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CS/2307

LA MISSION DU CONSEIL DE SECURITE DANS «LES GRANDS LACS» ESTIME QU’IL EXISTE ACTUELLEMENT UNE OCCASION UNIQUE DE PARVENIR ENFIN A UNE PAIX DURABLE DANS LA REGION

14/05/02
Communiqué de presse
CS/2307


Conseil de sécurité

4532e séance – matin


LA MISSION DU CONSEIL DE SECURITE DANS «LES GRANDS LACS» ESTIME QU’IL EXISTE ACTUELLEMENT UNE OCCASION UNIQUE DE PARVENIR ENFIN A UNE PAIX DURABLE DANS LA REGION


Elle propose pour cela une série

de mesures concrètes à prendre rapidement par le Conseil


Le Conseil de sécurité a, ce matin, entendu le Représentant permanent de la France, M. Jean-David Levitte, lui présenter les conclusions de la mission qu’il a menée du 27 avril au 7 mai 2002 dans la région des Grands Lacs.  Au cours de ce périple qui les a conduits dans sept pays de la sous-région, les 15 membres de la mission ont rencontré huit chefs d’Etat, les représentants de groupes d’opposition mais aussi de la société civile.  Troisième mission du genre en deux ans dans cette région, l’objectif, ainsi que l’a souligné M. Levitte, était d’assurer un avenir meilleur aux peuples de la République démocratique du Congo (RDC) et du Burundi. 


S’agissant de la RDC, M. Levitte a indiqué que des progrès considérables ont déjà été accomplis, avec le respect du cessez-le-feu et de la ligne de désengagement, le début du retrait des troupes étrangères, hormis celles du Rwanda, et l’accord sur le partage du pouvoir obtenu à Sun City (Afrique du Sud).  Ces progrès rendent d’autant plus indispensable la nécessité absolue de respecter le cessez-le-feu, première recommandation de la mission.  Pour favoriser ce cessez-le-feu, la mission propose ensuite d’établir un « rideau » de forces le long des frontières de la RDC avec le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi.  Pour une période limitée et dans un espace restreint, les troupes de ces pays pourraient être présentes sur le sol congolais, avec pour vocation de travailler avec les troupes congolaises.  Une période qui constituerait la phase ultime avant le retrait, a expliqué M. Levitte.  Une autre proposition concrète de la mission est qu’après la mise en place d’une autorité de transition incluant tous les Congolais, des composantes concernant l’organisation et la conduite d’élections libres et régulières soient ajoutées au mandat futur de la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC).  En outre, consciente que l’opération de désarmement, démobilisation, rapatriement, réintégration et réinstallation (DDRRR) posera de sérieux problèmes de sécurité, notamment à l’est du pays et surtout autour de Kisangani, la mission indique que le déploiement d’une force solide dans le cadre de la MONUC est souhaitable.  Une proposition qui a été appuyée, ce matin, par le représentant de l’Espagne, au nom de l’Union européenne et des Etats associés.


Accueillant avec satisfaction le rapport et les propositions de la mission, le représentant de la RDC a estimé que “les perspectives de paix ne sont plus désormais du domaine de l'utopie”.  Pour lui, le dialogue de Sun City ne constitue nullement une fin en soi et il faut aller de l’avant pour assurer la pleine réussite des étapes restantes du calendrier de mise en oeuvre de l’Accord de


(à suivre – 1a)

Lusaka.  C’est pourquoi, son Gouvernement est disposé à continuer d’ouvrir le dialogue intercongolais à ceux qui ne l’ont pas encore rejoint et à associer ces composantes et partis à l’ensemble du processus de création des nouvelles institutions.  Pour ce qui est des troupes étrangères présentes, le représentant a expliqué que son Gouvernement a invité le Tribunal pénal pour le Rwanda à ouvrir des antennes dans son pays afin d’ôter tout nouveau prétexte visant la pérennisation de l’occupation d’une partie du territoire national.


De son côté, le représentant du Rwanda, pour qui le dialogue intercongolais est une composante majeure, voire déterminante, de la mise en oeuvre de l’Accord de paix de Lusaka, a estimé que son pays et l’Ouganda viennent de faire des propositions concrètes pouvant mener les négociations de Sun City à un accord politique et à un partage du pouvoir totalement inclusif.  En revanche, il a rejeté la validité de l’accord passé entre le Président Kabila et le chef du Mouvement de libération congolais, M. Jean-Pierre Bemba, dénonçant le fait qu’il ait été négocié en dehors du Facilitateur et du cadre formel du dialogue.  Au représentant de l’Afrique du sud qui s’inquiétait d’ailleurs que l’une des recommandations du rapport puisse être interprétée comme signifiant que les trois groupes armés du dialogue pourraient obtenir un accord par eux-mêmes et l’imposer ensuite aux autres groupes armés du Congo, ce qui serait en contradiction avec la résolution 1291 du Conseil et avec les intentions de l’Accord de Lusaka,

M. Levitte a expliqué que la situation, bien que prometteuse, demeure fragile.  Le risque de cristallisation de deux blocs opposés sur des positions antagonistes est réel et c’est pourquoi, il est préférable de privilégier des contacts et un dialogue discrets.


En ce qui concerne le Burundi, la mission note que la poursuite des combats est le plus gros risque pour la mise en œuvre du processus de paix et que, parmi tous les interlocuteurs de la mission, les groupes armés ont été les seuls à ne pas avoir le sentiment qu’il était urgent de cesser les hostilités.  La mission recommande l’intensification du dialogue avec tous les acteurs régionaux, la mise en application des réformes prévues dans l’Accord d’Arusha.  L’Organisation des Nations Unies a à cet égard un rôle à jouer, notamment par l’intermédiaire de la présidence de la Commission de suivi de l’application de l’Accord de paix.  Faisant écho au rapport qui met en avant le risque que le processus de paix ne soit réduit à néant si une nouvelle aide, notamment une aide directe, n’est pas fournie prochainement, le représentant du Burundi a insisté sur les espoirs que son peuple et son Gouvernement placent dans les démarches promises par le Conseil de sécurité auprès du FMI et des autres bailleurs de fonds.  Dans cette perspective, la mission propose d’ailleurs de tenir, le moment venu, une conférence internationale sur la sécurité, le développement et la paix dans la région des Grands Lacs et de créer un mécanisme de suivi du processus de paix.


Comme l’a souligné le représentant du Royaume-Uni, en conclusion du débat, les parties concernées et la communauté internationale ont aujourd’hui, non pas une chance parmi tant d’autres, mais “la grande chance” de parvenir à la paix dans la région des Grands Lacs et elles se doivent donc de la saisir en prenant des mesures pratiques et concrètes.


Aux fins de l’examen de cette question, le Conseil était saisi du rapport de la mission dans la région des Grands Lacs.


LA SITUATION DANS LA REGION DES GRANDS LACS


Rapport de la mission du Conseil de sécurité dans la région des Grands Lacs

(27 avril-7 mai 2002) (S/2002/537)


Ce rapport contient les conclusions de la mission du Conseil de sécurité, conduite par M. Jean-David Levitte (France), qui s’est rendue dans la région des Grands Lacs du 27 avril au 7 mai 2002.  Durant cette période, les membres de la mission se sont rendus à Johannesburg, Pretoria, Harare, Kinshasa, Kisangani, Luanda, Kampala, Dar es-Salaam, Bujumbura et Kigali.  Ils ont rencontré le Président de l’Afrique du Sud, M. Thabo Mbeki; le Président du Zimbabwe, M. Robert Mugabe; le Président de la République démocratique du Congo, M. Joseph Kabila; le Président de l’Angola, M. José Eduardo dos Santos ; le Président de l’Ouganda,

M. Yoweri Kaguta Museveni ; le Président de la République-Unie de Tanzanie,

M. Benjamin Mkapa ; le Président du Burundi, M. Pierre Buyoya et le Président du Rwanda, M. Paul Kagame.  Ils ont également rencontré à Pretoria le Vice-président sud-africain, M. Jacob Zuma; le Ministre gabonais des affaires étrangères, M. Jean Ping; le Président du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma),

M. Adolphe Onusumba et son Secrétaire général, M. Azarias Ruberwa et, en présence de l’équipe de facilitation, les groupes rebelles burundais.  A Luanda, la mission s’est entretenue avec le Président du Comité politique, le Ministre angolais des affaires étrangères, M. Joao Bernard Miranda et tenu une réunion commune avec le Comité politique.  A Kampala, elle a rencontré M. Jean-Pierre Bemba, chef du Mouvement de libération du Congo (MLC) et à Pretoria, le Président et les deux membres du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo.  Cette troisième mission du Conseil de sécurité dans la région des Grands Lacs a eu lieu immédiatement après le dialogue intercongolais à Sun City (Afrique du Sud) et au moment où la MONUC se préparait à entrer dans la phase suivante de son déploiement de la phase III dans l’est de la RDC. Les deux précédentes avaient eu lieu respectivement en mai 2000 et en mai 2001.


En ce qui concerne la République démocratique du Congo, la mission a constaté que les parties à l’Accord de Lusaka, avec l’aide de la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC), continuaient à faire des progrès, bien que lents, dans l’application du processus de paix.  Elle a noté que, de tous les belligérants originels, seule la Namibie avait retiré toutes ses forces du territoire de la RDC.  Le retrait des contingents angolais, ougandais et zimbabwéen n’est que partiel et le retrait annoncé par le Rwanda n’a pas encore été vérifié.  La mission se félicite de la réponse positive que les parties signataires de l’Accord de Lusaka ont donné à l’idée qu’elle a proposée d’établir un « rideau » de forces le long des frontières de la RDC avec le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi.  Ces forces pourraient être déployées comme mesure provisoire de sécurité de la frontière, en coordination avec le déploiement des forces congolaises, et elle serait accompagnée d’observateurs militaires de la MONUC.


La mission du Conseil recommande qu’après la mise en place d’une autorité de transition incluant tous les Congolais, des composantes concernant l’organisation et la conduite d’élections libres et régulières soient ajoutées au mandat futur de la MONUC; elle recommande également que le Conseil renouvelle son appel en vue du retrait sans heurt de toutes les forces étrangères de la RDC, conformément à l’Accord de Lusaka.  Consciente qu’à l’est, l’opération de désarmement, démobilisation, rapatriement réintégration et réinstallation (DDRRR) posera de sérieux problèmes de sécurité, la mission indique que le déploiement d’une force solide à Kindu dans le cadre de la MONUC est souhaitable.  Elle recommande en outre au Conseil de consacrer une attention particulière à la mise en oeuvre du mandat de la MONUC dans les domaines des droits de l’homme et de l’assistance humanitaire aux populations démunies en RDC, en tenant pleinement compte des femmes et des filles.  La mission du Conseil a jugé encourageant l’accueil généralement favorable réservé à la proposition tendant à réunir, le moment venu, une conférence internationale sur la sécurité, le développement et la paix dans la région des Grands Lacs.  Elle a par ailleurs indiqué que, lorsque les forces des Nations Unies seront déployées à Kindu, les divers aspects du processus de paix devront être soigneusement coordonnés; à cet effet, un mécanisme de suivi pourrait être mis en place, afin de coordonner les divers aspects du processus et d’assurer la cohérence de l’action de la communauté internationale, et d’accompagner la transition en RDC en travaillant à l’application des résultats du dialogue intercongolais sur tout le territoire du pays.


En ce qui concerne le Burundi, la mission note que la poursuite des combats est le plus gros risque pour la mise en œuvre du processus de paix et que, parmi tous les interlocuteurs de la mission, les groupes armés ont été les seuls à ne pas avoir le sentiment qu’il était urgent de cesser les hostilités.  La mission recommande l’intensification du dialogue avec tous les acteurs régionaux, la mise en application des réformes prévues dans l’Accord d’Arusha.  L’Organisation des Nations Unies a à cet égard un rôle à jouer, notamment par l’intermédiaire de la présidence de la Commission de suivi de l’application de l’Accord de paix.  Le rapport note en conclusion qu’il y a un risque que le processus de paix, et tous les progrès réalisés jusqu’à présent, ne soient réduits à néant si une nouvelle aide, notamment une aide directe, n’est pas fournie prochainement.


La mission était également composée de MM. Stefan Tafrov (Bulgarie), Martin Chungong Ayafor (Cameroun), Chen Xu (Chine), Alfonso Valdivieso (Colombie), François Fall (Guinée), Gerard Corr (Irlande), Jagdish Koonjul (Maurice), Adolfo Aguilar Zinser (Mexique), Wegger Christian Strommen (Norvège), Andrey Granovsky (Fédération de Russie), Lip Cheng How (Singapour), Mikhail Wehbe (République arabe syrienne), Jeremy Greenstock (Royaume-Uni) et Richard W. Williamson (Etats-Unis). 


Déclarations


M. JEAN-DAVID LEVITTE (France), Chef de la mission du Conseil de sécurité dans la région des Grands Lacs, a déclaré que la  mission s’est déroulée dans un esprit de partenariat avec  les signataires des Accords de Lusaka et d’Arusha, avec le souci d’assurer un avenir meilleur aux peuples de la République démocratique du Congo (RDC) et du Burundi.  Face aux violations massives des droits de l’homme, à la situation humanitaire désastreuse et au pillage des ressources naturelles, les représentants de la société civile ont été unanimes à réclamer l’unité politique et administrative du Congo et du Burundi, l’arrêt au pillage des ressources naturelles et le retrait des troupes étrangères, a indiqué M. Levitte.  Certes, des progrès incontestables ont été accomplis : en République démocratique du Congo, le cessez-le-feu tient, la ligne de désengagement est globalement respectée, et le retrait des forces armées étrangères, achevé pour la Namibie, est bien engagé pour les autres pays, sauf pour le Rwanda.  Le dialogue intercongolais a en outre accompli des progrès considérables à Sun City, en Afrique du Sud.  Face à cette situation, la première recommandation de la mission est la nécessité absolue de respecter le cessez-le-feu.  En ce qui concerne le dialogue intercongolais, le Conseil de sécurité souhaite un accord inclusif qui ne laisse personne au bord du chemin et la reprise, dans un esprit d’ouverture, du dialogue initié à Luanda, afin de conduire la RDC à des élections démocratiques.  Evoquant le risque d’une partition, à l’image de Chypre, M. Levitte a indiqué qu’à Chypre, les populations ne veulent pas vivre ensemble, à l’opposé de ce qui se passe en RDC.  Cette possibilité existe cependant, a-t-il ajouté.


En ce qui concerne le désarmement, la démobilisation et le rapatriement, M. Levitte a rappelé l’engagement du Président Joseph  Kabila qui se dit disposé à livrer au Tribunal pénal international d’Arusha les génocidaires qui pourraient se trouver sur le sol congolais.  La Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) est en outre déterminée à s’engager dans la phase III de son action, en se déployant vers l’est pour désarmer les groupes Interamhwe.  Afin de tenir compte des préoccupations de sécurité des pays voisins, l’idée d’un « rideau de troupes » le long des frontières de la RDC avec l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi a été proposée.  Pour une période limitée et dans un espace restreint, les troupes des pays voisins pourraient être présentes sur le sol congolais, avec pour vocation de travailler avec les troupes congolaises.  Ce serait l’ultime phase avant le retrait, a expliqué M. Levitte, indiquant par ailleurs que cette proposition a été accueillie de manière positive par la RDC et les trois pays concernés.  M. Levitte a dit qu’il importe de progresser vers une solution globale qui prenne en compte simultanément les trois aspects suivants : mise en place d’un gouvernement d’union nationale à Kinshasa, désarmement effectif des groupes ex-FAR et Interamhwe et retrait des troupes étrangères.  Il reste encore une épine, a estimé le Chef de la mission : la situation de Kisangani où la population veut le départ de toutes les troupes et la démilitarisation de la région, ainsi que la réouverture du fleuve au trafic commercial.  M. Levitte s’est félicité de ce que la relance de l’économie soit engagée, grâce à la coopération avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.  Il a évoqué la tenue d’une conférence internationale dans la région des Grands Lacs et a suggéré qu’un mécanisme de suivi du processus de paix soit mis sur pied.


S’agissant du Burundi, la mission a rencontré toutes les autorités du pays et a pu constater qu’en dépit des progrès considérables qui ont été réalisés, le processus de paix demeure fragile.  M. Levitte a déclaré qu’il est urgent que les hostilités cessent, que les groupes armés mettent fin aux combats et rejoignent la table des négociations et que les réformes prévues dans l’Accord d’Arusha soient mises en œuvre pendant la période de transition; enfin, tous les interlocuteurs burundais ont insisté avec force sur l’urgence de l’aide économique.  M. Levitte a fait observer que la Commission de suivi de l’Accord d’Arusha, déplacée à Bujumbura, est aujourd’hui sans représentant et a demandé au Secrétaire général de remédier à cette situation.  Rendant en conclusion hommage au travail remarquable réalisé par la MONUC, M. Levitte a fait remarquer que dans les deux pays, les processus de paix sont fragiles et a fait appel à l’engagement de la communauté internationale.


M. INOCENCIO ARIAS (Espagne), s’exprimant au nom de l’Union européenne et de la République tchèque, de l’Estonie, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Pologne, de la Roumanie, de la Slovaquie, de la Slovénie, de Chypre, de Malte, de la Turquie, de l’Islande, et du Liechtenstein, a estimé que la troisième mission du Conseil dans les Grands Lacs témoigne de la détermination de cet organe à parvenir à une paix durable dans la région.  L’Union européenne se félicite des résultats du dialogue intercongolais qui a pu aborder des questions délicates dans un climat calme et constructif.  A cet égard, elle prend particulièrement note de l’accord passé entre le Gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et le Mouvement de libération du Congo (MLC) et auquel se sont ralliés plusieurs partis d’opposition.  Cet accord pourrait faciliter la transition politique et consolider le processus de paix régional, a estimé

M. Arias.  L’Union européenne appuie l’appel lancé au Gouvernement de la RDC, au Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et au MLC pour qu’ils poursuivent les négociations et parviennent à un règlement global et intégral.  Elle invite, à cet effet, tous les pays de la région à user de leur influence sur les diverses parties pour qu’elles respectent et soutiennent la volonté de paix, de démocratie et de réconciliation montrée à Sun City.  Le représentant s’est toutefois dit fortement préoccupé par la poursuite des affrontements au nord et à l’est du pays, ainsi que de la montée de l’insécurité à Kasaï.  Il a demandé à toutes les parties à l’Accord sur le cessez-le-feu de Lusaka de s’abstenir de toute opération militaire ou de tout acte de provocation.  S’agissant du retrait des troupes étrangères présentes en RDC, l’Union européenne appuie la proposition de la mission du Conseil d’établir un “rideau” de troupes le long des frontières orientales du pays.


M. Arias a aussi insisté sur l’obligation pour les parties concernées de collaborer en vue d’établir un climat de confiance et de sécurité devant faciliter le processus de désarmement, de démobilisation, de réinstallation, de rapatriement et de réinsertion (DDRRR).  Il a notamment demandé à ces parties de coopérer avec la MONUC dans cette tâche, avant d’ajouter que le processus de DDRRR est l’une des missions fondamentales de la phase III du déploiement de la Mission, qui en conséquence, doit recevoir tous les moyens nécessaires pour s’en acquitter.  L’Union européenne appuie donc la proposition du Secrétaire général d’augmenter le personnel militaire de la Mission.  De son côté et afin de faciliter le processus de DDRRR, l’Union européenne va verser 20 millions d’euros à la Banque mondiale.  L’Union appuie pleinement la position ferme du Conseil de sécurité concernant la démilitarisation immédiate et sans conditions de Kisangani.  Elle estime en outre que l’établissement d’un mécanisme de suivi du processus de paix sera important pour garantir la coordination et la cohérence de la communauté internationale. 


Abordant ensuite la situation au Burundi, M. Arias s’est dit extrêmement préoccupé par la poursuite des violences et par la dégradation de la situation humanitaire, en particulier autour de Bujumbura.  Il a exhorté les belligérants à respecter les populations civiles et les droits de l’homme.  L’Union européenne, a-t-il ajouté, condamne la logique de guerre que continuent de suivre les groupes armés.  Elle leur lance un appel pour qu’ils parviennent à une cessation immédiate des hostilités et à reprendre le dialogue.  Elle demande aussi instamment au Gouvernement du Burundi de présenter une politique transparente et cohérente de réinsertion des groupes armés dans les forces militaires burundaises.  M. Arias a pris note du démarrage de l’opération de rapatriement volontaire des réfugiés burundais présents en République-Unie de Tanzanie.  Il a rappelé que, conformément à l’Accord d’Arusha, ces retours devaient être volontaires et accompagnés de garanties de sécurité, notamment pour les groupes les plus vulnérables.  Il a exhorté les groupes armés à tout mettre en oeuvre pour garantir la sécurité des réfugiés qui rentrent au Burundi.  Il a également demandé au Gouvernement et aux institutions de transition de renforcer le processus de réforme, en vertu du calendrier prévu, afin de construire une société burundaise où personne n’est exclu. 


M. ATOKI ILEKA (République démocratique du Congo) a déclaré que, grâce au soutien au Conseil, les perspectives de paix ne sont plus désormais du domaine de l’utopie pour l’ensemble de la population de son pays.  Il est, en effet, rarissime dans l’histoire du Conseil que l’organe principal des Nations Unies chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales dépêche, en l’espace de deux ans, trois missions dans la sous-région.  Il a accueilli avec satisfaction le rapport de la mission du Conseil et a dit l’apprécier d’autant plus qu’il favorise les actions tendant à rendre justice et dignité au peuple congolais.  M. Ileka a rappelé que la mission a coïncidé avec la fin des travaux du dialogue intercongolais, sanctionnés par l’adoption d’une quarantaine de résolutions relatives à l’organisation de la transition, ainsi que par la signature de l’Accord politique pour la gestion consensuelle de la transition en RDC, l’Accord-cadre.  La fin du dialogue mené à Sun City ne constitue nullement une fin en soi, a-t-il poursuivi.  Il faut à présent évoluer, aller de l’avant, afin d’assurer la pleine réussite des étapes restantes du calendrier de mise en oeuvre de l’Accord de Lusaka.  Il s’agit plus précisément du processus d’installation des nouvelles institutions, du déploiement de la MONUC dans sa phase III, des activités de démobilisation, désarmement, réinsertion, du retrait ordonné de toutes les troupes étrangères, du rétablissement de l’autorité administrative de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national, du désarmement du personnel non militaire et des mesures de normalisation de la situation sécuritaire le long des frontières internationalement reconnues. 

M. Ileka a fait remarquer que l’Accord-cadre qui a connu l’adhésion de 80% des participants au Dialogue demeure ouvert aux composantes et partis qui ne l’ont pas encore rejoint.  C’est dans cette perspective que le général-major Joseph Kabila a fait part de la disposition du Gouvernement de poursuivre en tout temps et en tout lieu les contacts avec ceux qui n’ont pas encore signé l’Accord.  D’ailleurs, des contacts de ce genre ont déjà lieu, comme ceux qui se sont déroulés le 2 mai dernier à Luanda, en Angola, en marge de la réunion conjointe du Comité politique et du Conseil de sécurité.  Le Président Kabila a aussi fait part de sa ferme volonté d’associer cette composante et ces partis, même à titre d’observateurs, à l’ensemble du processus déjà largement entamé d’établissement et de création des nouvelles institutions républicaines, a ajouté M. Ileka.


Le peuple congolais et son Président souhaitent que cette année 2002 soit celle du retour à la paix, a encore déclaré le représentant.  C’est pourquoi, l’idée de la mission du Conseil de créer des zones tampons favorisant le retrait ordonné de toutes les troupes étrangères a été accueillie favorablement.  Un nouveau mandat de la MONUC devrait être imprégné de cette réalité, a estimé M. Ileka, avant de préciser que la prorogation du mandat de la MONUC, dans les prochaines semaines, devrait comprendre un calendrier de retrait des troupes étrangères, une description détaillée du mécanisme conjoint de surveillance le long des frontières, ainsi que la nécessaire proposition d’un renforcement conséquent du personnel de la MONUC.  Pour gagner le pari de la pacification, le Gouvernement de la RDC a appliqué à la lettre le Plan de Kampala et les sous-plans de Harare concernant le désengagement et le redéploiement, a affirmé le représentant.  “Nous sommes même allés plus loin en cantonnant des ex-combattants rwandais à Kamina et nous attendons l’autorisation des autorités en place à Kigali pour permettre le retour de ces ex-combattants dans leur propre pays”.  C’est dans

ce sens que le Gouvernement a invité le Tribunal pénal international pour le Rwanda d’ouvrir des antennes en RDC en vue de faciliter ses enquêtes et d’ôter

tout nouveau prétexte visant la pérennisation de l’occupation d’une partie du territoire national.  Il estime en effet que les sujets rwandais armés doivent tous quitter le territoire congolais et rentrer chez eux, car la RDC veut vivre en paix et en bonne intelligence avec ses neuf voisins.  Elle n’acceptera pas qu’il en puisse être autrement pour trois d’entre eux, a ajouté le représentant. 


Passant à la question épineuse de la démilitarisation de Kisangani, M. Ileka a estimé que pour que le Conseil de sécurité restaure sa crédibilité sur ce dossier, il est primordial qu’il agisse et qu’il agisse vite.  La crise sociale et humanitaire a atteint à Kisangani des proportions inquiétantes qui touche plus particulièrement les couches vulnérables de la population, à savoir les femmes et les enfants.  Les membres de la mission du Conseil ont le mérite d’avoir posé la problématique de l’urgente nécessité de relèvement économique et de reconstruction de la RDC, a poursuivi M. Ileka, précisant que, grâce à elle, le trafic fluvial est de nouveau une réalité sur les deux rives du fleuve Congo et jusqu’à Kisangani et que dans la foulée, le trafic aérien reprend normalement.  Les défis immédiats de la réunification, de la consolidation de la paix et de l’organisation d’élections libres seront difficilement relevés sans un démarrage conséquent de l’activité économique et sans une reprise de la coopération, tant bilatérale que multilatérale, a prévenu le représentant.  C’est pourquoi, à l’image du Conseil, il a estimé qu’une conférence internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement dans la région des Grands Lacs, organisée sous l’égide des Secrétaires généraux des Nations Unies et de l’Organisation de l’unité africaine, est de nature à aider les pays de la sous-région à rétablir les équilibres dans l’intérêt des populations.


En conclusion, M. Ileka a exprimé le souhait que toutes les recommandations contenues dans le rapport de la mission du Conseil seront appliquées.  Il a souligné que son Gouvernement était disposé à remplir son rôle, convaincu qu’il est de la nécessité de respecter avant tout les aspirations profondes du peuple congolais tout entier pour la paix, la stabilité et la réconciliation nationale.


M. DUMISANI S. KUMALO (Afrique du Sud) a manifesté ses craintes que le paragraphe 23 du rapport de la mission soit en contradiction avec la résolution 1291 du Conseil de sécurité et les intentions de l’Accord de Lusaka, car ce paragraphe peut être interprété comme signifiant que les trois groupes armés du dialogue intercongolais peuvent obtenir un accord par eux-mêmes et l’imposer ensuite aux groupes non armés du Congo.  Le représentant a rappelé qu’il y a cinq parties au dialogue intercongolais, le Gouvernement de la RDC, le MLC, le RCD-Goma, les groupes non armés et la société civile et que ces cinq composantes doivent être traitées sur un pied d’égalité.  Les délégués du dialogue intercongolais ont de façon répétée rappelé que, depuis  1960 et la mort de Patrice Lumumba, Premier Ministre du seul gouvernement démocratiquement élu que la RDC ait jamais connu, le Congo n’a jamais eu d’institutions d’Etat légitimes; à cet égard, les participants au dialogue intercongolais considèrent que le dialogue est une étape essentielle dans l’émergence d’institutions légitimes issues d’élections démocratiques et ils sont déterminés à venir à bout, une fois pour toutes, de la « crise de légitimité » de leur pays.  Les 40 résolutions qui sont issues du dialogue intercongolais de Sun City sont à bien des égards une réussite

extraordinaire et historique, a estimé le représentant.  Il a demandé que le peuple congolais puisse aujourd’hui: décider de son destin sans aucune interférence étrangère; mettre en échec ceux qui, à l’intérieur de la classe

politique congolaise, placent le pouvoir personnel au-dessus de l’intérêt général; lutter pour l’unité de son pays contre les divisions ethniques et régionales; insister sur le caractère inclusif du processus de paix.  Pour ces raisons, M. Kumalo a demandé au Conseil de sécurité d’apporter son assistance au peuple congolais et surtout de ne pas prendre position entre les groupes armés et les groupes non armés.


M. ANASTASE GASANA (Rwanda) s’est réjoui du fait que le Conseil de sécurité ait focalisé toute son attention sur les causes profondes qui ont amené le Rwanda à intervenir militairement en RDC en vertu du droit naturel de légitime défense, conformément à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies.  Nous avons décidé de combattre systématiquement les anciennes armées rwandaises ex-FAR et Interamhwe le jour où, venant du territoire congolais, ils ont massacré de nombreux innocents au Rwanda, dont le maire d’un des districts de la province de Cyangugu, a expliqué le représentant.  L’Accord de paix de Lusaka, a-t-il continué, s’il était mis en application dans toutes ses composantes, rassurerait le Rwanda à partir du moment où les planificateurs et auteurs du génocide rwandais repliés en RDC n’auraient plus de soutien politique, militaire, matériel et financier, et qu’ils seraient désarmés, désengagés et réintégrés dans la vie sociale et économique du pays pour ceux qui n’ont pas à répondre devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, à Arusha, ou devant d’autres tribunaux.  M. Gasana a estimé que le dialogue intercongolais est une composante majeure, déterminante même, dans la mise en oeuvre de l’Accord de paix de Lusaka et indiqué que le Rwanda et l’Ouganda viennent de faire des propositions concrètes pouvant mener les négociations à Sun City à un accord politique et à un partage du pouvoir totalement inclusif.  Faisant observer que l’accord entre le Président Joseph Kabila et M. Jean-Pierre Bemba n’a d’effet qu’entre eux car il a été négocié en dehors du Facilitateur,

M. Masire, et du cadre formel du dialogue intercongolais, il a demandé que ces deux partenaires rejoignent les autres partenaires du dialogue.


M. MARC NTETURUYE (Burundi) a qualifié de claire et complète la présentation de l’Ambassadeur Levitte.  Quant au rapport, il résume honnêtement les pourparlers entre les membres de la mission et les autorités burundaises et fait des recommandations encourageantes pour la population burundaise tant éprouvée.  Six mois après la mise en place des institutions de transition dans son pays, le bilan peut paraître maigre en termes de réalisations, mais il est largement positif en termes de volonté de travailler ensemble, de détermination à aller de l’avant, malgré l’absence de cessez-le-feu et d’aide économique internationale, a déclaré le représentant.  La mission du Conseil, qui a séjourné 24 heures à Bujumbura, a compris que le processus de paix est encore fragile du fait de la poursuite des violences, et du fait de la pauvreté implacable qui frappe la population.  Mais, a fait remarquer le représentant, bien que les Burundais portent la plus grande responsabilité de la situation que vit leur pays, la part de la communauté internationale n’est pas négligeable.  C’est avec son soutien et ses pressions que l’Accord de paix a été signé, et à l’époque on disait que l’assistance allait être débloquée aussitôt, a rappelé M. Nteturuye, avant d’ajouter qu’aujourd’hui, les

institutions de transition sont là, mais qu’elles sont de plus en plus décrédibilisées, en même temps que l’Accord de paix lui-même qui n’apporte ni la paix, ni le pain promis.  La mission du Conseil n’a peut-être pas eu le temps de mesurer ni l’ampleur de la frustration et de la déception de la population, ni l’extrême pauvreté dans laquelle elle vit, s’est interrogé le représentant.  Pourtant, la région dispose de moyens qui lui permettent d’empêcher les groupes

armés de prendre en otage le processus de paix, a-t-il estimé, rappelant que, pendant deux ans et demi, elle a imposé à son pays un embargo économique “illégal” pour soi-disant forcer les autorités à entrer en négociation avec les groupes armés.  Pourquoi aujourd’hui une telle patience face à l’attitude intransigeante des groupes armés, alors que le risque d’effondrement du processus de paix est de plus en plus réel, a-t-il demandé.


Le Gouvernement du Burundi est déterminé à aller de l’avant pour appliquer, là où cela est possible, des dispositions de l’Accord de paix, et initier des réformes administratives, politiques, sociales et économiques que les moyens financiers et logistiques ainsi que les contraintes de sécurité peuvent l’autoriser, a affirmé M. Nteturuye.  A cet égard, son Gouvernement va intensifier les contacts avec les pays de la sous-région et les efforts pour que de nouveaux pourparlers avec les groupes armés soient organisés, avec pour objectif de parvenir, sinon à un cessez-le-feu, du moins à une cessation des hostilités avant le 1er juillet 2002.  A cette date, ceux qui n’auront pas rejoint le processus de paix devraient être disqualifiés politiquement et mis hors d’état de nuire, a estimé le représentant, ajoutant qu’appliquer l’Accord de paix, c’est aussi prendre des mesures sévères contre les groupes armés qui refusent de rejoindre l’Accord.  En attendant, la population et les dirigeants burundais placent leur espoir dans les démarches promises par le Conseil de sécurité auprès du Fonds monétaire international et autres bailleurs de fonds, a insisté le représentant.  M. Nteturuye a ajouté que son pays est particulièrement intéressé par la proposition de la mission du Conseil concernant les activités de DDR et qu’il juge la proposition de créer une zone tampon intéressante et est prêt à la soutenir.  Il faut aussi toutefois que la communauté internationale oeuvre aussi activement pour rétablir la situation de sécurité dans les deux Kivu, a-t-il prévenu en conclusion. 


Reprenant la parole, M. LEVITTE a tenu à clarifier le sens du paragraphe 23 du rapport; il a précisé que le Conseil s’en tient au texte de l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka et souhaite que le dialogue intercongolais puisse se solder par un consensus rassemblant sans exception tous ceux qui ont travaillé à Sun City.  Mais, a continué M. Levitte, le risque d’une cristallisation de deux blocs opposés sur des positions antagonistes existe et c’est pourquoi, il est préférable aujourd’hui de privilégier des contacts et un dialogue discrets, comme le 2 mai dernier dans les coulisses de la rencontre de Luanda.  Ce format n’est pas sans précédent, et avant Sun city, de telles rencontres ont eu lieu entre les parties pour rapprocher les points de vue divergents.  M. Levitte a réaffirmé que le Conseil souhaite un accord inclusif avec la société civile et les partis politiques, mais que ces acteurs sont eux aussi engagés d’un côté ou de l’autre.


M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a appuyé vigoureusement la réponse de l’Ambassadeur Levitte aux interventions de ce matin.  Il a mis l’accent sur une idée supplémentaire très importante à ses yeux.  L’avis exprimé par tous les membres de la mission est qu’ils sont convaincus qu’il existe une possibilité réelle de progrès pour rétablir la paix dans la région, si le dialogue intercongolais pouvait parvenir à des conclusions conformes à l’Accord de Lusaka et aux dispositions de la résolution 1291 du Conseil de sécurité.  Il est clair que les dirigeants de la région sont disposés à travailler sur la base d’un dialogue fructueux.  Cette disposition aiguise davantage le besoin de conclure

fructueusement le dialogue qui engendrera de nouvelles activités permettant de parvenir à la paix, au rétablissement de la sécurité, à la normalisation économique et à la démobilisation.  C’est un tournant que le Conseil ne peut pas se permettre de manquer ou de ne pas encourager, a insisté M. Greenstock.  Il faut donc, dans les jours à venir, agir collectivement et individuellement car il ne s’agit pas d’une chance parmi tant d’autres, mais de la grande chance de progresser et de proposer un avenir différent au peuple de la RDC.  Il faut donc trouver des moyens pratiques et concrets de produire des conclusions au dialogue intercongolais et non se contenter d’appuyer simplement la teneur des recommandations d’un rapport. 


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