RÉFORMER L'ARCHITECTURE FINANCIÈRE INTERNATIONALE
Communiqué de presse CNUCED277 |
CNUCED/277
25 avril 2001
RÉFORMER L'ARCHITECTURE FINANCIÈRE INTERNATIONALE
La CNUCED préconise un traitement "équilibré" des débiteurs et des créanciers
CNUCED, Genève le 24 avril -- Au lieu de se concentrer sur les mesures à prendre au niveau mondial pour remédier à l'instabilité systémique, le processus de réforme de l'architecture financière internationale a été axé jusqu'à présent sur l'action qui devrait être entreprise à l'échelon national. Dans le Trade and Development Report, 2001[1](Rapport sur le commerce et le développement, 2001,à paraître prochainement en français),rendu public aujourd'hui, la CNUCED estime que même dans ce dernier domaine, les débiteurs et les créanciers ne font pas l'objet d'un traitement "équilibré". Elle propose d'autres solutions pour établir une plus grande symétrie, mettre en place une conditionnalité moins envahissante, rendre plus efficace la surveillance multilatérale des politiques macroéconomiques des grands pays industrialisés et stabiliser les monnaies de réserve par des mesures plus audacieuses. Elle préconise d'associer les créanciers au règlement des crises en décrétant un gel temporaire des remboursements de la dette et en limitant les prêts de crise.
Le rôle de la gouvernance dans la prévention et la gestion des crises
Depuis la crise financière asiatique, toutes les discussions sérieuses concernant la réforme de l'architecture financière internationale ont été axées sur des mesures visant à discipliner les débiteurs et à mettre en place des mécanismes d'autodéfense contre l'instabilité financière.
Selon la CNUCED, les "pays ont été vivement encouragés à mieux gérer les risques en adoptant des normes financières strictes, en améliorant la transparence, en appliquant des régimes de change appropriés, en se constituant d'amples réserves et en prenant des mesures pour associer les créanciers privés au règlement des crises". Tout en reconnaissant que quelques‑unes de ces réformes ne sont pas sans mérite, la CNUCED estime qu'elles "partent néanmoins du principe que la cause des crises tient essentiellement à des faiblesses politiques et institutionnelles dans les pays débiteurs [et que] en revanche, très peu d'attention est accordée au rôle joué par les institutions et les politiques des pays créanciers dans le déclenchement des crises financières internationales"; de nombreuses préoccupations des pays en développement ne sont pas encore au programme des discussions.
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Ces asymétries et ces omissions sont davantage dues à des contraintes politiques qu'à des obstacles techniques. Selon la CNUCED, le processus de réforme "a été orienté dans le sens des intérêts des principaux pays créanciers". Pour être crédible, le programme de réforme doit être reformulé et le processus de réforme doit permettre aux pays en développement d'exercer une influence collective beaucoup plus grande.
En outre, la CNUCED engage les pays en développement à parvenir à un consensus sur la façon dont ils veulent voir évoluer le processus de réforme. Elle constate que si ce consensus fait encore défaut sur plusieurs aspects, il existe néanmoins de nombreux objectifs communs.
Prendre en compte les crises
Dans son rapport, la CNUCED examine les initiatives prises récemment concernant le secteur financier - pour instituer des codes et normes ou renforcer ceux qui existent déjà - ainsi qu'en matière de politiques macroéconomiques et de diffusion de l'information. De telles mesures présentent certes des avantages, mais elles ne peuvent éliminer le risque de crise financière.
La CNUCED critique l'approche "déséquilibrée" suivie jusqu'à présent, qui privilégie l'adoption de réformes dans les pays qui accueillent les flux de capitaux plutôt que dans les pays d'origine. Elle préconise une démarche qui prenne en compte la diversité des situations et la nécessité de réformer graduellement, tout en veillant à ce que les capacités administratives des pays en développement ne soient pas exagérément grevées et à ce que l'application de ces codes et normes ne devienne pas un élément de la conditionnalité du FMI.
Repenser le régime de taux de change
En l'absence de mesures visant à maîtriser les fluctuations des flux financiers internationaux, de meilleurs codes normes ne peuvent offrir aux pays débiteurs qu'une protection limitée. Presque toutes les grandes crises sur les marchés émergents ont été associées à des modifications des taux de change et de la politique monétaire dans les grands pays industrialisés. Selon la CNUCED, la cause de ce problème réside dans l'incapacité d'instaurer un régime stable de taux de change depuis l'effondrement des arrangements de Bretton Woods. L'instabilité monétaire est bien plus préjudiciable aux pays en développement débiteurs, qui sont beaucoup plus dépendants du commerce et dont les caractéristiques en tant qu'emprunteurs les exposent à un plus grand risque monétaire. Jusqu'à présent, ces pays ont été essentiellement conseillés sur le régime de taux de change qui leur convient le mieux, le choix s'effectuant essentiellement entre des taux fixes (dollarisation) et des taux flottants.
Dans son rapport, la CNUCED se démarque de ce consensus. Des crises sont tout autant susceptibles de se produire avec des taux de change flottants qu'avec des taux de change fixes. La mise en place d'un conseil de politique monétaire rend moins probable une crise des paiements, mais accroît en contrepartie les risques de crise bancaire, et les coûts supportés pour défendre un taux de change fixe peuvent être supérieurs aux pertes enregistrées par les pays dont les taux de change flexibles s'effondrent.
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Selon la CNUCED, la question essentielle est de savoir si les pays en développement peuvent adopter un régime de taux de change viable et approprié lorsque "les principales monnaies de réserve [sont] soumises à de fréquentes fluctuations et à de fréquents désalignements" et que les flux financiers internationaux sont extrêmement instables. Tout en préconisant la recherche d'une solution au niveau mondial, la CNUCED constate que le régime de taux de change ne figure même pas au programme des discussions sur la réforme de l'architecture financière internationale.
La CNUCED recommande que l'on étudie sérieusement les possibilités de mettre en place :
· Des zones de référence ajustables pour les trois monnaies de réserve, que les pays s'engageraient à défendre par une coordination des interventions et des politiques macroéconomiques;
· Une surveillance multilatérale efficace des politiques macroéconomiques des grands pays industrialisés, dont l'impact sur les pays pauvres serait particulièrement pris en compte; et
· Des arrangements régionaux qui, en l'absence de progrès au niveau mondial, pourraient fournir aux pays en développement des mécanismes de défense collective contre les échecs et l'instabilité systémiques, mais nécessiteraient probablement la participation d'un grand pays à monnaie de réserve.
En cas de crise, sauver les créanciers privés et limiter les prêts de crise
En l'absence de mécanismes mondiaux efficaces de prévention de l'instabilité financière, il est d'autant plus important de prendre des mesures appropriées en cas de crise. Avec le recul, il apparaît que la réaction de la communauté internationale face à la crise asiatique laissait beaucoup à désirer. Selon la CNUCED, le problème tient en grande partie aux plans de sauvetage qui sont conçus non pas tant pour protéger les monnaies des attaques spéculatives ou pour financer les importations, mais plutôt pour répondre aux exigences des créanciers et maintenir la liberté des mouvements de capitaux.
La CNUCED estime que ces opérations de sauvetage financier empêchent les créanciers privés d'assumer les conséquences des risques qu'ils prennent, ce qui affaiblit la discipline du marché. Depuis le début de 1997, les banques internationales auraient recueilli plus de 20 milliards de dollars par an au titre de la prime de risque dont sont assortis les prêts consentis aux marchés émergents, alors que leurs pertes cumulées sur ces marchés s'élèveraient à 60 milliards de dollars sur toute la période. Ce sont en général les contribuables dans les pays débiteurs qui en supportent le fardeau, les pouvoirs publics étant souvent contraints de prendre en charge la dette privée.
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Compte tenu des interrogations croissantes qu'ils suscitent dans les pays créanciers, ces vastes plans de sauvetage financier ne semblent plus pouvoir être utilisés pour garantir la stabilité du système financier international. La CNUCED propose, comme alternative, un gel temporaire des remboursements de la dette des pays frappés par une crise financière, afin d'empêcher un accaparement d'actifs par les créanciers et de permettre une restructuration ordonnée et équitable de la dette.
Tout en reconnaissant que les mécanismes volontaires ‑ tels que les actions collectives prévues dans les contrats obligataires ‑ facilitent la restructuration de la dette, la CNUCED estime que toute "stratégie crédible visant à associer le secteur privé à la gestion et au règlement des crises devrait combiner un gel temporaire et de strictes limites en matière d'accès aux ressources du Fonds". Certes, la législation nationale relative aux faillites fournit un modèle à cet égard, mais en fin de compte la CNUCED ne juge pas nécessaire de faire appel à des procédures de faillite proprement dite pour garantir une restructuration ordonnée des dettes internationales. Elle recommande :
· De modifier les statuts du FMI pour protéger dans une certaine mesure un membre qui impose un moratoire unilatéral contre le risque de contentieux avec ses créanciers;
· De mettre en place un groupe indépendant qui approuverait les moratoires car le FMI, en tant que créancier, ne saurait jouer un tel rôle;
· De limiter l'accès aux ressources du Fonds dans la gestion des crises, mais d'accroître les possibilités de financement contracyclique et de financement d'urgence des transactions courantes;
· De revoir le montant des ressources globales du FMI, qui n'ont pas suivi la croissance de l'économie mondiale; et
· D'axer les conditionnalités du FMI sur les objectifs macroéconomiques fondamentaux, car les plans de sauvetage financier mis en œuvre récemment en Turquie et en Argentine semblent indiquer que la pratique consistant à assortir d'un large éventail de recommandations de politique générale tout plan d'emprunt public persiste.
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Selon la CNUCED, malgré l'accent mis sur la participation du secteur privé, les plans de sauvetage à grande échelle ont continué d'être la solution privilégiée aux crises survenues dans les pays jugés présenter des risques systémiques. En conclusion, "le principal objectif d'un prêt de crise ou d'un prêt exceptionnel étant de permettre à un débiteur d'honorer ses obligations vis‑à‑vis de ses créanciers, il serait difficile d'obtenir la participation du secteur privé" au règlement des crises et au partage du fardeau.
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Pour plus de renseignements, s'adresser à Yilmaz Akyüz, Responsable de la Division de la mondialisation et des stratégies de développement, CNUCED, téléphone : +41 22 907 5841, télécopieur: 41 22 907 0045, courrier électronique : yilmaz.akyuz@unctad.org; ou Muriel Scibilia, Chargée de presse, CNUCED, téléphone : +41 22 907 5725/ 5828 ; télécopieur : +41 22 907 0043 ; courrier électronique : muriel.scibilia@unctad.org.
[1] Trade and Development Report, 2001 (No de vente : E.01.II.D.10, ISBN 92‑1-112520‑0) peut être obtenu au prix de US$ 35, et au prix préférentiel de US$ 19 dans les pays en développement et dans les pays en transition, auprès du Service des ventes, Palais des Nations, CH‑1211 Genève 10, Suisse; télécopieur: +41 22 917 0027, courrier électronique: unpubli@un.org, Internet : http://www.un.org/publications; ou auprès du Service des publications de l'Organisation des Nations Unies, Two UN Plaza, Bureau DC2-853, Dept. PRES, New York, N.Y. 10017, États‑Unis d'Amérique; téléphone : +1 212 963 83 02 ou +1 800 253 96 46, télécopieur : +1 212 963 34 89, courrier électronique : publications@un.org.