SG/SM/6057

LE SECRETAIRE GENERAL DEPLORE QUE L'OPINION PUBLIQUE SOIT PRIVEE D'UNE INFORMATION APPROFONDIE SUR LES QUESTIONS INTERNATIONALES

20 septembre 1996


Communiqué de Presse
SG/SM/6057


LE SECRETAIRE GENERAL DEPLORE QUE L'OPINION PUBLIQUE SOIT PRIVEE D'UNE INFORMATION APPROFONDIE SUR LES QUESTIONS INTERNATIONALES

19960920 Les progrès de la technologie n'ont guère contribué à améliorer la compréhension internationale

On trouvera ci-après le texte d'une allocution prononcée le 17 septembre au Siège par M. Boutros Boutros-Ghali, Secrétaire général, à l'occasion d'un déjeuner en l'honneur des boursiers Dag Hammarskjöld :

"Je voudrais parler d'un thème dont je suis sûr qu'il nous préoccupe tous, qui est celui du désintérêt pour l'actualité internationale. À l'époque de la guerre froide, il semblait que les événements même les plus minimes et les plus distants avaient leur importance. La menace d'une guerre nucléaire mondiale poussait les médias à s'y intéresser. Après ces années dangereuses, il était naturel que les peuples veuillent se recentrer sur leurs préoccupations nationales.

Toutefois, il y a là un grave appauvrissement. Aujourd'hui, les correspondants et bureaux de presse à l'étranger sont beaucoup moins nombreux. Les éditeurs et les rédacteurs en chef disent qu'ils n'en ont plus les moyens, que le public ne s'intéresse pas beaucoup à ce qui se passe ailleurs dans le monde.

Bien sûr, nous continuons de recevoir beaucoup de nouvelles internationales. Mais bien trop souvent, l'actualité internationale se limite aux événements les plus dramatiques ou les plus horribles. Ceux-ci peuvent encore susciter un grand intérêt et enflammer l'opinion publique. Mais lorsque l'actualité internationale n'est plus traitée systématiquement, ces grands événements sont présentés hors de tout contexte. Si l'on ne suit pas d'une façon régulière une question ou ce qui se passe dans une région donnée, il est extrêmement difficile d'apprécier ou de comprendre les nouvelles qui font la une.

En conséquence, l'opinion publique peut être amenée à réclamer des mesures qui ne sont pas nécessairement judicieuses. Puis, aussi soudainement qu'il avait monopolisé l'attention, l'événement est oublié. Dans ces conditions, même les citoyens qui sont déterminés à se tenir informés de l'évolution des affaires mondiales ont parfois du mal à le faire.

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Nous vivons un étrange paradoxe. À une époque de mondialisation sans précédent dans l'histoire de l'humanité, l'homme de la rue a en fait une moins bonne connaissance des affaires sérieuses du monde. L'information est multipliée, mais la connaissance s'appauvrit. Nos concitoyens sont plus conscients de l'existence du reste du monde, mais se sentent moins concernés.

Les extraordinaires réseaux de télévision mondiaux dont nous disposons peuvent aider à lutter contre cette évolution. Mais très souvent, ils servent moins à transmettre une information solide et détaillée sur les affaires internationales qu'à alimenter les pays en développement en images venues des pays les plus développés, dans un mouvement à sens unique. Ils peuvent nous familiariser avec d'autres peuples ou d'autres parties du monde en diffusant des magazines, mais ne couvrent pas de façon suivie l'actualité sérieuse.

Les progrès techniques, diffusion par satellite et par câble, Internet, restent en grande partie confinés au monde développé. Ils ne nous aident pas beaucoup à comprendre les problèmes et les difficultés des pays en développement. La révolution des télécommunications a déjà eu des répercussions profondes sur tous les aspects de notre vie. Pourtant, aujourd'hui, nous risquons bel et bien de laisser passer l'occasion de créer une véritable société de communication et de compréhension à l'échelle mondiale.

L'Organisation des Nations Unies subit cette situation. Installés dans ce qui est peut-être la capitale médiatique du monde, nous devons nous battre tous les jours pour que notre message soit entendu et transmis de façon impartiale et exacte. En tant que journalistes, vous devez vous battre tous les jours pour faire passer des articles et des reportages sérieux et éviter que les médias ne soient envahis par des futilités et des sujets distrayants. Malheureusement, il semble que ce combat, nous soyons, vous et nous, en train de le perdre, ce qui aura de graves conséquences. Cela ne peut avoir que des effets négatifs sur la diplomatie et les relations internationales.

Je sais bien que les organes de presse ne peuvent pas couvrir toutes les questions ou toutes les nuances de l'opinion. Quoi qu'il en soit, la démocratie et la diplomatie sont desservies par le déclin de la couverture des événements internationaux, et le public est tout simplement privé du suivi et de l'analyse systématiques et approfondies auxquels il a droit et qu'il exige. Je sais bien qu'en tant que journalistes, vous devez souvent mener une lutte épuisante pour surmonter la résistance ou l'indifférence que les médias opposent aux importantes nouvelles que vous avez à communiquer.

Je ne prêche pas le retour à un mythique âge d'or du journalisme. Notre tâche est de faire tout notre possible pour convaincre le public et les éditeurs que nous vivons une époque qui exige une connaissance allant au-delà de l'immédiat et du sensationnel. Si nous y parvenons, nous pourrons espérer remédier au déséquilibre entre le nord et le sud en ce qui concerne la couverture de l'actualité. Nous pouvons contribuer à donner naissance à la société informée, engagée et attentive dont le XXIe siècle aura besoin."

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