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PMA/118

LE PREJUDICE CAUSE AUX PMA PAR LA NEGLIGENCE DU SECTEUR AGRICOLE DOIT ETRE REPARE PAR UNE STRATEGIE FONDEE SUR L’HABILITATION DES POPULATIONS RURALES

15/05/2001
Communiqué de presse
PMA/118


Troisième Conférence des Nations Unies

sur les pays les moins avancés


LE PREJUDICE CAUSE AUX PMA PAR LA NEGLIGENCE DU SECTEUR AGRICOLE DOIT ETRE REPARE PAR UNE STRATEGIE  FONDEE SUR L’HABILITATION DES POPULATIONS RURALES


Bruxelles, 15 mai -- Ce matin, la question du développement des capacités productives dans le secteur agricole et pour assurer la sécurité alimentaire a fait l’objet d’un dialogue interactif dans le cadre de la Troisième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés (PMA).  Préparé par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture* (FAO), le dialogue, qui a été dirigé conjointement  par le Ministre du commerce et de l’industrie du Bhoutan, M. Khandu Wangchuk, et le Secrétaire d’Etat à la coopération au développement de la Belgique, M. Eddy Boutmans, a permis aux participants de réaffirmer le lien entre le développement agricole, la sécurité alimentaire, le développement rural et l’élimination de la pauvreté; et de préconiser des actions à prendre par les partenaires du développement aux niveaux bilatéral et multilatéral.


Le secteur agricole est, dans une large mesure, le pilier de la plupart des économies des PMA.  L’agriculture et la pêche représentent à elles seules plus de 36% du PIB et plus de 80% des recettes à l’exportation.  Plus de 70% de la population de ces pays a son emploi principal dans le secteur des produits de base primaire, la majeure partie étant employée dans l’agriculture de subsistance.  Le problème est que le gros des exportations de chaque PMA n’est généralement constitué que de deux ou trois produits de base et que dans certains PMA, un seul produit représente plus de 69% des recettes à l’exportation.  Il apparaît, en outre, que dans ces pays, la production agricole n’ait pas suivi le rythme de l’accroissement de la population rendant impossibles l’autonomie alimentaire et l’augmentation des exportations. 


De plus, la productivité en la matière est entravée par les aléas du climat et des autres catastrophes naturelles, par les insuffisances d’intrants agricoles et des techniques de production primitives.  Toutefois, les contraintes les plus importantes sont la forte instabilité des cours et des recettes et la dépendance à l’égard de l’évolution des marchés des produits de base et des marchés internationaux.  L’accès à ces marchés est en plus souvent bloqué par l’incapacité à respecter les normes sanitaires, phytosanitaires et les autres normes techniques.**


      Avant d’avancer les solutions à apporter à ces problèmes, les participants à la table ronde se sont d’abord mis d’accord pour dire que le secteur agricole dans les PMA demeure, à bien des égards, inexploité.  Ainsi, le Directeur général adjoint de la FAO a prévenu que si les niveaux d’investissement et d’aide extérieure qui existent en ce moment en Afrique subsaharienne  restent les mêmes, ce continent connaîtra un déficit de 38% de production agricole par rapport aux


objectifs fixés par les organisations internationales pour 2015, à savoir réduire de moitié la faim dans le monde.  S’agissant des investissements dans le secteur agricole en Afrique, le Coordonnateur général de la Conférence des Ministres de l’agriculture des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, a estimé que les lacunes en la matière sont d’abord attribuables  au manque d’engagement politique des dirigeants des PMA et au manque de cohérence et d’efficacité dans les politiques, lorsqu’ils en adoptent. 


Pour lui, étant donné le caractère irréversible de la mondialisation du commerce agricole, il est nécessaire de poursuivre les réformes pour améliorer le cadre économique, en se fixant comme priorités l’organisation de marchés régionaux et l’amélioration de la compétitivité et de la qualité des produits.  Sur le point de la qualité des produits, le  Directeur général du Service international de recherches agricoles nationales (ISNAR) a aussi stigmatisé le désengagement des dirigeants des PMA en leur demandant « de cesser d’assister de façon passive à la destruction de leurs propres capacités de recherche agricole ».  Ils doivent comprendre, a-t-il dit, que tant qu’ils ne sont pas solvables, en termes commerciaux, leur intérêt est de soutenir les recherches endogènes, basées sur l’expérience de leurs communautés rurales.


L’expérience des communautés nationales a été particulièrement défendue par le Président du Fonds international pour le développement de l’agriculture (FIDA) qui a mis en avant le concept d’habilitation comme élément clé de tout processus national et international en matière de développement agricole.  Arguant ainsi d’une thèse participative, il a jugé essentiel que les agriculteurs et, en l’occurrence, les pauvres ruraux soient considérés comme de véritables experts de la question et associés à toute réflexion en la matière.  Cette théorie, a-t-il expliqué exige des réformes dans la politique de l’investissement, de la technologie, des marchés et de réforme des institutions.  


Cet après-midi, à 15 heures aura lieu un dialogue interactif sur le lien entre la propriété intellectuelle et le développement.


Développer les capacités productives: secteur agricole et sécurité alimentaire


M. EDDY BOUTMANS, Secrétaire d’Etat à la coopération au développement de la Belgique, a ouvert le débat sur le développement des capacités productives concernant le secteur agricole et la sécurité alimentaire, en se posant des questions sur la situation que vivent les populations rurales et agricoles des PMA en cette période de mondialisation.  Le débat interactif, a estimé M. Boutmans, devra répondre aux questions qui existent sur la place de l’agriculture dans l’économie des PMA, dont beaucoup dépendent étroitement de ce secteur.  Les questions liées aux subventions versées aux producteurs agricoles des pays développés, qui créent un manque à gagner et portent atteinte à la compétitivité de l’agriculture des PMA, doivent trouver des réponses.


Prenant la parole à son tour, M. KHANDU WANGCHUK, Ministre du commerce et de l’industrie du Bhoutan, et coanimateur du débat, a rappelé le rôle central de l’agriculture dans les économies des PMA.  Cette activité est souvent la première source des revenus des populations, et les produits agricoles sont la matière première de la plupart des industries de transformation qui existent dans les PMA.  La conservation de l’environnement naturel s’avère cruciale pour la survie agricole des PMA, dont la sécurité alimentaire ne peut être assurée que grâce aux produits locaux, a estimé M. Wangchuk.  On ne peut d’autre part nier le besoin d’augmenter la productivité agricole, a-t-il poursuivi en relevant que les PMA n’avaient cependant pas eux-mêmes la capacité de recherche scientifique et technique pour y arriver.


Il apparaît, a constaté le Ministre, que la sécurité alimentaire ne se limite cependant pas à l’augmentation de la production, mais tient aussi aux capacités de distribution qu’ont les pays, et les PMA ont besoin de soutien pour corriger cet aspect du problème.  La modernisation de l’agriculture doit, quant à elle, être promue en respectant les avantages de chaque pays.  Les PMA continueront d’avoir besoin d’assistance extérieure pour parvenir à la sécurité alimentaire.  Et cette question, a dit M. Wangchuk, doit aussi être discutée à la lumière de la mondialisation, dont les mécanismes créent des distorsions qui portent préjudice à la production agricole des pays en développement.


M. H. DE HAEN, Directeur général adjoint de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a déclaré que l’objectif de cette rencontre devait être de trouver des réponses à des questions clefs concernant l’agriculture des PMA.  Nous sommes d’avis que les réponses pour assurer la sécurité alimentaire dépendent de questions qui vont au-delà du seul monde rural, a-t-il estimé.  Quelles leçons peut-on tirer des expériences du passé en matière agricole, s’est interrogé M. De Haen, qui a rappelé que peu de pays aujourd’hui riches se sont développés sans une forte base économique agricole.  Mais dans les PMA, plus de deux tiers des pauvres sont, curieusement dans les zones rurales.  Le développement agricole exige une atmosphère de paix et de stabilité, la santé des travailleurs et des perspectives de commercialisation de la production, conditions qui sont absentes de ces pays.


Concernant la sécurité alimentaire, le nombre des personnes mal nourries dans les PMA a presque doublé en trente ans, selon les constats de la FAO.  Cependant, des pays comme le Bénin et la Mauritanie enregistrent des niveaux de productivité agricole qui sont presque le double de ceux qu’ils avaient, il y a trente ans.  Mais le véritable potentiel agricole de ces pays est loin d’être complètement exploité. Les catastrophes naturelles, les maladies comme le  sida, et l’instabilité politique portent des coups durs au développement agricole de la plupart des PMA. 


La concurrence sur les marchés d’exportation est, quant à elle,  préjudiciable au développement agricole des PMA, dont beaucoup n’ont pas les infrastructures qui pourraient les rendre compétitifs.  Dans les PMA, l’élimination des barrières commerciales et douanières a exposé les produits locaux à la compétition de ceux des pays riches.  Beaucoup de PMA rencontrent des difficultés liées à leur manque de maîtrise des technologies agricoles modernes, et au manque d’eau.  Ils ne pratiquent pas l’agriculture.  Il s’agit là de lourds handicaps à l’agriculture de ces pays.  Les PMA devraient recevoir les moyens de participer à la recherche agricole mondiale.  Une nouvelle stratégie doit donner aux pauvres, aux femmes et aux jeunes les moyens de participer à l’économie agricole.  Si le niveau d’investissement qui existe en ce moment en Afrique subsaharienne reste le même, ce continent connaîtra un déficit de 38% de production agricole par rapport aux objectifs fixés par la FAO et les autres organisations internationales pour 2015.  L’assistance extérieure en faveur du développement agricole a diminué de 20% au cours de la décennie écoulée.  Il faudrait rétablir cette aide.  La maîtrise des ressources génétiques est d’autre part nécessaire, si l’on veut arriver à une sécurité alimentaire stable.  La FAO a établi un codex alimentaire dont le respect des normes aiderait les PMA à s’aligner sur les grands principes de production internationaux.  Nous attendons une suite au Sommet alimentaire mondial tenu en 1996 au cours duquel des engagements avaient été pris en matière de sécurité alimentaire. 


M. LENNART BAGE, Président du Fonds international pour le développement de l’agriculture (FIDA), a estimé que l’objectif du Sommet du Millénaire de réduire de moitié la pauvreté extrême d’ici 2015 est ambitieux mais pas irréalisable lorsque l’on constate que des pays asiatiques ont pu les réaliser sur une durée de 25 ans.  La situation particulière de l’Afrique requiert une nouvelle approche qui doit être fondée sur la nécessité d’assurer une croissance économique d’un taux de 7% par an.  Pour ce faire, le point de départ est de considérer les pauvres ruraux non pas comme une charge sociale mais comme « des vecteurs de changement pour le secteur primaire ».  S’il faut évaluer leurs besoins, il faut surtout évaluer leurs forces et les considérer comme de véritables « experts de leur situation ».  Le concept d’habilitation devient donc l’élément clé de tout processus national ou international.  Néanmoins, cette habilitation ne servirait à rien si les moyens matériels ne sont pas accordés.  Ayant expliqué cela, M. Bage a cité quatre points qui, selon lui, sont  essentiels en la matière.  Il s’agit de l’investissement, de la technologie, des marchés et des institutions.


Au titre du premier point, il a plaidé pour une reconnaissance des droits coutumiers en ce qui concerne la terre et l’eau et pour une réforme agraire.  En ce qui concerne la technologie, il a souligné l’importance qu’il y a à fournir aux producteurs ruraux des services plus ciblés.  La recherche agricole en particulier doit être ciblée et tenir compte des modes de production, par exemple, l’utilisation des animaux dans les zones arides.  S’agissant des marchés, il a argué qu’un accès équitable est un élément essentiel d’autant plus que dans les zones rurales, les frais de transaction sont élevés et les infrastructures lamentables.  Enfin, concernant les institutions, un besoin de changement est évident, a-t-il dit avant de préciser que l’habilitation des pauvres ruraux implique un changement d’esprit des gouvernants des PMA eux-mêmes qui doivent mettre en œuvre de vraies politiques de développement rural.  Plaidant aussi pour une augmentation de l’aide publique au développement (APD), il a souhaité que cette aide soit recentrée sur l’agriculture. L’appropriation des projets par la population et leur participation sont des éléments clefs à tout succès tout comme la souplesse des donateurs, a insisté l’orateur. 


A son tour, M. BABA DIOUM, Coordonnateur général de la Conférence des Ministres de l’agriculture des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, a dénoncé le manque de vision politique, la faiblesse des capacités humaines, l’absence d’accès aux technologies, le faible niveau de coordination des producteurs et les aspects iniques des échanges commerciaux agricoles.  S’attardant sur le cas africain, il a estimé qu’avant le manque de ressources, le problème vient plutôt du manque d’engagement politique, du manque de cohérence et d’efficacité des politiques appliquées.  Il a donc jugé utile de poursuivre les réformes pour améliorer le cadre économique, à savoir organiser les marchés régionaux et améliorer la compétitivité et la qualité des produits.  Partant, il faut, au niveau national, promouvoir des cadres de concertation entre tous les acteurs concernés, améliorer les capacités techniques des producteurs et des vendeurs tandis qu’au niveau régional, il faut œuvrer à la construction d’un marché commun.  Au niveau international, il faut que les partenaires éliminent leurs politiques de subsides.  Le problème n’est pas d’accorder des préférences mais d’instaurer un cadre d’égalité et d’équité.  Dans ce cadre, la renégociation de certaines règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’avèrent nécessaires, a conclu l’orateur. 


Intervenant également, M. SARTAJ AZIZ, ancien Ministre des affaires étrangères et des finances du Pakistan, a estimé que la question qu’il faut se poser est de savoir pourquoi le potentiel immense des PMA en matière de développement agricole n’est pas exploité.  Il a estimé qu’il est impératif pour accélérer la croissance et améliorer la sécurité alimentaire, d’annuler d’abord la dette des PMA.  Partant, il a préconisé un renforcement de la coopération interinstitutions qui serait chargée de gérer les fonds ainsi économisés et les flux d’APD en s’assurant qu’ils sont bien investis dans des projets en faveur des pauvres ruraux.  M. Aziz a également suggéré aux pays donateurs de créer des fonds spéciaux pour la lutte contre la pauvreté rurale dans les PMA.  Aux PMA, il a conseillé l’élaboration de politiques macroéconomiques saines, des investissements dans le secteur agricole et un strict respect des droits sociaux et culturels de la population rurale.  C’est la seule manière pour les PMA d’acquérir l’autorité et la crédibilité nécessaires pour exiger de la communauté internationale l’aide requise, a estimé M. Aziz.


M. TRIPATHY, Chef de la Division de l’agriculture de la  Banque africaine de développement (BAD), a déclaré que la BAD a réussi à maintenir le flux de ses financements à l’agriculture malgré la baisse des crédits d’aide extérieure.  Les capacités en matière agricole au niveau des pays sont malheureusement à la baisse, du fait de l’absence de planification, a-t-il dit.  Une plus grande diversification de communautés rurales est nécessaire, si l’on veut atteindre un taux de croissance agricole soutenue de 7% dont les PMA ont besoin pour réduire leur pauvreté. 


Au 31 décembre 2000, la BAD a approuvé 5,3 milliards de dollars de financements agricoles, a précisé le représentant.  Depuis sa création, le Fonds africain de développement (FAD), qui existe au sein de la BAD, a mobilisé

10 milliards de dollars, dont une partie est allée essentiellement à l’agriculture.  Dans l’ensemble le FAD a consacré, 60% de ses fonds au secteur rural.  Les pays développés qui accordent des crédits à la BAD, ont permis à l’institution de recevoir des fonds remboursables sur une durée de 50 ans.  De nouvelles techniques agricoles ont pu être introduites ces dernières années, ce qui permet des résultats plus élevés en terme de production et de qualité.  Au Malawi, la BAD travaille sur un projet maïs et autres secteurs, qui donne de bons résultats en ce qui concerne l’appropriation par les femmes des projets BAD.  Il en est de même au Mozambique, où les agricultrices ont vu leurs revenus augmenter de matière notable.  Le taux de recouvrement des prêts dans ces pays est de 100%, ce qui donne une idée de la bonne rentabilité de nos emprunteurs.  Institution régionale, la BAD joue un rôle de catalyseur pour l’appui institutionnel et se pose comme un outil important de lutte contre la pauvreté.  La BAD appuie aussi des initiatives favorisant l’introduction de nouvelles technologies en zones rurales.  L’octroi de crédit aux ruraux est une mesure importante pour aider ces populations à sortir de la pauvreté.


M. STEIN BIE, Directeur général du Service international de recherches agricoles nationales (ISNAR), a dit que l’institution qu’il représente travaille sur le long terme.  Toute politique agricole doit s’inscrire dans un grand plan d’ensemble, a-t-il estimé, ajoutant qu’il serait difficile de parler de techniques de manipulations génétiques aux PMA pour leur assurer la sécurité alimentaire.  Il existe d’autres technologies plus simples et éprouvées qui pourraient être transmises aux PMA mais ces derniers doivent cependant s’investir eux-mêmes dans la recherche agricole.  Aucun pays au monde n’a pu  augmenter sa propre production agricole sans s’investir dans une recherche qui lui soit adaptée.  Beaucoup de pays ont malheureusement fermé tous leurs instituts de recherche ces dernières années.  Les grandes multinationales conduisent certes des recherches, mais celles-ci sont rarement orientées vers des objectifs qui seraient profitables aux petits agriculteurs et aux petits pays.  Nous, à l’ISNAR, demandons aux PMA de cesser d’assister de façon passive à la destruction de leurs propres capacités de recherche agricole.  Certains pays, comme l’Inde, le Brésil, et dans une moindre mesure aujourd’hui l’Ouganda, l’ont compris, et récoltent les fruits de leurs propres recherches.  Les instituts de recherche peuvent certes aider les pays en développement, mais ceux-ci doivent comprendre que tant qu’ils ne sont pas solvables, en termes commerciaux, ils feraient mieux de soutenir leurs recherches endogènes, basées sur l’expérience de leurs communautés rurales à laquelle serait jointe la technologie moderne.


Débat interactif


Lançant la première série des commentaires, la représentante de la Coalition des organisations africaines pour la sécurité alimentaire a souligné que l’accès à l’alimentation est une affaire de droits humains pour stigmatiser la politique des PMA dont la plupart sont signataires du Pacte des droits économiques, sociaux et culturels.  Elle a dénoncé la corruption, la politique de confiscation des terres, l’enrichissement des élites avant de réclamer l’accès à la terre, à l’eau et au crédit, des investissements dans la recherche ou encore des politiques de


transformation des produits agricoles au niveau local.  Répondant à cette intervention, le Coordonnateur général de la Conférence des Ministres de l’agriculture des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale a rejeté la dénonciation des Etats en estimant qu’en la matière la responsabilité incombe aussi à  la société civile et aux ONG.  Concernant l’accès à la terre, il a rejeté toute généralisation du problème en arguant que la seule manière de le résoudre serait de s’arrêter sur la dimension culturelle. 


Le Coordonnateur a aussi répondu à la question d’un Parlementaire canadien qui s’est demandé si, pour assurer la sécurité alimentaire, l’aide bilatérale ou multilatérale ne devrait pas être prioritairement orientée vers une action à l’échelle nationale pour aider les paysans à avoir accès à un marché national plus large, avant de viser les marchés internationaux.  Là, le Coordonnateur, a rejeté la distinction entre marché national, régional ou international.  Aujourd’hui, a-t-il argué, entre les produits importés et les produits locaux, la concurrence se joue dans les régions les plus reculées du monde.  Les modes de consommation sont à l’image du marché international et au Sénégal, le riz thaïlandais est plus accessible que le riz de la vallée du Sénégal.  Partant, le Coordonnateur a estimé que la question est celle du coût de production, de la qualité et du goût du consommateur.  Pour lui, seule une approche fondée sur ces trois éléments permettra de réaliser les objectifs de développement rural.  A propos de développement rural, la représentante de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a attiré l’attention sur les conséquences des mouches tsé-tsé sur la production agricole.  Soulignant que la technologie pour combattre  ce fléau existe, elle a appelé à un engagement politique et financier de la part des PMA comme des pays donateurs.


Le représentant du Conseil d’administration de l’Organisation internationale du Travail (OIT) a dit que les infrastructures et notamment les routes étaient vitales à la commercialisation des produits agricoles dans les PMA.  La concertation avec les agriculteurs sur les pesticides, les engrais et les prix des semences est nécessaire.  Le renforcement des capacités est une question à laquelle il faudrait apporter des réponses opérationnelles si l’on veut améliorer la productivité agricole des PMA.  L’OIT œuvre dans ce domaine et est prête à apporter son expérience aux PMA en matière de formation agricole, qui devrait être intégrée aux programmes scolaires dans le primaire et le secondaire.  Le représentant du Luxembourg a dit que les pays du Nord perdaient trop souvent de vue les besoins nutritionnels élémentaires des pays du Sud.  Seule une petite fraction de l’agriculture des PMA est mécanisée, a-t-il fait remarquer, la grande majorité des agriculteurs de ces pays n’ayant que leurs mains et des outils manuels pour travailler.  Les gens qui travaillent la terre ont curieusement de moins en moins à manger, du fait que leur agriculture est injustement mise en compétition, sur ses propres marchés, avec celle, mécanisée et fortement subventionnée du Nord.  Il faut certes encourager un changement des méthodes de production et un meilleur usage de la terre dans les PMA, a dit le représentant, mais cela ne suffira pas.  Les pays de l’Union européenne ont mis au point, il y a un certain nombre de décennies, une « Politique agricole commune », qui a porté des fruits.  Pourquoi ne pas répéter ce modèle dans les pays en développement, et notamment au niveau régional ?  Le Luxembourg serait prêt à appuyer ce genre de processus.


Répondant à certaines remarques, M. BIE (ISNAR) a dit que la campagne contre la mouche tsé-tsé devait être menée de manière interdisciplinaire et au niveau régional pour avoir des chances de succès.  Concernant la question de la pandémie du VIH/sida, et d’autres questions évoquées sur la transmission du savoir,  la crise de culture et intergénérationnelle qui existe dans de nombreux pays pauvres contribue à l’expansion de nombreux maux.   Les populations jeunes semblent ne pas être en mesure de bénéficier des savoirs des générations qui les ont précédées.


Sur la question de l’éducation, le représentant du Canada a relevé que les pays africains avaient gardé des modèles hérités des anciennes puissances coloniales qui ne correspondent pas forcément à leurs vrais besoins.  Il faudrait sans doute, dans ce domaine et dans de nombreux autres, développer des modèles propres à chaque pays et à ses réalités.  Le renforcement des capacités de production devrait aller de pair avec celui des infrastructures, a pour sa part estimé, le représentant du Fonds commun des produits de base (FCPB).  


A son tour, le représentant du Réseau des organisations paysannes de 10 pays d’Afrique, a stigmatisé le paradoxe selon lequel les producteurs agricoles sont les plus pauvres et les plus mal nourris, paradoxe dû, selon lui, à une mauvaise répartition des ressources et à des problèmes de gouvernance.  Citant les mesures à prendre au niveau national et international, il a lui aussi estimé que l’on se trouve à une phase de désengagement des Etats africains et a exigé une action particulière en faveur des acteurs du secteur agricole.  La situation des pays


andins a été expliquée par un Parlementaire péruvien et Agronome qui a d’abord regretté que la région de la Cordillère des Andes  soit connue pour la culture de la cocaïne et la feuille de coca alors même qu’elle est la terre du maïs, de la tomate, de la pomme de terre et d’un grand nombre de plantes médicinales.  Il a donc appelé à une réflexion sur les conséquences du poids de la dette extérieure et des activités des trafiquants de drogues sur la productivité agricole.  Pour lui, les pays industrialisés doivent se joindre aux efforts pour libérer les PMA de la pauvreté et du trafic de drogues.


Le représentant du Fonds saoudien pour le développement a lui souhaité mettre l’accent sur l’accès aux marchés car même quand les producteurs des PMA ont des moyens de production, l’écoulement de leurs produits est limité à cause du manque d’infrastructures de transport et de communications.   En écho à cette intervention, le représentant du Tchad a soulevé la question des PMA sans littoral dont le commerce est confronté aux problèmes des coûts de transport.  Il a aussi, en tant que pays sahélien, attiré l’attention sur la maîtrise de l’eau.  La question de la compétitivité des produits des PMA a, une nouvelle fois, été évoquée par le Chef de la Division « agriculture » de la Banque africaine de développement qui a défendu en la matière une coopération entre les institutions publiques et les entités privées.  Aux termes d’une telle coopération, le secteur public investit dans le développement agricole en s’engageant auprès des producteurs à acheter leurs produits si les prix du marché ne sont pas avantageux.   Cette coopération serait également utile pour faciliter le transfert de technologies, a affirmé le Chef de la Division.  Abondant dans ce sens, le représentant des Etats-Unis a cité l’exemple du Mozambique où gouvernement, producteurs et ONG se sont attelés à la tâche du développement agricole.  Compte tenu de ce succès dans la sécurité alimentaire, le représentant a réaffirmé que son pays entend consacrer davantage de ressources à l’assistance au développement agricole dans le cadre d’USAID.     


En écho à l’intervention de la représentante de l’AIEA, le représentant de l’Organisation internationale de l’unité africaine  a demandé que la Conférence adopte un « Plan Marshall » pour faciliter la mise en œuvre d’un programme de lutte contre la mouche tsé-tsé.


Le représentant du Myanmar a dit que le niveau actuel de la production agricole dans les PMA était le plus bas jamais atteint par rapport à leur niveau de population.  La communauté internationale ne pourrait-elle pas prendre des mesures spéciales pour que les agriculteurs de ces pays aient des revenus stables?  Intervenant à sa suite, le représentant du Burkina Faso a relevé qu’on ne peut demander à des populations qui n’arrivent déjà pas à  assurer leur propre nutrition de participer à des échanges commerciaux agricoles internationaux.  La IIIème Conférence sur les PMA devrait aider ces pays à améliorer leur productivité afin que leurs propres produits soient plus compétitifs sur leurs marchés intérieurs face aux produits étrangers subventionnés.  Le handicap causé par le manque de moyens de transport doit être surmonté si l’on veut sortir les ruraux de leur pauvreté.  Intervenant à sa suite, la représentante de l’Afrique du Sud a abordé la question de la formation.  L’intégration à la mondialisation exige des compétences spéciales et concernant le secteur agricole, une coopération accrue entre Etats membres de l’ONU est nécessaire en matière de formation.  Le partage d’expériences est indispensable dans ce secteur.  Le représentant du Soudan a indiqué que dans son pays, l’agriculture représente 70% du PNB et 60% des habitants dépendent d’elle.  Malgré la libéralisation du secteur et l’abandon du contrôle des prix, la pauvreté s’est accrue.  Le Soudan n’est plus membre de l’OMC, et pense que l’on devrait adopter des mesures spéciales en faveur des PMA quand on leur impose des mesures d’ajustement et de libéralisation.  Le représentant de la République centrafricaine a reproché aux programmes d’ajustement structurel de mettre l’accent sur les mesures de stabilité à court terme et de négliger le secteur agricole qui est un domaine de longue haleine.  Les bailleurs de fonds et notamment les institutions de Bretton Woods devraient aider les PMA à faire de l’agriculture la base de leur développement durable.


Répondant aux remarques concernant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la représentante de cette institution a dit que les règles de l’OMC permettent aux pays d’aider leurs agriculteurs tout en assurant l’ouverture de leurs marchés.  Elle a demandé aux délégués des PMA de prendre part à toute négociation qui concerne leurs pays dans ce domaine. 


Prenant la parole après elle, M. AZIZ a dit qu’il fallait rétablir les chances de tous les pays en matière de compétitivité.  Quant aux innovations technologiques, il faut les traiter avec prudence, a-t-il dit, en ajoutant qu’il fallait examiner leur véritable utilité et leur coût.  Le problème des titres de propriété de la terre, qui existe dans de nombreux pays doit être réglé en faveur des petits propriétaires et des femmes, a recommandé M. Aziz, et quant à la question de l’APD, les donateurs devraient mieux la réorienter pour qu’elle cible des programmes destinés à la lutte contre la pauvreté.


Prenant la parole pour des remarques de conclusion, M. RUBENS RICUPERO, Secrétaire général de la CNUCED, a dit qu’il était important d’avoir des débats techniques interactifs sur les questions de développement au lieu d’écouter des déclarations politiques d’ordre général.  Il faut traduire les objectifs et les principes en actions concrètes.  Au cours des 10 dernières années le soutien financier à l’agriculture a baissé de 20%, a fait remarquer M. Ricupero,  qui a souhaité un nouvel engagement multilatéral en la matière.  Le représentant de l’USAID, s’est-il réjoui, a fait une proposition concrète sur cette question, en annonçant la relance du soutien de son organisme à l’agriculture dans les pays pauvres.


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* Un rapport de la FAO sur le rôle de l’agriculture dans le développement des PMA est publié, sous la cote A/CONF.191/BP/6 et Add.1. (disponible en anglais, à paraître en français).


** Ces informations figurent dans le rapport de l’Atelier CNUCED/Fonds commun pour les produits de base sur le renforcement des capacités de production, la diversification des produits de base dans les PMA et la coopération Sud-Sud (A/CONF.191/BP/3)


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