LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO INTRODUIT UNE INSTANCE CONTRE LE RWANDA EN INVOQUANT DES VIOLATIONS MASSIVES DES DROITS DE L'HOMME PAR LE RWANDA SUR LE TERRITOIRE CONGOLAIS
Communiqué de presse CIJ/603 |
LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO INTRODUIT UNE INSTANCE CONTRE LE RWANDA EN INVOQUANT DES VIOLATIONS MASSIVES DES DROITS DE L'HOMME PAR LE RWANDA SUR LE TERRITOIRE CONGOLAIS
La République démocratique du Congo demande
à la Cour d'indiquer d'urgence des mesures conservatoires
(Publié tel que reçu de La Haye)
LA HAYE, le 28 mai 2002 -- La République démocratique du Congo (RDC) a déposé ce jour au Greffe de la Cour une requête introductive d'instance contre le Rwanda en raison «des violations massives, graves et flagrantes des droits de l'homme et du droit international humanitaire» découlant «des actes d'agression armée perpétrés par le Rwanda sur le territoire de la République démocratique du Congo en violation flagrante de la souveraineté et de l'intégralité territoriale de la République démocratique du Congo, garantie par les Chartes de l'ONU et de l'OUA».
Dans sa requête, la RDC estime que le Rwanda est coupable d'«agression armée» depuis août 1998 et jusqu'à ce jour. Cette agression a selon elle entraîné des «massacres humains à grande échelle» dans le Sud-Kivu, la province du Katanga et la province orientale, des «viols et violences sexuelles faites aux femmes», des «assassinats et enlèvements des acteurs politiques et activistes des droits de l'homme», des «arrestations, détentions arbitraires, traitements inhumains et dégradants», des «pillages systématiques des institutions publiques et privées, expropriations des biens de la population civile», des «violations des droits de l'homme commises par les troupes d'invasion rwandaises et leurs alliés «rebelles» dans les grandes cités de l'est» de la RDC, ainsi qu'une «destruction de la faune et de la flore» du pays.
En conséquence, la République démocratique du Congo prie la Cour «de dire et juger que :
a) le Rwanda a violé et viole la Charte de l'ONU (article 2, paragraphes 3 et 4) en violant les droits de l'homme qui sont le but poursuivi par les Nations Unies au terme du maintien de la paix et de la sécurité internationales, de même que les articles 3 et 4 de la charte de l'OUA;
b) le Rwanda a violé la Charte internationale des droits de l'homme ainsi que les principaux instruments protecteurs des droits de l'homme dont notamment la convention sur l'élimination des discriminations à l'égard des
femmes, la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, la Constitution de l'OMS, le Statut de l'Unesco;
c) en abattant à Kindu, le 9 octobre 1998, un Boeing 727, propriété de la compagnie Congo Airlines, et en provoquant ainsi la mort de quarante personnes civiles, le Rwanda a également violé la Charte de l'ONU, la convention relative à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944 signée à Chicago, la convention de La Haye du 16 décembre 1970 pour la répression de la capture illicite d'aéronefs et la convention de Montréal du 23 septembre 1971 pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile;
d) en tuant, massacrant, violant, égorgeant, crucifiant, le Rwanda s'est rendu coupable d'un génocide de plus de trois millions cinq cent mille Congolais, ajoutées les victimes des récents massacres dans la ville de Kisangani, et a violé le droit sacré à la vie prévu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans le Pacte international sur les droits civils et politiques, la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, et d'autres instruments juridiques internationaux pertinents.
En conséquence, et conformément aux obligations juridiques internationales susmentionnées, dire et juger que :
1) toute force armée rwandaise à la base de l'agression doit quitter sans délai le territoire de la République démocratique du Congo; afin de permettre à la population congolaise de jouir pleinement de ses droits à la paix, à la sécurité, à ses ressources et au développement;
2) le Rwanda a l'obligation de faire en sorte que ses forces armées et autres se retirent immédiatement et sans condition du territoire congolais;
3) la République démocratique du Congo a droit à obtenir du Rwanda le dédommagement de tous actes de pillages, destructions, massacres, déportations de biens et des personnes et autres méfaits qui sont imputables au Rwanda et pour lesquels la République démocratique du Congo se réserve le droit de fixer ultérieurement une évaluation précise des préjudices, outre la restitution des biens emportés.
Elle se réserve aussi le droit de faire valoir en cours d'instance les autres préjudices par elle et sa population subis.»
La RDC indique en outre, dans sa requête, que la compétence de la Cour pour connaître du différend qui l'oppose au Rwanda «découl[e] des clauses compromissoires» contenues dans de nombreux instruments juridiques internationaux. Elle cite à cet égard la convention de 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la convention internationale de 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la convention de 1948 sur la Prévention et la répression du crime de génocide, la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), le Statut de l'ONU pour l'éducation, la science et la culture, la convention de New York de 1984 contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants et la convention de Montréal de 1971 pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile. La RDC ajoute que la compétence de la Cour découle aussi de la suprématie des normes impératives (jus cogens) en matière de droits de l'homme, telles que reflétées dans certains traités et conventions internationaux.
La République démocratique du Congo a également déposé ce jour une demande en indication de mesures conservatoires. Elle y expose que, outre les nombreux «crimes repris dans la requête introductive d'instance et dont est auteur le Rwanda, la demande urgente des mesures conservatoires par la République démocratique du Congo se justifie amplement du fait de la continuation des massacres (débutés en août 1998) depuis janvier 2002 à ce jour, malgré de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et de la Commission des droits de l'homme de l'ONU.» La RDC précise que les mesures conservatoires dont elle demande l'indication «en attendant que la Cour rende sa décision quant au fond [visent à] éviter que des préjudices irréparables soient causés à ses droits légitimes et à ceux de sa population du fait de l'occupation d'une partie de son territoire par les troupes rwandaises». Elle souligne que «ne pas ordonner dans l'immédiat les mesures sollicitées conduirait à des conséquences humanitaires non réparables ni à court terme ni à long terme.»
Des audiences sur la demande en indication de mesures conservatoires se tiendront le jeudi 13 juin 2002, de 10 à 13 heures (RDC) et de 15 à 18 heures (Rwanda), et en cas de nécessité le vendredi 14 juin 2002 dans la matinée.
Le texte intégral de la requête introductive d'instance et de la demande en indication de mesures conservatoires de la République démocratique du Congo sera prochainement disponible sur le site Internet de la Cour (www.icj-cij.org).
Département de l'information: M. Arthur Th. Witteveen, premier secrétaire de la Cour (+ 31 70 302 23 36), Mme Laurence Blairon et M. Boris Heim, attachés d'information (+ 31 70 302 23 37). Adresse électronique: information@icj-cij.org
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