CONFERENCE DE PRESSE DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES DE LA FRANCE
Communiqué de presse conférence de presse France |
12 septembre 2002
CONFERENCE DE PRESSE DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES DE LA FRANCE
LE DISCOURS DU PRESIDENT BUSH EST PLEINEMENT COMPATIBLE AVEC L’APPROCHE EN DEUX TEMPS PRECONISEE PAR LA FRANCE, SELON DOMINIQUE DE VILLEPIN
Le Ministre des affaires étrangères de la France, M. Dominique de Villepin, a ce matin lors d’une conférence de presse affirmé les convergences de vue entre la France et les Etats-Unis, notamment sur la nécessité d’une approche multilatérale qui exige de l’Iraq le retour des inspecteurs des Nations Unies sur le terrain. “La France souhaite une démarche qui soit légitimée par le Conseil de sécurité, une démarche claire qui adresse un message simple à l’Iraq, à savoir le respect des résolutions du Conseil de sécurité, et qui rassemble la communauté internationale”.
Pour M. de Villepin, cette démarche se compose de deux temps. Il s’agit “dans un premier temps d’exiger le retour des inspecteurs des Nations Unies, sans entrave, sans délai et sans conditions. Nous pouvons fixer un calendrier précis, et à l’issue de ce délai nous devons apprécier la situation. Ou bien nous constatons que les inspecteurs opèrent librement en Iraq, et nous pouvons alors envisager la fin des sanctions qui ont tant fait souffrir le peuple iraqien. Dans le cas contraire, nous devrons alors décider des mesures à prendre, examiner l’ensemble des options disponibles dans le cadre du Conseil de sécurité. Dans ce cas, la France n’exclut aucune solution”.
“La position de la France est fondée sur un triple impératif: responsabilité, collégialité et légitimité”, a poursuivi le Ministre.
“Le premier principe, celui de responsabilité, veut que nous fassions progresser la conscience universelle contre l’impunité. C’est tout le sens que nous donnons à la Cour pénale internationale et à l’élaboration de normes, en matière de bioéthique notamment. C’est pourquoi nous cherchons aussi à compléter les textes de protection des droits de l’homme.
“Le second impératif est celui de la collégialité: plus que jamais nous devons défendre le système des Nations Unies, approfondir la coopération entre les Etats, les organisations régionales et aussi les institutions financières pour régler durablement les crises. Pour renforcer les outils multilatéraux de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, le Président Chirac a proposé de faire le point en 2003, dans le cadre du Conseil de sécurité, sur la politique de non-prolifération. Nous devons aussi continuer à réformer les Nations Unies, en particulier élargir le Conseil de sécurité à de nouveaux membres, à la fois permanents et non permanents, et répondre aux inspirations de pays comme l’Allemagne, le Japon et l’Inde. En ce qui concerne les réformes des institutions, le Président de la République française a avancé l’idée d’un Conseil de sécurité économique et social, et nous préconisons la création d’une organisation mondiale de l’environnement.
“Le troisième impératif est celui très important de la légitimité: l’action de la communauté internationale doit revêtir une légitimité incontestable si l’on veut éviter les suspicions, les malentendus et des procès d’intentions. Cette idée est au cœur de l’idée française de sécurité collective. Sans légitimité il y a le risque d’accroître l’instabilité du monde. Et cette légitimité passe dans l’esprit de la France évidemment, au premier chef, par le rôle prééminent du Conseil de sécurité. Ses décisions doivent être appliquées car le Conseil de sécurité demeure la seule instance habilitée à autoriser l’usage de la force, hormis bien sûr, les cas de légitime défense.
“Ces grands principes de la diplomatie française s’appliquent au cas particulier de l’Iraq. L’attitude de l’Iraq, nous l’avons dit et nous le redisons aujourd’hui, est inacceptable. L’Iraq défie l’autorité du Conseil de sécurité, fait planer la menace d’une nouvelle prolifération des armes de destruction massive, ce qui constitue un risque pour la sécurité de la région et celle de la communauté internationale, mais aussi pour son peuple. Ce statu quo est pour nous intolérable, il faut agir, mais le choix n’est pas entre l’action ou l’abstention, mais bien de savoir comment il faut agir. Il faut agir de façon légitime, de façon collective et de façon réfléchie. Afin de ne pas ajouter de l’instabilité à l’instabilité, de ne pas créer de nouvelles frustrations, il faut éviter le piège qui nous est aujourd’hui tendu: une intervention mal préparée ne résoudrait pas durablement les problèmes, elle pourrait déstabiliser les voisins, les opinions publiques de la région, alors que le régime de Bagdad est aujourd’hui profondément isolé.
“Le Président des Etats-Unis a ce matin souligné le rôle central qu’il souhaite voir jouer aux Nations Unies et nous l’apprécions d’autant plus que l’on sait que la tentation d’action unilatérale existait aux Etats-Unis. Sur l’Iraq, le discours du Président Bush est pleinement compatible avec la démarche française en deux temps: détermination à combattre la prolifération, nécessité d’un cadre collectif, celui du Conseil de sécurité, et priorité à un objectif simple et clair qui est celui des Nations Unies depuis 1991, à savoir le retour des inspecteurs sur le terrain.
“Notre objectif, c’est l’efficacité. Nos décisions doivent être au-dessus de toute critique, c’est la condition du succès; c’est aussi tout l’intérêt d’avoir une démarche en deux temps: que la communauté internationale puisse se préparer, se mobiliser et marquer son consensus sur la retour des inspecteurs des Nations Unies dans la région, avant d’avoir éventuellement à examiner d’autres options.
Interrogé sur la réaction des Etats-Unis à “l’approche en deux temps”, le Ministre a dit que cette approche suscite un très large consensus parmi les pays du monde arabe et les pays de l’Union européenne. “C’est important de comprendre la nécessité de maintenir la cohésion, et c’est pourquoi nous insistons sur les deux temps, afin de marquer collectivement l’objectif du retour des inspecteurs. Cet objectif, collectivement affirmé, constituera une forte pression sur Saddam Hussein.
A la question de savoir si la France participerait à des éventuelles sanctions militaires contre l’Iraq, le Ministre a répondu que la question ne se posait pas en ces termes. Dans tous les cas, il appartiendra au Conseil de sécurité de se déterminer sur cette question et on ne peut anticiper ses décisions.
Rappelant que le Président Bush a mentionné dans son discours de ce matin la nécessité d’un changement de régime en Iraq, un journaliste a demandé si un tel objectif pourrait figurer dans une résolution de l’ONU. Le Ministre a répondu que la France désapprouvait le régime iraqien mais que ce n’est pas un sujet qui peut être abordé par les Nations Unies.
Interrogé sur la crise du Moyen-Orient, le Ministre a dit qu’il est important que les résolutions de l’ONU soient appliquées partout; il ne doit pas y avoir deux poids, deux mesures. Il est essentiel d’avoir conscience de l’interaction entre les crises. Il y a un grand devoir de la communauté internationale de se mobiliser et il ne suffit pas de stabiliser les problèmes dans ces différentes crises, il importe de les régler. C’est pourquoi nous préconisons la convocation d’une conférence internationale pour avancer dans la création d’un Etat palestinien, seule façon de permettre à la région de retrouver la paix.
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