du développement et de l'aide humanitaire fixent le cadre politique de l'Union européenne pour ce qui a trait à l'intégration du commerce dans les politiques de développement de l'Union. Ces documents constituent la réponse de l'Union européenne aux conférences de Doha, Monterrey et Johannesburg.
Les efforts des gouvernements nationaux en faveur de la promotion des droits de l'homme, y compris pour ce qui est du droit au développement et de la lutte contre la pauvreté, continueront d'être favorisés par les améliorations qui pourront être apportées à l'environnement international et par l'action de soutien des donateurs bilatéraux et des institutions multilatérales. Dans ce contexte, l'Union européenne tient à réitérer son engagement en faveur de l'objectif de 0,7% du PIB consacrés à l'aide au développement.
La bonne gouvernance aux niveaux national et international est essentielle pour la réalisation du droit au développement, a poursuivi le représentant grec. En outre, a-t-il fait observer, le respect de la primauté du droit est important tant pour attirer les investissements directs étrangers que pour contribuer à la réalisation des droits de l'homme. Au niveau international, la bonne gouvernance devrait avoir pour objectif de rendre le système de coopération internationale en faveur du développement plus efficace, plus cohérent et plus transparent. En outre, l'Union européenne appuie les efforts actuellement déployés afin de renforcer l'intégration de paramètres de garanties sociales et environnementales dans les méthodes opérationnelles des institutions financières internationales. S'agissant de la question de la dette, les pays donateurs doivent prendre des mesures afin d'assurer que les ressources affectées à l'allègement de la dette ne sont pas prises sur les ressources de l'aide
M. HUSSEIN ALI (République arabe syrienne) a déclaré que malgré la proclamation de l'universalité des droits de l'homme, leur mise en œuvre reste très sélective. Beaucoup de promesses sont faites en leur nom en échange de services politiques ou économiques. L'évaluation des progrès réellement accomplis en la matière reste difficile à établir, car à côté de progrès scientifiques et matériels indéniables, l'homme reste l'otage de ses besoins et de ses ambitions. Les conflits causent ainsi les pires crimes: destructions, déportations, crimes ethniques, comme ceux que pratique Israël dans les territoires qu'il occupe. Privation des terres, destructions des commerces et des récoltes. Les rapports des organisations non gouvernementales sont unanimes: l'occupation du Golan par Israël est une catastrophe humanitaire. Les territoires arabes occupés par Israël doivent être évacués. Deux pays ont récemment décidé d'intervenir en Iraq, soi-disant au nom de la démocratie. Mais c'est aux bombes que le peuple iraquien a droit. Quant au respect de ses droits culturels et à l'éducation, on assiste au bombardement de l'Université. En outre, le droit à l'eau est nié par les pénuries d'eau actuelles. Ne rien dire de la terreur qui s'abat contre cette population, c'est être complice de ce crime.
M. SHA ZUKANG (Chine) a expliqué que la réalisation du droit au développement s'appuie sur les efforts conjoints de la communauté internationale et des États. Il a reconnu que la responsabilité de l'élaboration de stratégies de développement reposait au premier chef sur les États, mais a estimé que cette obligation des États n'autorisait en rien la communauté internationale à décider du type de réformes dont un pays a besoin. Les pays sont tous différents et l'expérience de l'un ne s'applique pas forcément à l'autre, a-t-il précisé. Il a rappelé que les instruments internationaux reconnaissent aux États le droit de décider librement de leur développement économique et culturel. Il a insisté sur le fait que les États et la communauté internationale devraient chacun s'acquitter des responsabilités qui leur incombent. Ainsi, la communauté internationale devrait garantir l'égale participation des pays en développement dans l'élaboration des règles internationales. Il a estimé qu'il était temps de modifier l'ordre économique irrationnel qui règne au plan international.
En outre, la communauté internationale devrait fournir aux pays en développement l'assistance technique et financière dont ils ont besoin et s'attacher à réduire le fardeau de la dette. S'agissant des progrès du Groupe de travail sur le droit au développement, le représentant chinois a regretté que les efforts de son président, M. Bonaventure Bowa, et de ceux de M. Mohamed-Salah Dembri avant lui, n'aient pu être couronnés de succès à cause du manque de volonté politique de certains États. Il a formé le vœu que ces États adoptent désormais une attitude plus constructive et s'est déclaré favorable à une extension du mandat du Groupe de travail.
Mme MARICLAIRE ACOSTA (Mexique) a rappelé que le droit au développement est un droit inaliénable de la personne. Certes, c'est aux États qu'incombe la responsabilité première pour ce qui est de la réalisation du droit au développement; mais il faut plus que jamais prendre conscience du fait que le chemin du succès, dans ce domaine, passe par un engagement renouvelé de la communauté internationale par le biais de la coopération. Parallèlement à une telle coopération internationale, d'autres moyens sont à portée de main pour atteindre l'objectif fixé, a souligné la représentante mexicaine. Il en va ainsi du renforcement de la participation des pays en développement dans le processus des prise de décision dans les domaines économique et financier internationaux; de l'instauration d'un système de commerce multilatéral propre à favoriser l'accès aux marchés pour les produits originaires des pays en développement; du règlement du problème de la dette; et de l'établissement d'une nouvelle architecture financière internationale susceptible de promouvoir l'investissement productif et la croissance durable au niveau mondial. Le Mexique estime en outre qu'il faut renforcer le Groupe de travail sur le droit au développement. Selon le Mexique, avancer sur la voie du suivi des conclusions présentées par le Groupe de travail en 2002 doit être le point de départ de la relance de la discussion sur le droit au développement au sein de la Commission des droits de l'homme. La représentante mexicaine a indiqué que son pays appuie la création d'un mécanisme permanent de suivi de l'exercice du droit au développement
M. MICHAEL OYUGI (Kenya) a regretté la tendance, au sein de la Commission, à porter l'attention presque exclusivement sur les droits civils et politiques. La bonne gouvernance, la démocratie, la liberté d'expression et les libertés sont importantes, et doivent être respectés et défendus. Mais les droits économiques, sociaux et culturels sont tout aussi importants, de même que le droit au développement, qui doit être promu avec la même vigueur. Le représentant kenyan a noté déclaré que, malgré certains éléments encourageants, le Groupe de travail sur le droit au développement n'a pas été en mesure de poursuivre ses travaux sur la base des conclusions qui ont fait l'objet d'accords par le passé. Le Groupe n'a pas non plus été en mesure de dégager un consensus sur les rapports et recommandations de l'expert indépendant. La situation actuelle est donc dans l'impasse. La responsabilité en incombe au manque de volonté politique de la part de certaines délégations de pays industrialisés de réfléchir sérieusement au contenu des rapports et études présentés par l'expert indépendant. L'application du droit au développement demande l'engagement constructif de tous les États, y compris ceux du Nord. Des politiques doivent être appliquées au niveau des pays ainsi que la création de relations économiques équitables au niveau international, cette étape passant notamment par l'abolition des subventions et des barrières protectionnistes excluant les pays en voie de développement des importants marchés des pays occidentaux.
Droits de réponse dans le cadre du débat sur la question du racisme et de la discrimination
Le représentant des États-Unis a déclaré que ce pays restait l'un des plus ouverts du monde moderne et a rejeté les accusations d'institutionnalisation du racisme aux États-Unis. Il a souligné que le FBI a ouvert 400 enquêtes concernant des crimes anti-musulmans. Après une flambée dans le sillage du 11 septembre, les taux de perpétration de ces crimes ont à nouveau diminué. Dans leur lutte contre le terrorisme, les États-Unis prennent des précautions et reconnaissent que les musulmans des États-Unis sont, dans leur écrasante majorité, des citoyens au-dessus de tout reproche. Tous les individus détenus depuis le 11 septembre l'ont été pour des raisons valables, trois personnes sont encore détenues en raison de soupçons sur leur implication directe dans les attentats.
Le représentant de la Syrie a déclaré que certaines parties accusent les Arabes d'antisémitisme, ce qui est étrange, les Arabes étant eux-mêmes des Sémites. Arabes et Juifs ont toujours vécu ensemble jusqu'à la naissance d'Israël. Accuser d'antisémitisme ceux qui s'opposent à ces projets est absurde, accuser d'antisémitisme ceux qui condamnent les responsables des massacres de Sabra et Chatila, c'est inadmissible. La tolérance fait partie de l'islam, a rappelé le représentant syrien.
Le représentant de la Suisse a répondu à l'intervention faite, hier après-midi, par l'Association pour l'éducation mondiale en affirmant que la Suisse prend acte du fait que cette organisation non gouvernementale a noté les arrêts pris par les tribunaux suisses concluant que les Protocoles des Sages de Sion sont des écrits outrageants et calomnieux de la pire espèce.
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