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SG/SM/7779/Rev.1

LE SECRETAIRE GENERAL PROPOSE DEVANT LE SOMMET D’ABUJA LA CREATION D’UN FONDS MONDIAL POUR LA LUTTE CONTRE LE SIDA ET AUTRES MALADIES INFECTIEUSES

26/04/2001
Communiqué de presse
SG/SM/7779/Rev.1


                                                            AFR/313

                                                            AIDS/7


LE SECRETAIRE GENERAL PROPOSE DEVANT LE SOMMET D’ABUJA LA CREATION D’UN FONDS MONDIAL POUR LA LUTTE CONTRE LE SIDA ET AUTRES MALADIES INFECTIEUSES


     On trouvera ci-après le discours préparé pour le Secrétaire général à l’occasion du Sommet africain consacré au VIH¤sida, à la tuberculose et à d’autres maladies infectieuses, à Abuja, le 26 avril 2001


Monsieur le Président [Obasanjo]

Monsieur le Président en exercice de l’OUA [Eyadema]

Monsieur le Secrétaire général de l’OUA [Salim Salim]

Excellences, Chers amis,


Le sujet de cette conférence est en fait l’avenir du continent africain. En Afrique, l’incidence du sida, de la tuberculose et d’autres maladies infectieuses est plus élevée que partout ailleurs.


Cette situation n’est évidemment pas sans rapport avec les autres problèmes qui affligent  le continent.


Si les populations africaines sont particulièrement vulnérables face aux maladies infectieuses, c’est parce qu’elles sont pauvres, sous alimentées, qu’elles ignorent trop souvent comment se protéger ou négligent de prendre les précautions les plus élémentaires. Bon nombre d’Africains n’ont toujours pas accès à l’eau potable ni aux services de santé de base.


Bref, s’ils sont si vulnérables c’est parce que leurs pays sont sous-développés. On sait que le meilleur remède contre toutes ces maladies  réside dans une croissance économique soutenue et un développement généralisé.


Nous le savons tous. Mais nous savons aussi que, dans le meilleur des cas, le développement ne se réalise pas du jour au lendemain. Et nous savons aussi que, tout comme la guerre, la maladie n’est pas seulement un produit du sous-développement, elle est aussi un des principaux obstacles qui empêchent les sociétés africaines de se développer comme elles le devraient.


C’est particulièrement vrai du sida, puisque qu’il s’attaque principalement aux jeunes adultes, à la tranche d’âge la plus productive, celle qui a la responsabilité première d’élever la génération suivante. C’est pourquoi le sida n’est pas seulement la première cause de mortalité sur le continent mais aussi la principale entrave au développement. C’est aussi pourquoi j’ai fait de la lutte contre cette maladie une priorité personnelle.


Chers amis, l’heure est grave pour tout le continent et il nous faut agir d'urgence : nous ne pouvons pas nous permettre de considérer le sida comme un aspect parmi d’autres de l’action en faveur du développement. Il ne nous en laissera tout simplement pas le temps et le prix à payer, que ce soit en termes de vies humaines ou de perspectives perdues, est bien trop élevé. Nous n’avons donc d’autre choix que de faire face.


Commençons, si vous le voulez bien, par examiner quels doivent être nos objectifs. A mon sens, ils peuvent être regroupés sous cinq rubriques.


Un : il faut organiser la prévention


Comme en sont convenus les dirigeants de la planète à l’occasion du Sommet du millénaire, notre premier objectif doit être d’enrayer la propagation de la maladie et de préserver ainsi les générations actuelles et futures de ce fléau.  La prévention permet de sauver des millions de vies humaines, comme le montre l’expérience de plusieurs pays d’Afrique.


Chacun doit savoir comment éviter la contamination. Nous devons donc informer les jeunes sur les façons de se protéger et les mobiliser grâce à une campagne de sensibilisation sans précédent faisant appel à la radio, à la télévision et aux techniques modernes de marketing, de même qu’à des moyens éducatifs plus traditionnels.


Cette campagne doit cibler, et surtout toucher, les filles aussi bien que les garçons. Actuellement, en Afrique subsaharienne, les adolescentes sont 6 fois plus exposées aux risques de contamination que les adolescents. Il y a là, je pense, de quoi inspirer honte et colère à tous les hommes du continent. 


Mais une fois informés, il faut encore que les jeunes aient les moyens de se protéger.  Ils doivent pouvoir compter sur l’appui de leur famille et de leur communauté,  avoir accès  à des services de conseil et de dépistage volontaire, et pouvoir, le cas échant, se procurer des préservatifs.


Deux :  il faut prévenir le mode de contamination le plus cruel, le plus injuste, à savoir la transmission mère-enfant.


Il faut donner à toutes les femmes enceintes les moyens de savoir si elles sont ou non séropositives. Celles qui le sont doivent avoir accès à des traitements anti-rétroviraux ponctuels qui réduisent de moitié les risques de contamination.


Dans certains cas, on peut aussi réduire les  risques en remplaçant l’allaitement maternel par d’autres modes d’alimentation, mais c’est une solution à envisager avec toute la prudence voulue, car l’allaitement maternel protège les nourrissons contre beaucoup d’autres maladies.


Trois : il faut assurer à chacun l’accès aux soins et aux traitements


Il y a à peine un an, on pensait généralement qu’il n’était pas possible d’offrir des traitements efficaces aux malades du monde en développement. Les séropositifs connaissaient le sort qui était réservé jadis aux lépreux : comme on ne pouvait rien pour eux,  il fallait avant tout protéger la population saine de la contamination en tenant les malades à l’écart.


Heureusement, l’opinion mondiale a eu un sursaut moral, refusant d’accepter plus longtemps que, sous prétexte qu’ils sont pauvres, des malades soient privés de traitements qui, ailleurs dans le monde, ont changé la vie des personnes infectées.


Au début du mois d’avril, j’ai rencontré les représentants des six plus grandes compagnies pharmaceutiques de la planète. Celles-ci ont compris qu’il fallait agir à la fois sur le plan de la  recherche et sur celui de l’accès aux médicaments. Elles sont maintenant disposées à fournir aux pays pauvres des médicaments à des prix nettement réduits.


La gravité de la crise est telle que les pays pauvres se doivent d’exploiter à fond toutes les options qui s’offrent à eux, notamment la fabrication et l'importation de médicaments « génériques » sous licence,  selon les termes des accords commerciaux internationaux.


Tous les séropositifs devrait avoir accès aux soins et aux traitements. Il s’agit là d’un impératif moral, puisque nous savons maintenant que c’est faisable.  Mais il y va aussi du succès des stratégies de prévention car, tant qu’un diagnostic de séropositivité équivaudra à un arrêt de mort, la plupart préféreront ne pas savoir s’ils sont infectés ou non.


En d’autres termes, nous ne pouvons pas nous permettre de choisir entre prévention et traitement : il nous faut agir simultanément sur les deux fronts.


Quatre :  nous devons stimuler la recherche scientifique


Nous sommes encore loin d’avoir trouvé le remède absolu contre le sida.  Nous devons veiller à ce que la priorité la plus élevée soit accordée à la mise au point d’un vaccin efficace et que cela soit reflété dans les budgets consacrés à la recherche scientifique.  Et nous devons être prêts, dès que la recherche portera ses fruits, à en faire bénéficier ceux qui en ont le plus besoin et non plus seulement les nantis.


Cinq : nous devons protéger les plus vulnérables, en particulier les orphelins.


Des millions d’orphelins du sida grandissent dans la plus grande précarité : mal nourris, privés d’éducation, marginalisés, ils sont  particulièrement exposés à la contamination. Nous devons absolument briser ce cycle mortifère et ne pas attendre que les parents aient disparu pour intervenir.  Nous devons aider les parents à assurer l’avenir de leurs enfants avant que la maladie ne les en empêche.


Se mettre d’accord sur les objectifs que je viens de citer ne devrait pas poser de difficultés. Mais  comment les atteindre ?


Premièrement, il nous faut faire preuve de clairvoyance et de détermination. Et c’est à vous, dirigeants de l’Afrique, qu’il appartient de donner l’impulsion voulue, en mobilisant vos concitoyens et en veillant à ce que la lutte contre le sida reçoive la priorité qu’elle mérite dans les budgets nationaux. Vous devez aussi tout faire pour que tombe le mur de silence et de honte qui entoure encore la maladie et pour mettre fin aux abus, à la discrimination et à l’exclusion dont continuent de souffrir les séropositifs et les malades du sida dans trop de sociétés africaines. Nous pouvons faire échec à l’épidémie mais il faut que les gens ne craignent plus d’en parler.


Deuxièmement, nous devons associer à la lutte les communautés locales, car c’est au niveau local que la bataille sera livrée et remportée. Ce n’est qu’avec le soutien sans faille de leur famille et de leur communauté que les jeunes apprendront à modifier leur conduite et à se protéger. Et il faut bien sûr associer à l’effort les séropositifs et les malades du sida car, en dernière analyse, ce sont eux les véritables experts.


Troisièmement, nous devons lancer une profonde révolution sociale qui accorde davantage de pouvoir aux femmes et  transforme les relations entre les sexes à tous les niveaux de la société. Ce n’est que lorsqu’elles pourront s’exprimer librement et auront pleinement voix au chapitre dans les décisions qui les concernent que les femmes parviendront à se protéger et à protéger leurs enfants contre le virus.


Quatrièmement, nous devons renforcer les systèmes de santé. C’est une évidence, mais les gouvernements comme les organismes de développement ont souvent tendance à perdre cette nécessité de vue lorsqu’ils établissent leur budget et fixent leurs priorités. Si nous voulons être en mesure d’offrir soins et traitements à tous ceux qui sont infectés, nous avons besoin de systèmes de santé publique bien plus performants que ceux dont disposent actuellement la plupart des pays d’Afrique.


Pour essentielle qu’elle soit, l’offre d’anti-rétroviraux à des prix abordables n’est pas une solution en soi. En l’absence de systèmes de santé dignes de ce nom,  ces médicaments pourraient même faire plus de tort que de bien. Je pense notamment à leurs effets secondaires qui, en l’absence de suivi médical, peuvent s’avérer mortels, et aux interruptions de traitement, qui pourraient donner naissance à des souches plus résistantes du virus.  Il ne faut pas oublier non plus que beaucoup de malades ne peuvent même pas se procurer les antibiotiques et autres produits relativement peu coûteux qui  permettent de guérir les maladies dites opportunistes.


Cinquièmement,  il nous faut de l’argent car, comme chacun le sait, c’est le nerf de la guerre. Et  pour remporter la guerre contre le sida, nous avons besoin de ressources bien plus importantes que celles dont nous disposons actuellement.


Il nous faut de l’argent pour financer la recherche scientifique et les campagnes d’éducation et de sensibilisation, pour organiser le dépistage, pour acheter des préservatifs et des médicaments, pour prendre soin des orphelins et, bien sûr, pour améliorer les systèmes de santé.  A l’échelle mondiale, il faudrait consacrer, au bas mot, de sept à dix milliards de plus par an à la lutte contre le sida dans le monde entier, et ce pendant de longues années.


C’est beaucoup. Les sommes nécessaires sont sans commune mesure avec les ressources que nous consacrons actuellement à la lutte, mais étant donné les richesses dont nous disposons à l’échelle mondiale, ce n’est pas impossible. En fait, elles ne représentent guère plus d’un pour cent des dépenses militaires de la planète. Nous devons simplement convaincre ceux qui tiennent les cordons de la bourse,  dans le secteur public comme dans le secteur privé, que ce serait de l’argent bien dépensé.


Nous devons convaincre le plus grand nombre possible de donateurs, qui doivent tous s’accorder sur les objectifs à atteindre, et obtenir qu’ils s’engagent dans la lutte aussi longtemps qu’il le faudra.


Ces derniers mois, plusieurs propositions encourageantes ont été émises par des personnalités très diverses, issues des milieux officiels comme du secteur privé et des universités, concernant la création d’un ou de plusieurs fonds consacré à la lutte contre le sida.  Il faut maintenant faire en sorte que toutes ces initiatives convergent vers une vision commune de ce que nous nous efforçons de réaliser.


Je propose la création d’un Fonds mondial, qui sera consacré à la lutte contre le VIH/sida et d’autres maladies infectieuses. Ce fonds doit être structuré de manière à répondre aux besoins des pays et des populations touchés par l'épidémie.  Il doit aussi pouvoir bénéficier des conseils des meilleurs experts mondiaux, qu'ils se trouvent dans les organismes des Nations Unies, les gouvernements, les organisations de la société civile ou parmi les séropositifs et les malades.


Je vais examiner cette idée avec toutes les personnes concernées au cours des prochaines semaines, et j'espère que ce Fonds pourra devenir opérationnel dans un avenir très proche.


Les idées que je viens de vous exposer sont le fruit d’intenses consultations tenues au sein du système des Nations Unies, ainsi qu’avec les Etats Membres,  des organisations philanthropiques, des entreprises privées et  la société civile. Je suis convaincu qu’elles sont de nature à  rallier l’adhésion de tous et qu’elles peuvent servir de base à une stratégie commune.


C’est en tout cas ce que j’espère de tout cœur, car nous ne pourrons gagner la bataille que si nous parvenons à mobiliser toutes les parties prenantes : responsables politiques, donateurs, organismes des Nations Unies, industrie pharmaceutique, fondations et  groupes de la société civile, en particulier des associations de séropositifs et de malades du sida.  C’est bien d’une mobilisation générale qu’il doit s’agir.


Chacun a son rôle à jouer. Oublions les rivalités, les querelles d’école et les divergences doctrinales, car le combat contre le sida est bien plus important que n’importe quelle institution ou n’importe quel projet.  Notre succès ne se mesurera pas à l’aune des résolutions adoptées, des nominations prononcées, ni même des ressources recueillies. Il se mesurera au nombre de vies sauvées, génération après génération.


Depuis un an, on commence enfin à comprendre que la pandémie est mondiale,  même si c’est en Afrique que le sida se propage le plus, et le plus vite.


L’heure est donc à l’espoir, car nous sommes peut-être parvenus à un tournant :  l’Afrique n’est plus seule face au désastre, qui appelle désormais l’attention, et interpelle la conscience, du monde entier.


Je pense que le monde est prêt à nous venir en aide. Mais il ne le fera que si nous parvenons à le convaincre que nous faisons de la lutte contre le sida notre priorité personnelle et que nous avons élaboré une stratégie claire pour y faire face.


Dans deux mois, les dirigeants du monde entier se réuniront à New York pour une session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée au VIH/sida. Ils mettront au point une stratégie mondiale pour combattre le fléau, et je veux espérer qu’ils s’engageront fermement à y consacrer les ressources nécessaires.


La stratégie qu’ils adopteront répondra-t-elle aux besoins de l’Afrique ?  Cela dépendra en grande partie du message que vous adresserez au monde à l’issue de ce Sommet.


Pour ma part, je peux vous dire que l’appui du système des Nations Unies vous est pleinement acquis. Si nous travaillons ensemble, chers amis, nous pourrons venir à bout du sida. Nous  devons en venir à bout, car l’avenir de l’Afrique en dépend.


Je vous remercie.


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