En cours au Siège de l'ONU

DEV/2392

LA COHERENCE DANS LE DEVELOPPEMENT EXIGE DE RECONSIDERER LE ROLE DES PAYS PAUVRES DANS L’ELABORATION ET LA GESTION DES POLITIQUES

20/03/2002
Communiqué de presse
DEV/2392


Table Ronde Ministérielle B2

Cohérence pour le développement


LA COHERENCE DANS LE DEVELOPPEMENT EXIGE DE RECONSIDERER LE ROLE DES PAYS PAUVRES DANS L’ELABORATION ET LA GESTION DES POLITIQUES


MONTERREY, 20 mars -- La voix des pays africains est inaudible au sein des institutions financières internationales puisque les 48 pays d’Afrique subsaharienne n’occupent que deux sièges au FMI a regretté, M. Trevor Manuel, Ministre sud-africain des finances, qui coprésidait ce matin la table ronde ministérielle sur la cohérence pour le développement dans le cadre de la Conférence de Monterrey sur le financement du développement.  Insistant sur la nécessité d’un changement qui voudrait que les pays détenteurs de pouvoir cèdent une part de leur pouvoir, ou plus précisément, de leurs «quotes-parts» au sein des institutions de Bretton Woods, M. Manuel s’est demandé qui allait assurer la direction politique de ce processus de changement au lendemain de la Conférence de Monterrey.  Est-on vraiment certains que tous les acteurs ont le sens du multilatéralisme et sont disposés à jouer le jeu? s’est interrogé Trevor Manuel.  Cette interrogation faisait écho au constat dressé par la coprésidente de la table ronde, la Ministre de la coopération au développement des Pays-Bas, Mme Eveline Herfkens, qui déclarait que la pratique des subventions aux agriculteurs dans les pays développés, en particulier aux Pays-Bas, affecte directement la compétitivité des producteurs des pays en développement. 


Abordant la question de la cohérence au sein des gouvernements de l’OCDE sur les politiques de développement, le représentant du Portugal s’est plaint de la marge de manœuvre limitée des Ministres du développement face à ceux qui détiennent les portefeuilles des finances, du commerce extérieur ou de l’agriculture et impriment le plus souvent les politiques de dépenses publiques des pays de l’OCDE.


Partageant cette préoccupation, Mme Herfkens a recommandé l’adoption de mécanismes interministériels pour permettre aux gouvernements des pays développés de mieux coordonner leurs politiques de développement bilatérales et multilatérales.  «Dans un pays comme les Pays-Bas, où le Ministre du développement participe au Conseil des ministres, il peut plaider davantage de cohérence et souligner les contradictions entre les politiques nationales et les objectifs du développement des PMA» auxquels tous les pays de l’OCDE ont souscrit dans les objectifs du Millénaire. 


Concernant la cohérence au sein des pays les moins avancés (PMA), récipiendaires de l’aide, Mme Luisa Dias Diogo, Ministre des finances et du plan du Mozambique, a jugé que la base de cette cohérence devait être l’adoption de documents stratégiques de réduction de la pauvreté qui sont le plus souvent élaborés avec les collectivités locales et la société civile avant d’être soumis aux bailleurs de fonds.  Aussi, s’est-elle interrogée sur la persistance des


conditionnalités, en particulier, en ce qui concerne la réduction de la dette dans le cadre de l’initiative PPTE renforcée.  Elle a exhorté les donateurs à accepter les priorités de développement fixées par les pays pauvres eux-mêmes.  Le Ministre malien des affaires étrangères, M. Modibo Sidibe, a lancé un appel à davantage de flexibilité de la part des bailleurs de fonds, surtout lorsque les projets de développement sont identifiés conjointement entre acteurs gouvernementaux, société civile et collectivités territoriales, regrettant que certains donateurs introduisent des conditionnalités telles que la sécurité, comme ils ont pu le faire dans le cas du Mali.  Ce qui compromet la mise en œuvre de projets de développement dans des zones rurales nécessiteuses. 


Aussi, pour remédier à la rigidité et à la conditionnalité des politiques de développement, M. Shaukat Aziz, Ministre des finances du Pakistan a proposé que les bailleurs de fonds organisent régulièrement dans les pays en développement des réunions de concertation et de coordination avec les partenaires gouvernementaux, les collectivités territoriales et la société civile.  Cela permettrait aux pays en développement de faire entendre leur voix sur l’élaboration des stratégies nationales et augmenterait la transparence des politiques des donateurs. 

M. Trevor Manuel a proposé, quant à lui, que les pays en développement puissent avoir recours à un interlocuteur unique dans les pays de l’OCDE qui concentre les questions relatives au développement.  A ce titre, la Ministre pour le développement international de la Norvège, Mme Hilde Johnson, a fait part de l’expérience de son pays, où un Plan d’action pour l’élimination de la pauvreté répond à cette obligation de cohérence puisqu’il couvre à la fois les questions d’APD, d’amélioration des politiques commerciales ou d’élargissement de l’accès aux marché des produits des pays en développement.  Son homologue des Pays-Bas, Mme Hefkens a admis que les donateurs doivent faire preuve de souplesse pour appuyer les programmes nationaux de réduction de la pauvreté, tenir compte des priorités nationales des pays pauvres et « ne plus donner d’une main pour reprendre beaucoup plus ensuite de l’autre ». 


S’agissant de la cohérence dans les politiques suivies par les institutions financières internationales, des représentants de la société civile et des organisations non gouvernementales (ONG) ont regretté que les institutions de Bretton Woods ne tiennent pas compte de la situation des pays à revenus intermédiaires (PRI) qui subissent les incidences de l’instabilité des économies développées.  En effet, ils ont fait valoir que l’instabilité des marchés financiers et des flux de capitaux dans les pays de l’OCDE ont, malgré les taux de change flottants, des conséquences négatives sur les orientations économiques et les politiques de développement de ces pays.  La représentante de l’organisation «Bretton Woods Project» a estimé que la mobilisation du capital national est un des leviers de l’investissement étranger sur lequel devraient travailler davantage les institutions financières et les autres bailleurs de fonds, arguant que sans mobilisation de l’épargne privée nationale, les pays en développement n’auront aucune chance d’attirer l’investissement étranger direct.  Le représentant du Gouvernement tunisien a souligné l’incohérence entre les programmes de développement social, d’un côté, et les programmes de développement économique, de l’autre, recommandant aux bailleurs de fonds une harmonisation des différentes politiques pour se concentrer sur des objectifs clairs tels que la réduction de la pauvreté.


M. Trevor Manuel a interpellé les institutions financières internationales sur l’importance de tenir compte des Documents stratégiques de réduction de la pauvreté comme outil de mesure de la pertinence de leurs politiques qui ne doit pas se limiter uniquement aux pays destinataire de l’initiative PPTE renforcée.  Des mesures micro-économiques de mobilisation des investissements et de libéralisation des échanges doivent êtres renforcées et adaptées aux besoins des pays à revenus intermédiaire, a-t-il souligné.  Le représentant de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a souligné, pour sa part, que depuis la réunion ministérielle de Doha, la liste des priorités de développement et les fonds sont disponibles pour aider les pays en développement à intégrer le commerce international.  Le représentant de la Banque mondiale a pris l’exemple des DSRP et de l’initiative PPTE pour démontrer que les institutions de Bretton Woods commencent à coordonner leurs politiques de réduction de la pauvreté. 


Quelle structure pourrait coordonner l’action des institutions internationales dans le domaine du développement et de la réduction de la pauvreté ?  C’est en substance la question que se sont posée les intervenants qui, à l’instar du représentant de la France, ont fait une série de propositions telles que la création d’une « sorte de Conseil de sécurité économique et sociale qui serait doté des mêmes fonctions et responsabilités que le Conseil de sécurité ».  Faisant valoir que la communauté internationale n’avait pas besoin d’un système de coordination supplémentaire, la Ministre norvégienne du développement a prôné plutôt une évaluation, à l’heure actuelle, des politiques macroéconomiques pour identifier les succès, les échecs ou les immobilismes.  Les regards se sont tournés vers les Nations Unies que Mme Heyfkens a exhortées à davantage de cohérence dans la lutte contre la pauvreté et pour le développement.  La Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, Mme Louise Fréchette a défendu le bilan de l’Organisation, estimant que les pays membres obtiennent un bon rendement des fonds investis dans le système.  «Les efforts de coordination entre les institutions de Bretton Woods, le Secrétariat et les agences spécialisées des Nations Unies sont réelles mais les ressources manquent à l’appel pour permettre à l’organisation d’être plus cohérente».  Mme Hefkens a reconnu que la croissance zéro du budget des Nations Unies constitue un obstacle à leur action en faveur de la coordination des politiques de développement multilatérales. 


*   ***   *


À l’intention des organes d’information. Document non officiel.