En cours au Siège de l'ONU

CS/1119

LE CONSEIL TERMINE SON DEBAT SUR LA MANIERE DE REDONNER A LA PREVENTION DES CONFLITS ARMES LA PLACE QUI LUI EST DEVOLUE PAR LA CHARTE DES NATIONS UNIES

30 novembre 1999


Communiqué de Presse
CS/1119


LE CONSEIL TERMINE SON DEBAT SUR LA MANIERE DE REDONNER A LA PREVENTION DES CONFLITS ARMES LA PLACE QUI LUI EST DEVOLUE PAR LA CHARTE DES NATIONS UNIES

19991130

La période d'après-guerre froide rend aujourd'hui possible la création d'une plate-forme viable de la prévention des conflits armés, a estimé M. Danilo Türk, représentant de la Slovénie, au cours du débat que le Conseil a conclu ce matin sur son rôle dans la prévention des conflits armés. Cette discussion, sous la présidence de M. Türk, s'est terminée par le constat de l'importance que le Conseil doit accorder à une action coordonnée, impliquant le Secrétaire général et les différents organes du système des Nations Unies, en particulier le Conseil économique et social, pour résoudre les problèmes économiques, sociaux, culturels ou humanitaires qui sont souvent à l'origine des conflits. Les délégations ont considéré que l'alerte rapide ainsi que la diplomatie, le déploiement et le désarmement à titre préventif doivent être les éléments centraux de la stratégie globale de prévention des conflits. Le Pakistan a appelé à la prudence quant à l'interprétation de la notion de "désarmement préventif" qui, selon lui, peut être en conflit avec le droit légitime des Etats de se défendre. La stratégie de prévention doit aussi, selon les délégations, comprendre des efforts de la consolidation de la paix après les conflits comme la démobilisation, la réinsertion des ex-combattants et l'élimination de l'accumulation des petites armes.

De nombreuses délégations ont estimé que le renforcement du rôle du Conseil en matière de prévention des conflits exige une réforme de ses mécanismes de décision dont l'exercice ou la menace du droit de veto qui a souvent paralysé toute action. D'autres délégations ont souligné l'importance qu'il y a à ce que toute intervention préventive respecte les principes entérinés par la Charte des Nations Unies tels que ceux de la souveraineté nationale, de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats et du consentement préalable des Etats concernés. Pour la Croatie, la justice et le respect du droit international devront être de plus en plus intégrés aux interventions d'avant ou d'après-conflits décidées par le Conseil. Elle a relevé le rôle dévolu aux tribunaux internationaux pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie, qui tout en poursuivant les criminels de guerre et les auteurs de génocides, a facilité le processus de réconciliation et de réhabilitation sociale dans les pays et les zones en conflit. Le représentant de l'Egypte a souligné la nécessité de préserver le Secrétaire général de toute pression et a suggéré, à cet effet, que le mandat d'un Secrétaire général ne soit pas renouvelable.

Les représentants des pays suivants ont pris la parole: Egypte, Liechtenstein, Zambie, Nigéria, Nouvelle-Zélande, Bangladesh, Sénégal, Norvège, Iran, Pakistan, Ukraine, Iraq, Croatie et Slovénie.

LE ROLE DU CONSEIL DE SECURITE DANS LA PREVENTION DES CONFLITS ARMES

Déclarations

M. AHMED ABOUL GHEIT (Egypte) a estimé que la question de la prévention des conflits armés a acquis aujourd'hui une dimension supplémentaire du fait de son lien avec un certain nombre d'autres questions auxquelles il faut accorder l'attention qu'elles méritent. Les auteurs de la Charte des Nations Unies, a poursuivi le représentant, avaient déjà compris que la prévention des conflits est plus rentable que la recherche d'un règlement après que les combats aient éclaté. C'est la raison pour laquelle, conformément à la Charte, tous les organes des Nations Unies doivent s'impliquer dans la prévention des conflits et participer à l'action pour résoudre les problèmes économiques, sociaux et humanitaires qui sont habituellement à l'origine des différends. Ces problèmes, a précisé le représentant, relèvent, au premier chef, de la compétence de l'Assemblée générale et du Conseil économique et social. Il est donc important que le Conseil de sécurité respecte, en matière de prévention des conflits, l'équilibre établi entre tous les organes des Nations Unies. Il est tout aussi important que ces actions préventives respectent pleinement les principes de l'intégrité territoriale des Etats et de la non-ingérence dans les affaires intérieures. Elles doivent avoir l'assentiment des Etats concernés, et ce, conformément aux dispositions pertinentes de la Charte.

Faisant une analyse juridique des dispositions de la Charte, le représentant a souligné que des problèmes se posent souvent lorsque le Conseil est appelé à intervenir en vertu du Chapitre VI de la Charte en recourant aussi aux moyens prévus au Chapitre VII. Dans ces conditions, le Conseil doit garder à l'esprit la nécessité de ne causer aucun dégât secondaire aux parties concernées ou à des Etats tiers dont les intérêts sont liés à l'une ou l'autre partie. Le Conseil doit donner la possibilité aux Etats directement ou indirectement concernés par ses décisions de présenter leurs arguments. Poursuivant son analyse, le représentant a rappelé que si le Conseil n'est pas en mesure de s'acquitter de ses fonctions, la seule option restante est de recourir à l'Assemblée générale, conformément à la résolution "Unis pour la paix". Le représentant s'est dit frappé par le fait qu'un certain nombre de pays choisissent aujourd'hui d'écarter cette résolution alors même qu'ils l'utilisaient volontiers lorsque leurs intérêts et leurs points de vue étaient servis par ce texte.

Dans ses actions préventives, a poursuivi le représentant, le Conseil doit éviter de se fonder sur des notions qui ne sont pas pleinement acceptées par les Etats Membres, telles que la notion d'intervention humanitaire ou de sécurité humanitaire. Le fait que de nombreux conflits armés soient des guerres internes posent en effet la question de la capacité des Nations Unies à intervenir. Toute décision en faveur d'une intervention doit se fonder sur un certain nombre d'éléments, a souligné le représentant, en citant d'abord

l'importance qu'il y a à aborder tous les pays et toutes les régions sur un pied d'égalité. Tout pays et toute région, a-t-il insisté, doit être traité en vertu des mêmes normes. Le représentant a ensuite cité la nécessité de faire preuve d'une réelle volonté d'exécuter la tâche décidée et ce, quels que soient les défis. Aucune mission ne doit être terminée en raison des risques existants ou des pertes enregistrées. A cet égard, l'attitude des forces des opérations de maintien de la paix ne doit pas se limiter à l'application des directives contenues dans le bulletin du Secrétaire général concernant le droit humanitaire international dans le contexte du maintien de la paix. L'Egypte a d'ailleurs émis quelques réserves à ce propos, a rappelé le représentant. Il a aussi appelé le Conseil à s'abstenir de prendre des mesures précipitées comme cela a été le cas pour la Bosnie-Herzégovine. Le Conseil a en effet adopté une résolution pour limiter la capacité des belligérants à poursuivre les conflits armés en dépit du fait que l'une des parties disposait déjà d'une capacité militaire écrasante. Il s'en est suivi les massacres que l'on sait.

Le représentant a, par ailleurs, évoqué les situations en Bosnie- Herzégovine et au Kosovo pour illustrer l'échec du Conseil qu'il a expliqué par les méthodes de travail de cet organe dont l'abus du droit de veto ou la menace du recours à ce droit. Du point de vue politique, il a imputé cet échec à la pratique de deux poids et deux mesures, au manque de transparence et à la primauté des intérêts des Membres du Conseil, en particulier de ses Membres permanents. Cette situation, a poursuivi le représentant, a souvent obligé certains Membres du Conseil à recourir à la force en-dehors du cadre prévu dans la Charte. Il est donc urgent de réformer Conseil, a estimé le représentant en arguant que si la capacité de prévention des Nations Unies dépend des efforts du système en termes de développement économique des sociétés, elle dépend aussi de meilleures méthodes de travail du Conseil.

Terminant sur le rôle du Secrétaire général, le représentant a argué qu'il a pris une importance telle qu'il revient aux Etats Membres de le tenir à l'abri de toute pression. Pour ce faire, il a demandé que le mandat du Secrétaire général soit non renouvelable et proposé d'inclure cette question à l'ordre du jour de l'Assemblée générale.

Mme CLAUDIA FRITSCHE (Liechtenstein) a fait remarquer qu'en matière de prévention des conflits, le rôle du Conseil de sécurité et d'autres organes des Nations Unies est jusqu'ici resté limité. L'expérience de ces dernières années a démontré l'importance d'agir à la source pour traiter au mieux des questions telles que la violation des droits de l'homme, la protection des réfugiés ou encore les catastrophes naturelles. De l'avis de la représentante, la prévention signifie en premier lieu agir en temps voulu pour éviter des catastrophes telles que les conflits armés, et atténuer leurs conséquences. Cela requiert certains outils tels que des mécanismes d'alerte rapide, mais aussi et surtout une volonté politique et une prise de conscience du fait que la prévention est la meilleure façon de faire face à un problème.

En matière de prévention des conflits armés, le Liechtenstein suggère en premier lieu de favoriser la coopération et la coordination au niveau des organisations régionales, en évitant que leurs actions ne se retrouvent en concurrence avec celles des Nations Unies. Le renforcement du rôle du Secrétaire général constitue aussi un élément clé de toute action des Nations Unies en matière de prévention. En matière d'alerte rapide, le Secrétariat devrait donner au Conseil des informations provenant de différentes sources. Le Liechtenstein se prononce en outre pour une application souple du droit à l'autodétermination. Pour la représentante, la mise en place d'une "culture de prévention" doit prévoir des activités aussi diverses que l'alerte rapide, le désarmement et la reconstruction de la paix après les conflits.

M. PETER L. KASANDA (Zambie) a souligné que le continent africain continue de poser l'un des plus grands défis à relever par le Conseil de sécurité en ce qui concerne la fréquence des conflits armés. Cet état des choses continuera aussi longtemps que la communauté internationale ne sera pas parvenue à aider l'Afrique à faire face efficacement aux causes de ces conflits. M. Kasanda a expliqué que la prolifération des armes de petit calibre a largement contribué à prolonger de nombreux conflits en Afrique. Il a rappelé que le continent compte 8 millions de réfugiés sur les 22 millions recensés dans le monde, et cette situation est encore plus alarmante si l'on prend en compte les millions de personnes déplacées dans leurs propres pays. M. Kasanda a estimé, d'autre part, que le Conseil de sécurité devrait agir pour enrayer la dissémination des armes légères et de petit calibre à la fois en Afrique et dans le monde. A cet égard, il a proposé la mise en place d'un mécanisme approprié permettant de dévoiler publiquement l'identité des marchands d'armes, ce qui conduirait à leur condamnation internationale et à la cessation de leurs activités. Par ailleurs, le Conseil devrait, d'une part, renforcer le régime de sanctions et, d'autre part, jouer un rôle accru en matière de maintien de la paix, en veillant à ce que toutes les situations de conflits soient traitées sur un pied d'égalité et indépendamment de la zone géographique dans laquelle ils ont lieu.

M. Kasanda a indiqué que les dirigeants africains sont résolus à prendre des risques en vue de prévenir les conflits sur leur continent, notamment à travers les mécanismes de prévention, de gestion et de règlement des conflits, de même que par le truchement des deux groupes sous-régionaux (SADC et CEDEAO) et l'Organisation de l'unité africaine (OUA). Il a toutefois souligné que ces efforts sont complémentaires et ne se substituent pas à la responsabilité du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et la sécurité internationales dans le monde, y compris en Afrique.

M. Kasanda a déclaré qu'aprés avoir autorisé une mission de maintien de la paix en Sierra Leone, le Conseil doit maintenant faire face à la situation en République démocratique du Congo (RDC), soulignant qu'un accord de cessez-le-feu est d'ores et déjà en place, et que la Commission militaire mixte a commencé à jeter les bases pour la mise en oeuvre de cet Accord. Cette Commission a besoin du soutien constant de la communauté internationale pour pouvoir s'acquitter efficacement de ses responsabilités en vertu de l'Accord de Lusaka. Dans ce contexte, le soutien du Conseil de sécurité est non seulement attendu, mais impératif. La Zambie se félicite des dispositions prises par le Conseil de sécurité relatives au déploiement d'une mission des Nations Unies en RDC, mais reste gravement préoccupée par le fait que le Conseil ne progresse pas assez vite pour pouvoir entamer la phase deux qui prévoit le déploiement de 5 000 observateurs militaires. Estimant que ce retard pourrait compromettre le fragile processus de paix, M. Kasanda a exhorté le Conseil de sécurité à prendre une décision relative à la deuxième phase du processus de paix. Il a expliqué que la situation sur le terrain suppose des actions rapides de sa part afin d'éviter le développement d'un "vide" dont pourraient rapidement tirer profit les forces allant à l'encontre de la paix dans la région. Il a déclaré que l'Afrique attend de la part du Conseil de sécurité que la force de maintien de la paix, dont le déploiement est envisagé en RDC ait une taille et un mandat appropriés. Cette force doit être déployée en application du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, comme l'envisage l'Accord de cessez-le-feu de Lusaka, a-t-il ajouté. Il a estimé que cette force devra être beaucoup plus importante que celle déployée au Timor oriental. La Zambie espère que le Conseil de sécurité saura éveiller la volonté politique indispensable à la mobilisation des ressources financières qui permettront à cette force de s'acquitter de son mandat.

M. OLUSEGUN APATA (Nigéria) a regretté que cette décennie ait été marquée par la prolifération et l'intensification de conflits internes aux Etats. En dépit de leur caractère régional, ces conflits ont souvent été une menace pour la paix et la sécurité internationales. Les membres de la communauté internationale devraient indubitablement élaborer des instruments adéquats pour réagir à ces conflits, a estimé le représentant.

Le Nigéria déplore que l'Afrique soit frappée par un nombre exagéré de conflits, a-t-il poursuivi. Cependant, la capacité de la région à résoudre efficacement ces conflits est amoindrie par le manque de ressources et le soutien inadéquat que lui apporte la communauté internationale. Les Nations Unies voient leurs efforts de résolution de ces conflits entravés par la pénurie de ressources financières, une connaissance et une familiarité limitées avec la situation sur le terrain.

Il est devenu de plus en plus urgent que le Conseil revoie les mécanismes existants et élabore des systèmes d'alerte rapide pour étouffer dans l'oeuf les situations qui pourraient créer une brèche dans la paix, a déclaré le représentant. Il a ajouté que la diplomatie préventive est le moyen le plus sûr et le plus économique pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les parties à un différend doivent en outre faire preuve de volonté politique, et le Conseil doit avoir, en temps voulu, les ressources nécessaires pour mener une action préventive, a estimé le représentant.

La prévention est également une stratégie prudente sur le plan humain et matériel. Au vu des sommes énormes mobilisées par les opérations de maintien et de consolidation de la paix, la prévention doit être une priorité. A cet égard, les Nations Unies doivent impérativement développer des indicateurs communs d'alerte rapide et de formation des personnels engagés dans la prévention des conflits sur le terrain. La délégation du Nigéria propose donc la création d'un "Fonds pour la prévention des conflits et le maintien de la paix".

En conclusion, a déclaré le représentant, les Etats Membres doivent manifester leur volonté politique en matière de prévention des conflits, mais le Conseil de sécurité a un rôle vital à jouer en accordant à la prévention l'importance prioritaire qui lui revient.

M. MICHAEL POWLES (Nouvelle-Zélande) a rappelé que la Charte des Nations Unies envisage clairement pour l'Organisation un rôle de prévention des conflits ferme. Aux termes de son Article premier, elle stipule que l'ONU doit prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix. La Charte envisage également dans le même Article l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix. Il incombe en premier lieu au Conseil de sécurité - mais non pas de manière exclusive - de garantir le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il exerce cette responsabilité au nom d'un nombre plus important d'Etats Membres. La Charte prévoit un nombre impressionnant d'instruments pour le règlement pacifique des différends, notamment la négociation, l'enquête, la médiation, la conciliation, l'arbitrage, le règlement judiciaire et le recours aux organismes ou accords régionaux. L'Article 34 de la Charte confère en outre au Conseil de sécurité la possibilité d'enquêter sur tout différend ou toute situation qui pourrait entraîner un désaccord susceptible de menacer la paix et la sécurité internationales. Les dispositions du Chapitre VII confère au Conseil de sécurité d'importants pouvoirs pour faire face aux menaces à la paix ou aux actes d'agression et impose de sérieuses obligations aux Etats Membres pour que ces derniers assistent le Conseil.

Si le Conseil de sécurité n'a pas réussi dans le passé à s'acquitter efficacement de ses obligations, cet échec n'est pas imputable au caractère inapproprié du mécanisme envisagé mais plutôt à d'autres facteurs. Ces facteurs sont de nature politique et financière, a fait observer M. Powles. Les Etats Membres s'attendent à ce que les Membres du Conseil fassent preuve d'autorité en raison de leurs obligations particulières. Cela inclut le règlement prompt, intégral et inconditionnel de leurs contributions au budget ordinaire. Cela suppose également la volonté de la part des membres du Conseil de garantir aux Nations Unies les moyens de s'acquitter de leur mandat, tant en ce qui concerne des contingents suffisants pour défendre une "zone protégée" que des ressources pour financer la restauration de services publics dans le cadre de la reconstruction après les conflits.

M. Powles note que, selon une idée répandue, l'efficacité du Conseil de sécurité en matière de prévention des conflits est sapée par ses méthodes de travail. Le Conseil réalise peut-être 90% de ses travaux dans le cadre de consultations officieuses. Les non-Membres n'y ont pas accès. De nombreux pays estiment que cette pratique ne permet pas au Conseil d'inviter les représentants d'Etats directement concernés par une question dont il est saisi, à participer aux discussions de fond. On peut également envisager qu'il y a des occasions durant lesquelles les Membres du Conseil s'adressant en privé de manière ferme et collective aux parties à un différend, pourraient contribuer de manière très utile à régler ce différend. Evoquant la question du veto, "ce vieux démon", le représentant a soutenu que cet instrument a causé des ravages dans le domaine de la prévention des conflits en 1999. On lui doit l'expiration prématurée de la FORDEPRENU, qui était une mission de déploiement réussie dans une zone particulièrement sensible. On lui doit la décision de l'OTAN, outrepassant le Conseil et mal accueillie, de bombarder la Yougoslavie. C'est le veto qui a paralysé les efforts du Conseil visant à établir un nouveau régime d'inspection des armes pour remplacer la Commission spéciale en Iraq. En dépit de tous ces aspects négatifs, la délégation néo- zélandaise note toutefois que le Conseil a accompli récemment certains progrès importants pour s'acquitter de ses obligations dans le domaine de la prévention des conflits, en particulier le déploiement rapide d'une mission en Indonésie et au Timor oriental pour répondre aux violences commises après la consultation populaire. L'autorisation du déploiement de la force multinationale, et ensuite de l'Administration transitoire et des forces de maintien de la paix qui la composent a été rapidement donnée par le Conseil de sécurité. La Nouvelle-Zélande demeurera un contributeur important à ces opérations qui, a espéré M. Powles, seront couronnées de succès très prochainement. Tout en soulignant qu'il incombe en premier lieu au Conseil de sécurité de jouer un rôle en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, M. Powles a estimé qu'il existe un lien étroit entre la paix et la sécurité internationales, d'une part, et le désarmement et le développement, d'autre part. C'est pourquoi, les contributions des autres organes des Nations Unies, notamment l'Assemblée générale et l'ECOSOC, sont d'une importance évidente pour jeter les bases nécessaires.

M. ANWARUL KARIM CHOWDHURY (Bangladesh) a rappelé que le Conseil de sécurité avait la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales et devait réagir à toute menace de manière prompte et efficace. L'opinion publique internationale exige aujourd'hui que le Conseil de sécurité joue un rôle d'avant-garde dans la préservation de la paix et de l'harmonie internationale, et attend de cet organe qu'il assume son rôle de manière visible, avant que les crises ne dégénèrent en conflits violents et ne se traduisent par des massacres de civils innocents, a poursuivi le délégué. Si le rôle des organisations régionales est clairement reconnu dans la Charte, des critiques s'élèvent cependant contre la manière dont le Conseil semble vouloir sous-traiter, par ces institutions, les responsabilités qui sont les siennes en matière de maintien de la paix. Notre délégation, par conséquence, pense que le Conseil de sécurité et l'ONU devraient examiner et formuler un mécanisme approprié et des directives claires et pertinentes régissant l'intervention et l'implication des organisations régionales et sous- régionales dans les tâches de maintien de la paix et de la sécurité. C'est dans ce cadre, a dit M. Chowdhury, que nous soutenons les initiatives du Secrétaire général en matière de prévention des conflits. A ce sujet, nous sommes en faveur des déploiements préventifs, du désarmement, des interventions humanitaires et de la construction de la paix menés sur des normes de prévention.

Selon le représentant, le Conseil, d'autre part, sera de plus en plus souvent confronté à la question de la souveraineté. Il s'agira de rechercher comment équilibrer les principes de l'indépendance politique, l'intégrité territoriale et les impératifs humanitaires et juridiques du maintien de la paix et de la sécurité. Ces impératifs ne sont pas antagonistes, ils peuvent être complémentaires, et nous devons trouver les paramètres de cette nécessaire complémentarité. La Charte n'avait pas prévu les scénarios auxquels nous assistons aujourd'hui dans des conflits qui sont essentiellement intra-étatiques. Que peut faire l'ONU dans un pays où l'Etat n'existe plus ? Comment réagir quand les parties en conflit sont déterminées à se battre jusqu'au bout ? Que faut-il faire des responsables politiques et militaires qui font peu de cas de leurs propres populations, ou qui violent toutes les règles humanitaires et juridiques internationales ? Comme le dit le Secrétaire général, l'ONU ne peut malheureusement pas maintenir une paix qui n'existe pas, et la communauté internationale est impuissante quand les normes civiles et humaines les plus élémentaires sont totalement ignorées. Nous pensons que, la guerre commençant d'abord par les idées, dans les esprits, c'est à ce niveau qu'il faudrait conduire des actions de prévention, comme par exemple celles liées à la culture de la paix dont le plan d'action doit être sérieusement pris en considération et soutenu.

M. IBRA DEGUENE KA (Sénégal) a déclaré que, depuis la création de l'Organisation des Nations Unies, le thème de la prévention des conflits a considérablement évolué au gré des circonstances. La notion de diplomatie préventive introduite par l'ancien Secrétaire général, Dag Hammarskjöld, était intimement liée à la menace d'une escalade nucléaire entre les deux superpuissances. Aujourd'hui, ce concept de la diplomatie préventive n'est plus que l'apanage des diplomates professionnels et des personnels militaires. Son champ d'action s'est considérablement élargi à la suite de la multiplication des conflits internes qui constituent, à maints égards, les causes principales de déstabilisation des Etats et les causes des désastres humanitaires. Ainsi, le Conseil de sécurité, à qui incombe la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales, a été amené à améliorer sensiblement ses méthodes et stratégies dans le domaine de la prévention.

Face à l'émergence de conflits nouveaux intra-étatiques et de conflits entre Etats, face à la résurgence de conflits anciens et devant la nécessité de préserver la stabilité politique et le développement économique du continent africain, il est essentiel de privilégier l'option de la prévention des conflits afin de créer les conditions d'une paix durable. Les dirigeants de l'Afrique estiment que la communauté internationale doit appuyer les efforts qu'ils déploient pour prévenir les crises africaines.

Le représentant a souligné l'étroite corrélation qui existe entre la nécessité de paix et les objectifs du développement durable harmonieux. Or, il se trouve que la pauvreté, la maladie, la famine et l'oppression sévissent toujours à travers le monde, comme en témoignent les millions de réfugiés et de personnes déplacées. L'épineuse question du trafic illicite et de la prolifération de circulation des petites armes, nous interpelle également, a-t-il poursuivi. En effet, le recours de plus en plus systématique aux armes entraîne une militarisation d'une partie de la population civile, ce qui établit un nouveau rapport de forces entre les groupes en présence et les éloigne du terrain de la négociation. A cet égard, le représentant a estimé que l'idéal serait de mettre au point, dans le cadre des Nations Unies, un traité international de limitation des transferts d'armes classiques. C'est pourquoi le Sénégal soutient fermement la convocation en l'an 2001 de la Conférence internationale sur le trafic illicite et la prolifération des petites armes et des armes de petit calibre, sous tous ses aspects.

Le représentant s'est également demandé si l'on ne devrait pas, pour prévenir les conflits armés, mettre en place un fonds spécial destiné uniquement à appuyer les stratégies de diplomatie préventive et qui financerait des mécanismes de prévention déjà opérationnels dans plusieurs sous-régions du monde, au lieu d'engloutir des sommes énormes dans des opérations de rétablissement de maintien de la paix et de reconstruction postconflit.

L'un des défis majeurs à relever au cours du prochain siècle réside assurément dans la capacité de notre Organisation à mettre en place un mécanisme souple et ouvert, chargé, en permanence, d'alerter la communauté internationale sur les situations potentielles de crise dans le monde et de recommander des mesures d'urgence appropriées.

M. OLE PETER KOLBY (Norvège) a affirmé que selon certaines estimations, dans les années 90, cinq millions et demi de personnes ont trouvé la mort dans des conflits armés. Pour la Norvège, il ne fait aucun doute que la communauté internationale doit accorder une plus grande attention, et les ressources appropriées, aux nombreux conflits qui freinent le développement et sont à l'origine de souffrances humaines. Elle est convaincue que la prévention des conflits armés contribue au développement durable, tout comme les mesures d'allégement de la pauvreté et de progrès social peuvent réduire les risques de guerre. Le représentant a affirmé le rôle clé des Nations Unies et du Conseil de sécurité à cet égard. Il incombe au Conseil, agissant au nom de tous les Etats Membres des Nations Unies et dans le respect de la Charte, de prendre les mesures efficaces collectives pour la prévention des menaces à la paix, a-t-il affirmé. Selon le représentant, l'examen précoce par le Conseil des différends ou des situations potentiellement conflictuelles devrait demeurer le principal instrument utilisé par la communauté internationale pour prévenir des conflits armés. Il a rappelé que conformément à l'Article 33 de la Charte, plus le Conseil est prêt à agir de façon précoce, plus grandes sont les chances de régler les différends de façon pacifique.

Dans ce contexte, le représentant a insisté sur le rôle fondamental d'alerte qui revient au Secrétaire général en vertu de l'Article 99 de la Charte. La Norvège souhaiterait que les moyens d'action préventifs du Secrétaire général soient renforcés, y compris à travers l'allocation de ressources financières et humaines. Depuis 1996, la Norvège a versé 4 millions de dollars au Fonds d'affectation spéciale pour l'action préventive.

Pour le représentant, la diplomatie préventive et les opérations de maintien de la paix étant des activités utiles au maintien de la paix et de la sécurité internationales, il faudrait inscrire au budget-programme 2000-2001 des fonds destinés au financement de missions politiques spéciales. Il a par ailleurs insisté sur l'importance du déploiement préventif et du désarmement qui selon lui ont prouvé leur efficacité ces dernières années. Aussi, la Norvège appuie-t-elle les efforts déployés par les Nations Unies afin de lutter contre la prolifération des armes de petit calibre, et pour restreindre ce commerce mortel.

La Norvège appuie également les efforts visant à contrecarrer la culture d'impunité qui caractérise les violations les plus graves du droit humanitaire international. Elle appelle tous les Etats qui ne l'ont pas encore fait, à ratifier le Statut de Rome, afin d'assurer au plus vite l'entrée en fonction de la Cour pénale internationale. La Norvège estime, par ailleurs, qu'une étroite coopération entre les organisations régionales et les Nations Unies sont de la plus grande importance pour assurer le succès de la prévention des conflits armés. La Norvège, qui a une longue tradition d'aide aux pays en développement, est d'avis que la prévention des conflits, l'aide humanitaire et l'aide au développement doivent aller de pair. Il faut s'attaquer aux causes mêmes des conflits et ne pas se contenter d'en traiter les symptômes. La Norvège participera activement au développement futur des efforts coordonnés. Il importe enfin, selon le représentant, de construire des partenariats constructifs entre donateurs, organisations multilatérales, régionales et gouvernements.

M. HADI NEJAD HOSSEINIAN (République islamique d'Iran) a affirmé qu'il est urgent de développer de nouvelles stratégies de prévention des conflits plus efficaces et d'améliorer le fonctionnement de celles dont on dispose déjà. Pour le représentant, les actions préventives, le déploiement et le désarmement préventifs constituent à court et moyen termes, les principaux moyens permettant d'empêcher les différends de dégénérer en guerres. Pour ce qui est de l'action à long terme, le représentant estime qu'il est fondamental de mener une réflexion sur les moyens d'éliminer les causes des conflits ou les sources d'instabilité, en traitant de façon effective les problèmes d'ordre économique, social et culturel. Pour l'Iran, la responsabilité du Conseil de sécurité revêt une importance accrue, compte tenu des changements intervenus depuis la fin de la guerre froide. Il y a lieu d'examiner son rôle à la lueur de sa responsabilité éminente en matière de maintien de la paix, de sécurité internationales et de ses liens avec les autres organes des Nations Unies.

Le représentant s'est dit préoccupé par l'incapacité du Conseil à traiter, ces dernières années, de questions importantes de sécurité. Les désaccords qui peuvent naître entre ses membres permanents sont susceptibles d'affecter l'efficacité de son action, a-t-il estimé. On observe par ailleurs une tendance du Conseil à laisser se détériorer les situations jusqu'à ce qu'il y ait des pertes importantes en vies humaines et des désastres sur le plan humanitaire. Pour l'Iran, le Conseil doit tirer les leçons de ses expériences. Si les opérations de maintien de la paix sont un des domaines où l'on a pu constater des succès, il importe de traiter de la question des retards pris tant dans les remboursements des coûts occasionnés par ces opérations que dans leur mise en oeuvre. L'Iran est préoccupé par le fait que des considérations d'ordre financier puissent influencer les décisions relatives aux menaces à la paix et à la sécurité internationales.

L'autorité du Conseil et celle du Secrétaire général dans la planification et la mise en oeuvre des opérations de maintien de la paix risquent de s'en trouver affaiblies. L'Iran note toutefois avec satisfaction l'action récente du Conseil de sécurité en Afghanistan et espère que cette réaction face à la crise afghane se poursuivra dans la mesure où elle est une menace pour la paix et la sécurité de la région.

Soulignant la nécessité d'harmoniser et de renforcer la coopération entre les principaux organes des Nations Unies en matière de prévention des conflits, le représentant a appelé de ses voeux l'instauration d'une relation plus équilibrée entre le Conseil et l'Assemblée. Ainsi, le Conseil devrait être davantage responsable devant l'Assemblée générale, des décisions qu'il prend dans l'intérêt de tous. Par ailleurs, le Conseil devrait appuyer pleinement les efforts déployés par le Secrétaire général en matière de maintien de la paix. L'Iran souhaiterait par ailleurs que les procédures de consultation, d'interaction et d'échanges entre le Conseil et les Etats impliqués dans des conflits soient renforcés. Cela contribuerait à l'amélioration du processus de prise de décisions du Conseil. L'Iran est ainsi favorable à la participation des Etats concernés aux consultations privées du Conseil. L'Iran souhaiterait également que la question du droit de veto fasse l'objet d'un nouvel examen, en vue de son élimination.

M. INAM UL-HAQUE (Pakistan) a estimé que toute action préventive doit être multidimensionnelle étant donné qu'aucun conflit interne ou entre Etats ne peut être expliqué par une cause unique. Si pour le court terme, le Pakistan estime qu'il faut donner la priorité à la diplomatie préventive et au déploiement préventif, il appelle à la plus grande prudence lorsqu'il s'agit du concept dit de "désarmement préventif" en ce sens qu'il peut militer contre le droit légitime d'autodéfense, consacré par la Charte des Nations Unies et que, selon toute vraisemblance, il sera réservé aux faibles et aux petits. La durabilité de toute stratégie de prévention, a dit le représentant, dépend d'abord de la solution apportées aux causes profondes des conflits et pas à leurs symptômes. Le représentant a donc souhaité que les efforts de prévention se concentrent sur la solution des problèmes politiques, économiques, sociaux, culturels ou humanitaires. Il a rappelé, à cet égard, que les domaines de compétence des différents organes des Nations Unies ont été clairement définis par la Charte. Les limites établies par la Charte doivent être scrupuleusement respectées, a insisté le représentant. Il a ensuite cité quelques éléments qui, selon lui, doivent constituer la base de toute action préventive. Il a ainsi évoqué les principes de la souveraineté des Etats, de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats et de la sécurité collective.

Le représentant a aussi souhaité que le rôle central de l'Assemblée générale, seul organe universel du système des Nations Unies, soit respecté et maintenu. Il a dénoncé, dans ce contexte, la tendance grandissante du Conseil de sécurité à dicter aux autres organes des Nations Unies des directives,

sous forme d'une résolution ou d'une déclaration, pour peu que la question examinée ait un lien, même ténu, avec le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le représentant a invité le Conseil à résister désormais à cette tentation. Il l'a également invité à dissiper le sentiment souvent partagé qu'il applique des normes différentes selon qu'il s'agisse de telle ou de telle région du monde.

Le représentant a poursuivi en souhaitant que les méthodes de collecte d'informations des Nations Unies, nécessaires aux mécanismes d'alerte rapide, soient révisées afin d'assurer à l'information collectée un caractère crédible et non discriminatoire. Il a, en outre, souhaité que les situations de menaces à la paix et à la sécurité internationales présidant à une action préventive soient discutées dans le cadre d'un débat ouvert avec la pleine participation des parties intéressées. A cet égard, le représentant a appelé à la prudence lorsqu'il s'agit de qualifier telle ou telle situation de menace à la paix et à la sécurité internationales. Il a bien souligné l'importance cruciale qu'il y a à distinguer la nature des différentes crises d'autant que c'est leur nature même qui détermine l'organe des Nations Unies qui aura à prendre la direction des opérations. En conclusion, le représentant a dénoncé le fait que le Conseil de sécurité ait déjà approuvé le projet de déclaration avant la tenue de ce débat publique, réduisant ainsi le débat en une stérile série de discours. Il a souhaité qu'à l'avenir, le Conseil élabore ses textes après les débats afin de tenir compte des points de vue des Etats qui n'en sont pas membres.

M. VOLODYMYR KROKHMAL (Ukraine) a estimé que le document intitulé "Un agenda pour la paix" et soumis par le Secrétariat en 1992, suivi par un supplément en 1995, fournit une solide base théorique pour le renforcement des capacités de l'ONU en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, y compris les concepts de la diplomatie et des déploiements préventifs. L'Ukraine a soutenu le processus énoncé dans ces documents et regrette vivement que les sous-groupes de travail de l'Assemblée générale sur la question, notamment celui sur la diplomatie préventive et le maintien de la paix, n'aient pu trouver un accord sur les mesures concernant les directives et la définition des actions liées à la prévention. Notre pays , a dit M. Krokhmal, est d'avis qu'il faut clairement définir les critères d'engagement des capacités multilatérales d'alerte avancée, de prévention et de résolution des conflits, et nous pensons que si ces critères ne s'appuient pas sur la légitimité de la communauté internationale, le Conseil ne devrait pas donner son aval à quelque action que ce soit sans le consentement de l'Etat concerné.

Nous sommes heureux de noter le succès de la Force de déploiement préventive de l'ONU dans l'ex-République yougoslave de Macédoine, qui doit devenir un exemple. Le Conseil de sécurité doit cependant considérer sur un pied d'égalité toutes les situations de crises à travers le monde, où qu'elles

se produisent, et nous pensons qu'une plus grande attention devrait être accordée au continent africain. L'Ukraine se réjouit de l'attention que le Conseil porte désormais à cette partie du monde, et nous ferons tout pour maintenir cette tendance quand nous siégerons au Conseil. Notre délégation, a continué le représentant, pense que les mécanismes de sanctions économiques devraient être plus mûrement pensés avant d'être utilisés comme moyen de pression pour prévenir l'éclatement de conflits dans les zones instables. Les conséquences négatives de ces sanctions sur des parties tierces devraient être auparavant minutieusement examinées.

M. SAEED HASAN (Iraq) a déclaré que les Nations Unies ont été créées en vue d'assurer le progrès social et économique de tous les peuples du monde par les efforts conjoints de tous ses Etats Membres. La philosophie principale de la Charte consacre donc la mobilisation des efforts aux fins du développement économique et social pour prévenir les conflits. Cette même Charte confie au Conseil de sécurité le mandat du maintien de la paix et de la sécurité internationales et l'enjoint de prévenir les conflits. Elle recommande de recourir à des moyens pacifiques pour régler les différends. Aujourd'hui pourtant, le tableau est plutôt sombre. Ces dix dernières années ont été, en effet, le témoin d'une diminution drastique de la crédibilité du Conseil. Le représentant a d'abord attribué cette situation à la manipulation des Etats-Unis des mécanismes dont dispose le Conseil pour mettre en oeuvre ses politiques.

Toute personne qui douterait encore de la mainmise des Etats-Unis sur le Conseil n'a qu'à se référer à la situation de l'Iraq, a ajouté le représentant. Il suffit, a-t-il dit, d'analyser par quels moyens les Etats-Unis ont utilisé la résolution 678 du Conseil de sécurité pour couvrir leurs activités militaires en Iraq. La dernière initiative que ce pays a prise est de contraindre les Membres du Conseil à se rallier au projet de résolution présenté par le Royaume-Uni et les Pays-Bas qui ne prévoit ni la levée des sanctions ni leur suspension et impose à l'Iraq des mesures de coercition qui ne sont pas contenues dans les autres textes antérieurs. La deuxième raison évoquée par le représentant pour expliquer "le tableau sombre" a été le fait que certains pays recourent à la force sans autorisation préalable du Conseil afin de s'ingérer dans les affaires intérieures des Etats, foulant ainsi la souveraineté nationale de ces derniers. Il a cité en exemple les actions du Royaume-Uni et des Etats-Unis contre l'Iraq dans des zones d'exclusion aérienne "illégales". Le représentant a fait part du dernier bombardement de l'armée américaine sur une école située dans le nord du pays et qui a fait des dizaines de blessés parmi lesquels se trouvent quatre enfants. A toutes ces actions, le Conseil n'a jamais réagi, a regretté le représentant en donnant raison au Secrétaire général d'avoir souligné dans son rapport d'activités des Nations Unies que les mesures de recours à la force sans autorisation du Conseil constituent une menace pour le système de sécurité collective, consacré par la Charte des Nations Unies.

Ces faits, a poursuivi le représentant, montrent l'importance qu'il y a à réformer le Conseil et à faire qu'il exprime enfin la volonté de tous les Membres des Nations Unies, conformément au mandat conféré par la Charte. Le Conseil doit être élargi et comprendre en son sein des pays en développement. Il doit aussi réformer ses méthodes de travail, en particulier en ce qui concerne la prise de décision. Le représentant a aussi jugé utile que l'Assemblée générale et la Cour internationale de justice aient le droit de tenir le Conseil de sécurité responsable de résolutions qui s'écartent des dispositions de la Charte.

La prévention des conflits, a encore dit le représentant, exige une politique internationale juste et équilibrée qui réduit le niveau de tension sociale et fait de chacun un partenaire dans l'économie mondiale. Cela doit s'accompagner de la promotion des droits et des libertés fondamentales, a estimé le représentant. Le Conseil de sécurité doit assumer son rôle et rejeter l'ancien principe fondé sur des alliances militaires. Il doit au contraire encourager les avantages mutuels, la confiance et la coopération. Pour cela, la communauté internationale doit continuer à travailler au désarmement et en tant que membres du "club nucléaire", les Etats Membres permanents du Conseil ont une responsabilité particulière. Le représentant a conclu sur la question de l'intervention humanitaire à laquelle il s'est opposé en arguant de l'absence de cette notion dans la Charte des Nations Unies et dans le droit international. Pour lui, la prévention des conflits doit s'intégrer dans un débat plus général sur un nouvel ordre économique et politique qui rejette l'hégémonie d'une seule superpuissance et les alliances militaires et encourage l'union du Nord et du Sud dans une cause commune de développement économique et social et du respect de la Charte des Nations Unies.

M. IVAN SIMONOVIC (Croatie) a déclaré qu'un examen même superficiel des multiples zones de conflits et d'après-conflits au cours de cette décennie, en Afrique et en Europe, montre clairement que des actions préventives sont nécessaires non seulement avant l'éclatement des crises, mais aussi après leur déroulement. L'engagement doit être total, en prenant en compte à la fois des aspects sociaux, économiques, culturels et humanitaires, qui sont, chacun, importants et qui, s'ils ne sont pas traités, risquent de provoquer ou de raviver de nouvelles flambées de violence. Notre région, a dit le représentant, a vécu deux exemples qui illustrent ce raisonnement. Le premier vient de la question du partage de l'ex-Yougoslavie, la République fédérale de Yougoslavie refusant toujours, huit ans après, de reconnaître les frontières délimitées après l'éclatement de la fédération, et de reconnaître l'égalité en droits des différents Etats issus de cette partition. Le deuxième exemple que nous voudrions citer vient, quant à lui, de la question de Prevlaka. Après huit résolutions du Conseil de sécurité et huit extensions du mandat de la Mission d'observation des Nations Unies (MONUP), cette question demeure sans réponse, du fait de l'absence de moyens de mise en oeuvre du droit international.

Les questions de la loi et de la justice, a poursuivi M. Simonovic, doivent être au centre des interventions avant et après les conflits. Des tribunaux internationaux ont été créés pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie, en vue de poursuivre et de juger les criminels de guerre et tous les assassins, le but étant de mettre fin à la culture d'impunité et de promouvoir la réconciliation dans les zones en conflit. La prévention des conflits armés exige un sérieux engagement en faveur de la démystification de l'histoire, et cet engagement peut se nourrir des investissements faits par la communauté internationale pour la reconstruction, la croissance économique, le développement, la bonne gouvernance et la participation de la société civile à la gestion des pays et des zones en crise. A cet égard, la Croatie soutient un plus grand rôle du Conseil économique et social dans la promotion de la culture de prévention des conflits. Nous proposons donc que le Conseil de sécurité et ses membres nouent des relations de travail plus solides avec l'ECOSOC.

M. DANILO TURK (Slovénie) a déclaré que du point de vue normatif, la prévention des conflits armés représente réellement la raison d'être des Nations Unies. Toutefois, analysés dans une perspective historique, il s'est très vite avéré que les attentes normatives et le potentiel politique de l'Organisation ne suffisaient pas. La dernière décennie a été le témoin de l'inaction, de la prudence excessive et des blocages résultant de la primauté accordée aux intérêts nationaux à court terme. La période de la guerre froide a établi, en effet, une série de contraintes qui ont largement compromis l'action préventive des Nations Unies. Il n'est donc pas surprenant que dans l'Agenda pour la paix, qui a lancé l'ère de l'après-guerre froide, le Secrétaire général ait souligné l'importance de la diplomatie préventive. Malheureusement, les reculs graves, qui ont affecté le travail des Nations Unies lors de la première moitié de cette décennie, ont également diminué les espoirs et le potentiel de l'action préventive. Aujourd'hui, le projet de déclaration que le Conseil de sécurité est sur le point d'adopter reflète la volonté de cet organe d'établir une plate-forme complète et viable de l'action future. Le premier aspect de cette plate-forme montre la reconnaissance claire que les stratégies et les actions préventives doivent être menées par tous les organes et institutions des Nations Unies. Le succès de la communauté internationale en la matière, dépendra en effet de sa capacité à résoudre de manière effective le large éventail des causes des conflits militaires.

Le deuxième aspect de la plate-forme concerne plus particulièrement le travail du Conseil de sécurité auquel il incombe la responsabilité spéciale de prévenir les conflits. Il doit être bien compris que les pouvoirs du Conseil sont souvent utilisés dans des situations de conflits imminents, c'est-à-dire à un point sensible et risqué. A ce point, les Etats et autres parties concernées se montrent souvent réticents à accepter une intervention du Conseil de sécurité en avançant parfois, de manière irrationnelle,

le principe de la souveraineté nationale. Les exemples de la Mission préventive des Nations Unies en ex-République yougoslave de Macédoine et de la Mission du Conseil de sécurité qui s'est rendue en septembre dernier à Jakarta et à Dili démontrent le bien-fondé d'un rôle plus actif du Conseil de sécurité dans la prévention des conflits. La question de savoir quelle dimension doit avoir ce rôle est de toute évidence très sensible. Le représentant a donc suggéré au Conseil d'examiner soigneusement la distribution des rôles entre lui-même, le Secrétaire général et les organisations régionales. Le Conseil ne gagnerait pas en pertinence s'il abandonnait son rôle véritable aux autres. Une approche équilibrée est nécessaire, a conclu le représentant, en suggérant que le Conseil recherche une telle approche en gardant à l'esprit ses propres responsabilités telles que définies par la Charte des Nations Unies ainsi que la nécessité d'assumer son rôle central par des décisions sages.

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