SG/SM/8883

LE SECRETAIRE GENERAL AFFIRME QUE LA MISSION D’ASSISTANCE DE L’ONU DOIT S’ADAPTER AUX IMPERATIFS DE SECURITE DE SON PERSONNEL

19/09/2003
Communiqué de presse
SG/SM/8883


LE SECRETAIRE GENERAL AFFIRME QUE LA MISSION D’ASSISTANCE DE L’ONU DOIT S’ADAPTER AUX IMPERATIFS DE SECURITE DE SON PERSONNEL


On trouvera ci-après les remarques du Secrétaire général à l’occasion de la cérémonie commémorative, à New York, le 19 septembre 2003, en l’honneur des collègues tués lors de l’attentat à la bombe contre la Mission des Nations Unies à Bagdad :


Permettez-moi tout d’abord de remercier les familles et les amis qui se sont déplacés pour se joindre à nous aujourd’hui, et d’offrir mes prières à ceux qui n’ont pas pu venir. Vous tous, conjoints, mères, pères, enfants, frères et sœurs et autres qui avez perdu un être cher, sachez que nous sommes de tout cœur avec vous.


Je crois que je parle au nom de la majorité d’entre nous en disant que le mois qui vient de s’écouler a été l’un des plus longs et des plus tristes de notre vie.


Aujourd’hui, nous partageons le choc et le chagrin d’avoir perdu des personnes que nous aimions. Nous sommes ici pour réunir leur famille avec notre famille des Nations Unies. Nous prions pour ceux qui ont été blessés au cours de cette tragédie, pour leur santé et leur rétablissement. Nous prions pour ceux qui ont survécu, mais qui souffrent d’un traumatisme que le reste d’entre nous ne peut pas imaginer.


Nous sommes réunis pour exprimer ensemble ce qui ne peut pas être supporté dans la solitude.


Même pour ceux d’entre nous qui ont une expérience de la mort et des souffrances sur une grande échelle, cette tragédie est différente parce qu’elle est la nôtre.


Lorsque nous avons entendu les noms de ceux que nous avions perdus le 19 août 2003, la nature même de cette perte est devenue soudainement et fortement personnelle.


      Beaucoup d’entre nous connaissaient fort bien un ou plusieurs de ceux qui ont été tués. Même si ce n’était pas le cas, nous connaissions quelqu’un d’autre qui les connaissait. Nous avons le sentiment que nous les connaissions tous.


C’est pourquoi, un mois plus tard, il nous semble que l’expression « famille des Nations Unies » a pris une signification plus profonde.


Et si certains ont besoin d’un exemple du comportement le meilleur et le plus brillant, le plus engagé et le plus courageux, de notre famille des Nations Unies, qu’ils se souviennent des hommes et des femmes qui ont péri au Canal Hotel.


Beaucoup d’entre eux étaient à l’apogée de leur carrière. D’autres venaient à peine de commencer, et devaient encore montrer leur potentiel lorsqu’ils se sont portés volontaires pour une affectation en Iraq. Ils étaient tous dans la fleur de l’âge et ils laissent tous derrière eux un vide énorme.


Ils constituent une liste de héros qui ferait l’envie de toute nation.


Il m’est impossible, même en faisant preuve de beaucoup d’imagination, de parler au nom de ceux qui ont partagé leur vie. Cette histoire non écrite ne peut être révélée que par l’amour de leur famille, de leurs amis et de leurs camarades, et c’est en fait l’histoire la plus éloquente.


Je peux uniquement m’exprimer comme l’un de ceux, si nombreux, qui partagent un même sentiment de peine, d’affection et de respect à la suite de leur décès. C’est dans cet esprit que je vais essayer de m’adresser à chacun d’entre eux aujourd’hui.


-     Tout d’abord, à nos fonctionnaires nationaux – Raid, Leen, Ihssan, Emaad et Basim – je dis ceci : vous n’étiez pas seulement indispensables pour nos activités en Iraq, vous n’étiez pas seulement des membres appréciés de notre équipe des Nations Unies dans ce pays. Vous formiez également un pont humain précieux entre nous et le peuple iraquien. Plusieurs d’entre vous travaillaient pour l’Organisation depuis de nombreuses années, dans des circonstances difficiles, même dans les périodes où nous ne pouvions pas maintenir une présence internationale en Iraq. Nous ne pourrons jamais vous récompenser pour votre courage.


-Quant à nos collègues internationaux, je vais m’adresser à eux un par un :


-Reham, tu étais si jeune, et pourtant tu avais déjà accompli tant de choses. Il n’y aurait eu aucune limite à ce que tu aurais pu faire au cours de ta vie. Tu avais choisi de travailler pour l’Organisation des Nations Unies parce que tu voulais faire quelque chose pour autrui. Tu étais allé en Iraq pour apporter une contribution à la vie de tes frères et sœurs arabes. Le fait que tu n’as pas eu la possibilité de le faire est une perte pour eux autant que pour nous.


-Ranilo, tu étais calme, diligent, courtois et prêt à travailler pendant toutes les heures que Dieu t’a accordées. Tu faisais preuve de générosité envers tous autour de toi. Et tu étais un fils et un frère très dévoué pour la famille que tu avais laissée dans ton pays. Tu n’as jamais laissé la distance ou les années de séparation créer un fossé entre toi et ces êtres chers.


-Rick, tu étais non seulement un arabisant passionné, mais également quelqu’un de motivé par un engagement tout aussi passionné en faveur de la paix, de la justice et des droits de l’homme. Tu éblouissais les autres par ton intelligence et ton érudition, mais tu te faisais également des amis à vie grâce à une gentillesse et à une sagesse rares pour quelqu’un de ton âge. Tu as consacré la plus grande partie de ta carrière – et la plupart des heures de veille de nombreuses journées – à trouver des moyens d’aider la population du Moyen-Orient et du monde arabe. Et tu as maintenant perdu la vie au cours d’une mission que tu aimais tellement. Le peuple iraquien a perdu un défenseur remarquablement doué; nous avons perdu un ami très cher.


-Reza, dans ton travail dévoué pour atténuer la situation tragique des réfugiés, tu n’as jamais refusé les défis ou les tâches difficiles. Et tu as toujours su gagner l’affection des autres grâce à ta cordialité, ta bonne humeur et ton talent de cuisinier. Ton cœur était aussi grand que ton sourire – et c’est bien peu dire.


-Jean-Selim, partout où tu allais, tu menais une guerre contre l’indifférence avec une arme puissante : une détermination à transformer tes idées en actions, à trouver des moyens concrets d’aider les autres. Véritable citoyen du monde, tu étais la preuve vivante de ce que signifie être issu d’une famille des Nations Unies. Nous nous joignons à la douleur de ton épouse, Laura, qui est également notre collègue. Nos prières vont vers ton fils qui est encore bébé, Mattia-Selim.


-Christopher, tu as donné une impulsion à notre travail en faveur des enfants dans tous les endroits où tu as travaillé, de l’Éthiopie à l’Iraq en passant par le Kosovo. Jeune toi-même, tu as été un défenseur talentueux du droit des jeunes à la santé, à l’éducation et à un avenir meilleur. Tu as été une source inébranlable de vigueur et d’appui pour tes collègues. Tu laisses derrière toi la meilleure contribution possible – un héritage d’espoir dans le cœur des enfants dont tu t’es occupé.


-Martha, tu avais à la fois des idéaux humanitaires profondément ancrés et un réalisme naturel. Toujours professionnelle, jamais prétentieuse, avec un sens de l’humour et du travail, tu étais la meilleure collègue que quiconque pourrait souhaiter dans n’importe quelle mission des Nations Unies chargée de lutter contre la faim et les privations. Tes qualités de direction permettaient de renforcer l’unité d’une équipe dans les circonstances les plus difficiles. Tu excellais dans ce que tu faisais parce que tu y croyais si ardemment.


-Fiona, ton talent t’a menée de ton Écosse natale jusqu’aux Balkans, de New York jusqu’à Bagdad. Pendant tout ce périple, tu as été guidée par un esprit exceptionnellement clair, des principes inébranlables, et un instinct infaillible concernant la meilleure voie à suivre. Ton approche pragmatique était accompagnée d’une égale mesure de chaleur et de compassion. Lorsque tu nous as quittés, tes jeunes épaules avaient déjà supporté de lourdes responsabilités. Et tu l’as toujours fait avec vigueur, équilibre et assurance.


-Nadia, ton sens de l’humour, ton irrévérence et ton rire nous permettaient de garder le moral. Tu n’as jamais montré la moindre affectation; l’honnêteté était ce qui te caractérisait. Tu as établi un modèle en restant au-dessus de la mêlée grâce à la confiance et à l’humour. Pendant plus de 30 années à l’Organisation, tu as inspiré plusieurs générations de jeunes femmes – et d’hommes – en montrant qu’il n’y a pas de limites à ce qu’une personne qui a du talent et du courage peut réaliser. Et tu nous as tous inspirés, quel que soit notre âge, en nous montrant qu’on peut avoir des principes sans être pompeux. Nadia, chaque fois que nous sommes à bout de nerfs sans raison valable, nous nous souviendrons de ta voix nous disant de « nous ressaisir »; et chaque fois que nous sommes tentés de nous prendre trop au sérieux, nous nous souviendrons de ton rire.


-Enfin, Sergio, mon cher ami : depuis que tu nous as quittés, il y a eu de nombreux hommages rendus à tes succès, réalisations et talents. Mais il ne faut pas oublier ceci : tu étais d’abord et avant tout un être humain. Un être humain qui était exceptionnellement chaleureux; avec un sens exceptionnellement aigu du bien et du mal; motivé par un besoin extraordinaire d’aller redresser les torts dans le monde.


-Sergio, si tu faisais preuve d’une telle confiance à tous moments, c’est parce que tu avais tellement de raisons d’être confiant. Pourquoi ne semblais-tu jamais fatigué, même après une journée de travail de 18 heures? Pourquoi n’avais-tu jamais l’air défraîchi, même après un vol de 18 heures? Pourquoi n’étais-tu jamais malade? Pourquoi n’étais-tu jamais de mauvaise humeur? Et tu étais le seul haut fonctionnaire des Nations Unies que tout le monde connaissait par son prénom. Même pour ceux qui ne te connaissaient pas personnellement, tu as toujours été simplement « Sergio ».


-Maintenant que tu nous as quittés, mon cher ami, nous devons nous contenter de ton souvenir et de ta contribution. Ils sont brillants, et ils le seront toujours. Comme toi, ils ne deviendront jamais fatigués ou défraîchis. Merci, Sergio, d’avoir enrichi notre vie.

Chers amis,


Aujourd’hui, nous rendons également hommage aux membres de notre famille dévouée et étendue qui ne faisaient pas partie du personnel des Nations Unies : Saad, Omar et Khidir, tous ressortissants iraquiens; Manuel, qui s’efforçait de coordonner les activités de l’Autorité provisoire de la coalition et celles des organismes des Nations Unies; Gillian, qui travaillait inlassablement pour la protection des enfants dans des situations de crise; Arthur, qui a consacré sa vie à promouvoir les droits des personnes déplacées par la force; et Alya, qui était une de nos traductrices les plus dévouées et les plus expérimentées à Bagdad.


Le travail de nos collègues des Nations Unies en Iraq était motivé uniquement par un désir d’aider le peuple iraquien à construire un avenir meilleur.


Lorsqu’ils nous ont quittés, notre Organisation a également subi une autre perte, d’un type différent : une perte d’innocence.


Nous qui supposions que notre mission d’assistance était en dernier ressort la meilleure forme de protection, nous sommes maintenant menacés et exposés aux risques.


Nous qui avons essayé depuis le début d’aider les victimes de la violence et des destructions, sommes devenus une cible.


Cela signifie que nous devrons adapter la manière dont nous travaillons à notre nouvel environnement. Nous devrons apprendre à établir un équilibre entre notre mission d’assistance et la nécessité de protéger notre personnel.


Mais notre engagement – notre promesse au nom de « nous, peuples des Nations Unies » – ne doit jamais changer. Renouvelons aujourd’hui cet engagement au nom de nos amis irremplaçables, inimitables, inoubliables. Essayons de refermer ces blessures inguérissables, en nous efforçant chaque jour de suivre l’exemple qu’ils nous ont montré.


Je vous prie maintenant de vous lever et d’observer avec moi une minute de silence.


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