LE CONSEIL DE SECURITE SOUHAITE LE MAINTIEN DES SANCTIONS CONTRE LE LIBERIA MAIS S’INQUIETE DE LEUR IMPACT SUR LES POPULATIONS CIVILES
Communiqué de presse CS/2209 |
Conseil de sécurité
4405e séance – matin
LE CONSEIL DE SECURITE SOUHAITE LE MAINTIEN DES SANCTIONS CONTRE LE LIBERIA MAIS S’INQUIETE DE LEUR IMPACT SUR LES POPULATIONS CIVILES
Réuni sous la présidence de Mme Patricia Durrant (Jamaïque), le Conseil de sécurité a examiné les sanctions limitées imposées au Libéria par la résolution 1343 depuis mars 2001 et visant à empêcher le Libéria d’apporter une assistance au Front révolutionnaire uni (RUF) à la Sierra Leone. Le Conseil était saisi d’un rapport du Groupe d’experts sur le respect des sanctions à l’encontre du Gouvernement libérien.
Le représentant du Bureau de la Coordination des affaires humanitaires (OCHA), M. Ed Sui, a insisté sur la dégradation de la situation humanitaire au Libéria liée à la guerre et a déploré la baisse des contributions des pays donateurs. Il a également souligné les conséquences néfastes qu’auraient pour le pays en terme d’emploi l’imposition de nouvelles sanctions dans le secteur de l’exportation du bois et du caoutchouc. Le Ministre libérien des affaires étrangères, jugeant le rapport des experts « dénué de pertinence » a accusé le Conseil de sécurité « d’agression » contre le peuple innocent du Libéria et fait valoir qu’en raison des sanctions son pays n’était plus capable d’assurer la sécurité de sa population. Cependant, le chef du Groupe des situations d’urgence humanitaire de l’OCHA, M. Kevin Kennedy, a fait remarquer, comme les Etats-Unis, que les difficultés rencontrées par la population du Libéria n’avaient pas commencé avec les sanctions. Aucun orateur n’a réclamé de nouvelles mesures, mais tous ont appelé à l’application stricte de celles décidées en mars 2001 et à veiller, par exemple, à ce que les recettes de l’exploitation forestière ne servent pas à financer l’achat d’armes. La France a ainsi réclamé un audit sur ce point.
Le Président du Groupe d’experts concernant le Libéria, M. Martin Ayafor, a en effet indiqué que, malgré les engagements pris par le Gouvernement libérien, beaucoup d’armes ont été livrées au Libéria pendant cette période et que des fonds ont été détournés pour financer ce trafic. Pour faire respecter les interdictions de déplacement des dirigeants libériens, l’Irlande et le Royaume-Uni ont appelé à une mise à jour régulière de la liste des personnes visées, tandis que la Guinée a souhaité des contrôles renforcés dans les aéroports de la région. Plusieurs pays dont la France ont proposé de mettre sous séquestre les revenus provenant des immatriculations de navires, afin de veiller à ce que ces fonds soient uniquement affectés au développement.
(à suivre – 1a)
Plusieurs intervenants dont la Guinée, Maurice, le Mali et la Chine ont insisté sur le rôle accru joué par la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), et ont suggéré que le Conseil de sécurité tienne davantage compte de ses propositions, notamment celle portant sur la création par les Nations Unies d’un mécanisme de suivi.
Outre les orateurs déjà cités, les délégués des pays suivants ont pris la parole: Ukraine, Norvège, Colombie, Singapour, Bangladesh, Tunisie, Fédération de Russie, Jamaïque, Belgique (au nom de l’Union européenne), République de Guinée et Sierra Leone.
Rapport du Groupe d’experts concernant le Libéria (S/2001/1015)
Ce rapport, présenté en application du paragraphe 19 de la résolution 1343 (2001), présente les résultats de l’enquête du Groupe d’experts sur l’application des sanctions par le Gouvernement libérien.
Malgré l’interdiction de voler qui frappe tous les aéronefs établis au Libéria, le Groupe d’experts note que certains aéronefs avec l’immatriculation libérienne continuent à voler à l’étranger. Il reconnaît cependant que les mesures prises par l’Autorité libérienne de réglementation de l’aviation civile sont adéquates et que le Conseil de sécurité peut envisager de lever l’interdiction de voler et d’autoriser le Libéria à ouvrir à nouveau le registre des aéronefs, en coordination avec l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Le Groupe d’experts souligne le rôle crucial qu’ont joué les transports dans la plupart des affaires de trafic d’armes, et a réuni des preuves d’immatriculation frauduleuse au Libéria, mais aussi en Guinée Equatoriale et en République centrafricaine, où les aéronefs de la compagnie Centrafrican Airlines ont été utilisés pour transporter des armes. En conséquence, il recommande à l’Autorité centrafricaine de réglementation de l’aviation civile de transmettre à Interpol les documents dont disposent les tribunaux relatifs à la compagnie Centrafrican Airlines et de les faire publier sur le site Web du Gouvernement centrafricain. Le Groupe d’experts recommande aux Etats touchés par ce type de fraude de demander à la Commission de l’aviation civile africaine de se saisir du problème des immatriculations frauduleuses, et recommande à l’OACI de faire connaître à tous les Etats les dangers résultant d’immatriculations illicites. Enfin, il recommande au Conseil de Sécurité d’interdire de vol les aéronefs liés aux compagnies San Air, Centrafrican Airlines et West Africa Air Services.
En dépit des engagements publics pris par le Gouvernement libérien, le Groupe d’experts constate que des armes nouvelles continuent à pénétrer régulièrement dans le pays. Il met en évidence dans le rapport cinq cas précis de violation de sanctions dont par exemple la création par le Libéria d’une compagnie aérienne fantôme pour transporter des cargaisons d’armes. Le Groupe d’experts a aussi analysé le réseau de compagnies aériennes participant à la fourniture d’armes au Libéria. En conséquence, il recommande que l’embargo sur les armes au Libéria soit prorogé, que tous les Etats Membres des Nations Unies s’abstiennent de fournir des armes aux pays de l’Union du fleuve Mano et qu’un embargo sur les armes soit décrété à l’intention des rebelles armés dans les trois pays de l’Union. Le Groupe d’experts recommande également de constituer d’urgence un groupe de travail chargé d’élaborer un certificat d’utilisateur final normalisé pour les armes.
Lors de son enquête, le Groupe d’experts a mis en évidence que la principale source de financement liée à la violation des sanctions prenait la forme de dépenses extrabudgétaires. Il recommande donc au Libéria de cesser d’allouer les recettes à la source aux fins de dépenses prioritaires. Le Groupe d'experts a constaté que l’exploitation forestière générait des revenus utilisés pour violer les sanctions et qu’il était difficile de disposer de chiffres réels du volume de la production des recettes correspondantes. En conséquence, il recommande au
Gouvernement libérien de commander un rapport indépendant sur les revenus tirés des concessions d’exploitations forestières pour la période allant de janvier 2001 à janvier 2002. Il recommande également que les Nations Unies interdisent toutes les exportations de bois rond du Libéria à partir de juillet 2002 et encourage vivement les exploitants locaux à se diversifier dans la transformation du bois avant cette date.
Concernant les sanctions sur les diamants bruts libériens, le Groupe d’experts a constaté qu’elles avaient contribué au déclin spectaculaire de l’utilisation illégale du label libérien pour la contrebande des diamants. De fait, constate le Groupe d’experts, l’embargo a inversé le problème en encourageant la contrebande de diamants bruts hors du pays. Le Groupe d’experts souhaite que le Gouvernement libérien mette en place un programme de certification crédible et transparent, vérifié indépendamment par une société d’audit de réputation internationale, avant que le Conseil de sécurité puisse envisager de lever temporairement l’interdiction sur le commerce des diamants. Il demande également que des statistiques précises relatives aux importations et aux exportations de diamants bruts soient publiées chaque année.
Le Libéria possède la deuxième flotte maritime du monde et tire 25% des recettes publiques dans l’immatriculation des navires, rappelle le Groupe d’experts. Ayant examiné la comptabilité du Liberian International Shipping and Corporate Registry (LISCR) organisme chargé des immatriculations, il a mis en évidence des virements effectués, à la demande du Bureau des affaires maritimes libérien, vers une société des Emirats arabes unis en échange d’armes et de services de transports. Reconnaissant que des sanctions feraient fuir les clients et que le LISCR a pris des mesures pour mettre fin aux pratiques douteuses, le Groupe d’experts recommande uniquement que le Comité du Conseil de sécurité ouvre un compte de garantie bloqué où seraient affectées toutes les recettes issues des registres des navires et des sociétés. Il suggère qu’il soit procédé à un audit du compte, de manière à déterminer le montant total des recettes et leur utilisation, en recommandant que ces fonds soient affectés au développement du pays.
Le Groupe d’experts note que l’interdiction de voyager a eu les résultats escomptés dans l’ensemble, à part 27 violations effectuées dans leur majorité en transitant par Abidjan. Il invite le Comité du Conseil de sécurité à répondre rapidement aux plaintes transmises par les particuliers qui figurent sur la liste des personnes interdites de voyager. Il recommande également que le Comité mette sur la Toile une page consacrée à l’interdiction de voyager au Libéria de façon à renseigner les services d’immigration. Le Groupe d’experts insiste sur la nécessité de mettre à jour la liste régulièrement, et invite le Conseil de sécurité à s'assurer que les autorités ivoiriennes adoptent une attitude moins passive concernant la mise en œuvre de l’interdiction de voyager.
Le Groupe d’experts recommande que le Secrétariat de l’ONU nomme au Département des affaires politiques un spécialiste chargé de la vérification du respect des sanctions frappant le Libéria. Il suggère aussi que le mandat du Groupe d’expert soit renouvelé pour deux courtes missions en 2002 en Afrique de l’Ouest afin de vérifier sur place que les sanctions sont bien respectées.
Déclarations
M. KISHORE MAHBUBANI, Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1343 (2001) concernant le Libéria, a présenté les membres du Groupe d’experts et rappelé que ces personnes avaient beaucoup travaillé pendant six mois pour mettre au point leur rapport présenté au Conseil de sécurité.
M. MARTIN AYAFOR, Président du Groupe d’experts concernant le Libéria, a rappelé la méthodologie suivie par le Groupe d’experts pour enquêter sur les violations des sanctions au Libéria. Il a précisé que les membres avaient beaucoup voyagé et qu’ils avaient pu recueillir énormément de renseignements grâce à la coopération des Etats. Le Groupe a aussi collaboré avec des institutions régionales ou des organisations comme Interpol. Rappelant les hautes exigences fixées par les Nations Unies en matière de preuves, le Président a indiqué que chaque fois, le Groupe a réuni le plus grand nombre possible de documents. Il a également présenté aux personnes mises en cause les faits retenus contre elles pour qu’elles puissent exercer un droit de réponse. Pour toutes les affaires de trafic d’armes, le Groupe a reconstitué la chronologie des événements avec le témoignage des personnes intéressées et les copies de contrats, des plans de vols ou les demandes de survol ou d’atterrissage.
Le Président a rappelé que lorsque le Groupe a commencé ses travaux, mi-avril, les combats faisaient rage dans les pays de l’Union du fleuve Mano (Guinée, Sierra Leone et Libéria). Aujourd’hui, a-t-il indiqué, on note des améliorations et des initiatives régionales malgré le conflit actif dans la région du Lofa, au Libéria, et le refus du RUF d’abandonner son contrôle sur certaines régions de la Sierra Leone. Pour bloquer l’appui octroyé aux rebelles du RUF et pour obtenir un accord de paix en Sierra Leone, il faut s’assurer du désengagement total du Gouvernement libérien, a insisté le Président. Il a noté que dans ces conflits les acteurs non étatiques jouaient une part prépondérante grâce au soutien des Etats. Il a indiqué que malgré les engagements pris par le Gouvernement libérien, beaucoup d’armes ont été livrées au Libéria pendant la période. Le Président a déclaré que le Groupe d’experts était le groupe qui avait le plus voyagé, car il s’est rendu dans 36 pays, et qu’il était également celui qui avait coûté le plus cher. Cependant, a-t-il conclu, le travail du Groupe a déjà permis d’obtenir des changements visibles dans les réseaux de trafic : certaines compagnies impliquées dans des activités violant les sanctions ont changé de localisation, ou ont dû momentanément cesser leurs activités.
M. ED TSUI, Directeur du Bureau de la Coordination des affaires humanitaires (OCHA), a rappelé que la guerre civile, entre 1989 et 1996, avait ravagé le pays, que les destructions et pillages avaient dégradé la situation économique et qu’aujourd’hui le Libéria est l’un des pays les plus pauvres au monde. La population souffre du chômage, du manque d’accès aux soins, à l’éducation et autres. Cette situation très fragile, a-t-il estimé, risque d’empirer si les sanctions ne vont pas de pair avec un accompagnement de la part des donateurs. Il a réitéré sa demande aux Etats Membres d’adopter les mesures nécessaires pour encourager l’appui financier aux agences humanitaires qui opèrent au Libéria.
M. Tsui a évoqué la perspective de sanctions supplémentaires dans trois domaines : à propos de la filière du bois, une interdiction d’exporter entraînerait jusqu’à 10 000 suppressions d’emplois, ce qui fait que 80 000 à
90 000 personnes au total perdraient leur principal moyen de subsistance. En outre, l’industrie du bois a apporté neuf pour cent du budget national du Libéria en 2000. Le caoutchouc emploie pour sa part 20 000 personnes, qui perdraient leur emploi; en comptant les personnes dépendantes, ce sont près de 200 000 personnes qui seraient touchées. Enfin, le registre maritime, qui concerne 1 600 navires inscrits, a rapporté, en 2000, 18 millions de dollars au budget, soit 20 pour cent. Les incidences directes de sanctions le concernant seraient faibles sur la population mais importantes sur les revenus de l’Etat.
En conclusion, a-t-il souligné, l’économie libérienne dépend de ses exportations de produits primaires et reste très vulnérable. Toute nouvelle mesure de sanctions aurait des incidences fâcheuses sur la situation financière du pays et toucherait les couches les plus vulnérables de la population libérienne, dont les ressources et les moyens de survie sont pratiquement épuisés. Aussi a-t-il demandé au Conseil de sécurité, s’il décide de nouvelles sanctions, de réfléchir à la mise en place d’un mécanisme de suivi pour éviter les retombées négatives sur la population.
M. VALERY KUCHINSKY (Ukraine) a souligné le travail remarquable accompli par le Groupe d’experts, et a félicité ses membres pour leur rapport extrêmement détaillé. Il a appuyé les recommandations contenues dans le rapport concernant les mesures visant à empêcher l’immatriculation frauduleuse des aéronefs et à donner un rôle plus important à l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale). Il a dit partager les conclusions du rapport sur la poursuite de l’embargo sur les armes et il a apporté son soutien aux suggestions concernant les échanges d’information avec la CEDEAO (Communauté économique de développement des Etats d’Afrique de l’Ouest). Le représentant a indiqué que la proposition d’établir un certificat d’utilisateur final pour le commerce des armes méritait également d’être examinée. Il a pris note que l’interdiction de voyage avait été la sanction la plus efficace et en même temps qu’elle avait été à l’origine d’un grand nombre de plaintes. Cette liste ne devrait pas être immuable, a-t-il déclaré. Il a apporté son soutien au renforcement de la capacité interne de l’ONU à veiller au respect des sanctions. Il a souhaité qu’on crée un organe permanent qui pourrait assurer un suivi global des régimes de sanctions, en précisant que la création d’un tel mécanisme pourrait constituer un élément important de la politique de prévention des conflits.
M. PETER KOLBY (Norvège) a fait observer que l'élément positif du rapport est d’indiquer les signes de progrès constatés dans la région. M. Kolby a rappelé que des réunions conciliatoires entre les autorités des trois pays concernés ont eu lieu, qu’une réunion de haut niveau entre les Présidents de la Guinée, du Libéria et de la Sierra Leone est en préparation, qu’un dialogue s'est ouvert entre le Revolutionary United Front (RUF) et le Gouvernement de la Sierra Leone, que des élections sont prévues pour l'année prochaine et que la MINUSIL est en passe d'étendre son contrôle sur le pays entier. Cependant, la situation en Sierra Leone est encore très volatile. De nombreuses factions armées, notamment aux frontières du Libéria, de la Guinée et de la Sierra Leone, continuent à recevoir des armes, le RUF a toujours accès aux diamants. L'action de ces factions et du RUF pourrait déstabiliser à nouveau la région. C'est pourquoi, a-t-il déclaré, il semble juste que le Groupe d'experts recommande la prorogation du régime des sanctions sur les armes et les diamants. Le Conseil doit pouvoir constater que le Libéria s'est conformé aux dispositions clefs de sa résolution 1343 avant de lever le régime des sanctions. Or, ce n'est pas encore le cas, a-t-il fait observer. Même si l'embargo sur les diamants semble fonctionner, le Libéria continue de maintenir des relations avec le RUF. Les combattants du RUF sont encore actifs au Libéria et un flux de nouvelles armes continue de rentrer dans le pays. Ce mépris des sanctions porte en lui la possibilité d'une nouvelle déstabilisation des pays de la rivière Mano, a-t-il déclaré. Dans ce contexte, la Norvège estime que les recommandations du Groupe d'experts visant à étendre le régime des sanctions à d'autres domaines nécessitent un examen approfondi du Conseil. C'est le cas notamment pour l'industrie du bois. Etendre le régime des sanctions, maintenant ou plus tard, à une industrie représentant une telle source de revenus pour le régime du Libéria pourrait permettre de combler les lacunes existantes. Cependant, a déclaré M. Kolby, nous devons tout faire pour assurer que le régime des sanctions, actuel ou étendu, n'inflige pas de souffrances à la population civile. Tout doit être fait pour ne pas imposer un nouveau fardeau à la population civile. Le régime des sanctions avait pour but d'empêcher le régime du Libéria d'aider et de soutenir une guerre civile en Sierra Leone. Cela doit rester le cas, a-t-il déclaré. La Norvège, a-t-il conclu, appuie le renouvellement du mandat du Groupe d'experts pour deux nouvelles missions en 2002.
M. ALFONSO VALDIVIEZO (Colombie) a souhaité, dans l’examen de l’application des sanctions, qu’une attention particulière soit portée sur quatre points précis: veiller à ce que les sanctions soient dûment ciblées c’est-à-dire pas contre le peuple du Libéria; l’attitude du Gouvernement du Libéria, parfois décourageante; la coopération des Etats Membres des Nations Unies, assez déficiente dans le respect des sanctions; le contrôle efficace du régime des sanctions. Le délégué a souhaité la prolongation du mandat des experts.
A la lumière de leur rapport, a-t-il poursuivi, certaines mesures ont été partiellement couronnées de succès. Mais avant d’en adopter davantage, il a jugé plus important de s’assurer de l’application des sanctions en cours notamment sur la vente des petites armes. Il a appelé à une plus grande vigilance sur ce point notant le manque de coopération de certains pays. Il faudrait aussi, selon lui, encourager une plus grande coopération entre pays membres de la CEDEAO (Communauté économique de développement des Etats d’Afrique de l’Ouest) pour encourager un plus grand échange d’informations dans la région. Il a d’ailleurs plaidé pour une approche régionale visant à renforcer les décisions du Conseil sur les armes, les diamants, les restrictions de vols et de voyages des dirigeants libériens.
Le délégué colombien s’est enfin dit préoccupé face à la propagande du Gouvernement libérien et a jugé nécessaire de convaincre la population que ses difficultés actuelles ne sont pas dues aux sanctions des Nations Unies. A cet égard, il a appelé de ses vœux à une réforme du Bureau des Nations Unies au Libéria et souhaité une plus grande harmonisation des programmes et fonds des Nations unies pour venir en aide aux Libériens.
M. MOCTAR OUANE (Mali) a indiqué que son pays, de même que l’ensemble de la CEDEAO (Communauté économique de développement des Etats d’Afrique de l’Ouest), soutenait la mise en œuvre de la résolution 1343. Il a précisé que la CEDEAO avait dépêché deux missions de son Conseil de médiation et de sécurité au Libéria pour s’assurer des mesures prises par les autorités libériennes. Ces visites ont été suivies de recommandations, a-t-il rappelé, en particulier concernant la création d’un mécanisme pour vérifier l’application des sanctions. Un tel mécanisme aurait pu, a-t-il déclaré, contribuer utilement aux investigations du Groupe d’experts.
Insistant sur la situation humanitaire déplorable au Libéria, le représentant s’est demandé si les sanctions n’avaient pas contribué à aggraver cette situation. Il a indiqué que des sanctions supplémentaires auraient des incidences sur l’emploi, les services sociaux et les services de l’Etat. Il a déclaré qu’il était donc essentiel de créer un mécanisme chargé d’en évaluer régulièrement les incidences sur la population. Il a aussi insisté sur la nécessité de relancer l’assistance internationale au Libéria et il a espéré que la communauté internationale apportera son plein appui aux organisations humanitaires.
Le représentant a souligné l’amélioration des relations intervenue au sein de l’Union du fleuve Mano. Il a également déclaré qu’il était essentiel de développer un partenariat véritable entre la CEDEAO et le Conseil de sécurité pour favoriser l’approche régionale dans la résolution des conflits. Il a précisé que les sanctions seules ne ramèneraient pas la paix et n’étaient ni le seul moyen ni la meilleure solution, tout en reconnaissant que la résolution 1343 avait eu un effet incitatif. Le représentant a appuyé la proposition du Groupe d’experts d’aider le pays à se doter d’un programme de certification des diamants crédible et transparent. Il a encouragé les partenaires du Libéria à fournir l’assistance technique et financière nécessaire à la mise en place d’un tel programme.
M. JAGDISH KOONJUL (Maurice) a noté que le Gouvernement du Libéria avait pris des mesures positives pour répondre à certaines exigences de la résolution 1343 (2001), comme par exemple immobiliser les aéronefs enregistrés au Libéria. Il a noté aussi que, depuis mai, et l’embargo sur les diamants du Libéria, il n’y avait aucune exportation et que l’interdiction des voyages semblait, elle aussi, bien fonctionner. Mais pour ce qui est des mauvaises nouvelles, a-t-il poursuivi, la relation entre le Gouvernement du Libéria et les rebelles sierra-léonais du RUF se poursuit ; Sam Bockarie, le dirigeant du RUF, se déplace librement au Libéria. Le Gouvernement peut et doit faire davantage pour débarrasser la région de ces rebelles, a-t-il estimé.
Soulignant que le Libéria se trouvait au 174ème rang mondial, sur 175 pays, selon l’indice de développement humain, il a rappelé que 34 % du budget avait été affecté pour l’année 2000-2001 à la Défense. Il a demandé au Gouvernement libérien d’observer les principes de bonne gouvernance qui lui permettraient de recueillir un appui international. Il est regrettable, a-t-il ajouté, que les dirigeants du pays s’efforcent de s’enrichir davantage, malgré les perspectives si faibles de développement de leur économie ; il a appelé les pays de la région à se conformer aux recommandations de la résolution 1343, notamment sur les déplacements des dirigeants.
Le représentant a jugé que les recommandations des experts étaient bien intentionnées mais qu’il était temps que le Conseil fasse le point de ses décisions. Puisque, apparemment, des dommages ont surtout été infligés à la population, le Conseil ne devrait prendre de nouvelles mesures que pour l’élite libérienne, a-t-il dit. Il faut aussi que le Conseil examine toute autre option permettant de trouver une solution politique dans la région. Il a, à cet égard, salué les initiatives de la CEDEAO visant à améliorer les relations entre le Libéria et ses voisins. Il a enfin souligné avoir répondu, dans les délais, à une demande d’informations de la part du Groupe d’experts concernant une société exportatrice de diamants basée à Maurice. Selon le représentant, cette société, bien que mentionnée dans le rapport des experts, n’est aucunement impliquée dans le trafic de diamants libériens.
M. SHAMEEM AHSAN (Bangladesh) a exprimé des doutes sur le fait que la prorogation de l'embargo sur les armes aux trois pays de l'Union de la rivière Mano aurait les effets escomptés. Il a appuyé la recommandation concernant l'établissement d'un certificat universel d'utilisateur final normalisé pour les armes, norme qui permettrait de s'attaquer à la dimension demande du problème. Il a fait remarquer le manque d'attention portée dans le rapport à la nécessité d'avoir des cadres réglementaires pour les pays producteurs et exportateurs d'armes, ce qui permettrait, a-t-il dit, de prendre en compte la dimension offre du problème. S'agissant des recommandations concernant l'aviation civile, il a fait observer qu'il est nécessaire d'aider les pays de la région à développer un système de contrôle du trafic aérien permettant de contrôler l'espace aérien afin que les sanctions ne soient pas violées. S'agissant des recommandations relatives au bois et au registre maritime, le Bangladesh, a-t-il déclaré, note les efforts du Groupe d'experts visant à faire des recommandations n'affectant pas l'économie du Libéria à long terme. Cette question, a-t-il déclaré, devra faire l'objet d'un examen approfondi par le Conseil de sécurité et le Comité. S'agissant de l'impact des sanctions sur la population du Libéria, a-t-il fait observer, le Conseil doit non seulement contrôler l'application des sanctions mais aussi veiller à réduire leur impact humanitaire sur la population. S'il ne le faisait pas, a-t-il affirmé, le Conseil perdrait non seulement la bataille de la propagande sur le terrain mais réduirait les innocents en victimes. L'aggravation de la situation humanitaire saperait le soutien international au régime des sanctions. Il est par conséquent nécessaire de ne pas lier l'aide humanitaire et les sanctions. Dans ce contexte, a-t-il conclu, le Bangladesh appelle la communauté des donateurs à aider davantage la population du Libéria.
M. YVES DOUTRIAUX (France) a rappelé la proposition de la France de mettre en place un mécanisme permanent de suivi des sanctions. Il a apporté son appui aux efforts de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour parvenir à une plus grande efficacité de l’embargo sur les armes qui continuent d’être exportées vers la région du fleuve Mano. Il a aussi apporté son soutien à la recommandation du Groupe d’experts visant à lever l’interdiction de vol s’appliquant aux aéronefs immatriculés au Libéria. Le représentant a émis le souhait que soit autorisée la reprise des exportations de diamants bruts originaires du Libéria, dans le cadre d’un régime de certification crédible.
Faisant allusion aux conséquences humanitaires d’éventuelles sanctions sur la production de bois, le représentant a souhaité qu’on établisse d’abord la preuve qu’il existe une relation directe et substantielle entre le produit des exportations de bois et l’armement de la rébellion armée du Front révolutionnaire uni en Sierra Leone (RUF). Il a proposé qu’on procède à un audit d’ici à mai prochain, date à laquelle le Conseil devra décider d’éventuelles sanctions supplémentaires.
Le représentant a approuvé la mise sous séquestre des revenus du registre maritime, afin de n’en autoriser l’utilisation que dans le cadre du budget de l’Etat, et en priorité à des fins humanitaires. Il a aussi soutenu la proposition de la CEDEAO de mettre en place une petite équipe d’enquête sur place qui apporterait son concours aux autorités libériennes pour la mise en place des mesures de la résolution 1343 et serait chargée de surveiller les trafics d’armes, de diamants, dd bois et de caoutchouc. Si ce mécanisme donne des résultats satisfaisants, a poursuivi le représentant, le Conseil pourrait le maintenir plutôt que de renouveler les mesures de la résolution 1343. Enfin, faisant allusion à un article paru dans la presse concernant les liens entre Ossama Ben Laden et le trafic de diamants sierra-léonais, il a demandé des informations supplémentaires à ce sujet.
M. SHEN GUOFANG (Chine) a souligné que depuis l’imposition des sanctions contre le Libéria, le processus de paix en Sierra Leone a enregistré des progrès : le Front révolutionnaire uni (RUF) s’est montré coopératif dans le processus de désarmement et les relations entre la Sierra Leone, le Libéria et la Guinée se sont améliorées. En revanche, le représentant a noté, en les jugeant préoccupantes, qu’il y avait encore des violations des sanctions concernant les voyages et le commerce des diamants.
Notant que la situation humanitaire est particulièrement grave et que les sanctions du Conseil de sécurité ont eu des répercussions très graves dans le pays, il a appelé le Conseil à tenir compte des effets négatifs de ses décisions sur la population et sur l’économie. Il a souhaité, sur le plan diplomatique, que le Conseil privilégie une approche régionale et intégrée de résolution du conflit sierra-léonais et qu’il accorde une grande importance aux vues de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
M. NOUREDDINE MEJDOUB (Tunisie) a indiqué que le RUF (Front révolutionnaire uni) avait changé d’attitude grâce aux pressions du Gouvernement libérien, mais qu’il n’était pas absolument certain que les sanctions étaient responsables de ce changement. Il a plaidé pour la mise en place sur le terrain d’un mécanisme de contrôle des sanctions, et a souligné qu’en parallèle avec la dépréciation de la monnaie due aux sanctions, l’assistance internationale au Libéria avait considérablement baissé.
Le représentant a insisté sur la nécessité de maintenir le dialogue au Libéria. Il a apporté son soutien aux recommandations du Groupe d’experts relatives à l’interdiction de voyage et aux aéronefs immatriculés au Libéria. Il a appelé les instances concernées à apporter leur assistance au Gouvernement libérien pour mettre en place un système de certification d’origine pour les diamants. Le représentant s’est opposé à l’élargissement de l’embargo sur les armes à tous les acteurs non étatiques des pays du Fleuve Mano, en préférant la mise en place d’un mécanisme de contrôle sur le terrain.
Le représentant a souligné que les sanctions imposées au Libéria et à l’Irak étaient largement similaires, et qu’il fallait prendre en compte l’impact sur la population. Il a déclaré que le Conseil de sécurité devrait réserver ses décisions concernant les propositions visant à mettre en place de nouvelles sanctions jusqu’à l’expiration des délais prévus pour l’application des sanctions en vigueur. Le représentant a indiqué que le Conseil de sécurité devait également procéder à la mise en place d’un mécanisme chargé d’évaluer régulièrement les incidences des sanctions sur la situation humanitaire et économique du pays. Enfin, il a recommandé que les vues et les propositions de la CEDEAO soient prises en compte lors des délibérations, en remarquant que le sort et l’avenir des pays de la région ne pouvaient être que communs.
MME CHRISTINE LEE (Singapour) a noté que huit mois après l’adoption de la résolution 1343 il y a huit mois, pour décourager le Gouvernement libérien de soutenir des groupes non étatiques en Sierra Leone et en Afrique de l’Ouest en général, le rapport du Comité d’experts visait à mesurer le plein impact de ces sanctions. La représentante s’est interrogée sur la façon d’évaluer le travail des groupes d’experts, notant que celui-ci était l’un des groupes les plus coûteux mis sur pied par les Nations Unies (890 000 dollars), se situant immédiatement après celui sur l’Angola (1 631 600 dollars). Mme Lee a expliqué que quand bien même les recommandations des experts sont respectées pendant leur présence dans le pays, il n’en est plus ainsi lorsqu’ils ont quitté le pays. Mme Lee a préconisé l’instauration d’un mécanisme de suivi. Elle a regretté que le rapport du Groupe de travail sur les sanctions, prévu le 30 novembre 2000, n’ait pas encore été publié jugeant car il aurait été très utile pour les questions examinées aujourd’hui et pour améliorer l’efficacité des sanctions.
Revenant plus précisément à la situation au Libéria, la représentante a rappelé que le représentant du Bureau de la Coordination des affaires humanitaires avait déjà relevé les difficultés affectant les populations au Libéria, et le départ du Libéria de nombreuses organisations, faute de fonds et aussi par lassitude face à la corruption du Gouvernement. Le Conseil, a-t-elle dit, ne peut ignorer la situation humanitaire toujours plus grave au Libéria et doit veiller à ce que ses objectifs soient atteints sans attenter au sort des populations. D’autant, a-t-elle souligné, que le Gouvernement libérien rend l’ONU responsable de la situation difficile. Elle a appelé à s’interroger sur les raisons qui poussent les agences humanitaires à se retirer et aux moyens d’y remédier, priant le représentant d’OCHA d’éclairer le Conseil sur ce point.
M. ANDREY E. GRANOVSKY (Fédération de Russie) a remarqué que la situation humanitaire au Libéria s’était dégradée. Il s’est dit préoccupé par les violations des sanctions présentées dans le rapport du Groupe d’experts. Il s’est dit convaincu que les experts devraient mettre à la disposition des Etats concernés toutes les informations qui les concernent. Il a dit partager les recommandations du rapport du Groupe d’experts à condition qu’on prenne en compte les conséquences humanitaires des mesures et a apporté son soutien aux suggestions faites par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
M. GERARD CORR (Irlande) a déclaré qu'il fallait être ferme face au constat que le régime de Charles Taylor, continue, au mépris des résolutions du Conseil de sécurité, à violer l'embargo sur les armes et n'a toujours pas expulsé les membres du RUF du Libéria. A ce sujet, le rapport indique que malheureusement, les liens entre le régime de Charles Taylor et le RUF sont loin d'être brisés. Nous demandons au Gouvernement libérien de respecter ses obligations, a poursuivi le représentant, mais nous devons en même temps éviter les mesures qui pourraient aggraver les souffrances d'une population déjà vulnérable. Nous pensons donc qu'une nouvelle enquête sur les conséquences humanitaires des mesures prises par rapport à la production de bois doit être menée. Le représentant a observé qu'il était regrettable que certains fonds du très réputé Liberian Shipping and Corporate Register (LISCR), l'organisme chargé des immatriculations maritimes, aient été utilisés pour financer des transactions d'armes plutôt que pour contribuer à des projets de développement et satisfaire les besoins humanitaires pressants. Le détournement criminel des ressources économiques du Libéria, a souligné le représentant, pour offrir des armes à des forces rebelles qui ont déjà causé tant de souffrances dans la sous-région, est une insulte aux peuples de l'Union du fleuve Mano. Cela constitue également une violation flagrante des demandes de la Communauté internationale contenues dans la résolution 1343. Par conséquent, nous pensons que l'on devrait prendre en compte les recommandations du Groupe d'experts concernant le dépôt, sur un compte fiduciaire bloqué, des recettes du LISCR, afin de pourvoir aux besoins en aide humanitaire.
La violation persistante de l'embargo sur les armes, a fait remarquer le représentant, continue à menacer la stabilité et la sécurité de l'Union du fleuve Mano. C'est pourquoi, a-t-il déclaré, nous sommes d'accord avec le Groupe d'experts lorsqu'il recommande que l'embargo sur les armes devrait également concerner des acteurs autres que les Etats, à savoir le mouvement des Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD), les factions de l'ULIMO, le RUF et les groupes armés dissidents guinéens. Nous sommes d'accord avec le Groupe d'experts, a conclu le représentant, sur le fait qu'il faudrait une évaluation permanente de la manière dont le Libéria se conforme aux résolutions Nous soutenons donc également le renouvellement du mandat du Groupe d'experts pour une courte mission d'évaluation en avril, et pour une deuxième mission, plus tard, si et seulement si les sanctions imposées au Libéria ont besoin d'être renouvelées en mai.
M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a appelé le Conseil à tenir compte de l’objectif des sanctions, c’est à dire à insister auprès du Président Taylor pour qu’il respecte la Résolution 1343 et cesse de déstabiliser la région. Le fait-il ? Malheureusement non, a jugé le représentant en notant que M. Taylor continuait d’acheter des armes et de bénéficier de la vente des diamants des rebelles sierra-léonais du RUF.
Il a par conséquent jugé impératif d’augmenter la pression sur le Président Taylor, souhaitant que les recettes du bois et celles du registre maritime, par exemple, soit utilisées à des fins légitimes par le Gouvernement, mais qu’elles ne servent pas à acheter des armes. Il a appelé au respect strict des sanctions, notamment celles visant les déplacements des dirigeants. Il s’agit, selon lui, d’un instrument efficace utilisé par le Conseil et qui doit être maintenu, mais qu’il faudrait néanmoins mettre à jour la liste des personnes visées. Il a enfin appuyé la recommandation du Groupe d’experts de lever l’interdiction de vols des avions.
Mais, a-t-il poursuivi, le Conseil doit redire clairement que les sanctions ne visent que le Gouvernement et qu’elles ne doivent pas faire souffrir l’homme de la rue. Il a appelé à encourager les organisations et agences humanitaires à apporter leur aide au Libéria, indiquant que son pays avait déjà versé 12 millions de livres depuis 1988 et continuerait de contribuer.
M. JAMES CUNNINGHAM (Etats-Unis) a estimé que la politique suivie par le Président Taylor avait des conséquences humanitaires catastrophiques. Mais,
a-t-il fait valoir, les difficultés auxquelles est confrontée la population du Libéria n’ont pas commencé avec le régime de sanctions mis en place en mars par le Conseil de sécurité. Elles ont commencé, a-t-il insisté, avec l’arrivée au pouvoir de M. Taylor il y a quatre ans.
Pour le représentant américain, la situation au Liberia et en Sierra Leone s’améliorera quand le Président Taylor cessera, une bonne fois pour toutes, de soutenir les rebelles sierra-léonais du Front révolutionnaire uni (RUF), de piller les ressources naturelles de la Sierra Leone et de ses voisins et quand il se consacrera à une politique destinée à venir en aide à sa population.
Le Conseil de sécurité, a-t-il poursuivi, a le devoir de s’occuper de la souffrance des peuples du Libéria et de la Sierra Leone. La délégation américaine pense, à cet égard, que le maintien de sanctions ciblées contre le Gouvernement Taylor est sans doute la meilleure façon d’y parvenir. Le représentant a indiqué qu’il était d’accord avec les recommandations du Comité du Groupe d’experts d’autoriser de nouveau les aéronefs libériens à voler. En revanche, il a souhaité que l’Organisation de l’Aviation civile internationale veille à clouer au sol les appareils des compagnies des Emirats arabes unis, de République centrafricaine et de Guinée équatoriale, visées dans le rapport pour leur participation au trafic d’armes. Il a souhaité des audits réguliers sur l’industrie du bois et ses revenus et sur le registre des immatriculations maritimes.
En conclusion, le représentant américain a jugé que les restrictions imposées sur les armes, le commerce du diamant et les déplacements des responsables libériens devaient être maintenues jusqu’à leur terme initialement prévu, le 7 mai 2002 et il a souhaité que le mandat du Groupe d’experts soit reconduit pour six mois.
MME PATRICIA DURRANT (Jamaïque) a prié les donateurs d’apporter leur contribution à l’assistance humanitaire au Libéria. Elle a déclaré que les recommandations de la CEDEAO visant à élargir le moratoire sur les petites armes devaient être soutenues. Elle a également apporté son soutien à l’établissement d’un certificat d’utilisateur final normalisé pour le commerce des armes. La représentante s’est félicitée que le Gouvernement libérien mette en place un système de certification pour les diamants. Elle a appuyé une capacité de contrôle des sanctions au sein du Secrétariat, sur le modèle de celle existant en Angola, et a indiqué qu’il était nécessaire de mettre fin à la campagne d’information lancée au Libéria contre les Nations Unies.
M. STEPHANE DE LOECKER (Belgique) a d'abord rappelé, au nom de l'Union européenne, qu'il incombait au Gouvernement libérien de respecter les dispositions de la résolution 1343 et qu'il relevait aussi de sa responsabilité que ces sanctions soient levées. Force nous est de constater, a poursuivi le représentant, que, six mois après l'établissement du régime de sanctions, le Groupe d'experts rapporte de graves violations de ce régime. Concrètement, des diamants bruts sortent et des armes entrent en territoire libérien et des revenus provenant de l'exploitation forestière et du registre maritime ont été utilisés pour l'achat d'armes, en violation de l'embargo imposé par les Nations Unies. Il est évident, a affirmé le représentant, que ces violations ne sont possibles que grâce à la complicité d'individus sans scrupules et à celle de certains pays. L'Union estime qu'il est indispensable que ces acteurs soient mis devant leurs responsabilités afin qu'ils s'acquittent des obligations qui leur incombent en vertu de la Charte des Nations Unies. Les sanctions, a-t-il affirmé, ne doivent pas connaître d'exception dans leur mise en oeuvre. Nous pensons que mettre en lumière les violations des sanctions est loin d'être suffisant. Il faut que le Conseil de sécurité envoie un message ferme et clair à tous les acteurs concernés pour les enjoindre à mettre intégralement et immédiatement ses décisions en oeuvre. En outre, quelques améliorations techniques au régime des sanctions pourraient être apportées, notamment par l'examen, par d'autres organes, de certains de ses aspects tels que les certificats d'utilisateur final pour les armes, par exemple.
Le représentant a ensuite évoqué le processus de Kimberley -fermement soutenu par l'Union européenne- qui vise à instaurer un système global de certification pour les diamants. Ce système, a-t-il souligné, devrait permettre d'éviter toute possibilité de détournement de trafic des diamants des conflits. En outre, nous pensons que plus de transparence dans le commerce des diamants s'impose, notamment par la publication régulière de statistiques détaillées sur l'importation et l'exportation. Parallèlement au problème des ressources, il est urgent de s'attaquer au problème des armes dont les sources semblent être intarissables. Une collaboration plus étroite des Etats Membres s'impose, en particulier en Afrique de l'Ouest. Le trafic d'armes doit être endigué par des mécanismes plus performants et systématiques mais ils doivent être doublés d'une volonté réelle de les mettre scrupuleusement en oeuvre. Dans ce contexte, l'Union européenne, soutient la mise en oeuvre effective du Moratoire de la CEDEAO sur les armes légères. S'agissant de l'impact humanitaire des sanctions, l'Union, a indiqué le représentant, appuie la proposition faite par le Secrétaire général d'envisager la création d'un mécanisme chargé d'évaluer régulièrement les incidences humanitaires et économiques des sanctions imposées au Libéria, dans l'éventualité où le Conseil adopterait des sanctions supplémentaires.
M. MONIE CAPTAN, Ministre des affaires étrangères du Libéria, a jugé le rapport du Groupe d’experts « dénué de toute pertinence ». Il a précisé que ce rapport traitait surtout des activités antérieures à l’adoption de la résolution 1343 (2001), et qu’il n’abordait pas la question du respect par le Gouvernement libérien des mesures fondamentales. Le ministre a insisté sur le fait que son gouvernement respectait la résolution 1343, et il a accusé le rapport du Groupe d’experts de s’être concentré sur les moyens au lieu des objectifs de la résolution.
Le ministre a déclaré que le Libéria se réjouissait des succès de la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL), en particulier dans le secteur du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration des combattants. Il a indiqué que les pays de l’Union du fleuve Mano avaient eu plusieurs discussions pour consolider la paix, la sécurité et la stabilité dans la région et qu’ils avaient pris des décisions relatives au partage des informations, au déploiement de forces communes aux frontières.
Le ministre a attiré l’attention du Conseil de sécurité sur les attaques dont le gouvernement est l’objet dans le comté de Lofa. Déclarant qu’il était incapable d’assurer la sécurité de sa population faute de moyens, il a demandé au Conseil d’éliminer ses contraintes afin que le Libéria puisse défendre son territoire et sa liberté. Il a également souligné les souffrances de la population, encore aggravées par les sanctions, et il a insisté sur le fait que le Libéria ne recevait aucune aide publique au développement. Le ministre a déclaré que le Conseil de sécurité était responsable d’un acte d’agression contre le peuple innocent du Libéria. Il a enfin souligné les progrès accomplis en matière de dialogue entre les Gouvernements de Sierra Leone, de Guinée et du Libéria.
M. FRANCOIS FALL (République de Guinée) a exprimé sa préoccupation pour les violations nombreuses et flagrantes des dispositions de la Résolution 1343. Il a indiqué que sa délégation faisait siennes les recommandations portant sur le maintien de l’embargo sur les armes destinées au Libéria. Il a souhaité aussi l’imposition d’un embargo sur les armes destinées aux acteurs non gouvernementaux armés des trois pays de la région du Fleuve Mano. Il a appelé à poursuivre les enquêtes sur le détournement des recettes de l’exploitation forestière pour acheter des armes; à la mise en place obligatoire, par tous les Etats de l’Union, d’un régime de certification crédible et transparent de diamants; et au renforcement des contrôles dans les aéroports de la sous-région pour empêcher le mouvement des personnes visées par les interdictions de déplacement.
Selon le délégué, l’accalmie aux frontières de la Guinée et les progrès notés en Sierra Leone sont liés à l’imposition des sanctions de la résolution 1343 qui a, selon lui, tempéré les activités de Monrovia ; mais aussi à la reprise en main de la situation par les forces armées guinéennes qui ont, a-t-il expliqué, réussi à repousser des assauts des troupes rebelles. Il a enfin salué le travail des Femmes de l’Union du Fleuve Mano qui ont été à l’initiative de réunions importantes au niveau ministériel, notamment sur l’activité des bandes armées, la situation des réfugiés, la restauration de la sécurité. Il a conclu en appelant les trois pays de l’Union au respect des traités et conventions les liant.
M. SAHR MATIURI, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Sierra Leone et Ministre de la coopération internationale, a indiqué que les mesures instaurées par le Conseil en mars dernier sont préférables au fait de lancer une action militaire contre le Libéria. Rappelant les raisons qui ont amené le Conseil à prendre ces mesures, il a noté que l’appui que le Libéria apportait aux groupes armés rebelles, notamment sierra-léonais, constituait une menace à la paix dans la région. Le Groupe d’experts, a-t-il dit, a déjà indiqué ce que le Conseil devrait faire pour améliorer le régime des sanctions et les membres du Conseil ont déjà consenti à exercer un suivi de ces sanctions. La délégation sierra-léonaise, a-t-il ajouté, attend donc une action concrète du Conseil.
Il s’est par ailleurs dit préoccupé par certaines révélations sur les liens existants entre le réseau Al Qaida et certains groupes de la région et demandé une enquête sur le sujet.
M. MARTIN AYAFOR, Président du Groupe d’experts concernant le Libéria, a indiqué que le Groupe d’experts, n’avait pas fait d’enquête sur le terrorisme en Sierra Leone et au Libéria, mais qu’il avait déjà attiré l’attention sur le cas d’Ibrahim Baa, et qu’il pourrait faire des enquêtes plus approfondies s’il en est besoin. Il a déclaré que le Secrétaire général pourrait nommer une personne chargée du suivi de l’application des sanctions, en charge de l’établissement d’une base de données. Le Président a ajouté qu’il ne savait pas pourquoi les ONG n’avaient que peu d’activités mais que l’assistance humanitaire au Libéria avait baissé depuis quatre ans et non depuis l’imposition des sanctions en mai dernier.
M. KEVIN KENNEDY, chef du Groupe des situations d’urgence humanitaire (OCHA), a indiqué que les fonds dont disposent les programmes des Nations Unies ont besoin de l’aide des pays donateurs. Il a souligné qu’ils avaient besoin d’une plus grande visibilité sur place, compte tenu de la situation dans laquelle se trouve la population du Libéria, d’autant que la campagne antisanctions a un effet sur le travail des ONG. Mais, a-t-il conclu, la situation humanitaire était alarmante avant mars 2001 et l’est toujours aujourd’hui.
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