Moyen-Orient: face à l’aggravation continue de la situation, les membres du Conseil de sécurité réfléchissent à des mesures concrètes pour mener à la paix
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« Il n’est jamais trop tard pour la paix », a lancé M. David Lammy, Secrétaire d’État aux affaires étrangères, au Commonwealth et au développement du Royaume-Uni, qui présidait ce matin une séance du Conseil de sécurité axée sur les moyens de mettre fin à la guerre au Moyen-Orient. Il n’est jamais trop tard, mais la région, « après plus d’un an de guerre et de sang versé », fait face à une « sinistre croisée des chemins », a insisté M. Tor Wennesland, Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, avertissant que les événements en cours « se répercuteront sur plusieurs générations et façonneront la région d’une manière que nous ne pouvons pas encore totalement appréhender ». Forcées de constater « l’échec du Conseil à faire respecter ses propres résolutions », comme l’a souligné l’Algérie, parmi d’autres, de nombreuses délégations ont réitéré leurs appels à la mise en place de « mesures concrètes ».
Après un rapide panorama de ce conflit protéiforme impliquant de nombreux acteurs étatiques ou non étatiques, le Coordonnateur spécial a décrit le « cauchemar humanitaire » en cours à Gaza, particulièrement dans le nord où des zones entières sont devenues inhabitables et où les opérations militaires israéliennes se font au mépris apparent du droit humanitaire international. Et alors que l’hiver commence et que l’ONU et ses partenaires s’efforcent d’apporter une aide vitale, leurs efforts sont entravés par des restrictions d’accès, par des attaques ciblant les humanitaires et par le pillage systématique de l’aide par des groupes armés, a regretté M. Wennesland. « Les conditions actuelles figurent parmi les pires que nous n’ayons jamais observées », s’est-il ému.
Le tableau en Cisjordanie occupée n’est guère plus optimiste, a-t-il observé, notant une intensification des opérations militaires israéliennes dans les villes palestiniennes, tandis que la violence des colons envers les populations locales demeure omniprésente. En parallèle, l’expansion des colonies israéliennes se poursuit à un rythme effréné, certains ministres israéliens appelant même à une annexion pure et simple de la Cisjordanie dans les mois à venir. Ces mesures, combinées aux législations israéliennes contre l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), aggravent la crise institutionnelle et financière de l’Autorité palestinienne et menacent de plonger le territoire palestinien occupé dans un chaos encore plus grand.
Les soutiens - humanitaire et militaire
La situation humanitaire est « tout simplement intolérable », a abondé le Secrétaire d’État britannique, rappelant qu’en octobre, seulement 37 camions humanitaires ont pu entrer quotidiennement dans la bande de Gaza, le chiffre le plus bas de l’année. « Le nord de Gaza est devenu un cauchemar de maladies, de destruction et de désespoir », a-t-il précisé, ajoutant que plus de 300 travailleurs humanitaires ont perdu la vie — le nombre le plus élevé dans l’histoire des Nations Unies. Regrettant l’échec des efforts internationaux pour instaurer un cessez-le-feu à Gaza et au Liban, M. Lamy a néanmoins réaffirmé son engagement indéfectible à mettre fin à cette guerre. Il a en outre annoncé que le Royaume-Uni reprenait son financement à l’UNRWA, et a apporté son soutien à la mise en œuvre du rapport Colonna sur la réforme de l’agence onusienne.
Les États-Unis, quant à eux, se sont dits déterminés à éviter une guerre régionale, affichant un soutien « sans faille » à la sécurité d’Israël et réitérant leur volonté de contrer les supplétifs de l’Iran. Ils ont toutefois admis que leur soutien militaire à Israël ne suffirait pas, à lui seul, à résoudre ce conflit, et ont donc appelé à la poursuite d’une solution diplomatique. En ce qui concerne l’acheminent de l’aide humanitaire à Gaza, les États-Unis ont noté que leur allié n’a mis en œuvre que 12 des 15 mesures humanitaires suggérées et lui ont demandé davantage d’efforts en ce sens.
Le Conseil de sécurité doit agir
Regrettant l’impuissance de la communauté internationale, la Fédération de Russie a, pour sa part, pointé la responsabilité des États-Unis et du Royaume-Uni, qui continuent à fournir à Israël un soutien militaire et une couverture politique, véritable « permis de tuer » et parfait exemple du « deux poids, deux mesures » dans l’application du droit international. Puis elle a salué la « position courageuse » du Guyana et des 10 membres non permanents du Conseil de sécurité, surnommés les E10, qui ont rédigé un projet de résolution exigeant un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et permanent à Gaza. « Certes, une telle résolution arrive trop tard pour 43 000 Palestiniens tués, mais mieux vaut tard que jamais », a affirmé la Russie, qualifiant le vote prochain —peut-être demain— de cette résolution « d’heure de vérité pour le tandem anglo-saxon au Conseil de sécurité ».
La Chine est allée dans le même sens, regrettant l’aggravation de la situation en dépit de tous les efforts faits depuis plus d’un an, et estimant que l’incapacité du Conseil à s’acquitter de ses fonctions n’était pas dû à des « divergences de vues » mais plutôt à l’action d’un de ses membres permanents. « Si les États-Unis n’avaient pas constamment mis leur veto aux résolutions et fourni des armes à Israël, la situation actuelle ne serait pas aussi précaire au Moyen-Orient », a ainsi cinglé la délégation chinoise.
Le Liban demande un fonds de l’ONU
Les intervenants n’ont pas manqué de s’inquiéter aussi pour le Liban, la France, notamment, appelant à une cessation rapide des hostilités et à la mise en œuvre complète de la résolution 1701 (2006). Ce cadre, approuvé par le Conseil, est à son avis essentiel pour garantir la sécurité et la souveraineté du Liban et d’Israël. Exprimant son soutien total à la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), elle a également rappelé l’importance du déploiement des forces armées libanaises au sud du fleuve Litani, notant que la conférence de Paris du 24 octobre a permis de mobiliser 200 millions de dollars pour soutenir ces efforts.
Le Liban, quant à lui, a dénoncé la « campagne de terre brûlée » menée par Israël, qui a entraîné la destruction de nombreux bâtiments civils, tandis que plus de 14 000 personnes ont été tuées ou blessées. Avec des pertes estimées à 4,5 milliards de dollars, le Liban, déjà affaibli par les crises successives, a demandé la création d’un fonds supervisé par l’ONU pour aider à sa reconstruction.
Justice souhaitée par toutes les parties
Puis s’exprimant au nom du Groupe des États arabes, le délégué libanais a exhorté le Conseil à mettre un terme aux exactions d’Israël et à lui imposer des sanctions pour éviter l’escalade. Enfin, il a exigé qu’Israël rende des comptes pour ses « innombrables crimes ». Une exigence exprimée aussi par le Vice-Ministre des affaires étrangères et européennes de la Slovénie, M. Marko Štucin, qui a insisté pour que soit protégée l’indépendance des juridictions internationales —Cour internationale de Justice (CIJ) et Cour pénale internationale (CPI)—, essentielles pour garantir la responsabilité des auteurs de crimes.
Israël, de son côté, a posé comme préalable le retrait du Hezbollah et le rétablissement de la souveraineté libanaise dans le sud du Liban, afin de permettre aux 70 000 Israéliens déplacés de rentrer chez eux. Il a, par ailleurs, dénoncé le détournement de l’aide humanitaire à Gaza par le Hamas, avec la complicité de l’UNRWA. « Ne savez-vous pas que les idéaux nobles de l’ONU sont foulés aux pieds? » a demandé le délégué israélien, encourageant l’Organisation à « s’occuper de son propre jardin avant de regarder dans celui du voisin ». Jurant qu’il se battrait jusqu’au bout pour les otages encore détenus à Gaza, il a réitéré ses condamnations de l’Iran, qui finance les groupes terroristes et menace la stabilité mondiale avec son programme nucléaire.
Avant tout, un cessez-le-feu
Depuis 408 jours, a rappelé l’État de Palestine, 2 millions de Gazaouites « survivent dans des conditions inhumaines, sont déplacés, affamés et exposés à une violence incessante ». Le délégué palestinien a appelé à un cessez-le-feu immédiat et sans condition à Gaza, à sa reconnaissance comme membre à part entière des Nations Unies, à l’arrêt des colonisations en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, et à l’engagement vers une coexistence pacifique. « Un autre chemin que la guerre est possible, mais il exige une volonté politique forte et immédiate », a martelé le délégué palestinien.
La coopération de la communauté internationale
Le Ministre d’État aux affaires étrangères du Japon, M. Fujii Hisayuki, a lui aussi dénoncé la colonisation de la Cisjordanie et mis en avant l’initiative « Corridor pour la paix et la prospérité », qui vise à promouvoir la coopération régionale en établissant un parc agro-industriel en Cisjordanie et en facilitant le transport des marchandises. De son côté, M. Ignazio Cassis, Conseiller fédéral et Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, a salué les efforts conjoints des 94 États et organisations internationales réunis récemment à Riyad, confirmant la participation de son pays à la prochaine conférence de Bruxelles et son engagement pour renforcer et réformer l’Autorité palestinienne par des mesures juridiques, politiques et économiques.
En guise de feuille de route, le Coordonnateur spécial a réaffirmé certains principes fondamentaux. Gaza, a-t-il insisté, doit rester une partie intégrante d’un futur État palestinien, sans réduction de territoire ni rétablissement de colonies israéliennes. La population déplacée doit être autorisée à rentrer chez elle, et tout effort de reconstruction doit être intégré dans une approche politique visant une solution durable. Il a également souligné que Gaza et la Cisjordanie doivent être politiquement unifiées sous un gouvernement palestinien reconnu et soutenu à la fois par les Palestiniens eux-mêmes et par la communauté internationale. « Si les parties ne peuvent trouver un chemin pour sortir de cette guerre perpétuelle, alors il revient à la communauté internationale de définir la voie à suivre », a conclu M. Wennesland.
Du fait du grand nombre d’orateurs, la réunion a été suspendue et se terminera demain, mardi 19 novembre, à partir de 16 h 30.
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LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Exposé
M. TOR WENNESLAND, Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, a présenté devant le Conseil de sécurité un tableau alarmant de la situation dans la région qui, « après plus d’un an de guerre et de sang versé, est à une sombre croisée des chemins ». Après avoir dressé un rapide panorama de ce conflit protéiforme et impliquant de nombreux acteurs (Israël, Palestine, Liban, Iran, Yémen, Syrie, Iraq), M. Wennesland a jugé que « ces événements se répercuteront sur plusieurs générations et façonneront la région d’une manière que nous ne pouvons pas encore totalement appréhender ».
Alors que l’hiver commence, le Coordonnateur spécial a ensuite fait état d’un cauchemar humanitaire à Gaza, en particulier dans le nord de la bande, où des zones entières sont devenues inhabitables et où les opérations militaires israéliennes se font au mépris apparent du droit humanitaire international. Alors que l’ONU et ses partenaires s’efforcent d’apporter une aide vitale, leurs efforts sont entravés par des restrictions d’accès, par des attaques ciblant les humanitaires et par le pillage systématique de l’aide par des groupes armés. « Les conditions actuelles figurent parmi les pires que nous n’ayons jamais observées », a-t-il ajouté.
Le tableau en Cisjordanie occupée n’est guère plus optimiste. M. Wennesland a observé une intensification des opérations militaires israéliennes dans les villes palestiniennes, souvent accompagnées d’affrontements armés, tandis que la violence des colons contre les Palestiniens reste omniprésente. Ces dynamiques contribuent à une spirale de désespoir et de violence, où les civils continuent de payer le prix ultime, a-t-il déploré. Parallèlement, l’expansion des colonies israéliennes se poursuit à un rythme effréné, avec des appels explicites de ministres israéliens à une annexion formelle de la Cisjordanie dans les mois à venir. Ces mesures aggravent la crise institutionnelle et financière de l’Autorité palestinienne, et, combinées aux législations israéliennes contre l’UNRWA, menacent de plonger le territoire palestinien occupé dans un chaos encore plus grand, s’est inquiété le Coordonnateur spécial.
« Combien de souffrances supplémentaires pouvons-nous imposer à ces populations? Quel plus grand fardeau pouvons-nous imposer aux humanitaires pour qu’ils s’acquittent de leur tâche? Jusqu’à quel point pouvons-nous tester les limites du droit international et des institutions censées protéger les civils? » a-t-il interrogé. Selon lui, ni la résistance armée ni une solution militaire ne pourront assurer la sécurité d’Israël ou répondre aux aspirations légitimes des Palestiniens à l’autodétermination. Il a ainsi appelé à un cessez-le-feu immédiat, à la libération des otages à Gaza, et à une intensification des efforts diplomatiques pour désamorcer les tensions régionales, notamment au Liban, où il a exhorté à une application intégrale de la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité.
Le Coordonnateur spécial a également réaffirmé des principes fondamentaux pour résoudre le conflit. Gaza, a-t-il insisté, doit rester une partie intégrante d’un futur État palestinien, sans réduction de territoire ni rétablissement de colonies israéliennes. La population déplacée doit être autorisée à rentrer chez elle, et tout effort de reconstruction doit être intégré dans une approche politique visant une solution durable. Il a également souligné que Gaza et la Cisjordanie doivent être politiquement unifiées sous un gouvernement palestinien reconnu et soutenu à la fois par les Palestiniens eux-mêmes et par la communauté internationale. « Si les parties ne peuvent trouver un chemin pour sortir de cette guerre perpétuelle, alors il revient à la communauté internationale de définir la voie à suivre », a conclu M. Wennesland.