LE CONSEIL DE SECURITE DEBAT DE LA STRATEGIE DE PREVENTION DES CONFLITS ARMES EN DIX POINTS PRESENTEE PAR LE SECRETAIRE GENERAL
Communiqué de presse CS/2155 |
Conseil de sécurité
4334e séance – matin & après-midi
LE CONSEIL DE SECURITE DEBAT DE LA STRATEGIE DE PREVENTION DES CONFLITS ARMES EN DIX POINTS PRESENTEE PAR LE SECRETAIRE GENERAL
Tout en reconnaissant le rôle particulier du Conseil, des délégations insistent sur le fait que les gouvernements ont la responsabilité première de la prévention
C’est une véritable stratégie intégrée de prévention des conflits armés pour l’ensemble du système des Nations Unies et la communauté internationale qu’a présentée aujourd’hui au Conseil de sécurité la Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, Mme Louise Fréchette, au nom du Secrétaire général. L’objectif est que la communauté internationale - et ses différentes institutions - ne se borne plus seulement à réagir aux crises armées qui éclatent, mais fasse sienne la culture de prévention, ainsi que les dirigeants du monde l’ont prôné lors du Sommet du millénaire. En somme, il s’agit de passer d’une culture de la réaction à une culture de prévention. Fort de cette exigence, le Secrétaire général propose un plan d’action en dix points dans lequel il encourage notamment le Conseil à envisager la création d’un groupe de travail officieux ou d’un autre dispositif technique non officiel pour examiner en continu les cas de prévention et ceux d’alerte rapide. L’Assemblée générale est invitée à renforcer les échanges avec le Conseil de sécurité sur la prévention des conflits, grâce notamment à l’élaboration de stratégies à long terme sur cette question et sur celle de la consolidation de la paix. Quant à eux, les Etats Membres sont instamment invités à faire plus rapidement et plus fréquemment appel à la Cour internationale de Justice pour régler leurs différends par des moyens pacifiques et à accepter la juridiction générale de la Cour. Le Secrétaire général propose aussi que le Conseil économique et social consacre, lors de sa session de fond annuelle, un débat de haut niveau à la question de l’élimination des causes profondes des conflits et du rôle du développement dans la prévention durable des crises.
Concernant le rôle du Secrétaire général lui-même, quatre séries de mesures sont proposées. La première se traduirait par un recours plus fréquent aux missions interdisciplinaires d’enquête et de renforcement de la confiance de l’ONU dans les régions instables et par la soumission régulière de rapports régionaux ou sous-régionaux sur les situations ou les différends qui risquent de dégénérer en conflit. La deuxième serait l’élaboration de stratégies régionales de prévention avec les partenaires régionaux et avec les institutions et organismes compétents de l’ONU. La troisième serait la mise en place d’un réseau informel de capacités en matière de prévention. La quatrième viserait à améliorer, au sein du Secrétariat, les capacités et la base de ressources destinées aux activités de prévention sur la base des recommandations du rapport Brahimi et du Comité spécial des opérations de maintien de la paix.
(à suivre –1a)
Le Secrétaire général reconnaît néanmoins que les Nations Unies ne sont ni les seuls ni toujours les meilleurs acteurs en matière de prévention des conflits. Les organisations régionales, les ONG, le secteur privé et la société civile ont aussi des rôles très importants à jouer. Pour être effective, cette stratégie préventive exige donc que la communauté internationale, en coopération avec les protagonistes nationaux ou régionaux, adopte une approche d’ensemble qui englobe des mesures politiques, diplomatiques, humanitaires et institutionnelles, ainsi que des mesures portant sur les droits de l’homme, le développement et d’autres mesures à court et à long terme.
Ouvrant le débat, le Ministre des affaires étrangères du Bangladesh, M. Abdus Samad Azad, a rappelé que le rapport du Secrétaire général fournit pour la première fois une base solide pour la prévention des conflits armés. L’objectif est donc de faire avancer la question et de dégager une approche collective qui serait initiée au niveau de tout le système de l'ONU. Il a indiqué que l’Assemblée générale examinera ce rapport, le 12 juillet prochain, donnant ainsi l’occasion d’en discuter de manière détaillée. Les délégations ont de manière générale salué le rapport du Secrétaire général et les recommandations qu’il contient. Elles ont toutefois insisté sur le fait que la première responsabilité de la prévention des conflits repose sur les épaules des gouvernements nationaux, avec le soutien de la société civile. Partant, le rôle essentiel de l'ONU et de la communauté internationale est de soutenir les efforts nationaux de prévention et d'aider les Etats à construire les capacités dont ils ont besoin dans ce domaine, a notamment expliqué le représentant des Etats-Unis, alors que celui de la Chine a insisté pour que ces actions soient entreprises dans le respect scrupuleux des dispositions de la Charte de l’ONU et des principes de souveraineté territoriale et de non-ingérence dans les affaires internes d’un Etat.
Alors que la communauté internationale a consacré plus de 200 milliards de dollars pour sept opérations de rétablissement de la paix durant les années 90, les intervenants se sont accordés avec le représentant de la France pour reconnaître que la prévention est certainement la solution la moins coûteuse, que ce soit d'un point de vue humain, politique, économique ou financier, et que c'est certainement celle qui est la plus à même d'établir les conditions d'une paix durable. Des doutes quant à l’efficacité de créer un organe subsidiaire du Conseil pour les questions touchant à la prévention des conflits ont, cependant, été émis par de nombreux représentants, en tête desquels celui de la Fédération de Russie. Ils ont jugé plus pragmatique d’examiner la pertinence et l’efficacité de l’éventail de mécanismes dont on dispose déjà. Estimant qu’il fallait laisser le temps aux Etats de préparer leur réaction à la stratégie soumise par le Secrétaire général, le représentant de la Tunisie a, de son côté, proposé la création d’un groupe de travail qui aurait pour mandat d’étudier ce rapport en détail et de faire des suggestions sur les décisions et actions précises que le Conseil pourrait prendre en vue de donner suite au rapport.
En revanche, les participants ont unanimement reconnu qu’il fallait une plus grande coopération entre les principaux organes de l’ONU, mais aussi les institutions financières internationales, et les organisations régionales. Les délégations non membres du Conseil ont, à ce titre, tout particulièrement insisté sur l’importance pour l’Assemblée générale d’assumer pleinement le rôle qui lui revient en matière de prévention des conflits armés. Nombreux ont aussi été ceux
(à suivre – 1b)
à rappeler que favoriser le développement durable agit en synergie avec les efforts de prévention. A l’image de leurs collègues du Mali et du Canada, plusieurs intervenants ont fait observer qu’une bonne stratégie préventive passe également par le règlement du problème des enfants soldats et par la lutte contre le commerce illicite des armes légères. A cet égard, de nombreux appels ont été lancés pour que les deux conférences des Nations Unies qui auront lieu prochainement sur ces thèmes débouchent sur des programmes d’action concrets en la matière. Dans le même ordre d’idée, le représentant de la Norvège a estimé qu’il fallait comprendre que, bien souvent, c’est l’avidité et l’appât du gain qui constituent les menaces les plus vivaces à la paix et à la sécurité internationales. Réduire les profits de la guerre constitue donc aussi une mesure préventive très importante.
Outre ses quinze membres, le Conseil de sécurité a entendu les déclarations des représentants des pays suivants : Canada, Suède (au nom de l’Union européenne et des pays associés), République de Corée, Argentine, Costa Rica, Japon, Inde, Egypte, Mexique, Brésil, Malaisie, Nigéria, Afrique du Sud, Iraq, Pakistan, Bélarus, et Népal. L’Observateur permanent de la Palestine a également participé au débat.
Rapport du Secrétaire général sur la prévention des conflits armés (A/55/985-S/2001/574)
Le premier objectif de ce rapport est de faire le point des progrès qui ont été réalisés dans le développement de la capacité des Nations Unies de prévenir les conflits, conformément aux voeux de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité. Le second objectif du rapport, déclare le Secrétaire général, est de présenter des recommandations précises sur la manière dont ces efforts pourraient être renforcés avec la collaboration et la participation des Etats Membres qui, en dernière analyse, ont la responsabilité première de la prévention des conflits.
Le rapport repose sur quelques grands principes, dont le premier est que la prévention des conflits est l'une des obligations des Etats Membres énoncées dans la Charte, et que les initiatives prises par l'Organisation en la matière doivent être conformes aux buts et principes de cet instrument. L'action de prévention, estime le Secrétaire général, ne prendra toute son efficacité que si elle est entreprise au tout début d'un conflit, l'un des objectifs principaux de cette action étant de s'attaquer aux causes socioéconomiques, culturelles, environnementales, institutionnelles et aux autres causes structurelles profondes qui expriment souvent le caractère politique d'un conflit en surface. La prévention des conflits et un développement socioéconomique durable et équitable sont des activités qui se renforcent mutuellement. Favoriser la paix et la stabilité, c'est donc favoriser et investir dans le développement durable. Une stratégie de prévention dépend de la coopération mutuelle de nombreux acteurs des Nations Unies, notamment du Secrétaire général, du Conseil de sécurité, de l'Assemblée générale, du Conseil économique et social, de la Cour internationale de Justice et des institutions, bureaux, fonds et programmes de l'ONU, ainsi que des institutions de Bretton Woods. Les Etats Membres, les organisations internationales, régionales et sous-régionales, le secteur privé, les ONG et les autres segments de la société civile ont eux aussi un rôle important à y jouer. De l'avis de M. Kofi Annan, la première leçon à tirer de l'expérience de l'ONU en matière de prévention des conflits armés, est que plus les causes profondes de conflit potentiel sont rapidement identifiées et efficacement traitées, plus il est probable que les parties au conflit seront prêtes à s'engager dans un dialogue constructif, à examiner les griefs qui sont à l'origine du conflit et à s'abstenir de recourir à la force pour parvenir à leurs fins. Mais, note le Secrétaire général, il ne s'agit pas seulement de créer une culture de prévention, ou de mettre en place les mécanismes voulus ou de mobiliser une volonté politique. L'ONU, déclare-t-il, a aussi la responsabilité morale de veiller à ce que des génocides tels que celui perpétré au Rwanda ne puissent jamais se reproduire.
Dans chacune des parties de ce rapport qui sont relatives notamment au mandat des Nations Unies pour la prévention des conflits armés; au rôle des organes principaux de l'ONU; au rôle et activités des Départements, organismes et programmes de l'ONU dans le domaine de la prévention; à la concertation entre l'ONU et les autres acteurs internationaux dans le cadre de ces accords régionaux pour la prévention des conflits, et au renforcement des capacités en matière de prévention, le Secrétaire général présente des recommandations visant le renforcement et l'amélioration du cadre existant en la matière. Rappelant que la mission primordiale des Nations Unies reste de "préserver les générations futures du fléau de la guerre", et qu'à cette fin, les Etats Membres se sont engagés à " prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix", le Secrétaire général souligne que la prévention des conflits a été l'un des éléments dominants du Sommet du millénaire durant lequel les dirigeants du monde entier ont soutenu son appel pour que la communauté internationale ne se borne plus seulement à réagir aux crises armées qui éclatent, mais fasse également sienne la culture de la prévention.
Se basant sur cette exigence, le Secrétaire général invite l'Assemblée générale à envisager de renforcer les échanges avec le Conseil de sécurité sur la prévention des conflits, grâce notamment à l'élaboration de stratégies à long terme sur cette question et sur celle de la consolidation de la paix. Concernant le rôle du Conseil de sécurité, M. Kofi Annan encourage cet organe à envisager des mécanismes innovateurs comme l'institution d'un organe subsidiaire, d'un groupe de travail spécial officieux ou d'un autre dispositif technique non officiel pour examiner les cas de prévention de manière plus continue, en particulier eu égard aux rapports périodiques régionaux et sous-régionaux qu'il a l'intention de soumettre au Conseil ainsi qu'aux autres cas d'alerte rapide ou de prévention portés à son attention par des Etats Membres. Relevant que le Conseil économique et social (ECOSOC) a commencé à collaborer plus étroitement avec l'Assemblée et le Conseil de sécurité en vue de répondre aux besoins d'une démarche plus intégrée pour assurer la paix, la sécurité, le respect des droits de l'homme et un développement durable, le Secrétaire général propose que l'ECOSOC consacre, lors de sa session de fond annuelle, un débat de haut niveau à la question de l'élimination des causes profondes des conflits et du rôle du développement dans l'action menée pour prévenir durablement les conflits. Quant au rôle que doit jouer la Cour internationale de justice (CIJ), M. Kofi Annan invite vivement les Etats Membres à faire plus rapidement et plus fréquemment appel à elle pour régler leurs différends par des moyens pacifiques et pour promouvoir la primauté du droit dans les relations internationales. Il les invite instamment à accepter la juridiction générale de la CIJ et à établir, par voie bilatérale ou multilatérale, lorsque leurs structures nationales ne permettent pas une telle acceptation, une liste complète des questions qu'ils sont prêts à soumette à la Cour. L'Assemblée générale devrait d'autre part, estime M. Annan, autoriser le Secrétaire général et d'autres organes de l'ONU à demander, ou à solliciter plus souvent, des avis consultatifs à la CIJ. M. Annan déclare son intention de renforcer, avec le concours des Etats Membres, le rôle traditionnel de prévention qui revient au Secrétaire général en prenant quatre séries de mesures. Ces mesures se traduiraient par un recours plus fréquent aux missions interdisciplinaires d'enquête et de renforcement de la confiance de l'ONU dans les régions instables; l’élaboration de stratégies régionales de prévention avec les partenaires régionaux et avec les institutions et organismes compétents de l'ONU; la mise en place d'un réseau informel de personnalités éminentes aux fins de la prévention des conflits; et l'amélioration, au sein du Secrétariat, des capacités et de la base de ressources destinées aux activités de prévention.
Concernant l'action politique, le Secrétaire général rappelle que le Département des affaires politiques (DAP) est chargé, au sein du Secrétariat et du système de l'ONU, de s'informer sur les conflits réels ou potentiels au règlement desquels l'Organisation pourrait utilement contribuer. Le DAP cherchant en ce moment à améliorer la qualité de ses moyens et le niveau de son personnel, M. Kofi Annan invite instamment l'Assemblée à mettre à la disposition du DAP, en sa qualité de coordonnateur des efforts de prévention des conflits, des ressources adéquates pour lui permettre de s'acquitter de ses tâches. L'expérience ayant d'autre part montré qu'il peut être nécessaire de maintenir pendant une période prolongée un déploiement préventif là où existe une menace à la sécurité, et que les résultats d'une telle opération doivent être complétés et soutenus par des mesures à plus long terme de consolidation de la paix, le Secrétaire général recommande au Conseil de sécurité d'autoriser l'incorporation d'éléments de consolidation de la paix dans les opérations de maintien de la paix et de renforcer les capacités du Secrétariat sur la base des mesures proposées dans le rapport relatives à la mise en oeuvre des recommandations du Comité spécial des opérations de maintien et dans le Rapport Brahimi.
Les autres recommandations avancées par le Secrétaire général dans son rapport ont notamment trait à la transparence sur les questions militaires; au désarmement, à la démobilisation et à la réinsertion des combattants; aux activités relatives au respect des droits de l'homme; à l'action humanitaire; aux médias et à l'information, sujet sur lequel le Secrétaire général engage l'Assemblée générale à fournir des ressources supplémentaires pour la production d'émissions diffusées directement par l'ONU ou ses missions, afin de contrer les messages de haine et promouvoir le développement des médias dans les régions exposées à des conflits. D'autres recommandations ont trait à l'égalité des sexes et à la participation des femmes aux efforts de médiation et de paix; à la concertation entre l'ONU et les autres acteurs internationaux dans le cadre des accords régionaux pour la prévention des conflits; au rôle des ONG et du secteur privé, et au renforcement des capacités en matière de prévention. Pour être effective, conclut le Secrétaire général, une stratégie préventive exige que la communauté internationale, en coopération avec les protagonistes nationaux ou régionaux, adopte une approche d'ensemble qui englobe des mesures politiques, diplomatiques, humanitaires et institutionnelles, ainsi que des mesures portant sur les droits de l'homme, le développement, et d'autres mesures à court et à long terme. Elle exige également que l'on s'intéresse activement aux questions d'égalité entre les sexes et à la situation des enfants. La prévention des conflits et le développement durable et équitable sont, déclare M. Kofi Annan, des activités synergiques, ce qui devrait mener à introduire un volet de prévention des crises dans les programmes et activités de développement multiformes du système des Nations Unies.
Déclarations
Présentant le rapport du Secrétaire général, Mme LOUISE FRECHETTE, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, a rappelé que les participants du Sommet du millénaire ont reconnu que la prévention des conflits constituait l’un des piliers de l’action de sécurité collective pour le XXIème siècle. C’est dans cet esprit que le Secrétaire général a préparé le rapport présenté aujourd’hui et dont le message est qu’il faut intensifier les efforts pour passer d’une culture de réaction à une culture de prévention. Fort de ce constat, le Secrétaire général propose dix principes devant guider l’action. Tout d’abord, la prévention des conflits est l’une des obligations premières des Etats Membres énoncées dans la Charte des Nations Unies et toute action entreprise doit être conforme à cet instrument. Toutefois, c’est au niveau des gouvernements nationaux et des autorités locales que commence véritablement la prévention des conflits, ce dont ils ont la responsabilité première. La communauté internationale, quant à elle, doit appuyer les efforts dans ce domaine et en matière de renforcement des capacités nationales. De l’avis du Secrétaire général, l’instrument le plus efficace de prévention est indiqué dans le Chapitre VI de la Charte de l’ONU relatif au règlement pacifique des différends. Les mesures énoncées au Chapitre VII ne doivent, quant à elles, être mises en oeuvre que s’il y a un risque d’escalade. Mme Fréchette a précisé néanmoins que certaines des mesures inscrites à ce chapitre et notamment celles concernant les sanctions économiques peuvent parfois être utilisées de manière préventive.
Pour être plus efficace l’action préventive doit commencer le plus tôt possible, a poursuivi la Vice-Secrétaire générale. La prévention doit s’attaquer en priorité aux causes profondes des conflits, qui bien que multiples, sont souvent liées aux inégalités sociales et économiques, aux discriminations ethniques systématiques, ou aux disputes autour de l’exploitation des ressources naturelles. Une stratégie efficace doit par conséquent impliquer une approche tant à court terme qu’à long terme et être assortie d’éléments économiques, humanitaires ainsi que politiques. Investir dans la prévention doit intervenir simultanément avec l’aide au développement durable, a prévenu Mme Fréchette. C’est pourquoi, le rapport du Secrétaire général recommande d’aborder toutes les activités des Nations Unies sous cet angle. Il reconnaît néanmoins que les Nations Unies ne sont ni les seuls ni toujours les meilleurs acteurs en matière de prévention des conflits. Les organisations régionales, les ONG, le secteur privé et la société civile ont aussi des rôles très importants à jouer. De leur côté, les Etats Membres doivent faire preuve d’une volonté réelle et soutenir financièrement et politiquement les activités dans ce domaine.
Abordant ensuite la manière dont le Conseil de sécurité peut renforcer son rôle, Mme Fréchette a indiqué que le rapport propose plusieurs moyens. L’un d’entre eux est de préparer des rapports périodiques régionaux ou sous-régionaux sur les situations ou les différends qui risquent de dégénérer en conflit. Un autre moyen est la mise en place d’un organe non officiel du Conseil qui permettrait de discuter de la prévention de manière plus régulière. Il est également proposé que le Conseil de sécurité envoie des missions d’enquête, composées notamment d’experts pluridisciplinaires, pour élaborer des stratégies de prévention sur le terrain dans les zones à risques. Il est également recommandé au Conseil de renforcer sa coopération avec l’Assemblée générale et le Conseil économique et social. Les bénéfices qui pourraient être tirés des compétences de la Cour internationale de Justice sont aussi mis en avant. A cet égard, le Secrétaire général demande à pouvoir profiter de manière plus libre des avis de la Cour. Il invite en outre les Etats Membres à se tourner vers cet organe plus souvent et plus tôt pour régler les différends.
Le Secrétaire général se propose, pour sa part, de renforcer ses activités de prévention et de bons offices, a encore expliqué Mme Fréchette, ajoutant que, pour ce faire, il faudrait encore améliorer la capacité et les ressources au sein du Secrétariat. Les Etats Membres doivent de plus appuyer les processus de suivi lancés lors des deux dernières réunions de haut niveau des organisations régionales consacrées à la prévention des conflits et à la consolidation de la paix. Les bailleurs de fonds doivent, quant à eux, accroître les flux d’assistance publique au développement qui ont baissé ces dernières années. Si l’APD ne peut résoudre les conflits, elle peut, toutefois, favoriser la constitution d’un climat propice à la paix durable. Le principe sous-tendant cette vaste réflexion est que la communauté internationale a la responsabilité morale de garantir que tous les hommes sont protégés, a ajouté la Vice-Secrétaire générale. Or, en deux occasions relativement récentes, au Rwanda et à Srebrenica, elle a failli à cette obligation et il faut désormais s’interroger sur les raisons de ces échecs. Certes, si les gouvernements concernés refusent de reconnaître qu’ils ont un problème, il n’y a pas grand chose que la communauté internationale puisse faire. Mais trop souvent, la communauté internationale et le Conseil de sécurité manquent de la volonté politique nécessaire pour agir, des questions d’intérêt national entrant en jeu. Or, comme le souligne le rapport, l’intérêt collectif est l’intérêt national, a insisté Mme Fréchette, avant de reconnaître que le coût de la prévention doit être payé maintenant alors que les bénéfices ne s’en font sentir que dans l’avenir et sont parfois imperceptibles. Mais, elle a rappelé que la communauté internationale a dépensé plus de 200 milliards de dollars sur les sept grandes interventions de rétablissement de la paix des années 90, en dehors du Kosovo et du Timor oriental. Elle a en outre fait remarquer que favoriser la prévention peut renforcer de manière significative la capacité des Etats Membres à exercer leur souveraineté nationale. Il faut donc maintenant que la rhétorique de la prévention des conflits se traduise en actions concrètes, a-t-elle conclu.
M. ANDRES FRANCO (Colombie), affirmant que la prévention des conflits constitue un engagement éthique, politique et social des dirigeants, s'est exprimé sur quatre points. En premier lieu, il a déclaré que certaines mesures de prévention devraient faire l'objet d'une interaction renforcée entre le Conseil de sécurité, l'Assemblée générale et le Conseil économique et social, sur des interventions à long terme telles que les programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration, ou l’intégration d’éléments civils aux missions de paix. Dans cette optique, le représentant s'est prononcé en faveur de la proposition du Secrétaire général visant à ce que l'ECOSOC consacre une partie de ses sessions de fond à ces thèmes. En deuxième lieu, le représentant a déclaré que les mesures à court terme, comme la diplomatie préventive, les missions d’établissement des faits, les rapports régionaux, sont propices aux relations entre le Conseil de sécurité et le Secrétariat. Le représentant s’est félicité de l’intention du Secrétaire général de présenter au Conseil des rapports périodiques régionaux sur les situations de conflit; après avoir salué le travail réalisé par la Mission interinstitutions envoyée en mars dernier en Afrique de l’Ouest, il a déclaré que ce rapport devrait être étudié en profondeur par le Conseil dans le but de promouvoir le dialogue entre le Conseil de sécurité et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Abordant en troisième lieu les missions du Conseil de sécurité pour la prévention des conflits, M. Franco a demandé que l’objectif de prévention soit exprimé de façon plus explicite dans les termes de référence des missions et a posé la question de leur financement. Enfin, en ce qui concerne la répartition des responsabilités au sein du Conseil et l’organe chargé de gérer la prévention dans des situations concrètes, le représentant s’est interrogé sur la possibilité qu’il s’agisse d’experts qui s’occupent de ces questions de nature essentiellement politique. Faisant écho au Secrétaire général, M. Franco a conclu en réaffirmant l’opportunité d’adopter une déclaration de principes visant à guider les Nations Unies et les Etats Membres dans la consolidation d’une culture de prévention.
Mme PATRICIA DURRANT (Jamaïque) a regretté que, malgré une meilleure identification des causes profondes des conflits meurtriers, la communauté internationale ne soit toujours pas parvenue à rationaliser de manière satisfaisante les moyens d'enrayer leur escalade meurtrière. C'est pourquoi, elle a vivement souhaité que le débat d'aujourd'hui puisse répondre à la question posée par le rapport de savoir pourquoi la prévention des conflits est si peu pratiquée et pourquoi elle échoue tant de fois alors qu'il existe un véritable potentiel pour qu'elle réussisse. Il est indispensable, dans ce contexte, que le Conseil de sécurité travaille avec les autres organes des Nations Unies. Le représentant a soutenu l'idée de travailler de concert avec les organisations régionales et sous-régionales afin qu'elles établissent des rapports sur les menaces à la paix internationale et qu'elles formulent des suggestions sur la façon dont le Conseil devrait les envisager. Mme Durrant a également appuyé l'idée de renforcer le rôle des missions interdisciplinaires d'établissement des faits et des missions de rétablissement de la confiance; de développer des stratégies de prévention régionale avec les partenaires régionaux et les organes appropriés des Nations Unies; de prendre en compte les conseils et les actions des personnes les plus compétentes en matière de prévention des conflits; et d'augmenter les capacités et les ressources du Secrétariat. La représentante a donné son appui à l'idée d'inclure des composantes de construction de la paix au sein des missions de maintien de la paix, de prévenir l'utilisation et le commerce illicite des petites armes, de mettre en place des ressources et des politiques de protection des enfants et des adolescents dans les conflits potentiels et d'intégrer une dimension sexospécifique aux opérations de prévention des conflits et de maintien de la paix. Enfin, elle a souligné l'importance de s'engager sur la voie d'un développement durable et équitable afin d'enrayer la pauvreté qui est un facteur alimentant les conflits.
M. JAMES CUNNINGHAM (Etats-Unis) a déclaré que sa délégation adhère aux recommandations du Secrétaire général préconisant une amélioration de la coopération entre le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social, la Cour internationale de Justice et les autres agences et institutions du système de l'ONU dans le domaine de la prévention des conflits. Les Etats-Unis, a poursuivi le représentant, estiment qu'il est aussi nécessaire d'améliorer la communication entre les différents organes de l'ONU qui travaillent sur cette question en vue d'y apporter des réponses communes et coordonnées. Nous soutenons la recommandation qui a trait à l'usage que le Conseil et l'Assemblée générale doivent faire des informations et analyses fournies par les mécanismes des droits de l'homme de l'ONU et les ONG en vue d'identifier les violations flagrantes des droits de l'homme et prendre des mesures préventives à un stade précoce. Le Conseil de sécurité, en ce qui le concerne, a déjà fait un pas dans la bonne direction en agissant en faveur de certaines des recommandations qui sont faites aujourd'hui par le Secrétaire général. Après les actions qu'il a prises en ce qui concerne les questions des enfants dans les conflits armés, le VIH/sida, et les secours humanitaires dans les zones en conflit, le Conseil est prêt à faire un usage amélioré de l'expérience acquise par le système de l'ONU. A cet égard, nous prenons note de la recommandation du Secrétaire général visant à établir des rencontres régulières du Conseil avec le Bureau du Coordonnateur des affaires humanitaires. Les Etats-Unis, a dit le représentant, soutiennent aussi pleinement l'engagement que prend le Secrétaire général de renforcer le rôle qu'il joue en matière de prévention à travers quatre mesures majeures. L'augmentation du nombre de missions d'établissement des faits, l'amélioration des liens de coopération entre l'ONU et les organisations régionales, l'assistance que peut apporter un groupe de personnalités éminentes en matière de prévention des conflits, et l'amélioration et le renforcement des capacités du Secrétariat, auront tout le soutien des Etats-Unis.
Le rapport du Secrétaire général, a estimé le représentant, constituera une carte de route utile en matière de politique de prévention des conflits armés, mais la délégation des Etats-Unis tient à souligner le bien-fondé de l'assertion que fait le Secrétaire général au début de ce document: "la première responsabilité de la prévention des conflits repose sur les épaules des gouvernements nationaux, avec le soutien de la société civile. Le rôle essentiel de l'ONU et de la communauté internationale est de soutenir les efforts nationaux de prévention et d'aider les Etats à construire les capacités dont ils ont besoin dans ce domaine."
M. STEWART ELDON (Royaume-Uni) a déclaré que toute évaluation de conflit doit inclure ses aspects politiques, socioéconomiques et de développement. L'action de prévention doit viser les causes des conflits et non pas seulement leurs effets et symptômes. Le Royaume-Uni soutient donc le lien qui est fait par le Secrétaire général entre conflits et développement durable. Nous devons tout faire pour que ce soient les activités de développement et non les crises et les conflits, qui aient le dessus. Aussi, devons-nous tout mettre en oeuvre pour que les objectifs internationaux de développement économique et social, tels que définis lors du Sommet du millénaire et dans sa Déclaration, soient accomplis. Le Royaume-Uni soutient la recommandation qui encourage les Administrateurs des Fonds et Programmes de l'ONU et des agences spécialisées de l'Organisation, à trouver la meilleure manière d'intégrer la prévention des conflits dans leurs programmes d'activités. L'un des premiers défis à relever, comme le dit le Secrétaire général, est de mobiliser le potentiel collectif du système de l'ONU avec plus de cohérence et de concentration d'action. Nous pouvons faire beaucoup mieux que ce qui se fait en ce moment, et pouvons créer de meilleures interactions entre le Conseil de sécurité, l'Assemblée générale et l'ECOSOC, comme le recommande le rapport, a estimé M. Eldon. Notre délégation encourage aussi fortement une coopération plus systématique entre les différentes parties du système de l'ONU et entre l'ONU et les institutions de Bretton Woods et les autres importants acteurs internationaux. Nous pensons que le besoin se fait urgent, en ce moment, d'améliorer la manière dont sont conçus les efforts de mobilisation des ressources dont la communauté internationale a besoin pour financer les programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des combattants.
L'ONU doit d'autre part travailler en vue d'une meilleure collaboration avec les organismes régionaux, car la conception et la mise en oeuvre de stratégies de prévention requièrent une coopération aux niveaux national et régional. L'utilisation de groupes de travail spéciaux interinstitutions, comme celui qui a récemment visité l'Afrique de l'Ouest, permet d'harmoniser les efforts de l'ONU et ceux des organismes régionaux. Concernant les mandats, tout en respectant ceux que le Conseil donne aux missions de l'Organisation, nous pensons qu'il faut cependant être capable de s'adapter aux réalités de terrain. Dans la région des Grands Lacs par exemple, bien qu'il n'y existe aucune organisation régionale fonctionnelle et formelle avec laquelle l'ONU pourrait coopérer, il est cependant possible de travailler avec des groupes de pays qui collaborent sur la base d'arrangements officieux. L'ONU doit donc faire preuve de créativité, et s'associer même avec le secteur privé. Nous soutenons la proposition du Secrétaire général pour un plus grand rôle de la Cour internationale de Justice dans la prévention des conflits et nous demandons aux autres Etats Membres de recourir à la Cour. Quant à la recommandation visant la création d'un bureau de l'ONU en Afrique de l'Ouest dirigé par un Sous-Secrétaire général, nous l'approuvons tout en demandant que des informations supplémentaires nous soient fournies sur son rôle et son mandat, par rapport à ceux des Représentants spéciaux du Secrétaire général qui sont déjà affectés aux problèmes qui touchent la région.
M. WANG YINGFAN (Chine) a souligné le caractère complet et détaillé du rapport du Secrétaire général, qui donne ainsi au Conseil de sécurité mais aussi à l’Assemblée générale et à d’autres organes des Nations Unies une excellente base pour prendre des décisions dans le domaine de la prévention des conflits armés. Le rapport rappelle à juste titre que toute action en matière de prévention des conflits doit être conforme à la Charte des Nations Unies et doit intervenir avec l’accord des gouvernements concernés. Les causes des conflits sont très diverses et il est donc important que la prévention s’attaque à la fois aux symptômes et aux causes des conflits. Les actions en la matière doivent correspondre aux circonstances et situations particulières des régions du monde. Souvent depuis la fin de la guerre froide, on a assisté à la multiplication de conflits dans une même région, bien souvent pour des raisons de différences et d’opposition ethniques, a fait remarquer le représentant. Or, accroître les tensions ethniques ne fera qu’accroître l’instabilité internationale. C’est pourquoi, toute stratégie de prévention doit dûment poser les principes de tolérance, de réconciliation et de droits de toutes les minorités. Si nécessaire, elle pourrait même instaurer un certain nombre de conditions plus favorables pour protéger les plus vulnérables. Toute action de prévention doit aussi impérativement respecter la souveraineté territoriale et le principe inviolable de la non-ingérence dans les affaires internes d’un Etat.
Le représentant a ensuite évoqué l’initiative de coopération régionale et de prévention des conflits prise récemment à Shanghai par plusieurs pays de la région asiatique. “Elle constitue une étape importante pour mettre en place des mécanismes de protection et de prévention pour lutter contre certaines activités terroristes et séparatistes dans la région”, a-t-il estimé. La prévention des conflits est une dimension très importante du maintien de la paix et de la sécurité internationales et du rôle des Nations Unies. La Chine est donc disposée à participer au renforcement des capacités de l’Organisation dans ce domaine.
M. NOUREDDINE MEJDOUB (Tunisie) a déclaré que le thème de la réunion d’aujourd’hui renvoie à la raison d’être des Nations Unies, à savoir protéger l’humanité du fléau de la guerre et des conflits armés. Après 55 années d’existence, l’ONU dispose d’une longue expérience lui permettant d’ajuster son rôle pour répondre au mieux aux exigences du monde nouveau. Voilà plusieurs mois que le Conseil de sécurité a entamé un examen attentif de la question de la prévention. Il y a en fait une évidente prise de conscience de la part de cet organe, mais aussi du système des Nations Unies et de l’ensemble de la communauté internationale, de la nécessité d’une véritable mutation dans la perception du rôle de la prévention. Le moment est donc venu pour mettre en place une stratégie globale et cohérente qui fait de la prévention une composante essentielle des stratégies et des politiques de maintien de la paix et de la sécurité internationales et de promotion du développement économique et social.
Dans ce contexte, le rapport du Secrétaire général revêt une importance particulière, a poursuivi le représentant, ajoutant que dans l’ensemble sa délégation le soutient. Le Conseil devrait donc entamer sans plus tarder un examen minutieux de ce document, en tenant compte toutefois de la nécessité d’un délai raisonnable pour l’étude du rapport par les capitales respectives des Etats membres du Conseil. A cet effet, M. Mejdoub a proposé la création d’un groupe de travail qui aurait pour mandat d’étudier ce rapport en détail et de faire des suggestions sur les décisions et actions précises que le Conseil pourrait prendre en vue de donner suite au rapport.
M. ANDREY E. GRANOVSKY (Fédération de Russie) a déclaré que la stratégie définie par le rapport en matière de prévention était louable. La Fédération de Russie en approuve les grandes lignes et soutient les recommandations visant le renforcement des capacités des Etats dans le domaine du règlement des crises et de l'amélioration des cadres de coopération régionale de prévention des conflits. Nous pensons cependant que le Conseil devrait se pencher essentiellement sur les recommandations qui le concernent directement et reporter à plus tard l'examen de certaines questions qui touchent à sa collaboration améliorée avec l'Assemblée générale et l'ECOSOC. Nous soutenons la proposition d'examiner régulièrement des rapports du Secrétaire général sur les zones à risque et sommes d'accord avec sa proposition d'envoyer plus de missions d'établissement des faits sur le terrain. Cependant, nous doutons de l'efficacité de créer des organes subsidiaires du Conseil pour les questions touchant à la prévention des conflits. Nous ne pensons pas que cette mesure pourrait améliorer l'efficacité du travail du Conseil en la matière.
M. RICHARD RYAN (Irlande) a déclaré qu'il est nécessaire que la communauté internationale entreprenne un changement conceptuel afin de penser les conflits en termes de prévention. La relation complémentaire entre la prévention des conflits et le développement, le rôle important des organisations régionales et le besoin de renforcer la cohérence et les capacités du système des Nations Unies en ce qui concerne la prévention des conflits sont trois aspects importants sur lesquels nous devons nous pencher. Une stratégie de prévention des conflits efficace requiert une démarche multidimensionnelle comprenant les aspects prévention à court terme ainsi que les aspects développement à long terme. Une coopération pour le développement centrée sur l'élimination de la pauvreté est l'instrument le plus puissant dont dispose la communauté internationale pour s'attaquer aux causes profondes des conflits et promouvoir la paix. Le premier risque structurel est la pauvreté. Dans ce contexte, l'Irlande s'est engagée à l'occasion du Sommet du millénaire à atteindre l'objectif de consacrer 0,7% de son PNB à l'aide publique au développement d'ici à 2007, ce qui revient à la quadrupler. Il conviendrait également d'observer plus de cohérence entre les principaux donateurs. A cet égard, la Banque mondiale et le Fond monétaire international jouent un rôle clef pour ce qui est d'aider les pays en développement à préparer leur Stratégie d'élimination de la pauvreté. Prévenir efficacement les conflits implique de travailler aux côtés de nos partenaires au développement avant, pendant et après les conflits. Dans ce cadre, les programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) sont de plus en plus identifiés comme une partie essentielle de règlement post-conflit. L'Irlande appuie la proposition du Secrétaire général visant à insérer une composante DDR dans les missions de maintien de la paix ainsi que dans les opérations de consolidation et de rétablissement de la paix. Les efforts de prévention de la paix doivent promouvoir un large éventail de droits de l'homme, y compris les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux, culturels et le droit au développement. Une démarche soucieuse d'égalité entre les sexes doit également être adoptée.
S'agissant du rôle des organisations régionales, il faut prendre en compte le fait que beaucoup de conflits sont inséparables de leur contexte régional. Il faut donc que les acteurs régionaux et sous-régionaux soient des acteurs centraux de la prévention des conflits. L'Irlande appuie le développement, par les Nations Unies et ses partenaires régionaux, de stratégies de prévention régionale. L'Irlande s'associe au Secrétaire général pour souligner l'importante contribution du déploiement préventif d'opérations de maintien de la paix. Elle estime que les activités préventives de maintien de la paix conduites par la police civile au niveau des communautés disposent d'un potentiel inexploité en ce qui concerne la réduction des tensions et le renforcement de la confiance. La délégation irlandaise appuie l'appel du Secrétaire général pour plus de cohérence au sein du système des Nations Unies en matière de prévention des conflits, notamment par le biais de l'utilisation du nouvel instrument que constitue les processus des bilans
communs de pays et par l'allocation adéquate de ressources au plan-cadre des Nations Unies pour l'aide au développement. L'Irlande soutient la création d'une nouvelle unité chargée d'être le Secrétariat du Comité exécutif pour la paix et la sécurité et appelle toutes les autres délégations à soutenir cette approche stratégique.
M. JEAN-DAVID LEVITTE (France) a déclaré qu'il est nécessaire et légitime de se demander si la communauté internationale ne devrait pas consentir un effort supplémentaire pour mieux anticiper et prévenir les conflits lorsqu'il en est encore temps. Cette solution, a estimé le représentant, est certainement la moins coûteuse, que ce soit d'un point de vue humain, politique, économique ou financier, et c'est certainement celle qui est la plus à même d'établir les conditions d'une paix durable. Au milieu d'une crise aiguë, comme il y en a aujourd'hui plusieurs en Afrique, les Nations Unies et les bailleurs de fonds se retrouvent confrontés aux pires conditions dans des pays ravagés par la guerre, occupés, soumis au pillage de leurs richesses et de leurs ressources, et sans perspectives politiques claires susceptibles de rétablir la confiance parmi les populations. Dans ces conditions, démarrer des programmes de développement économique et social nécessaires pour amorcer une sortie durable de la crise est alors un défi considérable. Si nous voulons mettre en oeuvre pleinement le mandat primordial des Nations Unies, qui est de "préserver les générations futures du fléau de la guerre", nous devons prendre au sérieux l'impératif de prévention dans notre action, conformément aux principes de la Charte de l’ONU, a dit M. Levitte. Nous retiendrons, a poursuivi le représentant, la nécessité de développer une véritable culture de prévention, et il est important, comme le souligne le Secrétaire général, que non seulement les Nations Unies, le Secrétaire général, l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité et les Fonds et Programmes de l'ONU, mais aussi les institutions de Bretton Woods - qui sont la Banque mondiale et le FMI -, et les acteurs privés, ainsi que les ONG et les entreprises, acquièrent un véritable "réflexe de prévention". Les efforts déjà engagés et repris dans le rapport méritent d'être encouragés. L'orientation accrue des activités du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en direction de la bonne gouvernance et de l'état de droit, afin d'inscrire les projets de développement dans une perspective de développement économique et social durable et harmonieux, va dans la bonne direction. La sensibilisation au sein des institutions de Bretton Woods doit également être développée. Les organes de l'ONU pourraient aussi utilement s'inspirer des propositions contenues dans le rapport et qui visent à créer les structures d'un dialogue et d'une réflexion commune sur des problèmes précis de prévention des conflits. La France espère que de telles structures pourront voir le jour, et apportera, le moment venu, sa contribution, notamment à l'ECOSOC, à l'Assemblée générale et au Conseil de sécurité.
Nous relevons ensuite, a dit le représentant, la nécessité d'une coordination renforcée entre les différents acteurs dans la prévention des conflits. La mobilisation des énergies en ce domaine dépendra à la fois de la culture de prévention déjà mentionnée et de la bonne coordination entre les différents acteurs. A cet égard, nous ne devons pas nous arrêter à la distinction parfois opérée entre mesures dites "opérationnelles" et "structurelles" de prévention des conflits. Nous pensons que la coopération entre tous les acteurs intéressés est nécessaire, et il paraît indispensable que les mécanismes adéquats de coordination soient mis en place, notamment avec les organisations régionales et les institutions de Bretton Woods. Concernant les rôles spécifiques du Secrétaire général et du Conseil de sécurité, nous apportons notre soutien aux propositions spécifiques formulées dans le rapport. Le Secrétaire général a, conformément à l'article 99 de la Charte, la possibilité d'alerter le Conseil de sécurité sur toute situation qui pourrait mettre en danger la paix et la sécurité internationales. La France est d'avis qu'il faut renforcer les capacités d'alerte, de réaction et d'analyse du Secrétariat pour que le Secrétaire général soit mieux en mesure d'exercer cette fonction. Nous soutenons les propositions faites en ce sens dans le Rapport Brahimi. Le Conseil a lui-même à sa disposition une panoplie de moyens dont il doit faire usage autant que nécessaire. Ce sont les missions du Conseil, la proposition de modes de règlement pacifique de différends, le désarmement préventif et les embargos préventifs sur les armes, la lutte contre le trafic illicite de matières minérales et les embargos sur les diamants, la création de zones démilitarisées et le déploiement d'opérations de maintien de la paix. Nous attendons que le Conseil prenne des mesures concrètes sur la base de ce rapport dans les mois à venir et souhaitons que le rapport soit rapidement examiné à l'Assemblée générale.
M. OLE PETER KOLBY (Norvège) a estimé avec le Secrétaire général qu’il est grand temps que le système des Nations Unies passe d’une culture de réaction à une culture d’action. Le fait que la plupart des facteurs qui ont empêché la communauté internationale de prévenir le génocide du Rwanda soient encore présents, rend hautement nécessaire la réflexion entreprise aujourd’hui. En outre, même si les signes sont clairs, trop souvent la communauté internationale reste passive. Il est fondamental que la réaction de l’Organisation à ce rapport se fasse de manière coordonnée et intégrée, a estimé le représentant. Il a ajouté qu’il faut préciser les rôles, les responsabilités et les voies de communication afin que le système des Nations Unies utilise au mieux les ressources destinées à la prévention des conflits et fonctionne de manière la plus harmonieuse qui soit au niveau des pays et sur le terrain. Le rôle des fonds, des programmes et des institutions spécialisées de l’ensemble du système des Nations Unies est essentiel. De son côté, le Conseil de sécurité devrait examiner la question de la prévention de manière plus systématique. Le calendrier et les délais sont en effet fondamentaux en matière de prévention. A cet égard, M. Kolby a appelé les bailleurs de fonds à apporter des ressources financières au Fonds d’affectation spéciale pour l’action préventive. Le représentant a ajouté que les capacités de prévention développées par les organisations régionales devraient aussi être activement soutenues. De manière générale, l’ONU devrait chercher à renforcer sa coopération avec ces organisations.
La communauté internationale dispose en fait d’un vaste éventail de mesures qu’il est possible de prendre. Toutefois, le succès de toutes ces mesures dépend largement de la volonté des acteurs locaux impliqués dans un conflit d’y trouver une solution politique. Or sur ce point, il ne faut pas se voiler la face et comprendre que bien souvent c’est l’avidité et l’appât du gain qui constituent les menaces à la paix et à la sécurité internationales. Réduire les profits de la guerre constitue donc une mesure préventive très importante, a estimé le représentant avant d’inviter le Conseil de sécurité à établir un système ciblé s’attaquant à l’exploitation illégale des ressources naturelles et au trafic des armes légères. La première Conférence des Nations Unies sur ce thème, qui aura lieu au Siège de l’ONU en juillet prochain, devra aussi décider d’un programme d’action pour limiter le commerce illicite des armes légères, a insisté le représentant. S’agissant des opérations de paix, il convient, selon lui, d’accorder une attention particulière au rôle préventif que peut jouer la police civile. A cet égard, il a espéré que les consultations sur la mise en oeuvre des recommandations du rapport Brahimi en cours au Comité spécial des opérations de maintien de la paix permettront de soutenir le renforcement des capacités du Secrétariat. De manière générale, la Norvège appuie la proposition de créer au sein du Conseil de sécurité un mécanisme discutant de manière continue de la question de la prévention. Toutefois, il faudrait peut-être d’abord envisager l’opportunité des mécanismes qui existent déjà. En conclusion, le représentant a averti que, sans une véritable volonté de paix de la part des gouvernements et des éléments impliqués dans un conflit, les initiatives de prévention demeurent somme toute limitées. Il a aussi fait observer que la question pose le problème épineux de l’autorité et de la division des tâches au sein des Nations Unies alors que, bien souvent, les enjeux dépassent largement les mandats de l’Assemblée générale, de l’ECOSOC ou même du Conseil de sécurité. Pour faire face à ces défis, les Etats Membres ont la responsabilité particulière de concevoir pour les Nations Unies une approche intégrée de la prévention des conflits.
M. VALERIY KUCHINSKY (Ukraine) a rappelé que son pays s’était régulièrement prononcé en faveur de la mise en place de mécanismes fiables de prévention et qu’il jugeait fondamentaux les dix principes proposés par le Secrétaire général. Il a fait valoir toutefois que la recommandation visant à créer de nouveaux mécanismes du Conseil de sécurité pour examiner les cas de prévention méritait d’être étudiée de façon plus approfondie et qu’en phase initiale, cette tâche pouvait être assurée par le Groupe de travail sur les opérations de maintien de la paix.
Nous pensons que le Conseil de sécurité devait plus fréquemment se référer à son expérience en matière de déploiement préventif, a-t-il déclaré. La seule opération de déploiement préventif jamais réalisée dans l’histoire des activités de paix des Nations Unies, est la Force de développement préventif des Nations Unies en Macédoine (FORDEPRENU) et c’est un succès. Il conviendrait de tirer partie de cette expérience dans l’optique de la mise en place d’un type nouveau d’opérations, des opérations de prévention des conflits. La position de l’Ukraine concernant le fait que le Conseil de sécurité doit rester le chef de file en matière de prévention des conflits armés, n’a pas changé, a-t-il poursuivi. Mais elle continue également à dire que la tâche d’éliminer les causes profondes de ces conflits, notamment celles qui sont de nature économique, sociale ou humanitaire, relève de la compétence d’autres organismes et institutions spécialisées des Nations Unies.
Ma délégation estime qu’il serait approprié pour le Conseil d’étudier la possibilité de faire établir un rapport sur le débat en cours qui reflèterait les idées et évaluations des participants et endosserait les recommandations du Secrétaire général, a-t-il suggéré.
Mme CHRISTINE LEE (Singapour) a rappelé que ce débat est le troisième que tient le Conseil sur la question de la prévention des conflits armés. Singapour tient à rappeler que, malgré son importance, toute résolution de cette question doit respecter le principe de la souveraineté des Etats. Singapour estime que c'est le manque de volonté politique des membres du Conseil qui a souvent favorisé l'éclatement et la durée de nombreux conflits. Il y a un énorme fossé entre les discours du Conseil de sécurité et les actions qu'il prend lors de ces conflits. Le dernier voyage du Secrétaire général montre cependant l'engagement du Secrétariat à faire face à ses responsabilités. Nous exhortons le Conseil à prendre, pour sa part, les mesures appropriées, au moment opportun, pour faire face aux multiples crises qui déchirent différentes régions de la planète, a dit la représentante.
M. SEKOU KASSE (Mali) a fait remarquer qu’après plus d’un demi-siècle de vie, le constat est que l’Organisation des Nations Unies a essentiellement cherché à assurer la sécurité collective à travers le déploiement d’opérations de maintien de la paix plutôt que d’envisager des mesures concrètes pour prévenir les conflits. Or, lors du Sommet du millénaire en septembre dernier, les chefs d’Etat et de gouvernement ont réaffirmé la pertinence des mesures de prévention des conflits que sont l’élimination de leurs causes socioéconomiques, grâce notamment à l’aide publique au développement, et la défense des droits de l’homme et la bonne gestion des affaires publiques. La méthode la plus prometteuse de prévention consiste en fait à élaborer des stratégies intégrées et à long terme, combinant un vaste éventail de mesures politiques, économiques, sociales et autres visant à réduire ou à supprimer les causes des conflits. Partant, la délégation malienne tient à souligner que la réussite des mesures de prévention des conflits nécessite une démarche intégrée impliquant toutes les institutions des Nations Unies, les Etats Membres, les organisations régionales, les organisations non gouvernementales, la société civile et les milieux d’affaires.
Le représentant a estimé ensuite que le Conseil de sécurité avait bien un rôle clef à jouer dans la prévention des conflits. C’est pourquoi, il a appuyé l’intention du Secrétaire général de présenter périodiquement à cet organe des rapports régionaux et sous-régionaux sur les menaces contre la paix et la sécurité internationales. Il a précisé également que sa délégation ne peut qu’appuyer la recommandation visant à envisager des mécanismes novateurs pour examiner les cas de prévention de manière plus continue, ainsi que celle proposant que le Conseil économique et social consacre lors de sa session annuelle de fond un débat sur la question de l’élimination des causes profondes des conflits. M. Kassé a ensuite insisté sur la nécessité d’établir une coopération entre les Nations Unies et les acteurs extérieurs. Il ne faut pas oublier en effet que, depuis des années, certaines organisations régionales, comme l’Organisation de l’unité africaine (OUA) ou la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ont acquis des capacités institutionnelles inédites pour l’alerte rapide et la prévention des conflits. La CEDEAO a, par exemple, depuis 1999 mis en place un système d’observation de la paix et de la sécurité sous-régionale qui comprend un centre d’observation et de suivi basé au Siège et des zones d’observation et de suivi dans la sous-région. Mais cette volonté politique de la sous-région ouest-africaine a besoin du soutien et de l’assistance de la communauté internationale, a indiqué le représentant, qui s’est réjoui de la recommandation du Secrétaire général de consacrer des ressources supplémentaires au renforcement des capacités régionales dans ce domaine.
“Si l’on veut préserver les générations futures du fléau de la guerre, il nous faut combattre le triste spectacle des enfants soldats”, a aussi prévenu le représentant. A cet égard, il a suggéré l’élaboration d’un dispositif normatif international plus contraignant dans ce domaine. En conclusion, il a insisté sur le fait que la prévention des conflits violents n’est pas moins onéreuse que les remèdes post-conflictuels et qu’il fallait que la communauté internationale agisse dès maintenant.
M. ANUND PRIYAY NEEWOOR (Maurice) a estimé que le rapport du Secrétaire général était à la fois exhaustif et créatif. Plusieurs des recommandations qui y sont faites méritent, selon lui, une réflexion approfondie non seulement au sein du Conseil mais aussi au sein de l’Assemblée générale. Il est effectivement nécessaire de faire passer les Nations Unies d’une culture de réaction à une culture de prévention. Les conflits ont grandement évolué depuis la création des Nations Unies, il y a plus de 50 ans. Cela exige donc une approche différente de celle prévue au moment de l’adoption de la Charte. Après leur visite au Kosovo, la semaine dernière, les membres du Conseil sont revenus plus convaincus que jamais que nombre des conflits sont évitables si des initiatives sont prises en temps opportun aux niveaux local et national et si elles sont dûment soutenues par la communauté internationale. La délégation de Maurice, comme le Secrétaire général, estime que la responsabilité première de la prévention des conflits revient aux gouvernements nationaux. Evoquant les diverses causes des conflits, le représentant a estimé que la communauté internationale devrait encourager les gouvernements nationaux à résoudre les problèmes auxquels ils font face de manière satisfaisante pour chacun. Il faut aussi comprendre que nombre de ces problèmes, notamment en matière économique et de développement, dépassent largement les frontières des pays et que le sous-développement semble désormais être le terreau le plus favorable au développement de crises et de conflits armés.
Se tournant plus particulièrement vers les recommandations contenues dans le rapport, M. Neewoor a appuyé la proposition du Secrétaire général en faveur du déploiement de missions préventives qui pourraient apporter une contribution essentielle par opposition aux missions de maintien de la paix traditionnelles. Ce n’est toutefois que par une stratégie de prévention globale et cohérente que l’on pourra véritablement promouvoir un climat propice à la paix durable. La délégation de Maurice souscrit aussi sans réserve à la proposition d’envoyer sur le terrain des missions d’établissement des faits pluridisciplinaires. De telles missions doivent être encouragées dans les régions frappées par le sous-développement où le risque de conflit armé est le plus élevé. Le représentant a aussi appuyé la recommandation de tenir à l’ECOSOC un débat de haut niveau sur l’élimination des causes profondes des conflits. S’agissant du rôle des organisations régionales et sous-régionales, il a estimé que davantage de ressources financières et techniques devraient être accordées à ces organisations et aux mécanismes de prévention fort efficaces qu’elles ont déjà pu mettre en place. Les efforts de prévention ne doivent pas omettre la question du trafic illicite des armes légères et Maurice espère que lors de la prochaine conférence sur ce thème, un programme d’action efficace sera adopté. Pour ce qui est enfin du rôle plus particulier du Conseil de sécurité, M. Neewoor a estimé qu’il est grand temps que le Conseil joue un rôle plus actif. La délégation de Maurice appuie aussi sans réserve les multiples efforts de bons offices déployés par le Secrétaire général. En conclusion, le représentant a insisté sur le caractère synergique de la prévention des conflits et de l’aide au développement durable. C’est ce principe qui, selon lui, doit sous-tendre toute action de l’ONU et de la communauté internationale en la matière.
M. ABDUS SAMAD AZAD, Ministre des affaires étrangères du Bangladesh, a déclaré que les avis émis par le Conseil devraient orienter sur un plan politique, les actions que prendra le Conseil de sécurité dans le domaine de la prévention des conflits armés. Le Conseil devrait prendre en considération les observations et les recommandations contenues dans le rapport du Secrétaire général pour dégager une approche collective qui serait initiée au niveau de tout le système de l'ONU. Le rôle que doivent jouer les institutions de Bretton Woods est crucial, a estimé le Ministre, et le Conseil devrait aussi veiller à encourager les organisations régionales, les ONG et le secteur privé à prendre part aux efforts déployés en faveur de la prévention. Concernant la question de la responsabilité de la prévention, le Conseil de sécurité, a estimé M. Azad, doit assumer sa tâche première, qui est le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Ceci signifie qu'il doit prendre les actions qui s'imposent en vue de prévenir les menaces à la paix et les actes de menaces ou d'agression. Les actions du Conseil doivent se faire de manière opportune, ce qui lui permettrait de prévenir les génocides, les crimes de guerre à grande échelle et les crimes contre l'humanité. Ce qui s'est passé par exemple au Rwanda était parfaitement prévisible, tout comme ce qui a lieu à Srebrenica. Durant le débat que nous avons tenu au mois de mars 2000, nous avions mis l'accent sur le principe de la sécurité humaine. Les Nations Unies ont été créées au nom des peuples, et la sécurité de ces peuples devrait être notre premier souci en temps de guerre et de paix.
La volonté politique des Etats Membres peut seule donner une substance et une autorité aux décisions et aux actes du Conseil. Les Etats Membres devront accepter des pertes humaines et matérielles dans le cadre du maintien de la paix. Le soutien à la mission de paix de l'ONU est une obligation de la Charte. Ce n'est pas un acte de charité. Le Conseil devrait être en mesure de prendre des décisions sur la base de ce qu'exigent les situations qui se posent et non pas sur celle des arrangements qui sont bénéfiques à certains Etats Membres. Les sources des conflits ont été identifiées par des rapports antérieurs du Secrétaire général. En Afrique, elles ont notamment trait à l'héritage de la colonisation et de la guerre froide. L'absence de démocratie, l'exercice autocratique du pouvoir, la politisation de l'ethnicité, la violation des droits de l'homme, et la mainmise, au bénéfice d'une minorité, sur les ressources des pays, sont les autres causes des conflits de l'Afrique et d'autres régions du monde.
M. MICHEL DUVAL (Canada) a estimé que la responsabilité première de prévenir les conflits violents incombe aux Etats Membres. Ceux-ci ont, en effet, un rôle de premier plan à jouer en ce qui concerne le renforcement des capacités collectives d’éviter que d’autres drames comme ceux du Rwanda et de Srebrenica se reproduisent. La prévention de l’éruption et de l’escalade des conflits armés exige une action tant de la part de l’Assemblée générale que du Conseil de sécurité. Il faut donc intensifier les moyens qui permettront à ces deux organes de mieux coordonner leurs efforts dans ce secteur. Il ne faut pas perdre de temps à s’enliser dans des arguments juridictionnels car ces deux organes ont des travaux urgents à accomplir, a prévenu le représentant. D’autres acteurs peuvent aussi jouer un rôle important dans le soutien des efforts de prévention. C’est notamment à juste titre que le rapport reconnaît le rôle positif que le secteur privé peut jouer dans la prévention et le développement humain durable. Les acteurs du milieu des affaires et non étatiques peuvent prolonger et intensifier la guerre en se livrant, par exemple, au commerce illicite des ressources
naturelles. Mais ils peuvent aussi contribuer à écarter les risques de conflit en créant des emplois pour les jeunes qui risqueraient autrement d’être séduits par les armes. Une prévention efficace des conflits relève autant de l’économie et de la gouvernance que de la diplomatie, a fait remarquer le représentant.
M. Duval a ensuite rappelé que le mois prochain, les Etats Membres auront la possibilité d’accomplir des progrès réels dans un secteur essentiel pour la prévention et l’atténuation des conflits armés, à savoir la lutte contre la prolifération des armes légères. Il est essentiel que les Etats Membres s’allient pour accorder un large soutien aux mesures pratiques de désarmement et des recommandations sur ce point devront figurer au programme d’action qui sera adopté en juillet à la Conférence sur le commerce illicite des armes légères. Le Canada se félicite en outre que le rapport du Secrétaire général mette clairement en lumière la nécessité d’aborder la prévention des conflits en tenant compte des sexospécificités. Une telle approche exige une formation appropriée et, à cet égard, le représentant a évoqué l’initiative lancée en commun par son pays et le Royaume-Uni sur la prise en compte de la dimension féminine pour le personnel militaire et civil participant aux opérations de maintien de la paix. Le Canada reconnaît aussi qu’il est important de s’attaquer au problème de la situation des enfants touchés par la guerre. La session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée aux enfants, qui aura lieu en septembre prochain, devra aussi oeuvrer en faveur de la prévention des conflits dans sa définition plus large. Le représentant a également appuyé vigoureusement la suggestion du Président de l’Assemblée générale d’adopter une courte résolution de procédure à la suite de la discussion de ce rapport le mois prochain, visant à le faire parvenir à tous les organes pertinents du système et à d’autres acteurs afin qu’ils puissent eux aussi formuler des recommandations.
M. PIERRE SCHORI (Suède) a rappelé, au nom de l'Union européenne et des pays qui lui sont associés, que dans sa déclaration présidentielle du mois de juillet 2000, le Conseil de sécurité avait souligné la nécessité de toujours prendre à temps les mesures humanitaires et économiques qui peuvent prévenir l'escalade ou l'explosion des conflits armés. Le Conseil de sécurité s'est donc rendu compte, au courant des dernières années de l'importance de la prévention des conflits et de la dissémination d'une culture de paix et de prévention des crises. L'Union européenne félicite le Secrétaire général pour son plaidoyer en faveur de la prévention. Un des points forts du rapport qu'il présente aujourd'hui au Conseil repose, a dit M. Schori, sur la valorisation d'une approche globale, concertée et coordonnée que les Nations Unies et la communauté internationale doivent adopter à l'égard des conflits. Comme le dit le Secrétaire général, l'ONU, les institutions de Bretton Woods, les Etats Membres, les organisations internationales et régionales, la société civile et le secteur privé, ont tous un rôle à jouer en matière de prévention des crises. L'amélioration de la coordination est indispensable pour une prévention efficace, et l'Union européenne a récemment adopté un programme de prévention qu'elle compte conduire en collaboration avec l'ONU. Il est déclaré dans ce programme que les actions que prendra l'Union européenne se feront dans le respect des principes et des objectifs de la Charte des Nations Unies. Le programme stipule aussi que la responsabilité de prévention est d'abord du ressort de chaque Etat et il reconnaît l'importance du rôle que doivent jouer les organisations nationales et régionales, notamment en termes de capacités humaines. L'Union européenne améliorera, dans le cadre de ce programme, ses capacités en matière d'alerte rapide, de cohérence des actions et des politiques de prévention à long et moyen terme.
Comme le rapport du Secrétaire général, le programme conçu par l'Union européenne met l'accent sur le renforcement des partenariats entre le système de l'ONU, les organisations régionales et sous-régionales, et la société civile. A cet égard, l'Union européenne a récemment adopté des directives pour une interaction intensifiée avec l'ONU dans les domaines de la gestion des crises et de la prévention des conflits. En prenant note que les recommandations du rapport du Secrétaire général s'adressent à un certain éventail d'organes internationaux et d'acteurs étatiques et non étatiques, l'Union européenne fera connaître ses positions une fois que les propositions auront été examinées par les différents forums pertinents. Nous sommes cependant prêts à participer au développement et à la conception de tout plan qui viserait la mise en oeuvre des recommandations du Secrétaire général. Nous pensons qu'elles méritent une attention soutenue, et nous rappelons le rôle de surveillance et d'alerte que la Charte donne au Secrétaire général dans son article 99. L'Union européenne apprécie la proposition du Secrétaire général de fournir régulièrement au Conseil des rapports régionaux et sous-régionaux sur les zones à risque. Nous apprécions à sa juste valeur la requête faite dans la récente résolution du Conseil sur la République démocratique du Congo, qui prie le Secrétaire général de présenter des propositions sur la façon dont pourraient être traitées les crises liées de la RDC et du Burundi. Nous soutenons les mesures visant un usage plus courant des déploiements préventifs de forces avant l'éclatement des conflits, et l'introduction d’une composante de désarmement, de démobilisation et de réinsertion dans les opérations de maintien de la paix. La prévention des conflits est l'une des premières obligations des Etats Membres vis à vis de la Charte. Cette prévention doit se faire dans le respect du droit international et avec le soutien des acteurs locaux.
Faisant remarquer que la prévention des conflits est généralement moins coûteuse que la gestion des situations postérieures aux conflits, tant en termes financiers qu’humains, M. SUN JOUN-YUNG (République de Corée) a regretté que, malgré cela, la volonté politique et l’engagement financier des Etats Membres soient souvent défaillants dans les premières phases du conflit. La République de Corée favorise une approche globale de la prévention qui englobe la démocratisation, le respect des droits de l’homme et de l’état de droit, le développement socioéconomique et la bonne gouvernance, a indiqué le délégué. En ce qui concerne les recommandations du Secrétaire général, il s’est déclaré favorable à la proposition visant à ce que l’Assemblée générale participe plus activement aux efforts de prévention et renforce les interactions avec le Conseil de sécurité; cela accroîtrait la transparence et permettrait aux Etats Membres de faire entendre leur voix sur la prévention des conflits, a-t-il expliqué. Afin de s’attaquer aux racines structurelles des conflits et de promouvoir développement durable et démocratisation, le représentant a appuyé l’initiative visant à renforcer la coopération entre l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et le Conseil économique et social. De même, il s’est montré favorable à l’initiative consistant à augmenter les ressources des agences humanitaires de l’ONU dont l’action de prévention des crises est reconnue. Le représentant a souhaité que les organisations régionales soient davantage impliquées dans la prévention des conflits, en raison de leur proximité et de leur position privilégiée permettant une alerte avancée. Il a en conclusion reconnu l’importance cruciale du rôle du Secrétaire général dans la prévention des conflits, notamment par l’envoi de missions d’établissement des faits dans les régions où des tensions se font jour. Mentionnant la question du financement, il a indiqué que la République de Corée contribuait au Fonds d’affectation spéciale pour l’action préventive depuis sa création en 1997.
M. ARNOLDO LISTRE (Argentine) a déclaré qu'il était indispensable que le Conseil de sécurité réexamine le nouveau concept de sécurité internationale et prenne en compte les dimensions économique, ethnique et religieuse dans sa politique de prévention des conflits. Dans ce contexte, le Conseil doit coopérer davantage avec les organisations régionales et sous-régionales, renforcer les missions du Conseil dans les régions concernées par la question de la prévention des conflits et développer un dialogue franc et direct avec les parties concernées en les autorisant notamment à participer aux consultations informelles. Le représentant a, en outre, fait remarquer que l'application d'un embargo sur les armes aurait pu enrayer l'escalade meurtrière de certains conflits. Il a aussi précisé que la collecte d'informations auprès des services de renseignement devait être accompagnée d'une volonté politique pour que la prévention des conflits armés puisse être réalisée de façon efficace. De même, il est indispensable, a déclaré M. Listre, de créer de bonnes conditions pour un respect de la loi, une tolérance religieuse, des investissements productifs et un accès équitable à l'éducation et au développement économique. Afin de s'engager sur cette voie, il a souhaité que le Conseil de sécurité travaille plus étroitement avec le Conseil économique et social (ECOSOC), conformément à l'article 65 de la Charte de l’ONU. De plus, soulignant que la justice est un aspect indispensable de la paix, le représentant a plaidé en faveur d’un appui plus ferme du rôle des Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone afin que les crimes contre l’humanité commis dans ces pays ne restent pas impunis. Enfin, il a insisté sur l'importance d'une collaboration étroite entre les gouvernements, les Nations Unies, les organisations régionales et sous-régionales, les ONG et le secteur privé.
M. BERND NIEHAUS (Costa Rica) a déclaré que, pour être réellement avancée et efficace, la prévention devait s’attaquer aux causes structurelles et profondes des conflits, et promouvoir l’adoption de mesures de précaution visant à satisfaire les besoins de base en matière de nourriture, de santé, de logement, d’accès à l’eau potable, d’éducation et d’emploi. Si l’on s’en tient à la répartition des pouvoirs établie par la Charte des Nations Unies, l’Assemblée générale et le Conseil économique et social sont les organes compétents pour traiter des causes structurelles des conflits, alors que c’est au Conseil de sécurité que revient ce qu’on appelle la “prévention opérationnelle”, c’est-à-dire la gestion de situations de crise. Revenant sur les causes des conflits, le représentant a fait remarquer que souvent les gouvernements et les dirigeants politiques, pour satisfaire leurs ambitions politiques et économiques, alimentent les tensions sociales, attisent les conflits armés et sont les véritables catalyseurs de la violence. Pour cette raison, la mesure de prévention à long terme la plus efficace consisterait à soutenir les pratiques de bonne gouvernance, l’état de droit, la démocratie représentative et le respect des droits de l’homme, a expliqué le délégué. Il a par ailleurs apporté un soutien mitigé à l’initiative du Secrétaire général visant à présenter au Conseil des rapports périodiques sur les menaces potentielles à la paix, faisant valoir que cela pourrait attiser la crise en focalisant l’attention internationale sur une situation tendue. Un exercice prudent, discret et silencieux de la diplomatie préventive peut se révéler préférable à une action publique du Conseil, a-t-il ajouté. En ce qui concerne les missions d’établissement des faits composées de membres permanents du Conseil de sécurité, le représentant a émis des doutes sur leur utilité, arguant du fait que les membres en question ne sont pas des experts de la région; il s’est prononcé en faveur de missions plus approfondies et menées par des experts. Enfin, M. Niehaus ne s’est pas montré favorable à la création d’un nouvel organe subsidiaire du Conseil qui serait chargé de la prévention; nous savons d’expérience que la prolifération de comités du Conseil nuit à sa transparence, n’améliore pas son efficacité et réduit sa légitimité, a-t-il expliqué. Soulignant en conclusion que toute action efficace en faveur de la prévention requiert des ressources financières, opérationnelles et logistiques supplémentaires, le représentant a fait observer aux Etats Membres que s’ils ne sont pas disposés à fournie cet effort, ils ne devraient pas tenter de relever ce nouveau défi.
M. KIYOTAKA AKASAKA (Japon) a fait part des premiers commentaires de sa délégation sur la question à l’examen. Nous sommes d’avis, a-t-il indiqué, qu’il est nécessaire que le Conseil de sécurité discute des cas de prévention de façon continue. En matière de déploiement préventif, nous considérons qu’il est essentiel que le Conseil entreprenne lui-même une évaluation et un examen complets de ses opérations de déploiement passées telle que la Force de développement préventif des Nations Unies (FORDEPRENU) en Macédoine et la Mission des Nations Unies en République centrafricaine (MINURCA) en tenant compte de l’évolution de la situation dans ces pays depuis le départ de ces missions. Il faut également noter que des missions de maintien de la paix traditionnelles telles que, au Moyen Orient, l’Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve (ONUST) et la Force des Nations Unies chargée d’observer le dégagement dans le Golan syrien (FNUOD) ont empêché la résurgence des conflits dans leurs zones respectives de déploiement. Une présence au Timor oriental après le retrait de l’ATNUTO doit être envisagée de ce point de vue.
Bien que le rôle premier du maintien de la paix et de la sécurité internationales relève du Conseil de sécurité, a poursuivi le représentant, nous pensons que le Secrétaire général et le Secrétariat, auxquels la possibilité de recourir à des envoyés spéciaux offre une flexibilité, ont un rôle unique et important à jouer en matière de prévention des conflits. Nous soutenons, par conséquent, les idées exposées dans le rapport visant à renforcer les rôles traditionnels du Secrétaire général dans ce domaine. Cela doit se faire cependant de façon appropriée et en conformité avec les mandats du Secrétaire général tels qu’ils découlent des dispositions pertinentes de la Charte.
M. SATYABRATA PAL (Inde) a demandé que certains passages du rapport du Secrétaire général qui avaient été décrits il y a une semaine aux Etats Membres comme simplement informatifs, soient considérés comme tels par le Conseil, et non pas comme des recommandations du Secrétaire général, comme cela semble être le cas depuis le début de cette réunion. La démocratie est une valeur que les Etats devraient s'efforcer d'instaurer en vue de promouvoir l'équité sociale et politique et d'éviter la création des situations qui sont à l'origine de nombreux conflits, a ensuite poursuivi le représentant, qui a estimé que l'ONU devait encourager l'établissement de la démocratie comme la norme de gouvernance la plus susceptible de diminuer les risques de conflits.
Les traités signés entre Etats doivent être scrupuleusement honorés, a déclaré M. Pal en insistant sur la nécessité pour chaque gouvernement de respecter les engagements que son pays a pris vis-à-vis d'un ou d'autres Etats. La Société des Nations avait commencé à s'effondrer quand elle avait peu toléré que des traités bilatéraux qui étaient le fondement de certaines architectures de sécurité soient violés impunément par certaines parties qui en étaient pourtant signataires, a-t-il rappelé. La Société des Nations n’avait pu qu'ensuite observer avec impuissance le glissement du monde de l'époque vers la guerre. Les Etats doivent aussi accepter les normes du droit international et agir, selon ses principes, qui sont ceux qui président aux relations entre Etats Membres. Nul ne devrait essayer de miner la stabilité d'un autre pays, même si les relations que l'on entretient avec lui sont conflictuelles ou heurtées. Nul ne devrait user de moyens détournés ou de terrorisme pour attaquer lâchement un autre Etat. L'ONU devrait refuser l'assertion selon laquelle les coups de couteaux dans le dos sont la seule arme des faibles. Ceci n'est pas accepté en droit interne. Pourquoi cela serait-il toléré sur la scène internationale? La CIJ a un rôle important à jouer dans le règlement pacifique des différends. Mais nous devrions plus souvent lui adjoindre les compétences d'autres organes juridiques internationaux, comme le Tribunal international pour le droit de la mer, dans les zones où des crises pointent à l'horizon. Les conflits peuvent aisément être évités quand les Etats se sentent en sécurité. Les alliances militaires donnent à leurs membres un certain sens de la sécurité, mais l'histoire a aussi montré que ces alliances poussent d'autres pays ou groupes de pays à prendre des contre-mesures, ce qui conduit parfois à des conflits majeurs. Nous avons besoin d'une large évaluation de la sécurité des Etats en vue de trouver des arrangements collectifs de sécurité efficaces. C'est ce genre de démarche qui nous permettra de faire une véritable prévention des conflits armés.
Les conflits nucléaires sont ceux que le monde doit éviter à tout prix. La mise hors d'état d'alerte des armes nucléaires, l'engagement de ne pas les utiliser en premier et celui de ne jamais en faire usage contre les pays qui n'en sont pas munis doivent être les premières mesures à prendre. Le désarmement nucléaire total est le résultat final à obtenir, et seul un traité multilatéral contraignant, dont la mise en oeuvre est basée sur une durée déterminée, permettra une véritable sécurité de la planète. Aucune théorie ou doctrine ne pourra jamais justifier un quelconque droit des cinq membres permanents du Conseil de sécurité à détenir indéfiniment des armes atomiques. S'ils s'y accrochent sous des prétextes fallacieux, d'autres pays chercheront alors à en avoir, même contre la volonté de ces membres permanents du Conseil.
Le représentant de l'Inde s'est ensuite étonné que le Conseil de sécurité se soit égaré dans "des domaines qui ne relèvent pas de son rôle". Nous avons été surpris, a-t-il dit, de voir le Conseil élever, l’an dernier, à grand bruit le VIH/sida comme une menace majeure contre la paix et la sécurité internationales. Après avoir accusé les troupes de l'ONU d'être un facteur de propagation majeure de la maladie dans les zones où l'Organisation a des opérations de maintien de la paix, les membres du Conseil qui avaient soulevé ce faux problème, n'ont jamais pu répondre aux demandes des pays d'Afrique qui ont alors souhaité que le Conseil et ses membres mettent à la disposition de l'ONU les moyens dont elle a besoin pour tester toutes les troupes potentielles de maintien de la paix contre le VIH/sida. Quant aux tribunaux pénaux internationaux que le Conseil a d'autre part créés dans certaines régions du monde sortant de conflit, nous doutons que l'action de ces tribunaux, qui coûtent 10% des dépenses de l'Organisation en matière de maintien de la paix, ait jamais contribué à la prévention des conflits ou à la simple dissuasion contre les auteurs de violations des droits de l'homme.
M. AHMED ABOUL GHEIT (Egypte) a soutenu l’idée, exprimée par des intervenants précédents, que l’Assemblée générale assure aussi pleinement son rôle en matière de maintien de la paix et de prévention des conflits. S’agissant des recommandations formulées dans le rapport du Secrétaire général, et notamment celle visant la création d’un organe subsidiaire du Conseil plus particulièrement chargé de la prévention des conflits, le représentant a prôné la plus grande prudence. La question de savoir à quel moment le Conseil et la communauté internationale doivent intervenir dans un conflit est en effet complexe. Dans ce cas, le Conseil devrait absolument agir de manière unanime. Le fait que le Secrétaire général encourage la promotion de son rôle traditionnel de bons offices est positif et correspond, quant à lui, effectivement aux attributions que lui confèrent la Charte de l’ONU. Ses actions doivent se faire néanmoins avec l’assentiment des parties concernées, a averti M. Aboul Gheit, ajoutant qu’une question se pose toutefois sur le renforcement des ressources et des capacités de prévention du Secrétariat. La délégation égyptienne aimerait avoir des précisions sur ce point.
Le représentant s’est également dit déçu et frustré des paragraphes du rapport consacrés au désarmement. Ces lignes ne font en effet référence qu’aux armes légères et de petit calibre et semblent ignorer l’importance que de nombreux pays attachent au désarmement nucléaire et d’autres armes non conventionnelles. A cet égard, il a demandé au Secrétaire général de combler rapidement cette lacune. M. Aboul Gheit s’est en outre dit surpris de la référence “aux territoires occupés” faite au paragraphe 77 du rapport. Une référence qu’il comprend comme concernant les territoires palestiniens occupés mais qui, dans ce cas, constitue une erreur grave. La délégation égyptienne reconnaît néanmoins la nécessité de renforcer de manière efficace la coopération entre tous les acteurs du système des Nations Unies et de la communauté internationale, y compris par exemple les institutions financières internationales.
M. JORGE NAVARRETE (Mexique), soulignant que tout au long de son histoire, l’Organisation des Nations Unies a déployé davantage d’efforts pour le règlement des conflits que pour leur prévention, a favorablement accueilli les recommandations du Secrétaire général. Il s’est notamment félicité de l’initiative visant à permettre à l’Assemblée générale, l’organe le plus démocratique des Nations Unies, de recouvrer le rôle central que lui assigne la Charte. A cette fin, il serait souhaitable d’intensifier les consultations entre les Présidents de l’Assemblée et du Conseil de sécurité, tout en gardant à l’esprit la nécessité de définir clairement les compétences respectives du Conseil et de l’Assemblée. Et afin de rendre les mesures de prévention plus efficaces, il faudrait impliquer toutes les instances, y compris le Conseil économique et social (ECOSOC) et les institutions spécialisées des Nations Unies, a ajouté le représentant, et circonscrire les actions du Conseil de sécurité aux fonctions définies par son mandat. Ainsi, les causes les plus profondes des conflits, à savoir la pauvreté, la discrimination et le manque de perspectives économiques sont du ressort de l’Assemblée et de l’ECOSOC, ainsi que des institutions de Bretton Woods qui peuvent allouer des ressources en faveur du développement. La prévention des conflits inclut également, selon le délégué, le respect des droits de l’homme, la lutte contre le trafic de drogues et la criminalité transnationale organisée, ainsi que la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive. A cet égard, le Mexique continuera d’oeuvrer en faveur de l’application des traités déjà signés et de la négociation de nouveaux accords bilatéraux et multilatéraux afin d’éliminer toutes les armes nucléaires. Le représentant a en conclusion affirmé l’engagement de son pays pour que la Conférence des Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères soit un succès et son souhait de voir le Statut de la Cour pénale internationale entrer en vigueur.
M. GELSON FONSECA (Brésil) a déclaré que le succès en matière de prévention des conflits armés tenait à la capacité qu'auront le Conseil de sécurité, l'ONU et la communauté internationale, à répondre à un certain nombre de questions. Est-il possible de parler de paix durable dans des régions où les populations vivent dans la pauvreté la plus abjecte et la misère? Comment peut-on espérer que de fragiles accords de paix soient respectés quand les responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité semblent jouir d'un droit d'impunité? Que peut-on faire pour que la stabilité soit assurée après un accord de paix, si celui-ci n'est pas suivi par de vraies réformes institutionnelles permettant à tous les citoyens de participer à la vie politique de leurs pays? Et comment les forces de l'ONU pourraient-elles désarmer et démobiliser les parties en conflit, alors qu'il n'existe pas de programmes de réinsertion des ex-combattants dans la vie civile? Et quand ces ex-combattants sont des enfants, est-il possible de sortir d'un conflit sans investir dans la construction d'écoles et fournir aux familles les moyens minimum de leur survie?
La prévention des conflits ne peut donc s'arrêter aux seules compétences du Conseil de sécurité. Elle exige des efforts soutenus dans les domaines humanitaire, de la réhabilitation, de la reconstruction, de la consolidation de la paix et du développement durable. Ces domaines relèvent des compétences de l'Assemblée générale et de l'ECOSOC. Le Brésil soutient particulièrement les recommandations du rapport qui visent à promouvoir plus de coordination et de cohérence, et nous soutenons les missions d'établissement des faits et les mesures de confiance.
M. ZAINUDDIN YAHAY (Malaisie) a déclaré que sa délégation était davantage en faveur de l’adoption d'une diplomatie et d'une action préventives que de mesures qui seraient prises une fois que le conflit a éclaté. Il a aussi encouragé une plus grande coordination et coopération au sein des organes des Nations Unies en matière de mobilisation des ressources, de développement sur le long terme, d'une prévention des conflits et de stratégies d’instauration de la paix. De même, le représentant a considéré qu'une plus grande collaboration entre les Nations Unies, les organisations régionales, les organisations sous-régionales et les autres organisations internationales permettrait de renforcer une approche compréhensive, un échange d'informations et un examen pertinent des situations. Il a ensuite attiré l'attention sur la question palestinienne des territoires occupés et a regretté que l'initiative du Groupe des non alignés d'établir une force de contrôle de l'ONU n'ait pas été suivie d'effets. C'est pourquoi, il a souhaité que le Conseil de sécurité examine cette question et mette en place une telle force. Le représentant a déclaré, par la suite, apporter son soutien à l’élaboration de rapports régionaux et sous-régionaux périodiques portant sur les menaces à la paix et la sécurité. Il a aussi encouragé l’échange des informations recueillies grâce au service de renseignements. Les missions d'établissement des faits du Conseil peuvent d'ailleurs servir d’outil au renforcement de ces mesures, a-t-il poursuivi. Les missions d’établissement des faits devraient être soutenues par le travail d'experts pluridisciplinaires. Enfin, le représentant a accueilli favorablement l'idée d'organiser des discussions informelles.
M. ARTHUR MBANEFO (Nigéria) a déclaré que, pour être efficace, la prévention des conflits doit s'attaquer aux causes profondes des conflits, qu'elles soient économiques et sociales, culturelles, environnementales, institutionnelles ou autres. Elle implique également la coopération de tous, y compris le Secrétaire général, la Cour internationale de justice et les institutions des Nations Unies pertinentes. La communauté internationale devrait concentrer son action sur la prévention plutôt que sur l'intervention dans les conflits. Le Nigéria exhorte le Secrétaire général à continuer à utiliser les instruments de "diplomatie discrète" telles que les missions interdisciplinaires d'établissement des faits et de renforcement de la confiance, l'influence de personnalités éminentes, la médiation, la conciliation et l'arbitrage dans la recherche de la paix. Il conviendrait d'allouer les ressources humaines et financières nécessaires aux Départements en charge de la prévention des conflits, en particulier au Département des affaires politiques. Compte tenu que l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont un rôle plus que symbolique dans le domaine de la prévention des conflits, la délégation nigériane appuie la recommandation du Secrétaire général visant à utiliser plus efficacement les pouvoirs de l'Assemblée générale, conformément aux articles 10, 11 et 14 de la Charte des Nations Unies. De même, elle estime que le Conseil de sécurité devrait examiner un mécanisme plus innovateur, comme la création d'un organe subsidiaire et l'institution d'arrangements techniques spéciaux afin de stimuler de manière continue le débat sur la prévention des conflits. Appuyant la recommandation visant à développer des stratégies régionales de prévention des conflits, le Nigéria lance un appel à l'aide financière et logistique en faveur des organisations régionales.
L'ECOSOC devrait accorder une plus grande attention au rôle du développement dans la prévention à long terme des conflits. Des efforts doivent être accomplis par l'Assemblée générale, l'ECOSOC, et les autres institutions concernées pour lutter contre la drogue et le commerce illicite des armes et des ressources naturelles. La prévention des conflits doit également se concentrer sur le renforcement des droits de l'homme et la lutte contre les violations des droits de l'homme. A cet égard, nous encourageons le Conseil et l'Assemblée à utiliser les informations provenant des ONG. Nous soutenons le renforcement de la Cour internationale de Justice et appelons à la ratification universelle des traités relatifs aux droits de l'homme et du Statut de la Cour pénale internationale.
Mme JEANNETTE NDHLOVU (Afrique du Sud) a rappelé que c’est parce qu’elle était déterminée à sauver l’humanité du fléau des conflits violents que la communauté internationale a créé l’Organisation des Nations Unies. “Or, malgré les 55 années d’existence de l’ONU, la paix entre et au sein des nations continue de nous échapper”, a regretté la representante. La multiplication des crises ne fait que rappeler combien le chemin est encore long pour que l’Organisation honore pleinement le principe inscrit dans l’Article 1er de sa Charte, à savoir “prendre les mesures collectives pour la prévention et l’élimination des menaces à la paix”. Sa propre histoire a convaincu l’Afrique du Sud du fait que la prévention des conflits armés passe par l’établissement d’institutions démocratiques de gouvernance, l’Etat de droit et la protection des droits de l’homme fondamentaux, y compris le droit au développement. Ces efforts doivent être complétés par l’instauration d’un environnement international permettant de relever effectivement les défis de la pauvreté et du développement.
C’est dans ce contexte que la délégation sud-africaine salue les efforts du Secrétaire général pour instituer une culture de prévention non seulement parmi les Etats Membres mais aussi parmi tous les acteurs pertinents de la scène internationale. Le rapport présenté aujourd’hui est une étape importante vers l’instauration de cette culture, a précisé Mme Ndhlovu.
La representante a rappelé ensuite que l’Article 1er et le Chapitre VII de la Charte confèrent au Conseil de sécurité une obligation morale et juridique en matière de prévention des conflits. Jusqu’à présent attentiste, le Conseil a récemment décidé d’envoyer des missions d’établissement des faits dans les zones de conflit, une initiative dont l’Afrique du Sud se félicite. Elle a estimé également que le Groupe de travail interinstitutions récemment mis sur pied par le Secrétaire général afin de promouvoir l’information sur les défis spécifiques auxquels les régions en crise ou en conflit sont confrontés pourrait venir utilement compléter ces missions d’établissement des faits. Leurs activités pourraient par conséquent être harmonisées. La représentante a, de plus, appuyé la proposition de créer un mécanisme non officiel discutant en continu de la question de la prévention des conflits armés. Elle a suggéré que le Conseil encourage également les parties concernées à fournir des informations utiles et à contribuer à prévenir les conflits. A cet égard, les organisations regionales ont indubitablement un rôle crucial à jouer. L’Afrique du Sud considère que les Nations Unies devraient intégrer davantage la perspective régionale dans son analyse des situations particulières de conflit. Elle a jugée aussi indispensable que le Conseil de sécurité réforme sa structure et ses méthodes de travail afin qu’il soit plus équitablement représentatif et qu’il prenne dûment compte des nouvelles réalités et de la complexité des conflits. Un Conseil de sécurité crédible et efficace est en effet une étape importante dans la recherche collective de la paix durable. Toutefois, Mme Ndhlovu a reconnu que la solution au problème passe par une approche intégrée, impliquant tous les protagonistes et non une entité au profit d’une autre.
M. AL-DOURI MOHAMMED (Iraq) a déclaré que l'Iraq remercie le Secrétaire général pour tous les efforts qu'il déploie en faveur de la prévention des conflits, qui est à la base de la Charte des Nations Unies, dont le premier objectif est le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il y a eu, au cours de la décennie écoulée, des conflits régionaux destructeurs dus aux actes d'une superpuissance qui, refusant de se plier aux règles du droit international, conduit toutes les politiques qui lui conviennent à travers le monde. Il est injuste que le Conseil de sécurité empiète constamment sur les prérogatives de l'Assemblée générale qui est l'organe véritablement représentatif de la communauté des nations. L'Assemblée devrait rependre son véritable statut, et le Secrétaire général doit voir son rôle renforcé. Il est étonnant, et tous les observateurs l'ont noté, a dit le représentant, que le Conseil ait toujours cherché à limiter le rôle du Secrétaire général. Le Conseil est devenu un outil au service des intérêts de quelques-uns de ses membres. C'est devenu un outil au service de certaines hégémonies. Après avoir empêché toute action du Conseil au Rwanda, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, puisqu'il faut les nommer, ont bloqué toute initiative en faveur de la protection du peuple palestinien quotidiennement massacré par Israël. Il y a quelques jours, a accusé le représentant, ces deux pays ont tué en les bombardant des adolescents et des enfants iraquiens sur un terrain de football. Malgré les plaintes de notre Gouvernement, rien n'a jamais
été fait par le Conseil pour mettre fin à ces agressions contre notre pays. La "prévention des conflits" n'a trop longtemps servi qu'à masquer l'exploitation du Sud par le Nord, le maintien de dirigeants ou de groupes fantoches à la tête de certaines nations, et le pillage des ressources de certaines régions par les pays du Nord et certains de leurs alliés ou protégés.
M. SHAMSHAD AHMAD (Pakistan) a, en premier lieu, salué les efforts que le Secrétaire général déploie en faveur de la prévention des conflits et du règlement pacifique des différends. Il a espéré que ses bons offices s’étendront aux deux questions qui demeurent toujours sans solution devant le Conseil, à savoir le Cachemire et la Palestine, deux exemples où le droit des peuples à l’autodétermination continue d’être nié. “Maintenant que sa réélection est acquise, le Secrétaire général ne devrait pas hésiter à adopter une attitude plus volontariste sur ces deux questions, sans attendre le verdict du Conseil sur le rapport présenté aujourd’hui”, a ajouté le représentant. Evoquant plus particulièrement le rapport, il a indiqué que sa délégation ne partageait pas un certain nombre des constats et des évaluations de base qui y sont faits, précisant qu’ils révélaient plusieurs contradictions. Le Pakistan considère, par exemple, que les Etats Membres et la société civile ne sont pas les seuls à avoir la responsabilité première de la prévention des conflits, en particulier lorsqu’il s’agit de conflit entre deux ou plusieurs pays. Dans ce cas, en effet, ainsi que l’indique la Charte, la responsabilité ultime revient à l’organe universel qu’est l’ONU. “Sinon, Amnesty international ou la Fondation Ted Turner et non le Conseil de sécurité serait en charge d’intervenir”, a fait observer M. Ahmad. En outre, un conflit ne peut être efficacement réglé ou prévenu que si l’ONU, et notamment le Conseil de sécurité, a effectivement la volonté politique d’agir. Or trop souvent, les bonnes intentions ont été les victimes d’expédients politiques et de rapports de force résultant dans l’escalade des différends et conduisant à une situation potentiellement explosive.
Lorsque le Conseil se décide à s’attaquer à un conflit potentiel, il a malheureusement tendance à prescrire le même remède quel que soit le problème, a déploré ensuite le représentant. Toutes les situations à risques sont, par exemple, envisagées comme des crises internes à un Etat plutôt qu’à la fois intra et inter-Etats. Les causes profondes sont, quant à elles, généralement décrites comme économiques et sociales, ignorant ainsi les raisons politiques pourtant évidentes qui sous-tendent en réalité la plupart des conflits et des différends. “Il n’y a pas de racines sociales ou économiques au conflit en Palestine ou au Cachemire”, a par exemple indiqué le représentant, ajoutant que les crises dans les Balkans ou la région des Grands Lacs ne peuvent pas non plus être attribuées uniquement à des raisons économiques. Ces conflits sont en fait mus par des causes plus profondes que le rapport du Secrétaire général n’a pas été capable de traiter, a déploré le représentant, ajoutant qu’en dépit de quelques suggestions positives, le document n’offre aucune solution à la misère des millions de personnes vivant dans sa région.
De l’avis du Pakistan, la réponse au problème repose sur la mise en oeuvre scrupuleuse des dispositions de la Charte des Nations Unies, et notamment celles contenues au Chapitre VII, ainsi qu’aux articles 29 et 99. La communauté internationale devrait, en outre, être guidée dans son action par plusieurs paramètres plus larges que sont, entre autres, les normes de sécurité collective,
le principe de la souveraineté des Etats, de la reconnaissance que toute dispute entre deux Etats est par définition un différend international, la nécessité pour le Conseil de sécurité d’agir de manière volontaire et non sélective, et l’amélioration de la coopération entre l’ONU et les organisations régionales ainsi qu’entre tous les organes qui la composent.
M. OLEG LAPTENOK (Bélarus) a déclaré que l'efficacité qui sera démontrée pour atteindre l'objectif consistant à passer d'une culture de réaction à une culture de prévention dépend largement de la manière dont sera partagée la charge de travail entre le Conseil de sécurité et tous les acteurs du système des Nations Unies. La coordination de l'interaction entre le Conseil et les autres organes et institutions de l'ONU doit relever de la compétence de l'Assemblée générale. Les priorités communes et les moyens communs doivent être définis dès la conception des schémas d'interaction, y compris pour les missions d'établissement des faits et les missions de renforcement de la confiance. La création de groupes ad hoc à composition non limitée chargés de définir les modalités et mécanismes d'interaction entre le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale, le Conseil et l'ECOSOC, et le Conseil et la Cour internationale de justice serait une solution si elle était suffisamment flexible pour s'adapter à toutes les régions à risque. Il est particulièrement important de renverser la tendance actuelle de réduction de l'aide publique au développement, d'allouer les ressources adéquates pour accroître le potentiel de prévention des conflits aux niveaux national et régional et de promouvoir la coopération Sud-Sud. Il faut également combattre les activités susceptibles de conduire à la désintégration violente des Etats ou à la remise en question des frontières, redoubler d'efforts pour freiner le trafic illicite de petites armes, protéger les ressources naturelles des zones déstabilisées contre le pillage, stimuler les activités économiques dans les zones sinistrées et restaurer le tissu social. Il convient en outre de promouvoir le rôle central que peut jouer le Coordonnateur résident du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). La situation des réfugiés souligne la nécessité de compléter les mesures de diplomatie préventive par l'élaboration de programmes préventifs internationaux complexes de police civile par pays. La capacité du Secrétariat à coordonner, à analyser, à planifier, et à définir l'implication du Conseil de sécurité dans la mise en application de programmes régionaux et spécifiques par pays sera renforcée si une représentation plus équitable des régions est assurée dans l'effectif des unités d'analyse qui travaillent pour le Secrétariat et le Conseil de sécurité. Il est également important de respecter cette représentation régionale au niveau de la nomination des Envoyés et des Représentants spéciaux chargés d'assister le Secrétaire général dans ses activités de médiation et de diplomatie préventive. Enfin, le Conseil de sécurité et l'ECOSOC doivent combattre le terrorisme et le fléau du sida.
M. DURGA P. BHATTARAI (Népal) a estimé que les Nations Unies devaient, en toute circonstance, respecter l'obligation que leur fait la Charte de l’ONU de défendre la paix et la sécurité internationales partout dans le monde. L'ONU doit s'acquitter de cette mission en respectant les principes de la souveraineté et de l'égalité des Etats, et celui de l'intégrité de leur territoire, tels qu'ils sont aussi énoncés dans la Charte, a déclaré le représentant. L'Organisation doit en même temps oeuvrer en vue de promouvoir le développement économique et social, l'état de droit et le respect des droits de l'homme et de la justice internationale. Le Népal soutient les recommandations du Secrétaire général préconisant une analyse du rôle potentiel de chaque organe du système de l'ONU et des autres institutions internationales en vue de renforcer les partenariats existant et de concevoir des stratégies et des politiques plus coordonnées. Les Nations Unies doivent, en tant que principal outil multilatéral, renforcer leurs capacités de soutien aux programmes nationaux et régionaux de prévention des conflits. Les interactions avec la société civile, le secteur privé et la société civile doivent être encouragées, et nous devons promouvoir plus de synergie et de complémentarité entre les différents secteurs. Le Népal pense que tous les aspects socioéconomiques et politiques, y compris le rôle des médias, l'assistance aux femmes et aux enfants, la lutte contre les drogues et la criminalité, la sécurité alimentaire et les droits de l'homme doivent être pris en considération dans les politiques à mettre en oeuvre.
Le Népal estime que l'Assemblée générale est le cadre le plus adéquat pour débattre des différentes questions soulevées par le rapport, et nous sommes heureux que le Président de l'Assemblée du millénaire ait déjà prévu un débat sur la question, et que l'ECOSOC soit associé à son examen. Le Népal soutient totalement la démarche et la réflexion du Secrétaire général, quand il lie la prévention des conflits au développement durable. Nous savons que la plupart des crises que l'on voit aujourd'hui sont d'abord dues à l'extrême pauvreté. La participation de l'ECOSOC et la contribution des institutions de Bretton Woods à la résolution des problèmes auxquels nous faisons face sont donc indispensables.
M. NASSER AL-KIDWA, Observateur permanent de la Palestine auprès des Nations Unies, a remercié le Bangladesh pour ses prises de position sur les questions internationales et surtout sur celle de la prévention des conflits. Il a ensuite déclaré que l'ONU avait le devoir de faire respecter les termes de la Charte et de faire cesser la culture de l'impunité. Le droit des peuples à l'autodétermination doit chaque jour être réaffirmé, a dit le représentant. Nous avons constaté,
a-t-il poursuivi, que depuis un certain temps les rapports du Secrétaire général et les publications du Secrétariat sur les conflits armés omettent sciemment, pour des raisons que nous ne comprenons pas, de déclarer que l'occupation étrangère est l'une des causes flagrantes des conflits armés. Ces rapports évitent aussi de parler clairement du peuple palestinien et de l'occupation israélienne, ce que nous ne comprenons pas. Ces rapports illustrent le non-respect flagrant du droit international ici même à l'ONU. Ceci est inadmissible. La question du peuple palestinien ne saurait être abandonnée aux seuls caprices et humeurs de la puissance occupante. La possibilité de protéger le peuple palestinien a été rejetée par le Conseil, qui s'est vu empêcher de respecter les impératifs de la Charte de l’ONU. La crédibilité même du Conseil est donc mise en question et nous demandons que cette anomalie soit vivement réparée.
Formulant des remarques de conclusion, le Ministre des affaires étrangères du Bangladesh et Président de la séance, M. ABDUS SAMAD AZAD, a jugé que le débat avait été très constructif et que les recommandations du Secrétaire général avaient, dans l’ensemble, reçu un accueil positif. Il a appelé les Etats à maintenir l’élan ainsi enclenché et a précisé que les membres du Conseil vont poursuivre leurs discussions avant de prendre des mesures sur les propositions relevant de la compétence de cet organe.
* *** *