CONCLUSION D'UN NOUVEL ACCORD INTERNATIONAL SUR LE CACAO
Communiqué de presse CNUCED/271 |
CONCLUSION D'UN NOUVEL ACCORD INTERNATIONAL SUR LE CACAO
Le secteur privé est appelé à participer
à la promotion d'une économie cacaoyère durable
Genève, le 6 mars 2001 -- Un nouvel accord international sur le cacao confiant un rôle plus important au secteur privé en matière de coopération au sein de l'économie cacaoyère mondiale a été conclu à Genève le 2 mars.
Pour les participants à la Conférence des Nations Unies sur le cacao, 2000, l'accord de 2001 est bien plus flexible et "moral" que les accords antérieurs, qui contenaient plusieurs dispositions à caractère économique visant à corriger les déséquilibres du marché. Ils estiment que le nouvel accord repose dans une plus large mesure sur la bonne foi et sur la volonté politique du secteur privé et des gouvernements des pays producteurs et consommateurs de cacao.
Les trois semaines de discussions commencées en novembre 2000, sous l’égide de la CNUCED, se sont achevées la semaine dernière. M. Carlos Fortin, Secrétaire général adjoint de la CNUCED, a jugé que l'accord conclu "prenait pleinement en compte les intérêts de tous les acteurs de l'économie cacaoyère". Concluant les travaux, il a estimé que cet accord était non seulement "réaliste, car intégrant l'évolution de l'économie mondiale et des marchés de produits de base", mais aussi ouvert et que des initiatives devraient être prises pour en assurer l'application intégrale.
Selon M. Ransford A. Smith (Jamaïque), Président de la Conférence, l'accord "ne contient pas tous les éléments que chacun aurait aimé y voir", mais établit un "équilibre délicat". Il convient en particulier de noter l'accent mis sur le rôle que le secteur privé doit jouer dans la promotion d'une économie cacaoyère durable et de la consommation de cacao. Les dispositions relatives à l'usage de produits de remplacement du cacao ainsi qu'à la commercialisation, à la surveillance et à la transparence sont également importantes.
Au prix de concessions, les producteurs et les consommateurs sont aussi tombés d'accord sur la mise en place de nouveaux mécanismes de régulation du marché qui ne soient pas interventionnistes. Pour M. Hagen Streichert (Allemagne), porte-parole des consommateurs, les quotas de production, stocks régulateurs et autres mesures de soutien des prix n'ont pas réussi à remédier à l'instabilité inhérente de la production et des marchés cacaoyers, d'où l'approche différente adoptée dans le nouvel accord.
M. Edouard Kouamé, Directeur exécutif de l'Organisation internationale du cacao administrant l'accord, a précisé que cet accord était "modifié tous les 8 à 12 ans afin de tenir compte de l'évolution de la situation". Les accords antérieurs prévoyaient des mécanismes interventionnistes qui ne "pouvaient faire face" aux fluctuations constantes de la production et dont les consommateurs aussi bien que les producteurs étaient "prisonniers". M. Kouamé s'est félicité de la flexibilité du nouvel accord, qui devrait entrer en vigueur à titre provisoire le 1er janvier 2002 et qui, "à condition d'être respecté", serait "le meilleur accord jamais conclu". Pour entrer en vigueur à titre définitif, l'accord devra être ratifié par au moins cinq pays exportateurs groupant 80 % au moins des exportations totales et par des pays importateurs groupant 60 % au moins des importations totales. L'accord sera ouvert à la signature le 1er mai 2001, au Siège de l'ONU, qui en est le dépositaire.
L'accord doit "assurer des recettes équitables à tous les acteurs"
Les producteurs ont indiqué qu’ils avaient le ferme espoir que l'accord, au bout du compte, aiderait les petits producteurs et contribuerait à la protection de l'environnement, c'est-à-dire, selon les termes de l'accord, à "la gestion durable des ressources cacaoyères afin d'assurer des recettes équitables à tous les acteurs de l'économie cacaoyère". M. Lambert N'Guessan (Côte d'Ivoire), porte-parole des producteurs, a jugé l'accord satisfaisant, mais a exprimé des craintes quant à la manière dont l'engagement moral qui avait été pris se traduirait dans les faits. Selon lui, il fallait établir un partenariat privilégiant le transfert de technologie, afin que les pays consommateurs puissent aider les producteurs à améliorer la qualité de leur cacao.
L'accord appuie de nouveaux projets et des projets en cours, dont certains seront partiellement financés par l'Organisation internationale du cacao. Il prépare la mise en place de coopératives de production visant à accroître les revenus des agriculteurs en intégrant ces derniers aux circuits de commercialisation, et jette les bases de travaux de recherche-développement tendant à combattre l'épuisement des sols et à augmenter les rendements grâce à de nouveaux modes de culture, engrais et additifs nutritifs. Dans certains pays producteurs de cacao, où une bonne partie du sol est déjà épuisée sous l'effet de trop nombreuses récoltes, les producteurs sont constamment à la recherche de nouvelles forêts à défricher. À long terme, les générations futures ne pourront plus tirer leur subsistance de la terre.
Un projet, mis en œuvre dans 10 pays, vise à recenser et de mettre au point des variétés de cacaoyers plus résistantes, nécessitant moins de produits chimiques et ayant des rendements supérieurs. Il est essentiellement financé par le Fonds commun pour les produits de base, organisme international siégeant à Amsterdam dont la création a été négociée sous les auspices de la CNUCED. D'autres projets auront pour but d'apprendre aux producteurs à trier et à classer leur propre cacao pour l'exportation et, à terme, à transformer eux-mêmes leur production. Selon M. Kouamé, la valeur ajoutée ainsi créée pourrait se traduire par une augmentation des prix payés aux producteurs allant jusqu'à 20 %.
Aux termes de l'accord, le secteur privé participera à ces projets et à la gestion globale des ressources cacaoyères au niveau international sous la forme d'une commission consultative chargée, au sein de l'Organisation internationale du cacao, de favoriser l'échange d'informations, d'identifier les éléments qui affectent l'offre et la demande et de proposer des mesures correctives. Le secteur privé sera également encouragé à verser des contributions à un fonds de promotion nouvellement créé pour financer des campagnes de promotion et des recherches. Il est aussi envisagé de dispenser une formation aux méthodes de gestion des risques. La CNUCED et d'autres organisations mettent déjà au point de telles méthodes ainsi que des programmes d'information et de diversification dans le domaine des produits de base.
Les deux camps sont convenus de la nécessité d'accroître la participation du secteur privé afin d'aider à compenser la diminution du soutien accordé par les pouvoirs publics à la production cacaoyère et d'accroître l'aptitude de l'Organisation internationale du cacao à faire face à des marchés instables, à des conditions climatiques imprévisibles et à des crises politiques. Même si la majorité de la production cacaoyère est assurée par de petits agriculteurs, le marché est contrôlé dans une large mesure par une minorité de sociétés multinationales qui, dans certains pays, achètent une grande partie de la récolte et maintiennent ainsi les prix à un niveau artificiellement bas. Dans sa déclaration liminaire du 26 février, M. N'Guessan a jugé que les multinationales étaient coupables de "boulimie financière", en s'efforçant de créer de nouvelles plantations pour maintenir les approvisionnements et "réaliser des bénéfices colossaux, cela en période de surproduction et alors que les producteurs prévoient de détruire plus de 250 000 tonnes de cacao".
En mars 2000, le Comité exécutif de l'Organisation internationale du cacao a voté ce programme de destruction en raison de la faiblesse des prix. Des quotas individuels ont été fixés pour le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Nigéria, pays qui assurent 70 % de la production cacaoyère mondiale, mais la destruction n'a pas encore eu lieu du fait de problèmes pratiques posés notamment par l'élimination des déchets. La question de l'indemnisation des pertes de récoltes enregistrées par les producteurs doit encore être réglée.
Les produits de remplacement du cacao ont fait l'objet d'un débat
Une des pierres d'achoppement des négociations a été l'utilisation des produits de remplacement du cacao dans la production de chocolat, traditionnellement et exclusivement fabriqué à partir de beurre de cacao, de poudre de cacao, de sucre, de lait en poudre et de lipides lactiques. Selon M. N'Guessan, les producteurs craignent qu'une nouvelle directive de la Commission européenne autorisant l'incorporation de graisses végétales (jusqu'à 5 %) dans le chocolat n'entraîne une réduction de la demande annuelle de cacao en fèves de l'ordre de 60 000 à 200 000 tonnes. Le nouvel accord tient compte de cette préoccupation en reconnaissant que l'usage de produits de remplacement "peut nuire à l'accroissement de la consommation de cacao et au développement d'une économie cacaoyère durable".
Certains consommateurs estiment néanmoins que les produits de remplacement peuvent contribuer dans les faits à accroître la consommation de cacao, en particulier dans les pays chauds ou en été, le chocolat produit exclusivement à partir de beurre de cacao ayant alors tendance à fondre.
L'accord crée en outre, au sein de l'Organisation internationale du cacao, un nouveau Comité du marché qui suivra l'évolution de la situation et établira des prévisions "de façon à assurer un équilibre durable entre l'offre et la demande". Selon les prévisions actuelles de l'Organisation internationale du cacao, la production devrait être déficitaire de 205 000 tonnes en 2000-2001, puis de 125 000 tonnes environ pendant les deux années cacaoyères suivantes (l'année cacaoyère commence le 1er octobre et s'achève le 30 septembre), ce qui aurait un impact "profond" sur le cours du cacao. L'Organisation internationale du cacao estime que le prix quotidien moyen, qui est actuellement de 1150 dollars par tonne, devrait se stabiliser à environ 1 130 dollars sur l'ensemble de l'année cacaoyère. Le prix réel (ajusté pour tenir compte de l'inflation) pourrait augmenter de 50 %, pour s'élever à 1 730 dollars d'ici 2002-2003, avant de redescendre à 1 570 dollars en 2005-2006. La production et la consommation mondiales pourraient atteindre un niveau record, en dépassant les 3,1 millions de tonnes d'ici 2005-2006. La production devrait continuer de croître uniquement en Afrique, à l'exception de l'Indonésie, seul pays n'appartenant pas au continent africain où elle devrait progresser.
Ont participé à la conférence les représentants des communautés européennes et de 33 pays, y compris de l'Indonésie, qui n'est pas membre du précédent accord et qui n'a pas participé aux discussions menées en novembre de l'année dernière. Les autres pays non membres étaient le Costa Rica, le Mexique et les Philippines [conformément à la liste provisoire des participants établie au 28 février].
Les pays exportateurs, qui assurent environ 80 % de la production mondiale en 2000-2001, sont le Bénin, le Brésil, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, l'Équateur, le Gabon, le Ghana, Grenade, la Jamaïque, la Malaisie, le Nigéria, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Pérou, la République dominicaine, Sao Tomé-et-Principe, la Sierra Leone, le Togo, Trinité-et-Tobago et le Venezuela. Les membres importateurs, qui représentent quelque 70 % des broyages mondiaux sont l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique/Luxembourg, le Danemark, l'Égypte, l'Espagne, la Fédération de Russie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, le Japon, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, la République slovaque, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse.
L'accord de 1993 expire le 30 septembre; celui de 2001 sera valable jusqu'en 2008. (Pour en savoir plus, voir communiqués de presse : TAD/INF/PRO4, 2874, 2872, 2871 et Corr., et 2870.)
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