L/2976

LES DELEGATIONS, UNANIMES POUR CONDAMNER LE CLONAGE REPRODUCTIF, SONT FAVORABLES A L'ELABORATION D'UNE CONVENTION JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANTE VISANT SON INTERDICTION

26/02/2002
Communiqué de presse
L/2976


Comité spécial sur la convention

internationale contre le clonage

d’êtres humains à des fins de reproduction

3ème séance – matin


LES DELEGATIONS, UNANIMES POUR CONDAMNER LE CLONAGE REPRODUCTIF, SONT FAVORABLES A L'ELABORATION D'UNE CONVENTION JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANTE VISANT SON INTERDICTION


Elles restent cependant divisées sur la question du clonage thérapeutique


C'est de façon unanime que les délégations ont ce matin, dans le cadre du débat général du Comité spécial chargé des travaux préliminaires en vue de l’élaboration d’une convention internationale contre le clonage d'êtres humains à des fins de reproduction, condamné le clonage humain à des fins reproductives.  Ce clonage, considéré comme une atteinte aux droits de l'homme les plus fondamentaux, et ouvrant, selon le représentant de la France, "la voie à la prédétermination de l'enfant et à l'instrumentalisation de la personne humaine" a été qualifié par le représentant de la République de Corée comme une des "applications les plus inhumaines de la technologie scientifique".  En conséquence, les délégations ont apporté un soutien massif à la proposition présentée par la France et l'Allemagne et visant à élaborer une convention internationale qui interdirait expressément le clonage d'êtres humains à des fins de reproduction.  Le représentant de l'Allemagne a souhaité qu'un mandat de négociation soit rapidement adopté en vue de l'adoption de la convention d’ici à la fin 2003.  "Notre objectif est d'arriver à une interdiction universelle du clonage humain, grâce à des normes universelles juridiquement contraignantes", a-t-il expliqué.


Evaluant la faisabilité d'un tel texte, les délégués se sont à plusieurs reprises référés aux instruments juridiques internationaux déjà existants en la matière, et notamment au Protocole additionnel à la Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain, élaboré par le Conseil de l'Europe.  Ce Protocole de janvier 1998 interdit "toute intervention ayant pour but de créer un être humain génétiquement identique à un autre être humain vivant ou mort" et pourrait servir, selon la représentante de la Croatie, d'instrument modèle.  Celle-ci a également proposé que la future convention soit élaborée dans le contexte des droits de l'homme, qu'elle identifie précisément les droits de l'homme qui sont menacés par le clonage et qu'elle établisse un comité chargé de contrôler la mise en oeuvre de la convention au niveau national.


Mais si le clonage reproductif a ce matin suscité la réprobation générale, il n'en va pas de même pour le clonage à des fins thérapeutiques qui, lui, divise les délégations.  Alors que certains pays, à l'instar de la Chine, considèrent que le clonage thérapeutique doit être distingué du clonage reproductif et ne doit pas être inclus dans l'interdiction que vise la future convention, d'autres, tels que l'Espagne, les Etats-Unis, ou l'Ouganda, estiment que la distinction opérée entre clonage thérapeutique et clonage reproductif est sans fondement éthique.  Ainsi, le représentant de l'Espagne a fait valoir que "l'embryon est un être humain, quel que soit le stade de son développement, ce qui exclut qu’on puisse le détruire à des fins utilitaires".  Les dérives possibles du clonage thérapeutique, telles que le commerce clandestin des clones, ont également été évoquées.


Au-delà de ces divergences, c'est cependant un appel en faveur de la négociation rapide d'un texte qui a prévalu.  Ainsi, le Portugal et le Japon ont demandé que, dans un premier temps, on laisse de côté les questions non consensuelles afin d'élaborer rapidement un texte international et juridiquement contraignant qui interdise le clonage humain à des fins reproductives.  Il s'agit en effet d'agir avec la plus grande diligence car la course est ouverte avec les laboratoires qui ont annoncé, à grands renforts de publicité, de se lancer dans la recherche afin de produire des clones humains.  Dans le même ordre d'idées, la représentante de la Suède, s'exprimant au nom des pays nordiques, a souhaité que la future convention ne porte que sur le clonage reproductif afin de ne pas perdre de temps à élargir la discussion à d'autres thèmes.


Outre les représentants des pays cités, se sont également exprimés les représentants des pays suivants : Malaisie, Brésil,  Fédération de Russie, Israël, Liechtenstein, et Costa Rica.  Ont aussi pris la parole l'Observateur du Saint-Siège ainsi que les représentantes de l'Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de la Commission européenne.


Le Comité poursuivra ses travaux cet-après midi, en groupe de travail, sur la question des instruments juridiques internationaux.  Il tiendra sa prochaine séance plénière à une date qui sera annoncée dans le Journal.


Travaux préliminaires en vue de l’élaboration d’une convention internationale contre le clonage d’êtres humains à des fins de reproduction


Débat général


M. YOSHIYUKI MOTOMURA (Japon) a déclaré que son pays s'oppose au clonage reproductif, position consacrée par une loi votée en novembre 2000 qui fait du clonage reproductif une infraction passible de sanctions.  Cette interdiction doit cependant être limitée au clonage reproductif d'être humains, a continué le représentant, faisant valoir trois raisons: d'abord, le Japon interdit le clonage reproductif parce qu'il va à l’encontre le principe de la dignité humaine, parce que la reproduction asexuée pourrait entraîner des désordres sociaux, et parce que les faibles taux de réussite mettent en danger la vie humaine et l'intégrité du corps humain.  En deuxième lieu cependant, la biotechnologie contribue au progrès médical et, pour cette raison, la création par le clonage d'embryons dans un objectif thérapeutique doit être acceptée.  Le représentant s'est enfin prononcé en faveur de l'établissement rapide de mesures internationales interdisant le clonage reproductif, s'inquiétant de ce que les discussions relatives à l'éthique puissent retarder de telles mesures.


M. AGAM HASMY (Malaisie) a déclaré appuyer l'initiative de la France et de l'Allemagne relative à l'interdiction du clonage reproductif.  Appréciant les possibilités médicales ouvertes par le clonage dans le domaine médical, le représentant s'est déclaré inquiet face aux incertitudes qui pèsent sur le processus et face aux dilemmes moraux qu'il pose.  En plus des considérations morales, religieuses et éthiques, la technologie est dans l'état actuel des choses beaucoup trop risquée pour être considérée sérieusement, a-t-il ajouté.  M. Hasmy a ensuite souhaité que le projet de convention prenne en compte les préoccupations spécifiques des pays pluriculturels et plurireligieux tels que la Malaisie.  Son pays ne dispose à ce jour d'aucune loi sur le clonage reproductif, a continué le représentant, mais a l'intention de l'interdire.  En ce qui concerne le projet de convention, M. Hasmy a indiqué que la Malaisie s'oppose au clonage reproductif mais n'a pas encore défini de position quant au clonage thérapeutique.


M. XU CHEN (Chine) a constaté l'attention accrue que reçoit le clonage au sein de la communauté internationale et le caractère impératif de la nécessité de prendre des mesures dans ce domaine.  La Chine appuie l'interdiction du clonage reproductif, a-t-il affirmé.  Certes le clonage ouvre des perspectives en matière de traitement des maladies humaines, a-t-il relevé, mais les abus peuvent entraîner de graves problèmes.  Le Gouvernement chinois estime que le clonage va à l'encontre de la dignité humaine et qu'il ne faut pas accepter ces expériences.  Dans la pratique, il faut toutefois faire une différence entre les deux types de clonage, thérapeutique et reproductif.  Le représentant a précisé que son Gouvernement se prépare actuellement à prendre des mesures pertinentes en la matière.  Il a souligné que l’élaboration d'une convention internationale amène à traiter de nombreuses questions d'ordre différent et qu'il faut être attentif aux avis des experts, afin de prendre des décisions bien fondées.


Mme CAROLYN WILLSON (Etats-Unis) a rappelé les deux sortes d'expérimentations menées par les scientifiques dans la transplantation de cellules nucléaires, le clonage "reproductif" et le clonage dit "thérapeutique" ou "de recherche" ou encore "expérimental".  Elle a souligné que ce dernier implique la destruction de l'embryon aux fins de prélever des cellules souche embryonnaires qui sont utilisées dans la thérapie cellulaire.  S'agissant du clonage reproductif, il est dangereux, a-t-elle estimé, car il soulève de nombreuses préoccupations éthiques, notamment en ce qu'il inflige au clone une constitution génétique qui a déjà vécu.  En outre, c'est un pas de géant vers une société où la vie serait produite dans le but de fournir des pièces détachées et des enfants seraient mis au monde dans une perspective eugénique.


Pour la représentante, une interdiction qui ne s'appliquerait qu'au clonage à des fins de reproduction, mais omettrait le clonage expérimental, aboutirait donc à réduire la dignité de l'homme car il encouragerait la production et la destruction d'embryons.  Par conséquent, de l’avis de sa délégation, tout clonage humain doit être interdit.  Elle a aussi évoqué toutes les dérives que peuvent entraîner le clonage même thérapeutique, comme le commerce clandestin des clones.  En outre, la destruction d’une vie humaine naissante pénalise tous les efforts qui sont mis en oeuvre pour la respecter, a-t-elle fait valoir.  Selon Mme Wilson, une interdiction juridique du clonage thérapeutique donnerait le temps d'émettre des jugements mieux informés sur le clonage.  Les Etats-Unis, a-t-elle rappelé, estiment que les Etats doivent poursuivre la recherche en matière de cellules souche adultes, qui ne donne pas lieu à la destruction d'une vie humaine naissante.  Elle a conclu en réaffirmant la position des Etats-Unis pour une interdiction totale du clonage, qu'il soit reproductif ou thérapeutique.


M. CHRISTIAN MUCH (Allemagne), s'exprimant également au nom de la France, a indiqué que la question du clonage conduit à se poser les questions fondamentales suivantes: Qui sommes-nous?  Quel est notre destin?  Que pouvons-nous faire et que devons-nous faire pour construire un meilleur avenir?  Mon pays et la France, a continué le représentant, ont pris l'initiative de proposer une convention car certains laboratoires ont annoncé qu'ils commenceront prochainement les expériences visant à créer des clones humains, ce qui aurait des conséquences extrêmement graves pour la préservation de la dignité humaine.  Notre objectif est d'arriver à une interdiction universelle du clonage humain, grâce à des normes universelles juridiquement contraignantes, a-t-il indiqué.  Où en sommes nous aujourd'hui?  Certaines mesures ont déjà été prises: l'Assemblée générale a adopté la résolution 56/93, l'Organisation mondiale de la santé et l'UNESCO prennent activement part aux travaux sur la question, les débats se multiplient au sein de la société civile, des organisations professionnelles et des médias.  Cependant, nous ne devons pas nous arrêter là, a continué M. Much.  Il nous appartient maintenant de prendre des décisions importantes afin que la future convention soit formulée de façon appropriée et contienne les définitions génériques nécessaires.  Nous devons également examiner toutes les normes internationales qui existent déjà en matière du clonage humain reproductif.  M. Much a en conclusion souhaité qu'un mandat de négociation soit adopté et que les négociations débouchent sur un projet de convention qui pourrait être adopté avant la fin de l'année 2003, faisant valoir qu'il s'agit de gagner la course contre ceux qui veulent créer des clones humains.


M. JEAN-LUC FLORENT (France) a déclaré que la reproduction sexuelle constitue une garantie essentielle de la liberté et de la singularité de la personne humaine.  En effet, l'enfant né d'une procréation sexuée est nécessairement issu de la recombinaison aléatoire de deux patrimoines génétiques, celui du père et celui de la mère.  Les caractéristiques de l'enfant sont donc imprévisibles, elles échappent à toute tentative individuelle ou collective pour déterminer l'enfant.  Contrairement à la procréation sexuée, la reproduction asexuée ouvre la voie à la prédétermination de l'enfant et à l'instrumentalisation de la personne humaine, a expliqué le représentant, avant de déclarer qu'il est temps de réprouver clairement et fermement le défi lancé par certains et largement diffusé dans les médias, en faveur du clonage à des fins de reproduction d'êtres humains.


M. PEDRO DALCERO (Brésil) a relevé que l'initiative de l'Allemagne et de la France arrive à point nommé avec les questions que suscite la recherche récente en matière de clonage.  Il a précisé que le Brésil a adopté une loi sur la manipulation des embryons humains en 1995 et qu'il existe diverses commissions qui réfléchissent aux questions de biotechnologie et sur les programmes de génomes.  Le clonage de bovins à des fins biotechnologiques fait actuellement l'objet de recherche.  Dans le domaine de la médecine humaine, nos instituts de recherche ont acquis beaucoup d'expérience clinique, a-t-il ajouté, et ont les moyens de travailler avec des cellules souche embryonnaires humaines.  De l’avis de sa délégation, il faut mesurer les gains potentiels du clonage au regard des problèmes éthiques et moraux et trouver un équilibre juridique.  Il a relevé que l'approche pragmatique des problèmes à considérer donne lieu à des points de vue contradictoires qui ne vont pas disparaître d'un jour à l'autre, mais qu'un consensus est clair sur la volonté d'interdire le clonage reproductif.  Certes l'adoption d'une convention ne serait pas une garantie parfaite contre la folie de certains, mais la communauté internationale doit adresser un message clair sur la volonté d'interdire le clonage reproductif de l'être humain.


Mme HARRIET WALLBERG-HENRIKSSON (Suède), s’exprimant au nom des pays nordiques, s'est félicitée de l'initiative de l'Allemagne et de la France et s'est déclarée prête à entamer les travaux importants d'élaboration d'une convention visant à interdire le clonage reproductif d'êtres humains.  Les discussions doivent se situer uniquement dans le cadre qui a été décidé par la résolution de l'Assemblée générale, a-t-elle souhaité.  Elle a relevé qu'un accord général se dégage quant à la priorité à accorder à la question du clonage reproductif et que l’on risque toutefois de perdre du temps à élargir la discussion à d'autres thèmes.  Le clonage reproductif d'êtres humains est interdit dans nos législations nationales, a-t-elle indiqué, et, de l’avis des pays nordiques, il devrait en être ainsi partout.


M. YOUNG-MOK KIM (République de Corée) a réaffirmé le plein soutien de son pays aux efforts collectifs visant à interdire le clonage humain à des fins de reproduction, qualifiant cette pratique d'une des plus inhumaines applications de la technologie scientifique.  C'est de manière très opportune que les Nations Unies cherchent aujourd'hui à ne tenir compte du progrès en matière de biotechnologies que de son aspect positif, celui qui permet de lutter contre la souffrance, les maladies incurables et le vieillissement.  Car, en effet, il est indéniable que l'essence des droits de l'homme réside dans la reconnaissance du caractère unique de l'identité de chaque individu et dans la lutte contre la

"commercialisation" de la vie humaine, a indiqué le représentant.  Rappelant que le consensus international en matière de clonage humain est déjà contenu dans la Déclaration universelle de l'UNESCO sur le génome humain et les droits de l'homme, et que nombre de pays ont déjà interdit dans leurs législations nationales le clonage humain, M. Kim a indiqué que son pays procède actuellement à l’élaboration d’une loi à cet effet.


Mme DUBRAVKA SIMONOVIC (Croatie) a estimé que la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des droits de l'homme et la dignité de l'être humain, de même que le Protocole additionnel sur l'interdiction du clonage des êtres humains, répondent de manière opportune aux défis posés par le développement des biotechnologies.  De même, la Déclaration universelle de l'UNESCO sur le génome humain et les droits de l'homme, même si elle ne constitue pas un instrument juridique contraignant, témoigne du consensus international qui existe en la matière.  C'est cette approche, a fait valoir la représentante, qui devrait servir d'exemple au Comité spécial.  Elle a en conséquence proposé que la future convention sur l’interdiction du clonage d’êtres humains à des fins de reproduction soit élaborée dans le contexte des droits de l'homme, qu'elle identifie précisément quels sont les droits de l'homme qui sont menacés par le clonage et qu'elle établisse un comité chargé de contrôler la mise en oeuvre de la convention au niveau national.


Mme ROSSETTE NYIRINKINDI (Ouganda) a expliqué qu'après les exposés des experts entendus hier, elle a été perplexe de constater que des embryons qui sont utilisés pour la recherche sont finalement tués et se révèlent des instruments permettant le prélèvement de cellules souche.  La devise de l'Ouganda étant "Pour Dieu et mon pays", a-t-elle rappelé, le Gouvernement et la population ougandaise ne peuvent donc pas tolérer qu'on usurpe la souveraineté de Dieu sur la création.  En outre, le clonage humain pose des défis sur le plan de la vie familiale, de l'enfance et de la société tout entière, compte tenu des implications psychosociales mises en lumière par les scientifiques.  Les tentatives de clonage sur les animaux qui ont échoué sont nombreuses et les clones mal formés ont été détruits, a-t-elle fait remarquer, ce qui laisse prévoir de tels échecs pour le clonage d'êtres humains.  Quel est l'avenir des hommes ainsi conçus et qui seront imparfaits?  Le clonage humain réduit l'humanité au statut de rats de laboratoire sur lesquels on fait des expériences.  Cela peut conduire, de l’avis de la délégation ougandaise, à des expérimentations qui auraient des effets très graves sur la dignité de l'être humain.  La représentante a estimé que la convention qui est envisagée doit fixer une norme minimale de bioéthique avec des mesures strictes régissant la recherche et le clonage d'embryons dans son ensemble. 


M. SERGEI SHESTAKOV (Fédération de Russie) a exprimé son inquiétude face au clonage reproductif d'êtres humains.  La bonne démarche pour résoudre les problèmes qui se posent, selon M. Shestakov, est de procéder à une évaluation scientifique des implications médicales et sociales, ainsi que de prendre en compte les avis des philosophes et des autorités politiques et religieuses.  Il a appuyé l'activité d'organisations internationales ayant une autorité en la matière, mais a considéré qu'il faut lutter aussi dans le cadre des Nations Unies.  La Fédération de Russie a adopté le 20 décembre 2001 un projet de loi fédérale sur l'interdiction temporaire du clonage d'être humain.  Ce projet prévoit l'interdiction temporaire et la pénalisation de ce clonage.  Cette interdiction temporaire permettra de prendre une décision pondérée dans cinq ans, pour statuer sur ces méthodes.  Enfin, en ce qui concerne la future convention internationale, il a estimé important qu'elle contienne des éléments permettant de tenir compte des recherches en matière de clonage thérapeutique.

M. TAL BECKER (Israël) a dit que son pays a été un des premiers à imposer un moratoire général, de cinq ans, sur les manipulations génétiques visant à développer le clonage humain.  Pendant ce temps, les questions éthiques, sociales et juridiques posées par les biotechnologies sont examinées par un comité consultatif, instance composée d'experts indépendants.  Israël a en effet privilégié une approche prudente qui reflète la conviction que nous n'en sommes qu'au début des progrès de la biotechnologie et que ce sont la dignité humaine, la nature de la société, l'individualité des êtres humains et la structure familiale qui sont en jeu.  Or, nous ne commençons qu'à considérer les dimensions morales, scientifiques, juridiques et religieuses du clonage humain, a continué le représentant, ajoutant que la science est encore à un stade préliminaire et qu'il est compréhensible qu'à ce niveau, nous ayons plus de questions que de réponses.  M. Becker a en conclusion proposé que la communauté internationale considère la possibilité que la convention internationale impose un moratoire, qui pourrait être révisé périodiquement, sur le clonage reproductif, jusqu'à ce que l'on en sache plus, plutôt que d'imposer une interdiction permanente.


M. RENATO R. MARTINO (Saint-Siège) a déclaré soutenir sans réserve une interdiction mondiale du clonage humain, quelles que soient les techniques utilisées et les objectifs poursuivis.  Cette position est fondée sur une analyse biologique du processus du clonage et sur les conséquences négatives aux niveaux anthropologique, social, éthique et juridique que le clonage aurait sur la vie, la dignité et les droits de l'homme.  Sur la base du statut biologique et anthropologique de l'embryon, et de la loi morale et civile selon laquelle il est illicite de tuer un innocent même si c'est pour le bien de la société, le Saint-Siège considère que la distinction entre clonage reproductif et clonage thérapeutique n'a aucune base juridique ou légale et est inacceptable.  Il n'est cependant pas opposé à l'utilisation de techniques de clonage pour obtenir des organismes biologiques autres que des embryons humains et pour générer des plantes.  Il n'est pas non plus opposé à la recherche utilisant des cellules souche post-natales comme moyen de transplantation de tissus.


M. JONATHAN HUSTON (Liechtenstein) a estimé qu'une convention interdisant le clonage reproductif d'êtres humains exprimerait concrètement le consensus international condamnant le clonage.  Au Liechtenstein, a-t-il indiqué, il y a actuellement un vide juridique dans ce domaine.  Une convention internationale serait par conséquent extrêmement utile pour combler ce vide.  De l'avis du représentant, il y a cependant des limites qui s'imposent à la future convention.  Celle-ci ne pourrait pas, par exemple, légiférer sur le statut moral de l'embryon, car c'est l'enjeu d'un débat politique et juridique au niveau national.  Il a aussi mis en garde sur le risque de ne pas trouver d'accord si on s’éloigne du thème principal de la discussion.  On pourra cependant poursuivre la discussion sur les autres formes de clonage au niveau international, a-t-il estimé.  Enfin, la délégation du Liechtenstein est en faveur d’un processus de révision de la convention après quelques années, au vu des résultats des recherches.


M. ANTONIO CAMPOS (Espagne) a déclaré appuyer la recherche scientifique pour la santé humaine, avec des méthodes qui respectent l'être humain, car celui-ci doit être protégé.  Sa délégation estime qu'il faut arriver à un accord pour interdire le clonage reproductif d'êtres humains, mais aussi le clonage thérapeutique.  De l’avis de M. Campos, le clonage thérapeutique présente deux inconvénients additionnels: on détruit des embryons et on crée des êtres identiques à un être humain malade, à d'autres fins que son existence propre,

pour assurer le bien-être d'un autre être humain.  Pour l'Espagne, l'embryon est au minimum une entité de l'espèce humaine, à quelque stade qu'il soit de son développement, ce qui exclut qu’on puisse le détruire à des fins utilitaires, car cela constituerait une instrumentalisation contraire à la dignité humaine.  Il a cité aussi les risques d'eugénisme qu'il a qualifiés inacceptables, ainsi que les problèmes juridiques et psychologiques qui découlent du clonage.  Pour lui, les gouvernements ont le devoir de s'opposer à toute pratique de cette nature.  Il a estimé que les actions qui engendrent un risque potentiel pour la santé doivent être remises en cause par les gouvernements.


Une convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain au regard de l'application de la biologie et de la médecine a ainsi été signée à Oviedo (Espagne), en 1997, interdisant la création d'embryons à des fins d'expérimentation.  En Espagne, le clonage reproductif ou thérapeutique est contraire à la dignité humaine et donc interdit.  Le représentant a estimé qu'il ne faut pas perdre l'occasion historique qui est donnée aux Etats d'assurer une protection maximale de l'humanité contre le clonage.  M. Campos a suggéré qu’un accord soit trouvé pour une interdiction universelle du clonage de l'être humain, tant reproductif que thérapeutique.


M. VILHENA DE CARVALHO (Portugal) a déclaré que son pays avait pris l'engagement d'interdire le clonage à des fins reproductives en ratifiant le Protocole facultatif du Conseil de l'Europe.  La question est urgente et un consensus d'envergure internationale doit être atteint rapidement, a poursuivi le représentant, faisant valoir que les risques sont bien connus, non seulement ceux qui sont relatifs au clonage mais aussi ceux qui résultent de l'absence d'instrument juridique international et contraignant en la matière.  Il a souhaité que la communauté internationale ne s'engage pas sur des terrains où il n'y a pas d'ententes ni de consensus, qu'elle garde les sujets portant à polémique pour plus tard et qu'elle se mobilise rapidement pour interdire le clonage humain.


M. CARLOS DIAZ PANIAGUA (Costa Rica) a indiqué que la vie humaine commence dès la conception et tout être humain a, dès ce moment, des droits inaliénables.  Un embryon est un être en soi et ne peut être instrumentalisé ni utilisé à d'autres fins, a-t-il ajouté.  La personne humaine est davantage qu'un ensemble de cellules et ne peut être considérée comme le résultat de techniques scientifiques, a indiqué le représentant, affirmant qu'une approche relativiste en la matière serait inacceptable pour la délégation du Costa Rica.


Mme ORIO IKEBE, Organisation des Nations Unies pour l'éducation, les sciences et la culture (UNESCO), a rappelé la création, sur son initiative, du Comité international de bioéthique et celle, ultérieurement, d'un Comité intergouvernemental de bioéthique.  Elle a cité la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme, notamment son article 11 qui dispose que les pratiques contraires à la dignité humaine, comme le clonage reproductif d'êtres humains, ne peuvent pas être autorisées.  Dans cette Déclaration, les gouvernements sont invités à prendre des mesures pour les interdire, a-t-elle rappelé.  La question du clonage reproductif d'êtres humains a aussi été examinée lors de la table ronde des ministres des sciences de 101 Etats membres, qui vient d'avoir lieu à Paris, au siège de l'UNESCO.  Ces ministres ont réaffirmé que le

clonage reproductif d'êtres humains est contraire à la vie humaine.  L'UNESCO est heureuse de voir que le principe de l'article 11 est maintenant examiné au niveau international en vue d'élaborer une convention.  Sa représentante a indiqué que l'UNESCO a déjà commencé à collaborer aux travaux du Comité spécial, en suggérant les noms des experts qui sont intervenus hier et en distribuant des documents sur le sujet.  Enfin, elle a indiqué que l'UNESCO serait disposée à réaliser des études scientifiques et techniques pour actualiser les documents qu'elle a déjà établis.


Mme NICOLE BIROS, Organisation mondiale de la santé (OMS), a précisé que l'OMS offre son concours au Comité spécial.  Pendant 50 ans, a-t-elle rappelé, l'OMS a édicté des normes techniques et des directives de bonne pratique, pour coordonner les travaux scientifiques dans le domaine international.  Elle appuie ainsi les efforts réalisés au niveau national.  Les Etats membres de l'OMS ont traité de la question du clonage à plusieurs reprises, affirmant notamment que le clonage reproductif d'êtres humains était éthiquement inacceptable et contraire à l'intégrité et à la dignité humaine.  Cela ne doit pas conduire cependant à une interdiction indifférenciée de toute recherche en matière de clonage, notamment à des fins médicales.  Mme Biros a précisé qu’en 1998 à partir des activités de l'OMS, un rapport a été demandé et a recommandé notamment un programme de recherche sur la reproduction pour évaluer les développements techniques récents.  D'autres recommandations vont être publiées dans deux mois, par exemple sur la manipulation et la cryopréservation des gamètes, le diagnostic génétique préimplantatoire, et les problèmes psychosociaux.  Ces recommandations pourraient constituer une ressource importante pour le Comité, a considéré la représentante.  Le développement d'un instrument juridique tel qu'il est envisagé aujourd'hui exigera d'importants travaux de préparation, selon Mme Biros, et il faudra parvenir à un consensus universel.  L'OMS travaille déjà en étroite collaboration avec l'UNESCO et est prête à coopérer avec le Comité spécial.


Mme BARBARA RHODE (Commission européenne) a commenté la Charte européenne des droits fondamentaux, adoptée en décembre 2000 à Nice (France), qui prévoit notamment les principes à respecter dans le domaine de la médecine et de la biologie.  Elle a cité à ce titre l'interdiction du clonage reproductif d'êtres humains.  Par ailleurs, elle a noté que les réglementations sur les recherches sont très diverses au sein de l'Union européenne.  Elle a déclaré qu'il faut suivre les principes éthiques fondamentaux sur lesquels les pays peuvent s'entendre, notamment la protection de la dignité des êtres humains.  La représentante de la Commission s'est enfin félicitée de l'initiative franco-allemande visant à élaborer une convention interdisant le clonage reproductif d'êtres humains.


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