LE PEROU S’INQUIETE DE L’EVOLUTION DEFAVORABLE DE LA CONFERENCE CONTRE LE RACISME ET CONSTATE UNE RESURGENCE DES INTERETS PARTISANS
Communiqué de presse DR/D/945 |
LE PEROU S’INQUIETE DE L’EVOLUTION DEFAVORABLE DE LA CONFERENCE CONTRE
LE RACISME ET CONSTATE UNE RESURGENCE DES INTERETS PARTISANS
Durban, le 5 septembre -- Le débat général de la Conférence mondiale contre le racisme s’est poursuivi ce matin et a été l’occasion pour les Commissions nationales de défense des droits de l’homme et pour quelques représentants de gouvernements de faire part de leurs expériences en matière de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, ainsi que de proposer des mesures à prendre, aux niveaux national et international, pour mettre en œuvre le pogramme d’action qui sera adopté au terme de la Conférence. Les objectifs de ce dernier ont été évoqués par l’Ombudsman adjoint de la Suède qui a souhaité qu’il soit réaliste et pratique et qu’il puisse aider les différentes structures nationales de protection des droits de l’homme à aller de l’avant dans la protection des droits des citoyens et en particulier des droits des minorités. A ce titre, le chef de la délégation du Pérou s’est dit préoccupé de l’évolution défavorable de cette Conférence mondiale. «Nous pourrions une fois de plus passer à côté de l’opportunité qui nous est offerte de nous engager à éradiquer le racisme du fait que commencent à prévaloir des intérêts partisans ou la résurgence de perceptions intolérantes excluant toute possibilité de paix dans certaines régions bien précises a-t-il déclaré». M. Hernan Couturier Mariategui a poursuivi en déclarant qu’il est inadmissible pour la communauté internationale que ce genre de problèmes particuliers, qui étaient prévisibles, aboutissent au naufrage de la Conférence avant de considérer que «cette expérience nous indique que l’on ne pourra pas progresser dans la voie de la lutte contre le racisme tant que la communauté internationale ne sera pas suffisamment mûre pour assumer ses responsabilités».
La Secrétaire adjointe de la Présidence du Guatemala chargée de la condition féminine a exhorté les Etats Membres à lutter contre le phénomène de double discrimination dont sont victimes les femmes, les enfants et les populations vulnérabilisées par la maladie, le handicap, ceci alors qu’ils sont déjà issus de communautés nationales minoritaires ou autochtones. Mme Gloria Dominga Tecun Canil a ainsi déclaré qu’en tant que membre du peuple Maya et en tant que femme, elle avait longtemps été victime de cette double discrimination dont sont victimes les peuples autochtones.
Des délégations ont estimé qu’il était indispensable que les stratégies de lutte contre le racisme intègrent des mesures destinées à surmonter ou à réduire la pauvreté en tant que cause et conséquence de la discrimination. «Nous devons reconnaître que les groupes les plus vulnérables de nos sociétés sont potentiellement victimes de discrimination», a déclaré la représentante du Pérou.
La Vice-Ministre de la justice et du culte de Guinée équatoriale a pour sa part estimé que les Etats qui ont bénéficié de la traite des Noirs et de l’esclavage ont l’obligation de consentir des réparations. Pour Mme Oyo Ebule, ces mesures doivent passer, entre autres, par l’annulation de la dette, l’aide au développement et l’amélioration des structures éducatives et de santé et enfin la restitution des fonds placés dans les pays occidentaux.
Le chef de la délégation du Liberia a dénoncé le nouvel ordre international qui reproduit les injustices du passé et une perpétuation de la période de l’esclavage, de la domination et du colonialisme. M. Francis Garlawolu a ironisé sur la mondialisation et «le nouveau village mondial qui, à son avis est dirigé par un chef, la Grande-Bretagne, et un Conseil des sages, le Conseil de sécurité.»
Les représentants des pays suivants ont fait des déclarations : Guinée, Guatemala, Suisse, Guinée équatoriale, Pérou, Suriname, Libéria. Un membre du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale est également intervenu. Ont par ailleurs pris la parole les représentants des institutions nationales des droits de l'homme des pays suivants : Suisse, Afrique du Sud, Niger, Mexique, Suède, Inde, Ouganda, Grèce, Zambie et Irlande.
La Conférence contre le racisme poursuivra ses travaux cet après-midi à partir de 15 heures.
CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME, LA DISCRIMINATION RACIALE, LA XÉNOPHOBIE ET L’INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE
Déclarations
M. MORY KABA, Secrétaire d’Etat à la coopération de la Guinée : La présente Conférence se tient à un moment particulièrement difficile marqué par la multiplication des conflits et l’exacerbation des foyers de tension à travers le monde. Ce climat de crise permanente et d’instabilité constitue une menace sérieuse pour la paix et la sécurité de nos Etats, mettant ainsi à rude épreuve la volonté politique de créer un environnement propice à la lutte efficace contre la pauvreté et l’intolérance sous toutes ses formes. En dépit des efforts consentis par la communauté internationale, il est déplorable de constater que le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée ainsi que les actes de violence et d’exclusion n’ont toujours pas disparu. Ils apparaissent sous des formes variées allant des traitements humains et dégradants à des inégalités, à l’accès aux biens et services, aux persécutions et incitations à la haine de la part de certains médias et hommes politiques. Ce danger interpelle la conscience de la communauté internationale. C’est pourquoi, à l’aube du nouveau millénaire, le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée ne doivent plus être acceptés comme une fatalité, mais plutôt comme des pratiques sociales à éradiquer parce que contraires à la nature humaine. A cette fin, il est impératif de cultiver sans relâche le dialogue, l’acceptation et le respect de l’autre lesquels sont sans conteste des facteurs importants pour la préservation de la paix et de la sécurité. Pour y parvenir, nous devons nous investir résolument pour la mise en place d’un réseau dynamique de mobilisation et de sensibilisation des couches sociales et l’utilisation plus efficiente de mécanismes existants pour lutter contre le racisme.
L’Afrique qui a souffert et souffre encore de ces maux continue de subir de lourdes et douloureuses conséquences de la colonisation et de la traites des esclaves. C’est pourquoi, la Guinée qui soutient les projets de déclaration et de programme d’action de la Conférence ainsi que les recommandations de la conférence régionale de Dakar, souhaite que la Conférence de Durban soit une occasion pour faire reconnaître ces injustices historiques commises à l’encontre de l’Afrique comme étant des formes institutionnalisées de violations des droits de l’homme, par conséquent des crimes contre l’humanité et méritent réparation.
Mme GLORIA DOMINGA TECUN CANIL, Secrétaire adjointe de la Présidence chargée de la condition féminine du Guatemala : En tant que membre du peuple Maya et en tant que femme, c’est un honneur pour moi de participer à cette Conférence. J’ai été longtemps victime de cette double discrimination en tant que femme originaire d’une population autochtone. Ce n’est qu’en 1996 que le Guatemala a été reconnu comme une nation multiethnique et multiculturelle et que les peuples autochtones se sont vu reconnaître leurs droits nationaux. Il est préoccupant qu’au niveau mondial persistent des réflexes racistes et discriminatoires en dépit du cadre juridique international en vigueur et des deux précédentes conférences mondiales contre le racisme. Nous observons la réapparition de mouvements radicaux et violents dont les idéologies xénophobes sont véhiculées grâce aux nouvelles technologies de l’information telles que l’Internet. La démocratie est également menacée par l’émergence de partis politiques qui prônent des idéologies racistes et xénophobes. Etroitement liés au racisme, le colonialisme et l’esclavage n’ont pas totalement disparu et il est bon que cette Conférence s’intéresse à ces phénomènes. Il est bon également de se confronter au passé afin d’en assumer les erreurs et de répondre aux défis que posent les conséquences du colonialisme et de l’esclavage qui sont la cause du sous-développement et de la pauvreté.
Nous regrettons que les puissances coloniales refusent l’idée d’une réparation juste sous une forme ou une autre. Il est indispensable de reconnaître les responsabilités historiques et de condamner le colonialisme et l’esclavage. Nous ne prétendons pas nier l’importance de la coopération internationale mais nous estimons cependant que le droit au développement est un droit de l’homme. Il est important que pour lutter contre le racisme et la discrimination, l’ordre politique et juridique des Etats soit modifié pour reconnaître les droits des peuples autochtones et leur offrir des espaces réels d’expression. Cela nous aidera à faire progresser les idéaux de tolérance et de démocratie. Nous souhaitons que la Déclaration sur les droits des peuples autochtones fasse l’objet d’un examen approfondi et soit adoptée prochainement. On ne peut nier le droit à l’autodétermination des peuples tout en admettant le principe de la souveraineté des pays qui les abritent.
Mme CLAUDIA KAUFMANN, Secrétaire générale du Département fédéral de l’intérieur et Secrétaire d’État de la Suisse : Le racisme est une agression perpétrée contre l’État de droit et contre nous tous. Il est indispensable d’affronter nos préjugés et nos zones d’ombre en tant que pays et en tant qu’individus. Cela signifie qu’il nous faut reconnaître que l’État peut devenir l’auteur d’actes racistes et que, même dans un État démocratique, certaines personnes sont victimes de discriminations douloureuses. Cette Conférence mondiale doit fournir l’occasion de dresser un bilan et, surtout, de prendre conscience des obligations qui incombent à tous. Nous ne pouvons relâcher notre engagement jusqu’à ce que les documents finaux de cette Conférence soient adoptés. Ces documents devraient, dans la mesure du possible, contenir des déclarations impératives qui nous contraignent à mettre en œuvre des mesures durablement efficaces. Il faut que notre engagement implique toujours à la fois l’État, la société et les individus et s’appuie sur leurs synergies réciproques. Il faut toutefois se garder d’instrumentaliser les organisations non gouvernementales (ONG) et de les charger de résoudre les problèmes auxquels l’État doit s’attaquer.
Le Gouvernement suisse a récemment décidé de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, par laquelle il reconnaît la compétence du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale en matière de réception et d’examen des communications émanant d’individus se plaignant d’une violation de l’un quelconque des droits énoncés dans la Convention. La Suisse attache une grande importance au combat contre toute pratique discriminatoire, au sein de l’organisation judiciaire, contre les personnes d’ethnie, d’origine, de religion ou de couleur de peau différentes. Il est également indispensable de mettre fin à la diffusion de messages racistes et, dans ce domaine, les acteurs du monde politique, mais aussi les médias, ont une grande responsabilité à assumer. Il ne faut pas que l’on abuse de la liberté d’expression et de la liberté des médias aux dépens des autres droits de l'homme. C’est ainsi que, dans notre pays, l’instance de recours des journalistes suisses a édicté des recommandations sur la non-publication des lettres de lecteurs à teneur raciste et antisémite. Nous nous engageons en outre à protéger plus efficacement les femmes contre les multiples formes de discrimination dont elles sont victimes.
Tous les enfants et les adultes doivent avoir le même accès à l’éducation et à la formation. Nous devons résister à la tendance qui consiste à considérer les immigrés comme une charge pour l’école et à leur refuser l’égalité des chances dans l’éducation et dans l’emploi. Nous avons tout à gagner en garantissant à tous l’égal accès à la formation.
Par ailleurs, seul celui qui affronte l’Histoire sans tenter de la nier peut aller de l’avant. Cette expérience peut être douloureuse, mais elle est indispensable, comme nous avons pu le constater en Suisse lorsque nous avons dû nous confronter à l’histoire de notre pays durant la seconde guerre mondiale.
Mme EVANGELINA FILOMENA OYO EBULE, Vice-Ministre de la justice et du culte de la Guinée Equatoriale : Le racisme est un phénomène cruel et brutal qui s’est manifesté dans le passé par l’esclavage, le colonialisme, le nazisme et les autres formes de génocides et de crimes contre l’humanité. Notre pays est attaché au respect des droits humains et au sens de l’histoire et, c’est dans cet esprit, que nous nous joignons à la position du Groupe africain car nous considérons qu’il faut oser rappeler les maux du passé. Il faut dire la vérité à la face du monde et condamner les actes racistes sous toutes leurs formes, ceci afin de bâtir une société basée sur l’égalité et le respect des droits humains. Nous constatons que les pays en développement continuent, à présent, de subir les conséquences de l’esclavage et du colonialisme, que sont l’état de pauvreté, de misère, les maladies infectieuses telles que le VIH/sida, autant de maux qui posent des menaces sérieuses à la sécurités humaine.
Les Etats qui ont bénéficié de la traite des noirs et de l’esclavage doivent consentir des réparations. Ces mesures doivent passer, entre autres, par l’annulation de la dette, l’aide au développement agricole, l’amélioration des structures éducatives et de santé et enfin la restitution des fonds placés dans les pays occidentaux. Il faut lutter aujourd’hui pour renforcer l’Etat de droit et la démocratie et cela passe par le développement et l’éradication de la pauvreté. Les atrocités du passé doivent être évoquées sans passion, sans remords et sans hésitation, mais avec le seul souci de cultiver la tolérance et de lutter contre toutes les formes de discrimination.
M. HERNAN COUTURIER MARIATEGUI, Secrétaire adjoint aux affaires multilatérales et aux affaires spéciales du Pérou : Ce furent les pays latino-américains qui amenèrent en 1945 la Conférence de San Francisco à inclure dans la Charte des Nations Unies la question des droits de l'homme et, plus précisément, l’article 2 qui stipule que chacun doit jouir de ces droits sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion. C’est pour cela que le Pérou se sent très engagé dans la lutte contre toutes les formes de discrimination. La société péruvienne n’est pas étrangère aux problèmes qui sont débattus ici, à Durban. Mon pays, depuis ses origines, a connu un intense et complexe processus de métissage culturel et ethnique, encore inachevé, dont le déroulement n’a pas toujours été facile et juste. En vertu de l’ordre juridique interne du pays, tous les citoyens péruviens, sans distinction aucune, sont rigoureusement égaux devant la loi. Il n’en demeure pas moins que dans la pratique, un certain nombre de Péruviens et de Péruviennes sont victimes d’exclusion et de discrimination. À cet égard, il convient de relever que les populations autochtone, métisse et afro-péruvienne souffrent encore de plusieurs formes de discrimination raciale qui se manifestent de manière implicite plus qu’institutionnelle.
Il convient de relever que la discrimination ne se produit pas seulement pour des raisons raciales ou sociales. À cet égard, il est indispensable que les stratégies de lutte contre le racisme intègrent des mesures destinées à surmonter ou à réduire la pauvreté en tant que cause et conséquence de la discrimination. Nous devons reconnaître que les groupes les plus vulnérables de nos sociétés sont potentiellement victimes de discrimination à deux niveaux : à l’intérieur des frontières de leur pays et à l’extérieur lorsque, poussés par le besoin et l’indigence, ils migrent vers d’autres pays.
L’analyse des projets de déclaration et de programme d’action proposés à cette Conférence mondiale pour adoption permet d’apprécier qu’une référence importante y a été faite aux métis d’ascendance autochtone et africaine en tant que victimes du racisme. Cette place réservée aux métis est d’autant plus importante qu’ils constituent le groupe majoritaire dans nombre de sociétés latino-américaines et que ce sont eux qui souffrent le plus directement de diverses formes de ségrégation dans nos pays.
La communauté internationale dans son ensemble doit progresser vers l’avenir après avoir fait une autocritique du passé, c’est-à-dire en comprenant bien et en surmontant les causes et les conséquences du racisme et de la discrimination raciale qui mettent en péril la réalisation d’un développement humain équitable. Dans cette optique, les pays représentés à la Conférence ont le devoir moral de faire de cette réunion un succès en présentant des propositions concrètes et en prenant des engagements clairs.
Le Pérou, à l’instar de nombreux autres pays, constate avec la plus grande préoccupation l’évolution défavorable de cette Conférence mondiale. Nous pourrions une fois de plus passer à côté de l’opportunité qui nous est offerte de nous engager à éradiquer le racisme du fait que commencent à prévaloir des intérêts partisans ou la résurgence de perceptions intolérantes excluant toute possibilité de paix dans certaines régions bien précises. Il n’est pas admissible pour la communauté internationale que ce genre de problèmes particuliers, qui étaient prévisibles, aboutisse au naufrage de la Conférence. De la même manière, on peut reprocher le fait que cette Conférence se soit engagée sans qu’aient été auparavant surmontés les problèmes liés à des interprétations et à des conceptions historiques irréconciliables qui, au lieu de contribuer à promouvoir la cause de la lutte contre le racisme, n’ont fait qu’enraciner un peu plus ce fléau. Cette expérience nous indique que l’on ne pourra pas progresser dans la voie de la lutte contre le racisme tant que la communauté internationale ne sera pas suffisamment mure pour assumer ses responsabilités.
M. WILLEM UDENHOUT, Conseiller spécial du Président de la République du Surinam : La vérité profonde et les convictions profondes peuvent être exprimées en des termes tus simples. L’esclavage et la traite négrière transatlantique ont duré plus de trois siècles au Surinam. La République du Surinam les qualifie de crimes contre l’humanité. L’esclavage est la cause des nombreux maux qui affectent aujourd’hui les pays en développement, et en particulier le Surinam. Si la communauté internationale ne fait pas preuve de solidarité pour assurer le succès de cette Conférence en reconnaissant les erreurs du passé, les écarts seront encore plus profonds et les frustrations plus grandes. Il est indispensable de créer des fonds spéciaux pour financer les campagnes de sensibilisation aux problèmes du racisme et de la discrimination raciale dans les pays en développement. Tout en recherchant leur identité, le peuple du Surinam est ouvert à la diversité. Il est impératif que nous oeuvrions ensemble pour adopter des mesures efficaces visant à vaincre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.
M. FRANCIS GARLAWOLU, chef de la délégation du Liberia : Conformément à sa politique visant à libérer le monde de toute forme d’injustice, de discrimination et de domination, le Libéria appuiera toute initiative consistant à mettre un terme au fléau ignoble du racisme. Je suis très heureux que le Dieu de la conscience vous ait inspiré pour débattre ici des moyens de mettre en œuvre pour remédier aux injustices de l’humanité. C’est grâce aux efforts et aux rêves de personnes comme vous que l’esclavage, le colonialisme et l’apartheid ont été combattus et défaits. Cependant, sommes-nous sûrs que l’esclavage a totalement disparu de la terre? Et pouvons- nous nous vanter de la décolonisation de l’Afrique alors que les maîtres esclavagistes se sont transformés en hommes d’affaires? Bien évidemment, non !
Nous considérons que le nouvel ordre international que l’on tente de nous imposer, et qui repose sur des doctrines telles que la mondialisation ou le système de sanctions, est une résurgence de l’esclavage. Le nouveau village mondial est dirigé par un chef, la Grande-Bretagne, et un Conseil des sages, le Conseil de sécurité. Ils nous dictent leurs vues, leurs lois et tout dirigeant africain qui refuse de se soumettre aux humeurs et caprices des nations puissantes sera frappé de sanction ou ne disposera pas d’aide internationale.
Le Liberia a connu l’expérience douloureuse de l’esclavage et ses populations ont été traitées comme des bêtes aux Etats-Unis avant de revenir vers leurs frères autochtones pour créer notre nation. Depuis l’arrivée au pouvoir du président Charles Taylor le pays n’est plus cette marionnette qu’elle était du temps du despote Samuel Doe qui prenait ses ordres directement des grandes puissances. Après la guerre de libération menée par le président Taylor depuis 1989, les élections les plus libres ont été organisées au Liberia en 1997 et, malgré cette transparence démocratique, les Etats-Unis et le Royaume Uni n’ont pas versé un centime à notre pays. Ils nous ont demandé de désarmer nos combattants au préalable, ce que nous avons fait, sans obtenir davantage d’aide. Par contre, nous avons vu des groupes dissidents armés par ces puissances nous attaquer et parallèlement, le Conseil de sécurité a pris des sanctions contre notre pays déjà victime de ces injustices.
Le Liberia a la chance d’avoir des ressources minérales mais les sanctions nous empêchent de vendre nos richesses et privent les membres du Gouvernement de la possibilité de se déplacer pour défendre les droits de notre peuple. Ces sanctions sont une forme d’esclavage moderne et notre peuple est humilié par les nations les plus puissantes qui diffament le président Taylor et notre peuple uniquement parce que nous refusons juste de nous soumettre à l’impérialisme et au diktat. Les puissances responsables de l’esclavage doivent verser des réparations et nous exigeons que le système des sanctions soit considéré comme une forme d’esclavage. Le fardeau de la dette doit être annulé pour les pays qui ne parviennent pas à la rembourser. Chaque Etat a le droit au développement de ses sociétés et le maintien des pays en développement dans des conditions de misère constituent un crime contre l’humanité.
M. MARIO YUTZIS, Membre du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) : Aucune société n’échappe aux stigmates résultant des différentes formes de discrimination qui se manifestent dans tous les domaines de la vie. Il est bien facile de dire que l’action raciste repose sur certains concepts, notamment la supériorité d’un être par rapport à un autre. L’héritage de l’esclavage et du colonialisme est lourdement subi par les générations actuelles dans les pays en développement. Lorsque nous rêvons d’un monde meilleur marqué par une égalité de droits pour tous, ce rêve ne se réalisera que lorsqu’on aura reconnu les injustices du passé et réparé les préjudices subis. Le racisme a causé de nombreux torts, tuant des innocents, encourageant le nettoyage ethnique, l’exclusion, les insultes gratuites et bien d’autres formes d’injustices et d’inégalités. Le CERD doit décider de critères et de mécanismes pour que la mise en œuvre du programme d’action de la Conférence de Durban. Il est urgent de poser comme postulat de base des stratégies de lutte contre le racisme et la discrimination qui soient efficaces et qui garantissent l’harmonie et l’équité entre les peuples.
Mme CÉCILE BUHLMANN, Vice-Présidente de la Commission fédérale contre le racisme de la Suisse : La Commission fédérale suisse contre le racisme accorde une grande importance aux projets de déclaration et de programme d’action qui seront adoptés à l’issue de cette Conférence mondiale. Dans ces projets, il est d’ores et déjà recommandé que chaque pays mette en place une institution nationale contre le racisme dont il conviendra d’assurer l’indépendance ainsi que le droit d’ester en justice. En ce qui la concerne, la Commission fédérale suisse contre le racisme n’émet pas de décision contraignante. Notre objectif est de créer un réseau très dense de conseil et de soutien aux victimes du racisme et de la discrimination raciale dans le pays. La Commission fédérale veillera à ce que le Gouvernement suisse mette effectivement en œuvre les décisions qui seront prises ici, à Durban.
Mme SHIRLEY MABUSELA, Vice-Présidente de la Commission des droits de l’homme de l’Afrique du Sud : Depuis plus de 350 ans, le racisme, la discrimination et l’intolérance sont ancrés dans les vies des Sud-africains. Malgré tout, en se libérant de l’apartheid, notre peuple a su franchir une étape dans la lutte contre les injustices du passé. En 1994, notre peuple a adopté une Constitution tournée vers une Afrique du Sud non raciste et non sexiste et qui créait une série d’institutions telles que la Commission des droits de l’homme ou encore le Protecteur du peuple. Le racisme continue malgré tout de se manifester par la violence raciale, les crimes sexuels et le plus souvent, ils sont dus à la pauvreté. La création d’une société exempte de racisme permettra de faire le deuil du passé mais des obstacles à l’avènement d’une société non raciale et non sexiste en Afrique du Sud demeurent.
L’Afrique du Sud a tiré les leçons du passé en s’ouvrant au monde et en accueillant les réfugiés. Mais ces efforts sont compromis par la xénophobie que ces immigrants subissent dans notre pays. D’autres discriminations sont constatées contre les victimes du VIH/sida et les enfants tandis que l’exclusion des populations noires dans les zones rurales est inquiétante. Notre Commission fait rapport régulièrement sur les conditions de vie des populations les plus vulnérables et nous prenons des mesures, notamment au cours de séminaires annuels, pour marquer la voie de l’avenir et lutter contre le racisme. C’est un élan puissant que rien ne pourra plus arrêter et nous sommes en faveur d’un mouvement antiraciste puissant au niveau national. Nous sommes déterminés à saisir l’opportunité de cette Conférence pour inscrire nos actions dans une dynamique mondiale.
Mme MARIAMA CISSE, Vice-Présidente de la Commission nationale des droits et des libertés fondamentales du Niger : La Commission est une institution nationale de promotion et de protection des droits de l’homme. La Charte des droits de l’homme, adoptée en 1999 en a défini le mandat. La Conférence mondiale marque une étape historique dans la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. La Conférence de Durban nous offre une occasion unique de discuter et de tenter de parvenir à un consensus sur ces questions qui affectent chaque société. Aujourd’hui, les pays africains continuent de subir les injustices du passé causées par l’esclavage, la traite négrière transatlantique et le colonialisme. Il faut réaffirmer les droits de l’homme liés au droit des peuples et au droit à la dignité humaine. Les insuffisances législatives contribuent aux violations des droits de l’homme. En dépit des efforts considérables accomplis par la Commission nigérienne des droits de l’homme pour éliminer les inégalités, il reste encore beaucoup à faire. Le remboursement de la dette extérieure a exploité les pays africains de leurs ressources. L’Afrique a déjà considérablement payé et ne devrait plus être redevable de ce qui lui est réclamé par l’intermédiaire des institutions de Bretton Woods.s
M. RODOLFO LARA PONTE (Commission nationale des droits de l'homme du Mexique) : La participation croissante des institutions nationales de droits de l'homme aux travaux des différences instances internationales est un fait qui mérite d’être relevé. La convergence de différents degrés de vulnérabilité commence à donner lieu à de nouvelles formes de racisme, de discrimination raciale et d’intolérance y relative. À cet égard, il convient de se féliciter que les projets de déclaration et de programme d’action qui seront adoptés à l’issue de la Conférence de Durban tiennent compte de ces formes aggravées de racisme dont sont par exemple victimes les femmes autochtones migrantes. Dans le contexte actuel de mondialisation, la coopération entre États aux fins de l’éradication du racisme est d’autant plus indispensable que l’on observe une recrudescence des migrations – recrudescence qui est précisément le fruit de la mondialisation. La Commission
nationale des droits de l'homme du Mexique estime en outre qu’il est nécessaire d’instaurer de nouvelles relations entre l’État et les communautés autochtones et de faire en sorte que soit reconnue la capacité des autochtones de participer au développement durable de leurs propres communautés.
Mme KATRI LINNA, Ombudsman adjoint de la Suède : Nous avons adopté des lois en Suède à caractère non discriminatoire et nous avons une bonne expérience quant à leur mise en œuvre pratique. Cependant, la législation ne suffit pas et il est important d’avoir un organisme chargé de s’assurer que ces les lois sont mise en application et protègent réellement les citoyens. En Suède, l’Ombudsman est chargé de la défense des droits des citoyens devant les juridictions administratives et ce de manière gracieuse. En Europe, nous connaissons de plus en plus de problèmes liés au racisme et nous espérons que le Programme d’action sera réaliste et pratique et pourra aider les différentes structures nationales, telles que l’Ombudsman en Suède, à aller de l’avant dans la protection des droits des citoyens et en particulier des droits des minorités.
M. K. RAMASWAMY, représentant de la Commission des droits de l’homme de l’Inde : La Commission a pour rôle d’entendre attentivement nos citoyens victimes d’injustices historiques et humiliés par la discrimination et les inégalités, en particulier les Dalits et les Adivasis d’Inde et de leur assurer la protection nécessaire. La Commission a organisé deux réunions importantes en août 2001, à Bangalore et à Delhi, dans le cadre des travaux préparatoires de la Conférence mondiale. Outre sa Constitution qui garantit des droits égaux à tous ses citoyens, l’Inde a mis au point un programme d’action affirmative qui est remarquable. La Commission considère qu’il est essentiel que tous les Etats Membres, y compris l’Inde, respectent le régime international des droits de l’homme établi sous les auspices des Nations Unies et observent la discipline des traités en vigueur auxquelles ils sont parties. A la lumière de ce respect, la Commission estime que les échanges de vues sur les questions liées aux droits de l’homme, aux niveaux national, régional et international, peuvent tous contribuer de manière constructive à la promotion et à la protection de ces droits et que cette Conférence offre une occasion exceptionnelle à la communauté internationale de traiter ouvertement et courageusement des questions complexes de discrimination et d’inégalité qui existent dans le monde sous différentes formes et subsistent notamment en Inde. La Commission est profondément convaincue que les gouvernements, les organisations non gouvernementales, les institutions nationales et l’ensemble de la société civile peuvent jouer un rôle crucial dans la lutte contre le racisme et la discrimination et les appelle à agir à tous les niveaux.
M. JOEL ALIRO-OMARA, Commissaire à la Commission des droits de l’homme de l’Ouganda : Cette Conférence nous offre une occasion exceptionnelle de débattre de questions qui touchent chaque société et pour lesquelles nous devons trouver des solutions appropriées. Nous demandons aux Nations Unies une aide financière et technique pour nous assister à réaliser les objectifs fixés par la Conférence. Le programmes de lutte contre le racisme et la discrimination ont permis de mieux sensibiliser la population aux dangers que ces fléaux qui peuvent créer. En outre, des séminaires sur des aspects spécifiques de la discrimination ont été organisés. La Commission ougandaise des droits de l’homme a contribué à l’élaboration d’une déclaration nationale sur la lutte contre la discrimination et encourage les autres institutions nationales à contribuer à cet engagement. Elle émet l’espoir que la Conférence de Durban parviendra à un consensus sur des mesures adéquates qui élimineront progressivement le racisme et la discrimination.
M. L.A.SICILIANOS, Vice-Président de la Commission nationale des droits de l'homme de la Grèce : De pays d’émigration, la Grèce –dont la population compte actuellement 8% d’immigrés– est devenue pays d’immigration. Elle a donc pu être confrontée aux deux aspects, aux deux faces, du problème du racisme et de la discrimination. On aurait pu en déduire que cela la prédestinerait à être exempte de tout phénomène de racisme et de discrimination. Mais tel n’est pas le cas comme en témoignent, notamment, les manifestations d’intolérance qui se produisent dans le pays à l’égard des Roms et Tsiganes. En avril 2001, la Grèce s’est dotée d’une loi qui a permis l’octroi de titres de séjour à des centaines de milliers d’immigrés vivant dans une situation précaire. Face à la tendance à la hausse des problèmes xénophobes, il était temps que la Grèce se dote d’une telle loi permettant de renforcer l’intégration des immigrés dans la société. En novembre prochain, la Grèce accueillera à Athènes un atelier européen des institutions nationales qui axera ses travaux sur le thème de l’immigration et l’asile.
M.LEWIS CHANGUFU, Commissaire à la Commission permanente des droits de l’homme de Zambie : Cette institution nationale est mandatée par la Constitution pour assurer la promotion et la protection des droits de l’homme. Le véritable travail commencera cependant après Durban. Les participants à la Conférence mondiale doivent faire preuve de volonté politique pour mettre en œuvre le programme d’action qu’elle adoptera. L’Afrique a hélas vécu les injustices causées tant par le passé que par les nouvelles formes de discrimination. Il est essentiel que nous nous unissions dans la lutte contre ces fléaux afin de construire le village global auquel nous aspirons tous. Les Nations Unies devraient apporter leur appui aux efforts nationaux dans ce domaine.
M. MICHAEL FARRELL, membre de la Commission des droits de l’homme de l’Irlande : Mon propre pays a subi le colonialisme et de nombreux Irlandais ont été contraints d’émigrer pour fuir la pauvreté. On a souvent parlé de soi-disant réfugiés dans les déclarations officielles mais aucune protection législative ou politique n’est véritablement assurée dans la pratique. Les étrangers et les gens du voyage subissent de nombreuses formes de discrimination liées notamment à la race, à la condition sociale et à la religion. La Commission appuie tous les efforts visant à éliminer le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Elle appuie également la Déclaration commune des institutions nationales. Pour assurer la mise en œuvre des mesures qui seront adoptées par la Conférence de Durban, la Commission propose qu’une aide financière et technique soit apportée aux pays qui en ont besoin.
* *** *