CONFERENCE DE DURBAN CONTRE LE RACISME : LES ETATS EXPRIMENT LEUR POSITION SUR LA QUESTION DE REPARATION
Communiqué de presse DR/D/933 |
CONFERENCE DE DURBAN CONTRE LE RACISME : LES ETATS EXPRIMENT LEUR POSITION SUR LA QUESTION DE REPARATION
Durban (Afrique du Sud), le 2 septembre -- La Conférence de Durban contre le racisme et les autres formes d’intolérance a suivi, au cours de ses réunions de cet après-midi et du soir, les interventions d’une trentaine de délégations qui ont porté, entre autres, sur les thèmes de l’esclavage et de la réparation, de la situation des Palestiniens ainsi que sur ceux des droits des enfants et des travailleurs migrants, des minorités et des peuples autochtones.
Sur l’esclavage et la réparation, conséquente, aux yeux des Africains du continent et de la diaspora, il a été souligné que la démarche à suivre comporterait deux volets : une reconnaissance officielle que l’esclavage constitue un crime contre l’humanité et en tant que telle, les victimes de cette période sombre de l’histoire de l’humanité devraient être redressées dans leurs droits en créant en leur faveur soit un fonds de compensation soit un plan de redressement économique des pays dont elles sont ressortissantes, soit les deux mesures à la fois. C’est la position des Etats africains que la Zambie, qui s’adressait à la Conférence en qualité de Président de l’Union africaine (UA), a exprimée et qui est également celle de la Jamaïque qui semble concevoir l’idée de réparation et de redressement économique découlant de l’esclavage sous l’angle de la perception des Africains de la diaspora.
Si des délégations, en particulier celles des pays du Nord, ne se sont jusqu’à présent pas prononcées sur le fond et la forme de la question de réparation, sauf pour admettre que leurs pays aideraient au développement des pays touchés par l’esclavage, elles ont toutefois éludé l’idée de reconnaître l’esclavage comme un crime contre l’humanité. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas, notamment, abordent toutefois la question en reconnaissant que l’esclavage a été une abomination et que leurs pays «regrettent» cette période de leur histoire pour laquelle ils seraient disposés à présenter des «excuses». Toutefois dans une récente législation que son Parlement a votée à l’unanimité, la France a reconnu que l’esclavage constitue un crime contre l’humanité.
S’agissant de la situation des Palestiniens, les délégations ont souligné la nécessité de reprendre la négociation tandis que d’autres, à l’instar de la Syrie et de l’Arabie saoudite, ont stigmatisé les pratiques israéliennes qu’elles ont qualifiées de racistes.
Au sujet des peuples autochtones et autres, il a été suggéré que les Etats dont ils sont ressortissants prennent les mesures socioéconomiques et législatives favorisant leur promotion. Le Mexique a indiqué notamment que cette Conférence offre une occasion unique pour renforcer la reconnaissance des droits des peuples autochtones conformément aux principes de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des Etats. Toutefois dans le cas des Dalit (intouchables) l’Inde a souligné qu’il n’était pas de la compétence de la Conférence d’examiner une telle question.
Sur les droits des travailleurs migrants, les intervenants ont déploré les conditions qui leur sont faites dans les pays d’accueil et invité les Etats à adhérer sans plus tarder à la Convention relative à la protection des travailleurs migrants. S’agissant des droits des enfants, la Côte d’Ivoire a indiqué que des mesures sont en cours, au plan national, qui interdiraient leur exploitation dans les champs de café et de cacao.
Outre les pays déjà cités, les représentants des Etats suivants sont intervenus : Swaziland, Luxembourg, République-Unie de Tanzanie, Kenya, Lesotho, République de Corée, Chypre, Soudan, Venezuela, Malawi, Angola, Erythrée, Namibie, Afghanistan, République démocratique du Congo, Burkina Faso, Chine, Japon, Hongrie et Fédération de Russie.
L’Organisation internationale du Travail et la Commission européenne sont également intervenues.
La Turquie, l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont exercé leur droit de réponse.
La Conférence de Durban contre le racisme poursuivra ses travaux demain matin, tant en plénière qu’au sein de ses différents groupes de travail qui s’efforcent d’harmoniser leurs positions sur les projets de déclaration et du programme d’action qui lui seront soumis plus tard au cours de cette semaine..
CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME, LA DISCRIMINATION RACIALE, LA XÉNOPHOBIE ET L’INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE
Déclarations
M. JUAN SOMAVIA, Directeur général de l’Organisation international du Travail (OIT) : Nous avons changé les constitutions, nous avons modifié les lois, nous avons révisé les politiques, nous avons même vaincu l’apartheid et pourtant, le racisme persiste à travers le monde. Qu’elle prenne la forme du trafic ou du tourisme sexuels, du travail forcé, du travail des enfants, ou encore du déni des droits des migrants, des minorités, des populations autochtones et tribales et d’autres catégories de travailleurs, la discrimination persiste toujours à travers le monde. Cette Conférence a précisément pour objet de changer cet état de chose. Il s’agit ici de s’engager à élever, du point de vue qualitatif, le niveau moral de nos sociétés. L’objectif final est de pouvoir être fier des sociétés multiculturelles, multiraciales et plurireligieuses dans lesquelles la dignité de tous les êtres humains sera respectée et protégée. Là où le racisme et la discrimination raciale persistent, les travailleurs y sont confrontés en permanence, jour après jour, alors qu’ils essaient de gagner leur vie. Si vous êtes sans emploi, vous rencontrez d’énormes obstacles pour en trouver un.
Je suis ici pour rappeler que l’ordre du jour de l’OIT en faveur de la promotion du travail décent est un outil de qualité dont vous disposez pour mettre en œuvre les conclusions auxquelles parviendra cette Conférence. Pour que nous puissions y contribuer, vos conclusions devront absolument reconnaître explicitement la nécessité de combattre la discrimination dans le domaine du travail. La déclaration de 1998 sur les principes et droits fondamentaux au travail témoigne de l’engagement des États membres de l’OIT en faveur du respect des droits à ne pas être victime de discrimination, à ne pas être victimes du travail forcé ou du travail des enfants et à jouir de la liberté d’association. Nombre d’objectifs que vous poursuivez peuvent être promus à travers les conventions de l’OIT sur la discrimination en matière d’emploi, sur les travailleurs migrants et sur les peuples autochtones et tribaux. La promotion d’opportunités de travail décentes pour tous est essentielle si l’on veut que disparaisse l’exclusion fondée sur la race et si l’on veut répondre aux besoins de sécurité des individus et de leurs familles ainsi qu’aux besoins de stabilité de nos sociétés. C’est parce qu’il n’existe pas réellement d’égalité de chances que le modèle actuel de mondialisation perd chaque jour un peu plus de sa crédibilité.
M. ENOCH P. KAVINDELE, Vice-Président de la république de Zambie : Nous avons assisté cette année à l’historique transformation de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en Union africaine (UA) que la Zambie a le privilège de présider. On attend de l’UA qu’elle gère efficacement les questions africaines. En tant que président en exercice de l’UA, la Zambie s’engage à se consacrer complètement au peuple africain. Je sais que les problèmes de discrimination raciale, tribale et ethnique sur notre continent sont un des principaux freins au développement du capital humain et à l’amélioration générale du sort de notre peuple.
Nous sommes venus à Durban pour nous libérer des injustices historiques commises contre l’humanité et qui ont revêtu la forme de l’esclavage et de la servitude et pour souligner qu’il ne fallait pas se souvenir de l’esclavage seulement comme d’une terrible tragédie mais aussi comme un mal qui a privé pendant des siècles l’Afrique de ses ressources humaines et naturelles.
Nous devons accepter le fait que ces ressources pillées pendant des siècles ont entravé jusqu’à ce jour son développement. La Conférence de Berlin de 1866 qui a décidé de la partition de l’Afrique, a tiré son autorité morale du fait que les populations vivant en Afrique étaient trop inférieures pour être consultées au moment où des décisions étaient prises sur le tracé de frontières arbitraires et l’attribution de leur terre natale.
L’Afrique demande qu’on l’écoute afin que le monde honore la mémoire du crime de l’esclavage et du colonialisme dans son histoire récente et en assume la responsabilité. Faute de cela, le peuple noir continuera d’être perçu comme un bien dont la valeur fluctue au gré de la loi de l’offre et de la demande. Nos systèmes démocratiques modernes ne peuvent laisser faire cela. Il faut réparer le développement de l’Afrique interrompu dans sa course et lui permettre de reprendre son cours. L’Afrique est d’accord avec le reste du monde pour dire que beaucoup de peuples et de races dans le monde sont victimes du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y sont associée. L’Afrique se plaint toutefois de ce que toutes les violations des droits de l’homme, survenues dans un passé proche ou tout récemment, ont été corrigées alors que l’Afrique souffre et saigne toujours en raison de leurs effets.
C’est avec cela en font que la Zambie en tant que partie à la déclaration africaine et en tant que président de l’Union africaine, demande que soit mis en place un mécanisme international de compensation pour les victimes du commerce d’esclaves et un Fonds de réparation pour le développement de façon à fournir des ressources supplémentaires destinées au développement des pays affectés par le colonialisme.
La Zambie engage vivement la communauté internationale à se prémunir contre toutes les tendances à l’exclusion. Elle lance un appel aux Africains pour qu’ils n’exercent pas de discrimination à l’égard de quiconque et aux autres races pour qu’elles n’exercent pas de discrimination à l’égard des Africains. La race humaine tout entière a le devoir de vivre ensemble harmonieusement sur cette planète.
M. ARTHUR R.V.KHOZA, Vice-Premier Ministre du Swaziland : En tant que pays voisin et frère de l’Afrique du Sud, le Swaziland, qui a longtemps été un havre de paix entre deux Etats en proie aux conflits et aux atrocités causées par l’apartheid et la discrimination raciale, le Mozambique et l’Afrique du Sud, tient à rendre un vibrant hommage à l’Afrique du Sud pour avoir su mener un processus de réconciliation nationale exemplaire. Cette Conférence est l’occasion pour nous de nous remémorer les sombres heures du colonialisme, de la traite, de l’esclavage et de l’apartheid et de faire le constat des séquelles que ces pratiques ont laissé dans nos sociétés. Nous devons aussi bâtir un monde dans lequel les individus aient le sentiment d’une appartenance commune, un monde plus égalitaire, un monde fraternel. L’intolérance religieuse et ethnique continue de susciter des conflits dévastateurs dans de nombreuses régions du monde et il est temps pour nous de prendre des mesures de nature à prévenir les actes de génocide, les conflits ethniques, les guerres de religion et l’occupation étrangère. Afin de bâtir un monde égalitaire, tolérant et pacifique, il nous faut aussi admettre que le monde dans lequel on vit est miné par les inégalités et les injustices. Nous devons, dans les pays en développement, tirer davantage parti de la mondialisation et faire en sorte qu’elle ne soit pas une nouvelle source d’exclusion et de discrimination. Nous devons prendre conscience que cette planète est suffisamment grande pour nous accueillir tous et qu’il est temps que les gouvernements, les organisations non gouvernementales et les instances internationales oeuvrent de concert pour éradiquer le racisme et la discrimination. Sans quoi, cette Conférence sera suivie d’autres rencontres sur le même thème.
Mme LYDIE POLFER, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Luxembourg : Au moment où la mondialisation nous confronte avec des problématiques inédites, notamment dans le domaine de la migration; au moment où le nombre des demandeurs d’asile ne cesse d’augmenter, il est particulièrement important de pouvoir parer au danger de réactions unilatérales en développant des approches communes. Aussi, quand on reproche aujourd’hui à l’Europe de vouloir entraver le commerce international par des considérations sociales ou environnementales, on perd de vue que le consommateur européen, pour avoir longtemps servi de débouché au commerce colonial, refuse aujourd’hui la mondialisation dans les mêmes conditions d’ignorance et de compromission.
A Durban, le combat contre le racisme a comme cadre de référence le monde contemporain. Cette Conférence ne pourra rendre justice aux victimes. Mais elle place les Etats devant leurs responsabilités politiques. Nous avons le devoir d’identifier dans notre passé les mécanismes producteurs de racisme et dans notre présent leurs prolongements. Nous avons le devoir de clarifier les principes de la lutte contre l’intolérance, y compris sous ses formes les plus insidieuses, celles précisément que nous véhiculons sans y prendre garde. Le devoir de mémoire, parce qu’il aide à la prise de conscience des horreurs et de la culpabilité qui nous hantent, est œuvre de libération. La solidarité envers ceux des pays qui ont été victimes de pratiques racistes de gouvernement demande à être affirmée comme telle. Cette solidarité est universelle, elle est indépendante des relations bilatérales mais se justifie comme un des éléments du combat contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et les autres formes d’intolérance. Que nous puissions aujourd’hui concevoir qu’un pays ait le droit de mobiliser la solidarité internationale pour s’approprier son passé, restituer la mémoire mutilée des victimes, travailler son identité – au même titre qu’il le fait dans le cadre de la lutte contre la pauvreté – me semble participer de l’état d’esprit qui a porté la communauté internationale à poser le développement comme un droit humain.
M. JAKAYA M. KIKWETE, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la République-Unie de Tanzanie : La position adoptée à Dakar, au Sénégal, en janvier 2001 nous guide dans la bonne voie. Nous appuyons la proposition selon laquelle les Etats qui ont profité de l’esclavage, de la traite et du colonialisme devraient reconnaître leur responsabilité pour les injustices du passé, exprimer officiellement leurs remords et excuses et assumer leur pleine responsabilité par la voie de la réparation et de l’indemnisation des victimes. Les réparations et l’indemnisation des victimes constituent logiquement le meilleur moyen pour ceux qui ont commis des injustices de payer leur dette. Après tout, est-ce que ces mesures ne sont-elles pas appliquées partout ailleurs, alors pourquoi pas en Afrique? Les Allemands ont versé des réparations à l’Europe pour les crimes commis au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Les Juifs sont actuellement indemnisés pour les crimes commis contre eux pendant l’holocauste. Il existe de nombreux autres exemples. C’est pourquoi, nous ne comprenons pas l’opposition ferme à l’idée de réparation et d’indemnisation en faveur de l’Afrique et des Africains. Qu’est-ce qui est si blasphématoire? Est-ce parce que l’Afrique ne le mérite pas? Ou est-ce plutôt la difficulté de déterminer l’indemnisation? Pour la Tanzanie, c’est une question de principe. La forme que revêtira la réparation et l’indemnisation est une question que nous pouvons discuter.
De l’avis de la Tanzanie, une réparation et une indemnisation justes que l’Afrique mérite devrait prendre la forme de programmes de développement. L’esclavage, la traite et le colonialisme ont eu un impact négatif sur le développement de l’Afrique. Les Etats responsables de ces préjudices devraient restaurer les opportunités de développement que l’Afrique a perdues, en élaborant des programmes spécifiques ou s’engager à contribuer à la mise en œuvre des récentes initiatives africaines intitulées du MAP/OMEGA.
Les pays développés du nord devraient s’exprimer clairement pour faire face aux entraves du développement en Afrique, car il reste encore beaucoup à faire, notamment sur des questions des investissements directs étrangers, l’aide publique au développement et l’accès aux marchés. Il est important et en effet encourageant de noter que la Conférence mondiale ne se limite pas au racisme et à la xénophobie. Malheureusement, les manifestations de racisme et de discrimination raciale sont évidentes sous certaines formes et continuent d’exister. Il est également regrettable que ces dernières années aient été marquées par de violents conflits raciaux et ethniques en Afrique, en Asie, en Europe et ailleurs causant de nombreuses victimes innocentes parmi les femmes et les enfants. Il est inacceptable que les populations soient la cible de violences et de discriminations en raison de leurs couleur, race, sexe, langue, religion, origine nationale ou ethnique. Les manifestations de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie, de l’intolérance qui y est associée, ainsi que toute violation à la dignité humaine constituent un affront à l’humanité et ne devraient pas trouver leur place dans nos sociétés.
Mon pays est particulièrement préoccupé par la situation des femmes dans le monde qui, en dépit des efforts de la communauté internationale et de la volonté d’assurer l’égalité des droits et des libertés sur la base des principes fondamentaux énoncés par la Charte des Nations Unies et les instruments des droits de l’homme en vigueur, continuent de subir des préjudices et l’exploitation. Aussi, la Conférence de Durban devrait-elle répondre de manière globale à la violence à l’encontre des femmes et envisager des mesures visant la discrimination, la xénophobie et l’intolérance fondées sur le sexe. Il faut en outre garantir aux enfants leurs droits fondamentaux à un logement, à la sécurité, aux soins et à l’éducation.
M. CHRISTOPHER M. OBURE, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Kenya : La nation sud-africaine a mené une lutte héroïque contre l’apartheid, la forme la plus ignoble et institutionnalisée du racisme qui ait jamais existé dans le monde. Cependant, malgré l’abolition de l’apartheid, il est regrettable que le racisme continue d’être une source de préoccupations dan le monde entier au point de nous réunir ici. Le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie sont enracinés dans les sociétés et cette Conférence doit être l’occasion pour nous d’affirmer que le monde doit avancer et se libérer de ce fléau. La lutte contre le racisme exige un engagement conjoint et déterminé de tous et une analyse profonde des causes du racisme et de la discrimination. Parmi ces causes, nous devons avoir le courage de nous pencher sur les sources historiques d’injustices que sont l’esclavage, la traite et le colonialisme dont les séquelles continuent d’assombrir notre présent. Cette Conférence est l’occasion de reconnaître que l’esclavage, la traite et la colonisation constituent un crime contre l’humanité et de reconnaître les dégâts causés par ces pratiques racistes. Concernant la situation au Moyen-Orient, nous considérons que le peuple palestinien a le droit de vivre en paix et en harmonie et qu’il a les mêmes droits que le peuple israélien et que les autres peuples du monde. Il est aujourd’hui clair que l’esclavage, la traite et la colonisation sont une des causes de l’état de pauvreté, de sous-développement et d’exclusion, d’instabilité et d’insécurité que connaît le continent africain. Nous devons par conséquent mettre en place des mesures de nature à inverser ces tendances et également garantir l’égalité d’accès aux services publics de toutes nos populations. Nous devons lutter contre l’extrémisme qui se manifeste par le biais des nouvelles technologies de l’information et par les médias. Nous devons prendre à bras le corps les questions de discriminations basées sur le sexe et qui marginalisent les femmes et les jeunes filles dans nos pays. Il est donc nécessaire, dans le cadre des mesures qui seront adoptée à cette Conférence, que les Etats adaptent leurs législations afin de reconnaître les droits des minorités et des populations vulnérables et de lutter contre le racisme en le prenant à ses racines.
M. MOTSOAHAE THOMAS THABANE, Ministre des affaires étrangères du Lesotho : Nous saluons le digne combat du peuple sud-africain qui se remet à peine de décennies de racisme institutionnalisé, l’apartheid. Nous constatons avec tristesse que, si l’apartheid n’est plus, le racisme est toujours bien présent et nous conduit à nous réunir une nouvelle fois car les objectifs fixés au cours des deux précédentes décennies de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale n’ont pas été atteints. Nous avons donc ici une lourde responsabilité et nous le devons à l’ensemble de l’humanité. Aujourd’hui, de nouvelles formes de racisme et de discrimination raciale émergent, véhiculées par les technologies modernes de communication qui sont le lieu idéal pour diffuser des messages soutenant la supériorité raciale. Les Etats Membres, en particulier ceux qui ont adhéré à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, doivent s’atteler à éradiquer le racisme sous toutes ses formes contemporaines en s’attaquant en priorités aux vecteurs que constituent les nouvelles technologies.
D’autres violations des droits de l’homme et d’autres formes de racisme et de discrimination telles que le trafic d’être humains, en particulier les femmes et les enfants, et qui affectent davantage les pays pauvres doivent être condamnées. De même, les droits des migrants, des réfugiés, des populations indigènes, des minorités ethniques ou religieuses, doivent faire l’objet d’une attention particulière. Dans le même temps, cette Conférence ne peut se détourner du passé et doit accorder une importance particulière à l’esclavage, la traite et le colonialisme dont les effets continuent encore de compromettre les efforts de développement des pays pauvres. Au-delà des excuses que doivent présenter les responsables de ces pratiques aux descendants des victimes, il importe d’envisager des réparations matérielles et morales.
M. OMAR ABDULLAH, Ministre d’Etat aux affaires étrangères de l’Inde : La fin de l’impérialisme et du colonialisme n’a pas éliminé les attitudes et les mentalités d’esprit de populations entières pendant de nombreuses générations. Mais nous sommes convaincus que notre civilisation mondiale est enrichie par la diversité. Nous continuons d’être les témoins de l’exclusion fondée sur la haine et du recours à la violence dans des cas de nettoyage ethnique. Malheureusement, les théories de supériorité raciale continuent d’être propagées et pratiquées bien que de récentes recherches biologiques soient parvenues à des conclusions contraires. Les disparités économiques soutiennent et renforcent les attitudes racistes. De même que les programmes politiques fondés sur la haine et la discrimination raciale qui considèrent les étrangers comme des rivaux, des concurrents et une menace à la prospérité, la culture et l’identité locales. Il faut également être vigilant face à la vulnérabilité des nouvelles technologies de l’information. L’Internet qui a transformé le monde en un village mondial est utilisé par certains pour diffuser des messages de haine. C’est ici, à Durban que Mahatma Gandhi a lancé le mouvement Satyagraha – lutte fondée sur la vérité – contre le régime raciste en Afrique du Sud. En 1946, l’Inde a été le premier pays à élever la voix contre l’apartheid aux Nations Unies. Nous avons toujours considéré le racisme et la discrimination raciale comme l’antithèse de tout ce que l’humanité défend pour l’égalité, la justice, la paix et le progrès. C’est une négation de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Dans notre contexte national, inspiré par Mahatma Gandhi et d’autres réformistes sociaux, le Gouvernement s’est engagé à combattre et à éliminer la discrimination sous toutes leurs formes. La Constitution, le code pénal et d’autres mesures législatives en vigueur en Inde garantissent le respect des droits de l’homme de tous les citoyens indiens. Notre citoyenneté est fondée sur les valeurs démocratiques et l’état de droit, le pluralisme, la tolérance et la diversité. Nous sommes résolus à résister aux forces qui visent à détruire ces valeurs. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire car on ne peut faire changer les attitudes tout simplement par la promulgation de lois ni en un jour.
Pour que la Conférence de Durban soit significative, constructive et en accord avec nos politiques nationales, le Premier Ministre Vajpayee a créé un Comité national sous la présidence du Ministre des affaires étrangères, M. Jaswant Singh. Ce Comité a recommandé qu’il était nécessaire de renforcer les structures et les institutions nationales pour assurer une mise en œuvre effective des dispositions constitutionnelles et législatives, les programmes d’action affirmative et pour transformer les attitudes sociales dans notre société. Les mesures prises dans ce cadre ont permis de réaliser des progrès considérables dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale. Les institutions de notre politique démocratique, l’élimination progressive de la pauvreté et une alphabétisation accrue ont permis à des millions de personnes des groupes défavorisés de notre société de s’exprimer. Nous sommes déterminés à poursuivre cette politique. Nous sommes fermement convaincus que la question des castes n’est pas une question qui doit être discutée à cette Conférence. Nous sommes ici pour veiller à ce qu’aucune discrimination institutionalisée ne soit dirigée contre un individu ou un groupe d’individus; de même, nous sommes ici pour s’assurer que les Etats n’encouragent pas des attitudes sociales régressives. Il n’est ni légitime ni concevable que cette Conférence –ou les Nations Unies, de manière générale– de légiférer sur les comportements des individus dans nos sociétés.
Mme HAN MYEONG-SOOK, Ministre de l’égalité entre les sexes de la République de Corée : Depuis la convocation des deux précédentes conférences mondiales contre le racisme et la discrimination raciale, la communauté internationale a enregistré des progrès significatifs en matière de lutte contre ces phénomènes. En témoigne la reconnaissance croissante du fait que l’éradication du racisme et de la discrimination raciale constitue un élément essentiel de la pleine et entière protection des droits de l'homme. En dépit des efforts incessants déployés par la communauté internationale en vue d’éradiquer le racisme et la discrimination raciale, trop de gens continuent encore d’être victimes de diverses formes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie ou d’intolérance.
Les mouvements transfrontaliers sont devenus l’une des caractéristiques communes du monde moderne en raison de la mise en marche des processus de mondialisation et d’intégration. Aucune garantie n’a cependant été prévue pour protéger les droits des travailleurs migrants, y compris ceux des travailleurs migrants illégaux et empêcher que ces personnes ne fassent l’objet d’un traitement discriminatoire et injuste voire de violations des droits de l'homme. Une attention particulière doit donc être accordée à la protection des droits de tels groupes vulnérables.
En tant que personne me trouvant à la tête du Ministère de l’égalité entre les sexes établi au début de cette année, je pense qu’éliminer la violence contre les femmes est une première mesure à prendre pour promouvoir et protéger les droits humains des femmes. Mettre un terme à la violence domestique, faire cesser la violence sexuelle et protéger les victimes constituent des priorités pour mon Ministère. Je suis grandement préoccupée par la situation des femmes migrantes qui sont confrontées à une double discrimination basée sur le sexe et sur la race. Il est donc essentiel d’intégrer une perspective sexospécifique dans toutes les politiques de lutte contre la discrimination raciale. En ce qui les concerne, les femmes appartenant à des minorités ethniques ou raciales sont souvent des victimes ciblées dans le cadre des conflits armés et des situations d’occupation étrangère. La violence à leur encontre atteint des niveaux alarmants. Le monde a été choqué par des atrocités telles que les viols commis dans les Balkans.
Je souhaite saisir cette occasion pour attirer l’attention sur l’un des plus graves exemples de crime de guerre de toute l’histoire moderne, à savoir la question des femmes de réconfort coréennes victimes du régime japonais. Nous sommes grandement préoccupés de constater que le Japon, qui a causé des souffrances indicibles à ses voisins, ait récemment approuvé la diffusion d’un manuel scolaire rationalisant et glorifiant les erreurs du passé tout en déformant et en cachant les faits. L’histoire ne se contente pas de traiter du passé; elle forge l’avenir. Si des présentations erronées de l’histoire sont enseignées aux jeunes générations à travers des manuels scolaires biaisés, les erreurs du passé se reproduiront. Je souhaite donc mettre l’accent sur l’impérieuse nécessité d’un repentir véritable, d’une représentation fidèle de l’histoire et d’une entière reconnaissance des faits historiques dans la manière dont l’histoire est enseignée.
M. NICOS KOSHIS, Ministre de la justice et de l’ordre public de Chypre : Le choix de l’Afrique du Sud pour accueillir la présente Conférence est particulièrement judicieux eu égard à l’histoire de ce pays et du continent auquel il appartient –continent dont les habitants ont été victimes des pires formes de racisme et de discrimination raciale, notamment du fait des pratiques de l’esclavage et du commerce des esclaves ainsi que de la colonisation. Au cours de son histoire, Chypre a aussi parfois été victime de pratiques qui ne font pas l’honneur de l’humanité et parmi lesquelles on peut citer l’invasion militaire et le nettoyage ethnique. Depuis 1974, les Nations Unies ont adopté des résolutions demandant qu’il soit mis fin à l’occupation de la partie septentrionale de l’île et exigeant que cessent les pratiques visant à modifier la composition démographique que subit l’île.
M. ALI MOHAMED OSMAN YASIN, Ministre de la justice du Soudan : Mon pays attache une grande importance à cette Conférence en espérant qu’elle permettra de se libérer du racisme, de la discrimination et de la xénophobie. Nous reconnaissons l’importance du rôle des organisations non gouvernementales et de toute la société civile dans la lutte contre le racisme et souhaitons que ces dernières soient associées à nos travaux. Les nouvelles technologies de l’information devraient être utilisées pour lutter contre le racisme et renforcer la tolérance. Nous désirons vivement que l’histoire retienne de cette troisième Conférence, contrairement au deux précédentes, qu’elle a permis d’avancer dans cette lutte mondiale. Il faut tirer les leçons du passé et notamment de la traite des esclaves qui constituait une négation de la dignité humane et qui a permis au monde riche de se développer. Aujourd’hui, ce phénomène se poursuit dans le phénomène de la mondialisation qui est injuste et inéquitable. Nous considérons par ailleurs que les responsables de la traite, de l’esclavage et de la colonisation doivent assumer leurs responsabilités en payant des réparations.
Nous considérons également que les pratiques racistes israéliennes doivent cesser face aux populations palestiniennes, notamment l’occupation et les exécutions. Ma délégation a été troublée par la comparaison faite hier le Président de l’Ouganda qui a comparé la situation au Moyen-Orient à la situation au Soudan. Dois-je rappeler ici que le conflit au Soudan n’est pas racial mais est un conflit politique dont le Président ougandais est un acteur. Le Président ougandais aurait pu parler de la situation qu’il a créée dans le nord de son pays et du génocide dont il est responsable dans la région des Grands Lacs. Il serait bon d’éviter de s’accuser mutuellement et préférable de se pencher sur les voies et moyens de réaliser la paix en Afrique. Je rappelle également que notre Constitution établit le droit à l’égalité et bannit la discrimination sur la base du sexe, de la religion ou de la race. Seule la solidarité et la coopération nous permettrons de lutter contre le racisme et de dépasser nos différences.
M. LUIS ALFONSO DAVILA GARCIA, Ministre des relations extérieures du Venezuela : Hier, le Président de l’Ouganda a rappelé que tous les êtres humains sont d’origine africaine et qu’au fil des siècles, bon nombre d’entre eux ont perdu leur couleur. Je viens moi-même d’un pays de métissage et nous en sommes fiers. Notre nouvelle Constitution adoptée en décembre 1999 stipule que l’Etat doit garantir sans aucune discrimination et de manière indivisible les droits de l’homme. Tous les peuples autochtones se sont vus reconnaître leurs droits spécifiques et des mesures sont prises pour leur restituer les terres. Ces populations sont désormais représentées au Parlement. Toute doctrine de supériorité raciale est totalement fausse et elle politiquement dangereuse. Il nous faut toutefois aller plus loin : il est nécessaire que les attitudes visant l’exclusion doivent être combattues. Si l’on ne favorise pas une culture de tolérance et si l’on n’utilise pas les nouvelles technologies de l’information pour mieux sensibiliser à la tolérance, on encouragera le développement des formes rampantes de racisme et la xénophobie. Le Venezuela espère que La Conférence de Durban adoptera un programme d’action et une déclaration qui défendront les droits de tous. Le racisme est une guerre sournoise qui ronge nos sociétés.
Tous les thèmes qui intéressent la communauté internationale doivent être examinés par la présente Conférence. En ce qui concerne la question de la Palestine, le Venezuela opte pour une position qui facilite une solution qui, sans ignorer la réalité et la reconnaissance des souffrances et des frustrations causées par la situation particulière dans les territoires arabes occupés, encourage la reprise du processus de négociation par les parties directement impliquées et parvenir rapidement à un règlement juste et pacifique. Concernant la question des réparations et la reconnaissance des préjudices commis dans le passé, le Venezuela estime que la Conférence mondiale s’inspire reconnaisse les souffrances subies par les populations autochtones afin que les erreurs commises ne puissent plus se reproduire. Lors du récent Sommet des Amériques, tenu à Québec, le Président Chavez avait appelé à la réduction de 20% des dépenses militaires afin d’éradiquer la pauvreté. Le Venezuela estime que la communauté internationale doit promouvoir des programmes qui permettront aux groupes et populations qui sont actuellement victimes des différentes formes modernes de l’intolérance d’accéder au développement.
Mme LILIAN E. PATEL, Ministre des affaires étrangères du Malawi : La Conférence contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée vient à point nommé au moment le monde transformé en village planétaire, se trouve à un carrefour socioéconomique et politique et où figurent sur notre agenda des choix difficiles qui vont décider de notre survie. Il n’existe aucun fondement au racisme, à la discrimination raciale et à la xénophobie si ce n’est l’égoïsme et une quête de domination socioéconomique de la part des puissants.
Il est nécessaire et urgent pour les nations de créer des mécanismes d’Etat qui protègent les victimes de la xénophobie qui existe désormais de façon latente dans notre continent et ailleurs. Il est important de comprendre qu’une culture démocratique doit se caractériser pour une part par la liberté de mouvement des populations. Il nous faut relever ce défi économique concret en adoptant des mesures efficaces visant à réduire la pauvreté par le développement d’opportunités économiques.
Le monde en développement, et notamment l’Afrique, a eu plus que sa part de problèmes dérivant du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et des autres formes d’intolérance. L’Afrique a été à bien des égards marginalisée. La situation est aggravée par le fléau du VIH/sida qui affecte tout particulièrement l’Afrique. Ma délégation souhaite lancer un appel aux délégués de cette Conférence pour qu’ils fassent en sorte que les résultats de cette Conférence accordent à l’Afrique l’attention qu’elle mérite et soutiennent ses efforts de reconstruction.
M. FAROUK AL SHARA, Ministre des affaires étrangères de la République arabe syrienne : Je tiens ici à rappeler au monde que la Syrie, les Arabes et les Musulmans se sont élevés contre le régime raciste de l’apartheid et ont boycotté l’Afrique du Sud, convaincus que le racisme est une doctrine obscurantiste et représente l’horreur du monde. Forts aussi de nos racines qui sont historiquement opposées au racisme puisque nos peuples ont de tout temps résister à ces doctrines. Notre pays est une terre d’accueil pour toutes les victimes de discrimination, notamment religieuse et raciale. Or, la plus grande menace pour les peuples du Moyen-Orient réside dans les pratiques israéliennes qui sont racistes, ces derniers étant convaincus, depuis 1948, qu’ils peuvent éliminer les civils et les dirigeants palestiniens sans jamais devoir rendre de comptes. Cependant, les Israéliens ont tort de penser qu’ils sont au-dessus des lois et de se comporter ainsi car les peuples arabes ne renoncent jamais et ne se plient pas à la subjugation et à l’humiliation. Les circonstances ont changé et les peuples du monde se sont libérés du joug colonial tandis que le Zimbabwe, l’Afrique du Sud et la Namibie ont vaincu les régimes d’apartheid qui étaient proches des sionistes israéliens. Le monde ne tolère plus l’occupation et, si Israël devait poursuivre ces pratiques racistes, il condamnerait définitivement toute perspective de paix avec les Arabes. On ne peut prétendre obtenir la sécurité en continuant d’occuper les territoires palestiniens et les priver de leur Etat indépendant. L’ironie de l’histoire réside dans le fait qu’Israël prétend que le retour des réfugiés palestiniens, conformément à la résolution 194, signifierait la fin d’Israël alors même que le retour des réfugiés palestiniens marquerait la fin du racisme en Israël. Le fait que les Etats-Unis aient fait pression, au cours du processus préparatoire, pour que soient abandonnés dans les documents finaux de cette Conférence, la demande des Africains en faveur de réparation et la phrase qui assimilait le sionisme au racisme, prouve au monde entier de quel côté ils se situent et ont permis de mettre en lumière ces questions essentielles.
M. GEORGES CHIKOTI, Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Angola : Nous saluons les efforts déployés par le Président Thabo Mbeki pour bâtir une nouvelle Afrique du Sud libre et débarrassée de l’apartheid. En venant ici à Durban, mon Gouvernement entend démontrer l’esprit de fraternité qui doit nous guider, d’autant que nous avons lutté ensemble contre le régime d’apartheid qui a fait du tort à toute notre région. Je tiens à rappeler que l’Angola a été colonisé pendant 450 ans par les Portugais alors que dans le même temps, plus de 100 millions d’Africains étaient déportés vers les Amériques. L’Angola a payé un lourd tribut à l’esclavage jusque dans les années 1950 alors qu’il avait été officiellement aboli en 1836. L’esclavage a ensuite été remplacé par le travail forcé développé pendant la colonisation qui a été des plus sanglantes en Angola. Après la domination portugaise, l’Angola a souffert des dommages infligés par le régime d’apartheid sud-africain dans le sud de l’Angola. Et malgré les résolutions du Conseil de sécurité qui demandaient au régime d’apartheid de verser des réparations à hauteur de 10 milliards de dollars, aucun centime n’a été versé à ce jour. Nous sommes convaincus que nous parviendrons à trouver une solution avec ce Gouvernement ami. Nous ne devons pas oublier en effet que, entre Africains, nous avons une culture de tolérance et, malgré son histoire tumultueuse, l’Angola est parvenue à ériger une société fondée sur la tolérance et l’égalité des droits.
Cette Conférence doit être l’occasion de réaffirmer que les Africains et les victimes du racisme et de la discrimination raciale sont prêts à pardonner mais sont inquiétés par le fait que certains de ces problèmes ne sont toujours pas résolus. C’est pourquoi les peuples du monde doivent s’unir pour bâtir un avenir sur des bases solides et faire de cette Conférence l’occasion de reconnaître que l’esclavage, la traite et la colonisation sont des crimes contre l’humanité et de prendre les mesures nécessaires pour éviter que de tels désastres se reproduisent. Le monde d’aujourd’hui doit être plus égalitaire, en particulier au moment où la mondialisation marginalise le monde en développement.
M. STAFFORD NEIL (Jamaïque) : L’héritage du passé est important non seulement pour expliquer la persistance de certains schémas du racisme et de la discrimination raciale mais aussi pour montrer l’échelle et les conséquences des dommages infligés. L’exemple le plus frappant concerne l’Afrique et sa diaspora dans les Caraïbes et les Amériques. Il s’agit de l’esclavage et du commerce d’esclaves transatlantique qui s’est poursuivie pendant trois siècles. Il est établi que de nombreux individus et compagnies ont réalisé des fortunes importantes et des pays se sont enrichis et renforcés en exploitant la misère humaine. Toutefois, ce qui est important maintenant, ce n’est pas d’établir le catalogue des abus ou d’insister sur les souffrances humaines au cours de cette période mais plutôt de dégager la voie de la réconciliation. C’est dans ce but qu’ont été faites les propositions relatives aux réparations. Ces propositions ne se veulent ni antagonistes ni hostiles; elles font partie du processus visant à soigner les blessures du passé. Nous croyons que des réparations serviraient les intérêts des descendants des victimes comme ceux des descendants des oppresseurs. C’est le moyen de se mesurer au passé sans culpabilité ni amertume.
Cela serait un résultat remarquable pour cette Conférence si l’idée de réparations au titre de l’esclavage et du commerce transatlantique d’esclaves était soutenue : la communauté internationale pourrait adopter deux formules. Tout d’abord, il faudrait que soit reconnu que l’esclavage et le commerce transatlantique d’esclaves ont constitué un crime contre l’humanité. Ce serait un geste acceptable lié à l’aspect historique et éthique de la question. En deuxième lieu, des mesures économiques devraient être prises sous forme de politiques et programmes au niveau international; celles-ci chercheraient à remédier aux négatives conséquences d’une injustice historique : la déstabilisation et le sous-développement de l’Afrique et la dégradation et les dommages psychiques subis par le peuple de la diaspora. Ce qui est important maintenant est que la communauté internationale accepte le principe de politiques de compensation qui peut être appliqué pour améliorer les perspectives de développement des pays affectés. Un certain nombre d’initiatives pourrait être identifié dans ce cadre, que ce soit sous forme d’allègement de la dette, de prêts de réinstallation ou de programmes pour le développement des ressources humaines. Cette Conférence devrait prendre ces mesures maintenant; elle se débarrasserait ainsi d’un problème majeur et, à long terme, jetterait les bases d’une meilleure compréhension, bonne volonté et coopération.
M. GILBERTO RINCON GALLARDO, Président de la Commission citoyenne d’études contre la discrimination du Mexique : Mon pays appuie les conclusions adoptées par la Conférence régionale d’Amérique latine qui a réaffirmé les principes d’égalité et de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, sans discrimination à l’égard de la race, de la couleur, du sexe, de la langue, de la santé, de l’âge, de la religion et des autres principes énoncés par les instruments internationaux des droits de l’homme en vigueur. Tenant compte du fait que les manifestations de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée sont exprimées sous différentes formes dans le monde, le Mexique estime que la protection contre de tels actes devrait constituer un droit dont se pourrait se prévaloir tout citoyen. La Conférence mondiale établira un agenda contre la discrimination pour le 21ème siècle et devrait commencer par reconnaître que des actions comme la conquête, le colonialisme et l’esclavage sont des sources historiques de racisme et d’autres formes de discrimination. Si aujourd’hui ces pratiques avaient lieu, elles seraient qualifiées de crimes internationaux contre l’humanité et feraient ainsi l’objet d’indemnisation et de restitution.
Les pays développés et les groupes privilégiés dans les pays pauvres ont une dette historique à l’égard des groupes vulnérables. La réparation doit être un concept moral à la base des politiques nationales et internationales. Elle devrait être assurée de manière solidaire par le biais de politiques, de la promotion des besoins élémentaires et la création d’opportunités pour des secteurs sociaux plus étendus. La réparation du préjudice devrait fondamentalement se traduire par un engagement en faveur du développement et la création d’opportunités. Cette Conférence offre une occasion unique pour renforcer la reconnaissance des droits des populations autochtones, conformément aux principes de souveraineté et d’intégrité territoriale des Etats. Le Mexique appuie et encourage les réformes administratives, législatives et judiciaires nécessaires pour garantir l’exercice des droits de l’homme et les libertés fondamentales par tous, condition sine qua non pour l’élimination du racisme et de la discrimination raciale.
Mme ODILE QUINTIN, Directeur général de la Commission européenne : La Commission européenne est heureuse d’avoir été associée à la préparation de cette Conférence en finançant la participation de la société civile aux conférences préparatoires et au forum des ONG ici à Durban. En effet la lutte contre le racisme ne peut être la responsabilité des gouvernements seuls. Le racisme est un problème de société et tous les acteurs de la société doivent jouer leur rôle. L’an dernier, le Conseil des ministres de l’Union européenne a adopté deux textes législatifs contraignants pour interdire les discriminations fondées sur la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. Les Etats membres de l’UE collaborent actuellement avec leurs partenaires de la société civile afin de transposer ces lois dans leur législation nationale. Cette transposition devra être achevée pour 2003. La Commission compte aujourd’hui proposer la création d’un nouveau cadre juridique destiné aux Etats membres pour lutter contre les crimes racistes et xénophobes. Cette proposition couvrira également la diffusion de données à caractère raciste et xénophobe sur Internet, sur la base du principe selon lequel ce qui est jugé illégal «hors ligne» devrait également être considéré comme illégal «en ligne». En 1997, nous avons créé l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes. Ce dernier rend compte des niveaux de racisme dans l’ensemble de l’UE et met l’accent sur les bonnes pratiques permettant de les réduire.
Je ne vous ai décrit aujourd’hui qu’une partie des nombreuses actions que nous avons pu entreprendre ensemble grâce au concours des 15 Etats membres. Pourtant il ne se passe pas un jour sans qu’il ne soit fait état d’attaques racistes quelque part dans l’Union européenne. Un programme d’action positif et concret nous sera profitable à tous et nous guidera vers la réalisation d’un objectif commun visant à bannir le racisme et la xénophobie de notre monde. Certaines questions difficiles doivent encore être résolues. Si nous voulons quitter Durban en ayant fait avancer les choses pour les victimes actuelles du racisme, nous devons tous faire preuve de bonne volonté, d’imagination et d’ingéniosité dans la recherche d’une solution à ces problèmes.
Mme LA BARONNE AMOS DE BRONDESBURY, Ministre pour l’Afrique du Royaume-Uni : L’amitié qui existe entre l’Angleterre et l’Afrique du Sud et entre les peuples de ces deux pays remonte à longtemps. Elle puise sa force dans des valeurs et dans un engagement communs en faveur de la justice et de l’égalité. Nous sommes honorés que le Président Mbeki ait visité le Royaume-Uni au début de cette année afin de renforcer l’amitié et le partenariat entre les deux pays. En avril dernier, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées à Trafalgar Square, à Londres, pour rejoindre Nelson Mandela qui honorait de sa présence un concert donné en l’honneur de l’Afrique du Sud. Ce que nous commémorions alors en ce jour mémorable, c’était la diversité de l’Afrique du Sud. Or, le caractère multiculturel de la société britannique est précisément l’une des premières choses que l’on remarque lorsque l’on arrive au Royaume-Uni. Dans la seule ville de Londres, près de 200 langues autres que l’anglais sont parlées.
Au niveau national, nous avons progressé en ce qui concerne notre aptitude à relever les défis du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie, de l’antisémitisme et de l’islamophobie. Il n’en demeure pas moins que subsiste un certain nombre de domaines de préoccupation. Nombre d’entre vous ont en mémoire les troubles violents qui se sont produits, ces derniers mois, entre jeunes gens de communautés ethniques différentes dans les villes d’Oldham, de Bradford et de Burnley. Il est clair que les causes de ces troubles sont profondément enracinées dans les structures de notre société. Nous ne ménageons aucun effort pour aider les gens, au niveau local, à trouver les moyens pratiques de rapprocher et rassembler les différentes communautés. Les recommandations de la commission d’enquête mise en place suite au décès de Stephen Lawrence (un jeune noir poignardé à mort par un groupe de jeunes blancs en 1993 alors qu’il attendait un autobus en compagnie d’un ami) ont servi de repère à l’action entreprise ces dernières années par le Gouvernement du Royaume-Uni en vue d’éradiquer le racisme de la société britannique. Le rapport de cette Commission d’enquête a notamment entraîné un renforcement radical de la législation sur les relations entre les races au Royaume-Uni.
Nous savons tous que les préparatifs à la Conférence de Durban ont été difficiles et que beaucoup reste à faire cette semaine. Mais cela ne saurait en aucun cas nous faire oublier l’importance des questions débattues. Nous devons quitter Durban en ayant réaffirmé notre résolution à mettre en œuvre la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et, le cas échéant, à y adhérer. Nous souhaitons que cette Conférence aboutisse à une déclaration forte qui regarde le passé en face. L’Union européenne déplore profondément les souffrances humaines, tant individuelles que collectives, engendrées par l’esclavage et par le commerce des esclaves. Il s’agit là de quelques-uns des chapitres les plus déshonorants de l’histoire de l’humanité. Face à un tel passé, la reconnaissance des faits, le regret et la condamnation nous permettront d’aller de l’avant, emplis d’espoir et disposant ainsi d’une solide base sur laquelle nous appuyer pour continuer à résoudre les problèmes contemporains.
M. ROGER VAN BOXTEL, Ministre de l’urbanisme et de l’intégration des minorités ethniques des Pays-Bas : C’est un devoir démocratique de garantir le respect, la justice, la dignité et l’égalité pour tous. La discrimination raciale affecte davantage les groupes et les individus lorsque d’autres facteurs sont pris en compte, en particulier la race et le sexe, la race et l’orientation sexuelle, la race et les incapacités physiques ou mentales et bien d’autres. Les Pays-Bas souhaitent fermement que des questions comme le trafic des femmes et des fillettes et la discrimination fondée sur le travail et l’origine soient examinées dans le cadre de la Conférence. L’universalité des droits de l’homme doit nous guider dans notre lutte contre le racisme. Cette troisième Conférence à Durban est nécessaire pour déclarer à tous les peuples que le racisme et la discrimination doivent être éradiqués. Mais on ne peut être crédible que lorsque nous reconnaîtrons les grandes injustices du passé. Nous exprimons un profond remords pour l’esclavage et la traite qui ont eu lieu, mais une telle expression ne suffit pas et ne peut excuser aujourd’hui l’absence d’action. Il est important de prendre des mesures structurelles qui aient des effets à l’égard des descendants d’anciens esclaves et des générations futures.
Les Pays-Bas adoptent une approche active dans la lutte contre la discrimination et l’exclusion sociale. La société néerlandaise est actuellement une société multiculturelle, où les différents groupes ethniques vivent dans un climat pacifique et harmonieux. L’approche néerlandaise vise à s’attaquer au racisme sur de nombreux fronts, d’abord sur le plan local où la société est le plus directement confronté au racisme et à la discrimination raciale. Le Gouvernement procède actuellement à la professionnalisation des centres locaux et régions contre la discrimination. En préparant sa participation à la Conférence mondiale, les Pays-Bas ont consulté les organisations non gouvernementales et les institutions nationales indépendantes.
Ces consultations ont conclu que la Conférence mondiale, par le biais de son Programme d’action et sa Déclaration, devrait guider l’élaboration de plans d’action nationaux et régionaux. Il est nécessaire de créer une infrastructure à tous les niveaux de la société pour la lutte contre le racisme et la discrimination raciale. L’année prochaine, un plan national d’action sera mis au point en coopération avec des organisations actives dans ce domaine. Grâce à des partenariats entre le secteur public et le secteur privé, les Pays-Bas ont développé une bonne expérience en matière de lutte contre le racisme sur Internet. Pour faire face à l’immense influence d’Internet aujourd’hui, nous devons prendre toutes les mesures nécessaires internationales contre son usage à des fins racistes.
M. ALI SAID ABDELLA, Ministre des affaires étrangères de l’Erythrée : Le peuple érythréen a été victime de l’oppression raciste et de discrimination raciale pendant près d’un siècle sous trois administrations coloniales. Pendant le colonialisme italien, et plus particulièrement au cours de la période fasciste, une politique raciale officielle, qui établissait des discriminations sur la base de la race, avait été adoptée et appliquée de manière implacable. Ses politiques foncière, culturelle, sociale et en matière d’éducation -y compris la ségrégation dans les transports et les lieux publics– rivalisaient presque avec le régime d’apartheid. L’Administration britannique des territoires ennemis occupés a continué à appliquer les lois et politiques fascistes sous le prétexte de respecter les instruments internationaux applicables aux territoires ennemis occupés. Pendant 40 ans de régime colonial sous l’autorité du dernier pays colonisateur, le racisme s’est manifesté de manière évidente, à la fois publiquement et insidieusement, sur les plans politique, économique et culturel. L’engagement de l’Erythrée en faveur de l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale remonte aux premiers jours de la lutte de libération. Elle faisait en fait partie intégrante de la lutte de libération. Le pays compte neuf groupes ethniques et deux religions y sont pratiquées.
Après l’indépendance, le Ministère de la justice a procédé à une profonde réforme de la législation nationale afin d’y inclure les dispositions des instruments internationaux des droits de l’homme que l’Erythrée a ratifiés, en particulier celles qui portent sur l’ethnicité, l’égalité des sexes, la religion et les mineurs. Convaincu que le racisme et l’intolérance raciale sont étroitement liés et ancrés dans les situations économiques, le Gouvernement s’est assuré que tous les Erythréens puissent participer de manière équitable aux activités économiques du pays. Soulignant que des mesures législatives ne peuvent à elles seules éliminer le racisme, la discrimination raciale et les politiques d’exclusion, l’Erythrée est convaincue qu’il est essentiel que la communauté internationale adopte des mesures collectives appropriées pour décourager la création d’Etats fondés exclusivement sur l’ethnie.
M. ERNEST N. TJIRIANGE, Ministre de la justice de la Namibie : Les deux précédentes conférences mondiales contre le racisme se sont tenues loin de l’Afrique australe, au moment où les peuples du Zimbabwe, de Namibie et d’Afrique du Sud se battaient contre le colonialisme et l’apartheid. C’est donc tout un symbole de voir cette Conférence se tenir ici en Afrique du Sud après la fin de l’apartheid, système reconnu par les Nations Unies comme un crime contre l’humanité. Cette première Conférence du nouveau millénaire, celui de la Renaissance africaine, doit aboutir à des résultats concrets. Tous les regards sont rivés sur Durban qui doit être le tournant dans la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance.
L’Afrique a payé un lourd tribut au crime raciste le plus odieux de l’histoire, l’esclavage, qui a nié la personne humaine dans sa dignité. Le colonialisme, les guerres de conquête, l’apartheid qui a sévi en Afrique du Sud et en Namibie, sont des éléments clés de l’histoire que cette Conférence ne peut écarter. Tout comme la poursuite de l’exploitation de l’Afrique qui est aujourd’hui pillée de ses ressources et est menacée par les flux d’armes bradées à la fin de la Guerre froide. La Conférence doit souligner la responsabilité de la communauté internationale dans les injustices de l’histoire que constituent l’esclavage, la traite, la colonisation et l’apartheid, et reconnaître les effets durables de ces phénomènes sur le continent africain, encore aujourd’hui à l’aube du 21ème siècle.
Au-delà des excuses qui sont dues à l’Afrique, il est important que des mécanismes de réparations et de compensations soient mis en place et il appartient aux agences des Nations Unies de définir la forme appropriée de ces réparations. On ne peut minimiser l’horreur de l’esclavage, de la traite, du colonialisme et de l’apartheid et c’est pourquoi il faut que cette Conférence se penche sur les droits des Africains et des peuples d’origine africaine. Parallèlement, cette Conférence ne peut ignorer la situation des Palestiniens dans les territoires occupés et cette question doit être sérieusement prises en considération lors de nos travaux. Trop de vies ont été perdues pour que la Conférence contre le racisme se détourne de ces enjeux.
M. M.A.ABDULLAH, Ministre des affaires étrangères de l’Afghanistan : Nous considérons que cette Conférence, qui se tient dans un pays hautement symbolique, constitue la plus importante et la plus utile réunion de ce début de siècle, pour autant qu’elle aboutisse, comme nous l’espérons, à des résultats concrets et efficaces en matière de lutte contre le racisme. Notre pays a également accordé une grande attention aux débats et aux discussions, parfois difficiles, qui se sont déroulés dans le cadre du processus préparatoire. Il en ressort qu’il est nécessaire de cicatriser les blessures du passé, de regarder avec lucidité la situation présente et de forger, si possible, un meilleur avenir pour les peuples de la planète.
Notre principale préoccupation, aujourd’hui, porte sur le fossé qui sépare le droit tel qu’inscrit dans la loi et la réalité. Plus nous disposons de lois, de conventions, de déclarations et de résolutions, plus se répandent les nouvelles formes de violations de droits de l'homme, la haine, la discrimination et l’intolérance. Nous savons que des millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont souffert et continue de souffrir de diverses formes de discrimination et de racisme. C’est pour eux que nous sommes réunis ici aujourd’hui et nous n’avons pas le droit de les décevoir.
Je souhaite attirer votre attention sur la situation particulièrement dramatique qui prévaut dans les zones contrôlées par les taliban en Afghanistan. Il s’agit d’un laboratoire unique au monde qui mérite d’être visité et analysé. Tous les droits individuels et collectifs fondamentaux du peuple afghan sont gravement bafoués. Une autorité de facto se maintient au pouvoir en faisant fi du droit du peuple afghan à l’autodétermination et grâce à l’ingérence armée directe du Pakistan. À l’intérieur du pays, notre peuple est l’otage d’une terreur sans précédent tandis qu’à l’extérieur, des millions de réfugiés afghans n’ont nulle part où aller. Le peuple afghan, sous l’impulsion de son Gouvernement légal universellement reconnu, continuera de résister, par tous les moyens, jusqu’à ce que l’agression conjointe du Pakistan et des taliban prenne fin. Cela ne signifie aucunement qu’il tournera le dos à toute proposition de négociation sous les auspices des Nations Unies. Mais les autorités du Pakistan et des taliban ont jusqu’à présent rejeté cette option. C’est pourquoi nous demandons à la Conférence mondiale de condamner cette agression et cette occupation.
M. OULAI SIENE, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des libertés publiques de la Côte d’Ivoire : L’insuffisance des ressources, la raréfaction du minimum vital sont autant d’éléments de désintégration de la société tant elles exacerbent les sentiments d’égoïsme, de protectionnisme et de frustration, et conduisent au refus de l’autre, à l’exclusion et à la discrimination. Plus que jamais, l’action de la communauté internationale doit aller au-delà du cadre juridique et institutionnel pour s’étendre sur le terrain de la pauvreté et de la culture de la démocratie. Il faut lutter contre la pauvreté, lutter pour une réelle démocratisation des Etats et pour une consolidation de l’état de droit, ce qui favorisera davantage l’application des dispositions de la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ratifiée par l’Etat ivoirien depuis le 4 janvier 1973. Par l’adoption de sa nouvelle Constitution le 1er août 2000, la Côte d’Ivoire affirme son vœu de bâtir une nation unie en interdisant la création de partis et groupements politiques sur des bases régionales, tribales, ethniques ou raciales et toute propagande ayant pour but ou pour effet de faire prévaloir un groupe social sur un autre ou d’encourager la haine raciale.
Depuis son accession à la souveraineté internationale en 1960, la Côte d’Ivoire continue d’être un pays de brassage démographique, culturel et religieux. Elle compte près de 66 ethnies vivant en parfaite intelligence entre elles et avec leurs frères venus d’autres horizons. Sur une population de 15 millions d’habitants, il y a 26% de non nationaux qui ont accès à tous les secteurs d’activités. Des mesures idoines ont été prises pour assurer notamment le rapatriement d’enfants victimes de trafic. Le renforcement de la législation est en cours pour réprimer plus sévèrement le trafic d’enfants en vue de les employer dans les plantations de café et de cacao. En outre, la Côte d’Ivoire, conformément à la Convention de 1951 et de son Protocole additionnel sur les réfugiés, a accueilli au 31 mai 2000 plus de 126 000 réfugiés, toutes nationalités confondues, nombre auquel s’est ajouté depuis un mois, plus de 5 000 réfugiés à la suite de la reprise des combats à notre frontière ouest. En hommage à cette hospitalité, l’OUA a décerné en 1999 à mon pays le Prix de la solidarité en faveur des réfugiés à Alger.
M. NTUMBA LUABA LUMU (République démocratique du Congo) : La République démocratique du Congo fait face aujourd’hui à une guerre d’agression de la part de ses voisins du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi et subit l’occupation d’une partie substantielle de son territoire. Elle pleure, depuis trois ans le sort fait à ses fils et à ses filles. Plus de trois millions de morts, victimes directes et indirectes du conflit armé, environ deux millions de personnes déplacées, 400 000 réfugiés, des femmes violées et/ou enterrées vivantes. Ne s’agit-il pas là d’une forme de génocide, silencieux et insidieux à huit-clos? Pratiqué à la même échelle, dans d’autres pays africains, on aurait assisté à la décimation totale de leur population. Comment comprendre que les victimes d’hier se transforment aujourd’hui en bourreaux impénitents? Aussi, la société civile congolaise en appelle-t-elle à la création d’un tribunal pénal international pour le Congo. De même des conflits interethniques ont-ils été tantôt rallumés, tantôt suscités et entretenus, et instrumentalisés aux fins d’asseoir la domination étrangère. Tel est le cas du conflit Hema-Lendu, qui a fait plus de 50 000 victimes dans la partie orientale de la République démocratique du Congo occupée par l’Ouganda.
D’aucuns ont voulu faire passer la guerre d’agression pour un conflit interethnique, mais le récent rapport du panel de l’ONU sur les pillages des ressources naturelles de la République naturelles de la République démocratique du Congo a fait voler en éclat ce prétexte et révélé la véritable motivation de cette guerre. Un rapport du Département d’Etat américain du 12 juillet 2001, fait état du trafic international des femmes congolaises habitant les provinces occupées, à des fins d’exploitation sexuelle.
Avec ses 400 ethnies, il est difficile de dire qui est majoritaire et qui est minoritaire en République démocratique du Congo. La dynamique en cours privilégie plus l’unité nationale que la différenciation ethnique ou géographique. La charte congolaise des droits de l’homme et du peuple adoptée lors de la conférence nationale sur les droits de l’homme, tenue en juin 2001, dispose que les droits des personnes appartenant aux minorités sont reconnus et protégés par la loi. Ils comprennent le droit d’avoir une culture propre, de pratiquer une religion propre et d’utiliser une langue propre. La République démocratique du Congo après avoir adhéré à la Déclaration universelle des droits de l’homme, a ratifié la plupart des instruments internationaux spécifiques. Ce qui est visé à travers tous ces instruments, de même que par la tenue de la présente conférence mondiale, c’est la sauvegarde de la dignité humaine, la préservation de notre commune humanité. Autrui est un autre toi-même, nous rappelle la sagesse congolaise.
Mme MONIQUE ILBOUDO, Secrétaire d’Etat à la promotion des droits de l’homme du Burkina Faso : Le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance sont des théories qui tendent à nier l’humanité de l’autre, sa dignité, sa liberté, ses droits en raison de la couleur de sa peau, de son origine, de sa religion ou de toutes autres différences. A ces maux, il convient d’ajouter le sexisme qui a fondé et fonde encore bien souvent les injustices et les discriminations à l’égard des femmes. Mon pays, le Burkina Faso, est un pays enclavé et vit des conditions matérielles et climatiques difficiles qui conduisent au phénomène de l’émigration. A cet égard, les questions des migrants et de la xénophobie interpellent et suscitent une profonde inquiétude chez les Burkinabé. Le Burkina s’est engagé dans la construction d’un Etat de droit qui implique la soumission de l’ensemble des institutions à la loi. Il dispose d’un arsenal juridique de protection des droits de l’homme qui garantissent l’égalité de tous les citoyens devant la loi. Ainsi, le Burkina combat et condamne le racisme et la discrimination raciale et s’est engagé politiquement dans la lutte contre ces phénomènes. Le Burkina Faso compte une soixantaine d’ethnies et en dépit de cette diversité, il y règne un esprit de tolérance au sein des populations. Toutefois, mon pays ne prétend pas être à l’abri de comportements racistes, xénophobes ou intolérants que la loi ou le pouvoir judiciaire sont appelés à sanctionner.
Le Burkina Faso souhaite que la tribune de cette Conférence offre l’occasion aux Etats de condamner une fois de plus le racisme, la xénophobie, le sexisme et les autres formes d’intolérance. Par ailleurs, mon pays recommande, entre autres mesures, l’indemnisation de toutes les victimes de la xénophobie, de l’esclavage et de la colonisation et l’interpellation des Etats qui encouragent ou maintiennent un climat xénophobe.
M. WANG GUANGYA, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Chine : Le racisme, sous de nouvelles formes, continue de se répandre à travers le monde alors que les incidents de xénophobie, de discrimination contre des immigrants ainsi que la violence raciale continuent de s’accroître. En outre, le néo-fascisme et le néo-nazisme resurgissent dans certains pays. Cette situation globale constitue un défi pour la paix et le développement dans le monde. La haine raciale, tout comme les effusions de sang, ne cessent de se développer au Moyen-Orient. Le peuple palestinien se voit toujours priver d’exercer ses droits légitimes. La communauté internationale devrait prendre une position claire sur cette question.
Il est nécessaire de regarder l’histoire en face et de s’efforcer d’éliminer les causes du racisme, sous ses formes anciennes autant que contemporaines. Les pays qui, par le passé, ont commis des actes d’agression et ont eu recours à la colonisation et à l’esclavage contre les pays africains, américains et asiatiques devraient tirer les leçons du passé. Il est tout aussi indispensable de promouvoir l’égalité et le respect mutuel ainsi que la
compréhension par le dialogue. Il faudrait enfin stimuler la coopération en faveur du développement commun de tous les pays du monde. Alors que la mondialisation économique gagne du terrain, la grande majorité des pays et peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine doivent non seulement surmonter les conséquences néfastes de l’histoire, héritées du racisme et du colonialisme, mais aussi relever le défi lancé par le creusement du fossé numérique. C’est en gardant à l’esprit ce contexte général que la communauté internationale et les pays développés ont le devoir et l’obligation d’aider les pays en développement à s’en sortir. La Conférence mondiale contre le racisme devrait s’engager en faveur d’une plus grande coopération internationale en vue d’instaurer au plus vite un nouvel ordre politique et économique international juste et rationnel qui permette à tous les pays de bénéficier du processus de mondialisation, afin de contribuer à la paix, au développement et à la prospérité de l’humanité.
Le Gouvernement chinois a parrainé le Séminaire sur Internet et la propagation du racisme qui s’est tenu en juillet dernier à Beijing. À cette occasion, le Ministre chinois des affaires étrangères, Tang Jiaxuan, a transmis au Séminaire une lettre de félicitations dans laquelle il demandait à la communauté internationale d’accorder une attention particulière aux graves préjudices causés par la propagation d’une rhétorique raciste via Internet.
Mme KAORI MARUYA, Secrétaire parlementaire aux affaires étrangères du Japon : Je souhaite que le programme d’action et la déclaration de cette Conférence soient adoptés par consensus et le Japon fera tout ce qui est en son pouvoir pour y parvenir. Je tiens à rappeler ici que le Gouvernement du Japon a reconnu les méfaits de l’histoire et pris acte de sa responsabilité historique, notamment au cours de la Seconde Guerre mondiale qui a été un désastre pour l’humanité. Le Japon a reconnu les souffrances causées à ses voisins et est disposé depuis à entretenir des relations pacifiques au niveau régional. La Constitution de 1946 et les institutions du Japon mettent en garde contre toute forme de discrimination et, forts de ces instruments, nous garantissons les droits des minorités telles que le peuple des régions de Dowa, le peuple Ainu ou encore les populations coréennes immigrées depuis 36 ans. L’égalité sexuelle est aussi un principe régi par les lois japonaises et nous tenons aujourd’hui à rompre les préjugés négatifs concernant les immigrés qui ne parlent toujours pas notre langue et nous prenons des mesures, notamment au niveau éducatif, pour sensibiliser nos populations aux droits des minorités. Le Gouvernement entend prendre des mesures pour protéger les personnes souffrant de la maladie de Hansen et qui souffrent de l’exclusion et de la discrimination. Le Gouvernement du Japon s’efforce de créer une société égalitaire et où tout citoyen peut s’émanciper pleinement. Ces principes valent aussi pour le reste du monde où la dignité des personnes doit être garantie où qu’elles vivent. Nous devons nous réconcilier en respectant nos différences et en faisant la promotion de la compréhension mutuelle.
M. IVAN BABA, Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères de la Hongrie : Les droits de l’homme et les libertés fondamentales sont au cœur de la législation hongroise. La réaffirmation des principes énoncés dans les instruments internationaux des droits de l’homme doit constituer une des priorités de notre politique nationale. Les systèmes juridiques en vigueur ne doivent pas être discriminatoires; de même, les Etats doivent veiller à ce que l’éducation puisse contribuer à éliminer la discrimination raciale. Les minorités doivent être en mesure de pratiquer leur langue maternelle afin d’avoir une image de soi positive et de préserver un lien avec leur culture. La Conférence mondiale devrait se concentrer sur les droits civils, politiques, culturels, sociaux et économiques. La Hongrie souhaite le plein succès à la Conférence de Durban, en s’engageant à y apporter sa contribution.
SON ALTESSE LE PRINCE TORKI BIN MOHAMMED AL-KABER, Ministre adjoint des affaires étrangères de l’Arabie saoudite : L’Arabie saoudite est très attachée au succès de cette importante Conférence mondiale. L’Islam, qui compte plus d’un milliard de fidèles, est une source de soutien aux droits de l'homme et à la lutte contre le racisme et la discrimination. C’est une religion qui dénonce les préjugés quels qu’ils soient. Parmi les instruments signés par l’Arabie saoudite, il convient de citer la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes. Il convient de dénoncer toutes les théories fondées sur la supériorité raciale, qui ont causé et continuent de causer de grandes souffrances.
M. SERGUEI ORDZHONIKIDZE, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie : Il est significatif que cette Conférence se tienne en Afrique du Sud, pays qui est parvenu à se libérer de l’apartheid. La Fédération de Russie accorde une grande importance à cette Conférence qui doit donner un élan à la lutte contre le racisme. Le racisme continue de représenter une menace pour les sociétés et cette Conférence doit élaborer des mesures réelles pour lutter contre ce fléau. Au premier rang, je tiens à souligner l’extrémisme qui frappe les minorités religieuses et linguistiques qui, dans de nombreux pays, se trouvent dans un équilibre inégal quant à la reconnaissance de leurs droits. Nous sommes préoccupés que les organisations extrémistes qui émergent dans le monde et par les autres groupes terroristes qui se protègent derrière l’argument de leurs droits en tant que minorités pour déstabiliser la région de l’Europe orientale. C’est ce qui se passe notamment dans les Balkans et il importe, dans cette région, de parvenir à une société multiculturelle et multiethnique et mon pays fera des propositions en ce sens dans le cadre de la Conférence internationale sur les Balkans.
Au Kosovo, notre pays accorde une attention particulière à la situation en Macédoine et souhaite que soient éliminées les divergences. La priorité de la Russie réside dans la protection des droits de ses citoyens à l’étranger afin qu’ils puissent conserver leur culture dans les pays d’accueil. Certains Etats refusent cette intégration des populations russophones et les contraignent à une assimilation forcée. C’est notamment le cas en Lettonie et en Estonie qui doivent cesser les pratiques discriminatoires à l’égard des minorités. Au Moyen-Orient également, il est important de briser le cycle d’intolérance afin de juguler la haine et la xénophobie. En Russie, certains groupes organisés se manifestent souvent de manière dangereuse et bénéficient des moyens de communication de masse pour véhiculer leurs messages de haine. Nous sommes ici rassemblés pour contribuer à des avancées et regarder vers l’avenir. Il convient de réaffirmer le caractère universel de l’ONU, de réaffirmer les principes de la Charte, de rendre universel les instruments juridiques relatifs aux droits de l’homme, de surmonter les réflexes identitaires et extrémistes en mettant fin à l’inégalité entre les Etats. Il importe également de protéger le développement des minorités linguistiques et religieuses et contrôler davantage les risques posés par les nouvelles technologies pour les droits de l’homme et enfin d’associer les organisations non gouvernementales et la société civile à nos efforts de lutte contre le racisme et la discrimination.
Droits de réponse
Le représentant de la Turquie a jugé inopportun que le représentant de l’Arménie ait choisi ce forum pour diffamer deux pays dont la Turquie. Le terme de génocide est un terme qui ne saurait être galvaudé. Ce terme renvoie à des notions juridiques définies avec précision. Or, les événements mentionnés par l’Arménie ne répondent pas à ces critères. Les allégations proférées par l’Arménie ne peuvent donc que contribuer à créer un climat hostile.
En réponse à la déclaration faite cet après-midi par Chypre, le représentant turc a rappelé que l’intervention de la Turquie dans la partie nord de Chypre en 1974 ne visait qu’à cesser l’effusion de sang et à sauver des vies.
Le représentant de l’Azerbaïdjan a rappelé que les Nations Unies avaient mis l’accent sur la nécessité pour les parties concernées de respecter ce qui a été défini. A ce jour, on ne compte aucun Azéri en Arménie. Etat monoethnique, l’Arménie entend appliquer une politique discriminatoire. La délégation arménienne devrait se conformer aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.
A son tour, le représentant de l’Arménie a rappelé que le génocide commis par l’Empire ottoman a entraîné la mort de plus de 500 000 personnes et les autorités turques jusqu’à ce jour, en dépit des appels de la communauté internationale, n’ont jamais reconnu ce génocide. Sa délégation ne pouvait garder le silence après la déclaration provocatrice que la Turquie a devant la Conférence mondiale. L’Arménie condamne la déclaration faite par l’Azerbaïdjan et rappelle qu’il faut promouvoir la paix et non la haine.
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